JORF n°153 du 4 juillet 2007

Décision n°2007-0128 du 5 avril 2007

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») ;

Vu la recommandation (2005/698/CE) de la commission des Communautés européennes du 19 septembre 2005 concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts au titre du cadre réglementaire pour les communications électroniques ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles L. 32-1, L. 36-7, L. 37-1 à L. 38-3, D. 98-11 et D. 301 à D. 315 ;

Vu l'arrêté modifié relatif à la Société française du radiotéléphone (ci-après SFR), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 403 106 537, et dont le siège social est situé 42, avenue de Friedland, à Paris, en date du 25 mars 1991 portant autorisation d'extension dans la bande des 900 MHz d'un réseau de radiotéléphonie publique pour l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F2 (« autorisation SFR ») ;

Vu l'arrêté modifié relatif à la société Bouygues Telecom (ci-après « Bouygues Telecom »), immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 379 480 930 RCS Versailles, et dont le siège social est situé au 21, quai du Point-du-Jour, 92640 Boulogne-Billancourt, en date du 8 décembre 1994 portant autorisation d'établissement d'un réseau radioélectrique ouvert au public en vue de l'exploitation d'un service de communication personnelle DCS F3 (« autorisation Bouygues Telecom ») ;

Vu l'arrêté modifié relatif à la société Orange France (ci-après « Orange France »), société immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 428 706 097 RCS Nanterre, et dont le siège social est situé au 1, avenue Nelson-Mandela, 94745 Arcueil Cedex, en date du 17 août 2000 autorisant la société France Télécom Mobile SA à établir un réseau radioélectrique ouvert au public en vue de l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F1 fonctionnant dans les bandes des 900 MHz et des 1800 MHz (« autorisation Orange France ») ;

Vu l'arrêté du 18 juillet 2001 autorisant la société Orange France à établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public (« autorisation Orange France - UMTS ») ;

Vu l'arrêté du 18 juillet 2001 autorisant la Société française du radiotéléphone à établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public (« autorisation SFR - UMTS ») ;

Vu l'arrêté du 3 décembre 2002 autorisant la société Bouygues Telecom à établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public (« autorisation Bouygues Telecom - UMTS ») ;

Vu l'avis n° 2004-445 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 19 mai 2004 sur le projet d'arrêté relatif à la nomenclature des recettes et des coûts alloués à l'activité de téléphonie mobile de troisième génération ;

Vu l'arrêté du 10 juin 2004 relatif à la nomenclature des recettes et des coûts alloués à l'activité de téléphonie mobile de troisième génération, et ses annexes ;

Vu la décision n° 2001-458 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 11 mai 2001 portant adoption de lignes directrices relatives aux conditions tarifaires d'interconnexion des opérateurs mobiles puissants sur le marché national de l'interconnexion ;

Vu la décision n° 2004-936 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 9 décembre 2004 portant sur la détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles en métropole ;

Vu la décision n° 2004-937 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative de la société Orange France sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision n° 2004-938 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative de la Société française du radiotéléphone sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision n° 2004-939 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative de la société Bouygues Telecom sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision n° 2005-0960 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 8 décembre 2005 portant sur la spécification des obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable, imposées à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone, à la société Bouygues Telecom, à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif ;

Vu la décision n° 2006-0206 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 9 février 2006 fixant le taux de rémunération du capital pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des opérateurs mobiles pour les années 2006 et 2007 ;

Vu la décision n° 2006-0593 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 juillet 2006 portant sur la définition des marchés pertinents de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles en métropole, la désignation d'opérateur disposant d'influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision n° 2006-0779 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 14 septembre 2006 portant sur l'encadrement tarifaire des tarifs de terminaison d'appel vocal « directe » pour l'année 2007 de la société Orange France, de la Société française du radiotéléphone et de la société Bouygues Telecom en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif ;

