JORF n°0175 du 1 août 2018

Une demande de règlement de différend a été enregistrée le 28 avril 2017 sous le numéro 10-38-17, à l'encontre de la société Enedis. Elle est relative aux conditions de raccordement d'un projet de centrale photovoltaïque développé par les sociétés Gauthier Solar Système et Gauthier Finance.

Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.
La société Gauthier Finance développe un projet de centrale photovoltaïque d'une puissance inférieure ou égale à 36 kVA sur le territoire de la commune de Firminy (Loire).
La société Enedis est le gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 24 août 2010, la société Gauthier Solar Système, agissant pour le compte de la société Gauthier Finance, a déposé une demande de raccordement auprès de la société Enedis.
Le 26 août 2010, la société Enedis a indiqué à la société Gauthier Solar Système que la demande de raccordement de la société Gauthier Finance était incomplète.
Les éléments manquants ayant été communiqués, la société Enedis a indiqué à la société Gauthier Solar Système que le dossier de la société Gauthier Finance était considéré comme complet à la date du 27 août 2010 et qu'une proposition de raccordement (PDR) ainsi qu'un contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) lui seraient envoyés dans un délai de six semaines ou dans un délai de trois mois si l'étude devant être menée par la société Enedis montrait que des travaux d'extension de réseau étaient nécessaires.
A la suite de l'entrée en vigueur du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, la société Enedis a estimé ne pas devoir poursuivre l'instruction de cette demande de raccordement.
Le 8 août 2011, la société Gauthier Finance et la société Gauthier Solar Sytème ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement de différend à l'encontre de la société Enedis, enregistrée sous le numéro 227-38-11, afin notamment que le comité de règlement des différends et des sanctions ordonne à la société Enedis « d'examiner le projet Firminy enregistré sous le numéro 43025337 dans les conditions applicables entre le 24 août 2010 et le 7 octobre 2010, date limite de délivrance de la PDR ».
Le 19 mars 2012, les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ont assigné la société Enedis devant le Président du tribunal de commerce de Nanterre sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 873 du code de procédure civile, afin de voir ordonner à la société Enedis la transmission d'une proposition de raccordement et « d'appliquer au projet développé par elles, une fois la proposition de raccordement délivrée et acceptée, le cadre réglementaire qui lui était applicable avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 ».
Le 4 mai 2012, le Président du tribunal de commerce de Nanterre a débouté les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système de leurs demandes.
Le 16 juin 2015, le conseil des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système a adressé un courrier au Président du comité de règlement des différends et des sanctions aux termes duquel il a indiqué « se désister de sa première saisine » et qu'il introduirait « une nouvelle saisine dans les prochains jours, purgée de toute question de forme. »
Le 23 septembre 2015, le Président du comité de règlement des différends et des sanctions a donné acte du désistement de la demande de règlement de différend des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système.

Vu la saisine, enregistrée le 28 avril 2017, sous le numéro 10-38-17, présentées par la société Gauthier Finance, société par actions simplifiées, enregistrées sous le numéro 587 350 281 au registre du commerce et des sociétés Le Puy-en-Velay, dont le siège social est situé Les Fangeas, 43370 Solignac-sur-Loire, prise en la personne de son responsable légal en exercice, et la société Gauthier Solar Système, société à responsabilité limitée, enregistrée sous le numéro B511 272 585 au registre du commerce et des sociétés Le Puy-en Velay, dont le siège social est situé Les Fangeas, 43370 Solignac-sur-Loire, prise en la personne de son responsable légal en exercice, ayant pour avocat Me Benoît Coussy, 5, place de Tourny, 33000 Bordeaux.
Les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système font valoir qu'elles ont déposé une demande complète par voie électronique enregistrée le 24 août 2010 sous le numéro 43025337 sur le portail de raccordement producteur d'électricité sur le site internet de la société Enedis.
Elles précisent que toute demande de raccordement est soumise aux dispositions du décret n° 2008-386 du 23 avril 2008, de l'arrêté du 23 avril 2008 ainsi qu'au référentiel technique élaboré par le gestionnaire du réseau public de distribution.
Les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Systèmes soutiennent qu'en application du paragraphe 5.2.2.1 du référentiel technique élaboré par le gestionnaire du réseau public de distribution, la société Enedis disposait d'un délai de six semaines à compter du 24 août 2010 pour leur adresser une proposition de raccordement (PDR), soit jusqu'au 7 octobre 2010. Les sociétés demanderesses précisent que le raccordement de l'installation impliquait seulement la création d'ouvrages de branchement et non la réalisation d'ouvrages d'extension.
Elles considèrent que, en application de l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles prévue par l'article 1134 du code civil et en application de l'article 5 du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution qui impose que l'étude de raccordement soit menée dans un cadre transparent et non discriminatoire, la société Enedis aurait dû prendre l'initiative d'informer les sociétés tout au long de la procédure de raccordement.
Les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système soutiennent au surplus que la société Enedis aurait dû saisir la Commission de régulation de l'énergie de l'éventualité d'une sortie de file d'attente en application de l'article 23 de la loi du 10 février 2000.
Elles ajoutent que le CoRDiS devra constater que le dossier, resté à l'abandon des mois durant, n'a fait l'objet d'aucune information ni d'aucun traitement de la part de la société Enedis.
Les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :

« - constater que le projet “Firminy”développé par les sociétés SAS Gauthier Finance et la SARL Gauhier Solar Système a bien été enregistré sous le n° 43025337 en date du 24 août 2010 ;
« - constater que le projet “Firminy” enregistré sous le n° 43025337 n'a jamais été traité par Enedis malgré une demande en bonne et due forme ;
« - constater qu'à la date du 7 octobre 2010, le projet “Firminy” enregistré sous le n° 43025337 aurait dû faire l'objet d'une proposition de raccordement conformément au référentiel technique en vigueur ;
« - constater que le dossier enregistré sous le n° 43025337 n'a pas fait l'objet d'un traitement à l'égal des dossiers effectivement enregistrés au mois d'août 2010 ;
« - constater que Enedis a méconnu le référentiel technique applicable ;
« - ordonner à Enedis d'examiner le projet “Firminy” enregistré sous le n° 43025337 dans les conditions applicables entre le 24 août 2010 et le 7 octobre 2010, date limite de délivrance de la PDR ;
« - ordonner que Enedis s'exécute sans délai ; ».

Vu les observations en défense, enregistrées le 3 juillet 2017, présentées par la société Enedis, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 444 608 442, dont le siège social est situé Tour Enedis, 34, place des Corolles, Paris-La Défense Cedex (92079), représentée par le Président du directoire en exercice, M. Philippe Monloubou et ayant pour avocat Mes Michel Guénaire et Benjamin Jothy, Cabinet Gide Loyrette Nouel AARPI, 22, cours Albert-Ier, 75008 Paris.
La société Enedis fait valoir que la demande des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système est irrecevable car elle ne contient pas d'extrait du registre du commerce et des sociétés, ce qui constitue une violation des dispositions de l'article 5 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 11 mars 2015.
La société Enedis soutient également que la demande de règlement de différend des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système est irrecevable dès lors qu'elle est prescrite en application des dispositions de l'article 2224 du code civil. Elle ajoute que l'interruption de la prescription prévue à l'article 2243 du code civil n'est pas applicable au cas d'espèce, les sociétés demanderesses s'étant désistées de leur première demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 227-38-11 et ayant été définitivement déboutées de leurs demandes formées devant le Président du tribunal de commerce de Nanterre.
Sur le fond, la société Enedis fait valoir que le point de départ du délai d'instruction de la demande de raccordement ne pouvait être en aucun cas le 24 août 2010 dès lors qu'elle a demandé aux sociétés demanderesses de compléter leur demande de raccordement le 26 août 2010. Ainsi, la société Enedis indique que la date de demande complète de raccordement à retenir, qui correspond au point de départ du délai d'instruction de la demande de raccordement, est celle du 27 août 2010.
Elle soutient en outre que la procédure de traitement de demande de raccordement applicable au jour de la demande de raccordement est celle référencée « ERDF-PRO-RAC_08 » et que le décret n° 2003-229 du 13 mars 2003, invoqué par les sociétés demanderesses, ne vise que les installations de consommation d'électricité. La société Enedis fait valoir qu'elle a indiqué à la société Gauthier Solar Système dès le 27 août 2010 qu'une proposition de raccordement lui serait envoyée dans un délai de six semaines ou dans un délai de trois mois si l'étude devant être menée par la société Enedis montrait que des travaux d'extension de réseau étaient nécessaires, comme le prévoit l'article 2.1.2.4 de sa procédure de traitement des demandes de raccordement. La société Enedis précise que le 2 septembre 2010, la demande de raccordement a été transmise au groupe chargé du raccordement des installations d'une puissance supérieure à 36 kVA compte tenu de la nécessité de mettre en place des ouvrages d'extension du réseau. En conséquence, le délai prévu pour la délivrance de la proposition de raccordement devait nécessairement être porté à trois mois.
Enfin, la société Enedis indique qu'elle ne peut plus délivrer de propositions de raccordement aux conditions en vigueur avant le 2 décembre 2010, sauf à méconnaître les dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010. En effet, en application de ce décret, le dispositif de l'obligation d'achat d'électricité produite à partir de l'énergie radiative du soleil a été suspendu pour une période de trois mois. Le décret prévoit que cette suspension ne concerne pas les projets pour lesquels le producteur a notifié au gestionnaire de réseau son acceptation de l'offre de raccordement avant le 2 décembre 2010 et que les demandes suspendues devront, à l'issue du délai de trois mois, faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat. Il en résulte que la société Enedis ne peut pas appliquer les dispositions réglementaires existantes avant l'entrée en vigueur de ce décret, ce que les demanderesses savent d'ailleurs bien puisque le Président du tribunal de commerce de Nanterre a jugé, dans son ordonnance de référé du 4 mai 2012, qu'« en application des dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 et de l'arrêté du 4 mars 2011, ERDF ne peut plus légalement délivrer de PDR ni de CRAE aux conditions en vigueur avant le 2 décembre 2010. » La société Enedis ajoute qu'en application de ces dispositions, elle s'est abstenue de poursuivre l'instruction des demandes de raccordement pour lesquelles aucune offre de raccordement n'avait été acceptée par le producteur avant le 2 décembre 2010.
La société Enedis demande au comité de règlement de différend et des sanctions de :

- à titre principal, déclarer irrecevable la saisine de Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ;
- à titre subsidiaire, si la saisine de Gauthier Finance et Gauthier Solar Système était déclarée recevable :
- constater qu'Enedis devait respecter les dispositions du décret n° 2010-510 du 9 décembre 2010 ;
- rejeter l'ensemble des demandes de Gauthier Finance et Gauthier Solar Système.

Vu le courrier du 26 avril 2018 par lequel les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ont communiqué au comité de règlement des différends et des sanctions leurs extraits K-bis daté du 23 avril 2018.

Vu le courrier du 15 mai 2018 par lequel les extraits K-bis ont été communiqués à la société Enedis.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et L. 134-24, ses articles R. 134-7 à R. 134-28 et suivants ;
Vu le code civil, notamment ses articles 2224 à 2243 ;
Vu la décision du 11 mars 2015 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 15 décembre 2017 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 2 mai 2017 du Président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 10-38-17 ;
Vu la décision du 20 avril 2018 du Président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie fixant la date de clôture de l'instruction relative au différend qui oppose les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système à la société Enedis ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 8 juin 2018, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Bruno LASSERRE, Président, Mme Henriette CHAUBON, Mme Marie-Laure DENIS et M. Claude GRELLIER membres, en présence de :
Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché ;
Mme Maureen DEJOBERT, rapporteur ;
Les représentants de la société Gauthier Finance et de la société Gauthier Solar Système assistés de Me Benoît COUSSY ;
Les représentants de la société ENEDIS, assistés de Maîtres Michel GUENAIRE et Benjamin JOTHY.
Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Maureen DEJOBERT, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Benoît COUSSY ; la société Gauthier Finance et la société Gauthier Solar Système persistent dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Michel GUENAIRE ; la société ENEDIS persiste dans ses moyens et conclusions ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.