Vu les décisions n° 2006-1083 à 2006-1085 de l'Autorité de régulation des communications électroniques en date du 26 octobre 2006 relatives à la publication, pour l'année 2004, des attestations de conformité aux états de coûts et de revenus établis par Orange France, SFR et Bouygues Telecom dans le cadre de leurs obligations réglementaires ;

Vu les décisions n° 2006-1086 à 2006-1088 en date du 26 octobre 2006 de l'Autorité de régulation des communications électroniques relatives à la publication, pour l'année 2005, des attestations de conformité aux états de coûts et de revenus établis par Orange France, SFR et Bouygues Telecom dans le cadre de leurs obligation réglementaires ;

Vu la décision n° 2006-1007 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 7 décembre 2006 portant sur les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable, imposées à France Télécom ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision portant sur la spécification des obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable, imposées à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone et à la société Bouygues Telecom en raison de leur influence significative sur les marchés de gros des terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS) sur leur réseau respectif, lancée le 9 février 2007 et clôturée le 9 mars 2007 ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision portant sur la spécification des obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable, imposées à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros des terminaisons d'appels mobiles (voix) sur leur réseau respectif, lancée le 9 février 2007 et clôturée le 9 mars 2007 ;

Vu les réponses à ces consultations publiques ;

Vu la notification relative aux projets de décisions portant sur la spécification des obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable, imposées à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone, à la société Bouygues Telecom, à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros des terminaisons d'appels mobiles (voix et/ou SMS) sur leur réseau respectif à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la communauté européenne en date du 9 février 2007 ;

Vu les observations de la Commission européenne en date du 8 mars 2007 ;

Après en avoir délibéré le 5 avril 2007,

I. - CONTEXTE

Dans sa décision n° 2005-0960 susvisée en date du 8 décembre 2005, l'Autorité a précisé les obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable imposées à Orange France, SFR et Bouygues Telecom en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif (cf. décisions n° 2004-0937 à 2004-0939).
Cette décision doit aujourd'hui être amendée pour deux raisons essentielles.
- d'une part, la décision n° 2005-0960 ne définit pas de manière suffisamment précise les règles de comptabilisation des coûts applicables aux services SMS, ni ne prévoit de fiches de restitution spécifiques des états de coûts et de revenus relatifs à ces services. Or, dans sa décision n° 2006-0593 susvisée en date du 27 juillet 2006, l'Autorité a imposé aux opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom, après les avoir désignés comme disposant d'une influence significative sur le marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur chacun de leurs réseaux respectifs, plusieurs obligations, dont « une obligation de séparation comptable et [...] une obligation relative à la comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux offres d'interconnexion SMS. Les modalités de ces obligations, et notamment les spécifications du système de comptabilisation des coûts, les méthodes de valorisation et les règles d'allocation des coûts, ainsi que les spécifications des obligations de restitution des coûts, seront définies par une décision ultérieure de l'Autorité » ;
- d'autre part, les exercices d'audit des états de coûts et de revenus des opérateurs mobiles de métropole, dont la décision n° 2005-0960 a spécifié le calendrier et qui ont été menés en 2006 pour les années 2004 et 2005 (cf. décisions n°s 2006-1083 à 2006-1088 en date du 24 octobre 2006), ont révélé que des différences d'allocation portant sur certains points spécifiques de la décision n° 2005-0960 susvisée pouvaient encore subsister d'un opérateur à l'autre.
Ainsi, la présente décision a pour objet d'amender la décision n° 2005-0960 spécifiant les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts afin, d'une part, de clarifier ou d'amender des points déjà spécifiés, et, d'autre part, de préciser les modalités d'application de l'obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts relatifs aux services SMS imposée aux opérateurs mobiles susmentionnés.