Sur la recevabilité de la demande de règlement de différend des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système
Sur la production d'extraits de registre du commerce et des sociétés
La société Enedis fait valoir que la demande de règlement de différend introduite par les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système est irrecevable au motif qu'aucun extrait de registre du commerce et des sociétés n'est produit à l'appui de la demande, ainsi que le prévoit les dispositions de l'article 5 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions annexé à la décision du 11 mars 2015.
Or, par courrier du 26 avril 2018, les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ayant produit un extrait de moins de trois mois du registre du commerce et des sociétés, la société Enedis ne peut valablement soutenir que le comité de règlement des différends et des sanctions aurait été irrégulièrement saisi.
En tout état de cause, la cour d'appel de Paris a considéré par une décision du 10 septembre 2015, qu'il « ne résulte d'aucune disposition applicable que les parties ne pourraient, jusqu'à la séance du comité, produire les pièces prévues par le règlement intérieur ». La Cour a indiqué dans ce même arrêt, à propos de la production de l'extrait Kbis prévue par le règlement intérieur, que « cette formalité ne saurait être considérée comme prescrite à peine d'irrecevabilité, ni comme insusceptible d'une régularisation ultérieure, dès lors que la saisine satisfait aux conditions de fond et de forme auxquelles la loi et le décret subordonnent sa validité » (ERDF/La société Les Hautes Sources, n° 2014/17935).
Sur la prescription de la demande de règlement de différend
La société Enedis soutient que la demande de règlement de différend des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système est irrecevable dès lors qu'elle est prescrite.
Elle fait valoir à ce titre que le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle les sociétés demanderesses auraient été titulaires d'un droit à l'obtention d'une proposition de raccordement soit le 8 octobre 2010 en l'absence de travaux à effectuer ou le 27 novembre 2010 si des travaux devaient intervenir.
Elle soutient, que, en conséquence, l'action était prescrite cinq ans plus tard, soit le 8 octobre 2015 ou le 27 novembre 2015.
Faute de dispositions prévoyant des règles spécifiques de prescription en ce qui concerne les demandes de règlement de différend devant le comité, il y a lieu d'appliquer les règles générales de prescription issues du code civil.
En application de l'article 2224 du code civil « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Toutefois, l'article 2241 du code civil prévoit que :
« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».
Aux termes de l'article 2242 du code civil :
« L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ».
L'article 2243 du même code précise que :
« L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée. »
En l'espèce, le conseil des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système a précisé par courrier du 16 juin 2015 adressé au président du comité de règlement des différends et des sanctions que « Dans l'affaire 227-98-11, Gauthier c/ ERDF, je vous confirme que la cliente entend se désister de sa première saisine, et introduira une nouvelle saisine dans les prochains jours, purgée de toute question de forme ». L'ordonnance du 23 septembre 2015, qui a donné acte de ce désistement, n'a pas conféré à ce dernier une portée différente de celle résultant des termes du courrier précité, dans lequel son auteur annonçait son intention de poursuivre l'action engagée.
L'interruption de la prescription provoquée, en application de l'article 2241 du code civil, par la première saisine du comité de règlement des différends et des sanctions, a donc produit tous ses effets.
Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société Enedis, la nouvelle demande de règlement des différends introduite le 28 avril 2017, dont est saisi le comité de règlement des différends et des sanctions, n'est pas prescrite.
Sur le respect du délai de délivrance d'une proposition de raccordement
Les sociétés Gauthier et Gauthier Solar Système demandent au comité de règlement des différends et des sanctions de :

« - constater que le projet “Firminy”développé par les sociétés SAS Gauthier Finance et la SARL Gauhier Solar Système a bien été enregistré sous le n° 43025337 en date du 24 août 2010 ;
« - constater que le projet “Firminy” enregistré sous le n° 43025337 n'a jamais été traité par Enedis malgré une demande en bonne et due forme ;
« - - constater qu'à la date du 7 octobre 2010, le projet “Firminy”enregistré sous le n° 43025337 aurait dû faire l'objet d'une proposition de raccordement conformément au référentiel technique en vigueur ;
« - constater que le dossier enregistré sous le n° 43025337 n'a pas fait l'objet d'un traitement à l'égal des dossiers effectivement enregistrés au mois d'août 2010 ;
« - constater que Enedis a méconnu le référentiel technique applicable ; ».