II. - RAPPEL DU CADRE RÉGLEMENTAIRE ET JURIDIQUE
II-1. Le cadre réglementaire

La comptabilisation des coûts et la séparation comptable apparaissent comme deux obligations distinctes, respectivement dans les articles 13 et 11 de la directive « accès ». La comptabilisation des coûts fait partie du cadre des obligations relatives au contrôle des prix et se décline à ce titre selon plusieurs axes, notamment les obligations liées à la récupération des coûts et au reflet des coûts. La séparation comptable vise notamment à la vérification du respect de l'obligation de non-discrimination (art. 10 de la directive « accès »), et à la prévention de subventions croisées abusives.
La Commission européenne a publié une recommandation concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts ([2005/698/CE], JOCE du 19 septembre 2005) qui précise les objectifs et la mise en oeuvre de ces deux obligations. Elle offre notamment des lignes directrices de définition et d'application des principes et des méthodologies à considérer dans le cadre des obligations comptables et insiste sur la transparence nécessaire sur l'ensemble des spécifications des dispositifs.
L'article L. 38 (5°) du code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE) prévoit, au titre des obligations imposées en matière d'interconnexion et d'accès à l'issue des procédures d'analyses de marché, d'imposer aux opérateurs désignés comme disposant d'une influence significative, des obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts dans les termes suivants : « Isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilisation des services et activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article [...] ». Les obligations comptables doivent ainsi permettre de vérifier en particulier le respect de l'obligation de non-discrimination dans la fourniture de prestations d'interconnexion ou d'accès, et des obligations de ne pas pratiquer des tarifs excessifs ou d'éviction et de pratiquer des tarifs reflétant les coûts, lorsque ces obligations sont imposées.
Les modalités d'application de l'article L. 38 (5°), relatif à la séparation comptable et à la comptabilisation des coûts, sont explicitées à l'article D. 312 du CPCE (1). Par ailleurs, si l'opérateur se voit également imposer des obligations de contrôle tarifaire, l'article D. 311 du code dispose que l'ARCEP est compétente pour préciser les mécanismes de recouvrement des coûts, ainsi que les méthodes de tarification et de comptabilisation des coûts.
Plus généralement, l'alinéa 2° c de l'article D. 98-11 du CPCE prévoit que : « 2. A la demande de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou, pour les informations mentionnées au b, le cas échéant, selon une périodicité qu'elle définit, l'opérateur communique à l'Autorité les informations nécessaires :
c) Pour vérifier le respect des obligations qui lui sont imposées, le cas échéant, en application des articles D. 306 à D. 315 et D. 369 à D. 377, notamment les informations financières ou comptables, y compris les données de coût, ainsi que les conventions, contrats ou accords le liant aux autres opérateurs ou à ses partenaires, filiales, services ou clients. »

II-2. Les objectifs des obligations comptables

Le cadre réglementaire français éclairé par le cadre communautaire fait apparaître une déclinaison en trois volets des obligations comptables.
Le premier volet s'attache aux méthodes de comptabilisation des coûts (art. D. 311 et D. 312 du CPCE).
Un système de comptabilisation des coûts est un dispositif qui permet l'attribution des coûts, des revenus et du capital employé à chaque activité et service offerts sur le marché considéré. L'Autorité est compétente pour, le cas échéant, définir les spécifications du système de comptabilisation des coûts imposé au titre de la régulation des marchés.
Le format des restitutions comptables produites par le système de comptabilisation des coûts est défini par l'Autorité, et le degré de détail de ces restitutions est déterminé en fonction des objectifs de régulation, notamment le respect des obligations de non-discrimination et de reflet des coûts correspondants lors du contrôle tarifaire.
Les méthodes de valorisation et d'allocation des coûts utilisées dans la préparation des restitutions du système de comptabilisation des coûts doivent par ailleurs satisfaire les principes d'efficacité, de non-discrimination et de pertinence.
Le taux de rémunération du capital appliqué est déterminé par l'Autorité. Conformément à la décision n° 2006-0206 susvisée en date du 9 février 2006, il s'élève à 12,4 % pour les années 2006 et 2007.
Cette obligation de tenir un système de comptabilisation des coûts réglementaires est notamment utilisée à des fins de séparation comptable et s'applique sur un périmètre large correspondant à l'ensemble des activités de l'entreprise. Au-delà des données comptables de la société concernée, il convient en particulier d'apprécier la pertinence des niveaux de charges relatives aux prestations (biens ou services) fournies à cet opérateur, notamment pour tout ce qui concerne les prestations qui lui seraient fournies par la ou les sociétés tierces répondant à l'un des deux critères suivants :
- société exerçant un contrôle direct ou indirect sur l'opérateur, ou
- société contrôlée directement ou indirectement par l'opérateur ou par une société exerçant un contrôle sur l'opérateur ;
la notion de contrôle étant entendue au sens de l'article L. 233-16 - II du code de commerce
Le besoin d'apprécier la pertinence des charges se limite aux prestations intervenant dans la fourniture des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS) et dont les charges correspondantes sont déversées dans la rubrique « Activités de production ».
Le deuxième volet prévoit la mise en place de l'obligation de séparation comptable (article D. 312), en tant qu'il permet d'établir des « comptes individualisés ».
Afin d'obtenir une vision globale de l'ensemble de ses activités, et en particulier de l'allocation des coûts et ressources entre ces activités, l'opérateur soumis à l'obligation de séparation comptable doit mettre en oeuvre un système de comptes individualisés, dont le nombre, le périmètre et le détail sont établis, en tant que de besoin, par l'Autorité.
Le système de comptes individualisés est alimenté par le système de comptabilisation des coûts ; à ce titre, les méthodes de valorisation et d'allocation des coûts doivent être explicitées, transparentes et respecter les principes d'efficacité, de non-discrimination et de pertinence. En particulier, le système de comptes individualisés permet de retracer les coûts et les revenus de chacune des activités entrant dans le périmètre de l'obligation, le capital employé par ces activités et les fonctions et inducteurs de coûts.
Le troisième volet prévoit également la mise en place de l'obligation de séparation comptable, en tant qu'elle porte sur la transparence des flux internes aux entreprises verticalement intégrées (directive « accès », art. 11, et art. D. 312 [II] du CPCE).
Dans l'optique de garantir le respect de l'obligation de non-discrimination prévue explicitement par le cadre communautaire, l'article L. 38 (5°) du CPCE dispose que les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, l'obligation « d'isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article » dont l'obligation prévue au L. 38 (2°) de « fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ». L'article D. 312-II prévoit que lorsqu'un opérateur est soumis à une obligation de séparation comptable, et que ce dernier « est tenu à une obligation de non-discrimination, il peut être tenu de valoriser aux mêmes prix de cession les installations et équipements de son réseau ou les moyens qui y sont associés, qu'ils soient employés pour fournir des services d'interconnexion et d'accès ou d'autres services ». Ainsi, les méthodes de valorisation des coûts utilisées pour les prestations d'interconnexion ou d'accès auxquelles l'opérateur a recours pour ses propres besoins doivent être les mêmes que celles utilisées pour l'établissement des tarifs de ces prestations à destination d'un opérateur tiers.
De même, au titre de l'obligation de non-discrimination imposée à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché de gros, l'Autorité peut demander la justification des modalités techniques et financières des services d'interconnexion et d'accès que cet opérateur offre à ses propres services, filiales et partenaires (art. D. 309 du CPCE).

III. - SPÉCIFICATION DU SYSTÈME DE COMPTABILISATION DES COÛTS
III-1. Principe

Les spécifications du système de comptabilisation des coûts sont définies par l'Autorité dans l'annexe A de la présente décision. La société Orange France, la Société Française du Radiotéléphone et la société Bouygues Telecom mettent en oeuvre ces spécifications dans le cadre de la restitution réglementaire à l'Autorité pour les exercices comptables relatifs aux années 2006 et 2007 pour ce qui concerne la voix et 2006, 2007 et 2008 pour ce qui concerne le SMS.
Au-delà du respect des règles précisées dans cette annexe par l'Autorité, les opérateurs sont amenés, en l'absence de spécifications, à arrêter des choix, notamment de comptabilisation et d'allocation de coûts. Ces choix peuvent avoir une influence significative sur la restitution réglementaire faite à l'Autorité. Ainsi, les opérateurs transmettent, à l'Autorité, ainsi qu'aux organismes de certification désignés par cette dernière, l'ensemble de leurs choix, notamment de comptabilisation et d'allocation des coûts et des revenus, en les expliquant et en les motivant.
L'Autorité tient à souligner l'existence de deux exercices distincts :
- la comptabilisation des coûts d'une part ;
- la tarification des prestations de terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS) d'autre part.
Le premier exercice consiste en la définition par l'Autorité des méthodes de valorisation des actifs et des règles de comptabilisation de coûts, dans le respect desquelles les comptes réglementaires (incluant des éléments de coûts) doivent lui être restitués.
Dans le cadre du deuxième exercice, l'Autorité prend en compte l'ensemble des éléments restitués, notamment relatifs aux coûts, avant de déterminer l'encadrement tarifaire annuel ou pluriannuel des prestations de terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS). Aussi les spécifications du système de comptabilisation des coûts ne sauraient-elles préjuger des méthodes retenues pour la tarification des prestations de terminaisons d'appels pour une année donnée. S'agissant par exemple de la valorisation des actifs (cf. ci-dessous), ces méthodes peuvent notamment reposer sur un référentiel de coûts historiques ou d'autres référentiels de coûts, ce qui suppose que l'Autorité dispose des éléments nécessaires en termes de restitution (cf. section IV-2).
Dans le cadre de l'exercice de tarification, l'Autorité indique enfin qu'au-delà des restitutions des états de coûts et de revenus dont le format est spécifié en annexe H, annexe I, annexe J, annexe K et annexe L, elle pourra être amenée à prendre en compte d'autres éléments, tels que ceux que les opérateurs sont invités à transmettre dans le document complémentaire aux fiches de restitution des états de coûts et de revenus, spécifié en section A-8.3. Ce document, remis de manière concomitante aux états de coûts et de revenus, couvre notamment les éléments relatifs à l'éventuel traitement par l'opérateur des coûts relatifs au besoin en fonds de roulement.

III-2. Valorisation des actifs
Existence de différentes méthodes de valorisation des actifs

Trois méthodes différentes de celle des coûts historiques sont envisageables :
- la méthode des coûts courants. En comparaison de la méthode des coûts historiques, l'amortissement et le coût du capital sont modifiés pour intégrer les évolutions de prix des actifs, c'est-à-dire à la fois l'inflation et le progrès technique. Le profil des annuités totales et les parts respectives de l'amortissement et du coût du capital, infléchis en conséquence, sont ainsi ajustés pour permettre à l'opérateur de financer régulièrement les renouvellements nécessaires de son réseau ;
- la méthode des annuités économiques. Elle s'inscrit dans la logique précédente de prise en compte des évolutions de prix. Mais elle intègre en outre un principe de lissage des annuités totales au cours du temps, qui deviennent ainsi moins dépendantes des cycles d'investissements. Elle répond dès lors à la fois aux impératifs de financement de l'opérateur et à la volonté du régulateur de limiter l'impact des cycles d'investissements ;
- les coûts de remplacement en filière reposent sur le principe du « make or buy » : cette méthode vise à rendre neutre pour les opérateurs clients la décision de louer l'infrastructure ou de la reconstruire. Elle est proche de la méthode des annuités économiques dans ses fondements ; toutefois, à la différence de celle-ci, elle ne s'applique pas à la chronique des investissements réalisés, mais s'appuie sur une chronique théorique, déduite de la valeur à neuf du réseau.
Les caractéristiques de la méthode de valorisation des actifs recherchées par l'Autorité sont les suivantes :
En premier lieu, il est important que la méthode soit la moins sensible possible aux variations liées aux cycles d'investissement.
En deuxième lieu, les actifs constitutifs des réseaux mobiles, lorsqu'ils correspondent à des investissements récents, sont sujets à des évolutions sensibles de prix d'achat des équipements correspondants et s'avèrent marqués par de forts taux de progrès techniques. Il apparaît important à l'Autorité que la méthode de coûts choisie puisse intégrer ces paramètres.

Pertinence des méthodes de valorisation des actifs
dont celle des coûts historiques

En ce qui concerne la méthode des coûts historiques en vigueur depuis 2001, il se pourrait qu'elle ne soit pas la plus appropriée à l'avenir pour répondre aux objectifs précités, puisqu'en particulier elle ne prend qu'imparfaitement en compte l'évolution des prix.
Les méthodes des coûts courants et des annuités économiques, ainsi que la méthode de coûts de remplacement en filière, ne sont pas nécessairement aujourd'hui les plus appropriées pour la valorisation des actifs intervenant dans la fourniture des prestations de terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS), mais l'Autorité n'écarte pas la possibilité qu'elles puissent le devenir dans le futur.
Ainsi, la méthode des coûts historiques présente aujourd'hui une relative pertinence pour la valorisation d'actifs de réseaux mobiles par rapport aux autres méthodes, notamment car, à la différence d'actifs d'un réseau fixe (comme celui de France Télécom), les actifs de très longue durée et comptablement complètement amortis sont quasi inexistants.

Conclusion

Dans la continuité des décisions n° 2001-0458 et n° 2005-0960 susvisées et en l'état actuel de l'examen de la pertinence des méthodes envisageables de valorisation d'actifs, l'Autorité choisit au titre de la présente décision de maintenir la méthode des coûts historiques pour la restitution des éléments de coûts et de revenus.

IV. - RESTITUTION COMPTABLE
IV-1. Principes généraux

L'Autorité attend des opérateurs qu'ils produisent des résultats issus de leur système de comptabilisation des coûts sous des formats définis par l'Autorité et sur la base de coûts historiques.
Conformément au CPCE, l'Autorité détermine le taux de rémunération du capital que les opérateurs utilisent pour chaque exercice annuel. A défaut d'une révision annuelle, le taux en vigueur correspond au dernier taux arrêté par l'Autorité. A ce jour, l'Autorité a fixé dans sa décision n° 2006-0206 susvisée en date du 9 février 2006 le taux de rémunération à 12,4 %. La méthode de calcul de ce taux spécifié dans la décision susmentionnée tient compte du coût moyen pondéré des capitaux et de celui que supporterait un investisseur dans le secteur des services mobiles de communications électroniques en France.
Conformément à l'article D. 312-II du CPCE précité, l'Autorité peut préciser le nombre et le degré de détail des comptes individualisés. A ce titre, l'Autorité impose notamment aux opérateurs concernés la restitution sous la forme de deux comptes individualisés des coûts historiques relatifs, d'une part, aux prestations vocales, dont celle de terminaison d'appel vocal mobile, et, d'autre part, aux prestations SMS, dont celle de terminaison d'appel SMS.
Au-delà des prestations de terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS), il est nécessaire que l'Autorité puisse apprécier la complétude des coûts, notamment en raison du choix fait d'allouer à chaque prestation les coûts communs (ou indivis) au prorata de tous les autres coûts.
Par ailleurs, l'Autorité impose aux opérateurs la transmission d'états de coûts et de revenus prévisionnels. Ces éléments forment un compte individualisé prévisionnel, qui résulte de la projection sur les années futures des grands agrégats de coûts et de revenus, sur la base d'informations disponibles à la date de constitution de ce compte prévisionnel. Ce dernier ne présente pas le même niveau de détail que le compte individualisé constaté, formé d'éléments de revenus et de coûts historiques. L'opérateur pourra, s'il le souhaite, préciser le degré de fiabilité ou la marge d'erreur portée par le compte prévisionnel transmis à l'Autorité.
Enfin, au sein des comptes individualisés, les opérateurs distinguent les coûts spécifiques au réseau de deuxième génération (2G) de ceux spécifiques au réseau de troisième génération (3G), et des coûts communs à ces deux technologies (2). Cette distinction est cohérente avec la classification des équipements de réseau et moyens de transmission en trois catégories : « spécifique 2G » ; « spécifique 3G » et communs.
L'Autorité tient à souligner que l'imposition d'un degré fin de détail des comptes individualisés voix et SMS, en particulier la restitution séparée des coûts spécifiques 2G et des coûts spécifiques 3G, ne remet pas en cause le principe de neutralité technologique (3). En effet, l'Autorité n'envisage pas d'instaurer une différenciation tarifaire de terminaison d'appel entre la 2G et la 3G, ni d'appliquer des méthodes de valorisation d'actifs différentes selon que ces actifs correspondent au réseau 2G ou au réseau 3G. Néanmoins, dans la mesure où les réseaux 3G vont, durant une phase de montée en charge de quelques semestres, faire apparaître des amortissements pleins pour des volumes de trafic modérés, l'Autorité souhaite disposer d'une visibilité sur l'ampleur de cet effet comptable sur les coûts relatifs aux terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS). Au demeurant, dans le cadre de travaux de réconciliation actuellement menés à la fois en France et en Europe entre, d'une part, les résultats issus de modèles technico-économiques (dits bottom up) et, d'autre part, les éléments de coûts audités et restitués en application de la présente décision, cette modélisation des coûts relatifs aux réseaux de troisième génération s'avère primordiale.
En outre, la restitution demandée est proportionnée aux objectifs de régulation définis à l'article L. 32-1-II du CPCE en ce qu'elle permet à l'Autorité de mieux appréhender les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposées par la présente décision en termes de « développement de l'emploi de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ».
Enfin, ces demandes spécifiques sont justifiées en raison du fort enjeu représenté par les terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS) dans le secteur des communications électroniques : ces prestations sont celles qui engendrent les flux financiers inter opérateurs les plus importants, à la fois entre opérateurs mobiles, et entre les opérateurs fixes et les opérateurs mobiles (4). Ainsi, les revenus générés par les terminaisons d'appels mobiles (voix et SMS) ont représenté en 2005 plus de 4 milliards d'euros, soit la moitié des revenus totaux générés sur l'ensemble des services d'interconnexion sur les marchés de gros (tous segments confondus).

IV-2. Evaluation de la méthode de valorisation des actifs
et recueil d'informations

Afin de pleinement évaluer la pertinence des différentes méthodes de valorisation des actifs, l'Autorité doit disposer des chroniques réelles d'investissement des opérateurs. En particulier, la méthode des coûts de remplacement en filière nécessite, le cas échéant, que l'Autorité dispose d'une chronique théorique, déduite de la valeur à neuf du réseau, qui ne peut être constituée sans les chroniques réelles d'investissement des opérateurs.
Eu égard aux raisons exposées ci-avant et afin de pouvoir, le cas échéant, décliner des méthodes différentes de valorisation des coûts autres que celles des coûts historiques, l'Autorité relève qu'il est nécessaire d'imposer aux opérateurs mobiles précités de lui fournir leurs chroniques d'investissements et qu'en l'absence de ces éléments d'informations, l'Autorité n'est pas en mesure d'évaluer de manière continue et prospective la pertinence des différentes méthodes de valorisation d'actifs, dont celle des coûts historiques qu'elle a choisie à ce stade.
L'article D. 98-11 du CPCE, alinéa 2° c, dispose à ce titre que l'Autorité peut exiger des opérateurs, qui sont soumis à des obligations découlant d'une analyse de marché, la transmission d'éléments chiffrés relatifs à l'exploitation de son réseau et à la fourniture des services, dans les domaines financiers, commerciaux et techniques, notamment « 2.c) Pour vérifier le respect des obligations qui lui sont imposées, le cas échéant, en application des articles D. 306 à D. 315 et D. 369 à D. 377, notamment les informations financières ou comptables, y compris les données de coût, ainsi que les conventions, contrats ou accords le liant aux autres opérateurs ou à ses partenaires, filiales, services ou clients ».
Enfin, cette obligation est proportionnée aux objectifs de régulation définis à l'article L. 32-1 (II) du CPCE en ce qu'elle permet à l'Autorité de mieux appréhender les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposées par la présente décision en termes de « développement de l'emploi de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ».

V. - OBSERVATIONS SUR LE PROJET DE DÉCISION

A l'issue de la consultation publique lancée le 9 février 2007, l'ARCEP a reçu trois contributions. La prise en compte des commentaires formulés par les acteurs a conduit l'Autorité à amender son projet de décision.
Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'ARCEP.
La Commission européenne a transmis le 8 mars 2007 ses observations en indiquant que « la Commission a examiné la notification et n'a pas d'observations à formuler ».
Décide :

Article 1

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom mettront en oeuvre les spécifications du système de comptabilisation des coûts, les méthodes de valorisation et les règles d'allocation des coûts, telles que définies par l'Autorité dans l'annexe A de la présente décision, dans le cadre de la restitution réglementaire à l'Autorité pour les exercices comptables relatifs aux années 2006 et 2007 pour le compte voix et 2006, 2007 et 2008 pour le compte SMS.

Article 2

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom communiqueront à l'Autorité au plus tard le 1er juillet 2007 les montants de leurs investissements pour l'année 2006.

Article 3

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom communiqueront à l'Autorité au plus tard le 1er juillet 2007 leurs états non audités de coûts et de revenus (comptes voix et SMS) de l'année 2006, ainsi que le document complémentaire aux fiches de restitution des états de coûts et de revenus, spécifié en section A-8.3 et transmis sous forme d'annexe accompagnant ces états de coûts et de revenus.

Article 4

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom communiqueront à l'Autorité au plus tard le 30 septembre 2007 les rapports d'audit de leurs restitutions réglementaires relatives à l'exercice comptable 2006, ainsi que leurs états audités de coûts et de revenus (comptes voix et SMS) de l'année 2006.

Article 5

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom communiqueront à l'Autorité au plus tard le 1er novembre 2007 leurs états prévisionnels de coûts et de revenus (compte voix et compte SMS) de l'année 2008 et leurs états prévisionnels de coûts et de revenus (compte voix et compte SMS) de l'année 2009.

Article 6

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom communiqueront à l'Autorité au plus tard le 1er juillet 2008 leurs états non audités de coûts et de revenus (compte SMS) de l'année 2007, ainsi que le document complémentaire aux fiches de restitution des états de coûts et de revenus, spécifié en section A-8.3. et transmis sous forme d'annexe accompagnant ces états de coûts et de revenus.

Article 7

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom communiqueront à l'Autorité au plus tard le 30 septembre 2008 les rapports d'audit de leurs restitutions réglementaires relatives à l'exercice comptable 2007, ainsi que leurs états audités de coûts et de revenus (compte SMS) de l'année 2007.

Article 8

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom communiqueront à l'Autorité au plus tard le 1er novembre 2008 leurs états prévisionnels de coûts et de revenus (compte SMS) de l'année 2009 et leurs états prévisionnels de coûts et de revenus (compte SMS) de l'année 2010.

Article 9

La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom communiqueront à l'Autorité au plus tard le 1er juillet 2009 leurs états non audités de coûts et de revenus (compte SMS) de l'année 2008, ainsi que le document complémentaire aux fiches de restitution des états de coûts et de revenus, spécifié en section A-8.3. et transmis sous forme d'annexe accompagnant ces états de coûts et de revenus.

Article 10

Les articles 1 à 7, 9 à 15 et 17 à 20 de la décision n° 2005-0960 de l'Autorité des communications électroniques et des postes en date du 8 décembre 2005 sont abrogés.

Article 11

Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision, qui sera notifiée aux opérateurs concernés et publiée au Journal officiel de la République Française.

A N N E X E A

Fait à Paris, le 5 avril 2007.

Le président,

P. Champsaur