Les sociétés demanderesses soutiennent que la société Enedis a méconnu le référentiel technique applicable en ne leur délivrant pas de proposition de raccordement dans un délai de six semaines à compter de l'enregistrement de leur demande, soit avant le 7 octobre 2010.
L'article 2.2.3 de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité, de puissance inférieure ou égale à 36 kVA prévoit qu'une fois la demande qualifiée, la proposition de raccordement est envoyée dans un délai maximal de 3 mois si le projet nécessite une extension de réseau et 6 semaines dans les autres cas.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier d'une part, que ce n'est que le 27 août 2010 que la société Enedis a confirmé à la société Gauthier Solar Système que sa demande de raccordement était complète et, d'autre part, que des travaux d'extension du réseau étaient nécessaires au raccordement du projet « Firminy ».
En conséquence, la société Enedis disposait d'un délai de trois mois pour adresser une proposition de raccordement, à compter de la date du 27 août 2010, soit jusqu'au 27 novembre 2010.
Or, aucune proposition de raccordement n'a été adressé par la société Enedis pour le projet « Firminy » à la société Gauthier Finance.
La société Enedis n'a donc pas respecté le délai de trois mois pour l'instruction de la demande de raccordement des sociétés demanderesses.
Dans ces conditions, la société Enedis doit être regardée comme ayant méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
Sur la demande tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions ordonne à la société Enedis d'examiner le projet « Firminy » enregistré sous le n° 43025337 dans les conditions applicables entre le 24 août 2010 et le 7 octobre 2010, date limite de délivrance de la proposition de raccordement
Le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, fait obligation au producteur, qui n'a pu renvoyer, au gestionnaire de réseau une proposition de raccordement signée à la date du 2 décembre 2010, de renouveler sa demande de raccordement à l'expiration du délai de trois mois pendant lequel toutes les demandes de contrat d'obligation d'achat sont suspendues.
En l'espèce, en l'absence de proposition de raccordement adressée par la société Enedis, les sociétés demanderesses n'ont pas renvoyé de proposition de raccordement signée avant le 2 décembre 2010.
Quelle que soit la cause de cette situation, les sociétés demanderesses ne sont pas fondées à demander au comité de règlement des différends et des sanctions d'enjoindre à la société Enedis de délivrer à ce jour aux sociétés demanderesses une proposition de raccordement aux conditions prévalant avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010.
En conséquence, la demande des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ne peut qu'être rejetée.

Décide :


Historique des versions

Version 1

Une demande de règlement de différend a été enregistrée le 28 avril 2017 sous le numéro 10-38-17, à l'encontre de la société Enedis. Elle est relative aux conditions de raccordement d'un projet de centrale photovoltaïque développé par les sociétés Gauthier Solar Système et Gauthier Finance.

Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.

La société Gauthier Finance développe un projet de centrale photovoltaïque d'une puissance inférieure ou égale à 36 kVA sur le territoire de la commune de Firminy (Loire).

La société Enedis est le gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

Le 24 août 2010, la société Gauthier Solar Système, agissant pour le compte de la société Gauthier Finance, a déposé une demande de raccordement auprès de la société Enedis.

Le 26 août 2010, la société Enedis a indiqué à la société Gauthier Solar Système que la demande de raccordement de la société Gauthier Finance était incomplète.

Les éléments manquants ayant été communiqués, la société Enedis a indiqué à la société Gauthier Solar Système que le dossier de la société Gauthier Finance était considéré comme complet à la date du 27 août 2010 et qu'une proposition de raccordement (PDR) ainsi qu'un contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) lui seraient envoyés dans un délai de six semaines ou dans un délai de trois mois si l'étude devant être menée par la société Enedis montrait que des travaux d'extension de réseau étaient nécessaires.

A la suite de l'entrée en vigueur du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, la société Enedis a estimé ne pas devoir poursuivre l'instruction de cette demande de raccordement.

Le 8 août 2011, la société Gauthier Finance et la société Gauthier Solar Sytème ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement de différend à l'encontre de la société Enedis, enregistrée sous le numéro 227-38-11, afin notamment que le comité de règlement des différends et des sanctions ordonne à la société Enedis « d'examiner le projet Firminy enregistré sous le numéro 43025337 dans les conditions applicables entre le 24 août 2010 et le 7 octobre 2010, date limite de délivrance de la PDR ».

Le 19 mars 2012, les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ont assigné la société Enedis devant le Président du tribunal de commerce de Nanterre sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 873 du code de procédure civile, afin de voir ordonner à la société Enedis la transmission d'une proposition de raccordement et « d'appliquer au projet développé par elles, une fois la proposition de raccordement délivrée et acceptée, le cadre réglementaire qui lui était applicable avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 ».

Le 4 mai 2012, le Président du tribunal de commerce de Nanterre a débouté les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système de leurs demandes.

Le 16 juin 2015, le conseil des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système a adressé un courrier au Président du comité de règlement des différends et des sanctions aux termes duquel il a indiqué « se désister de sa première saisine » et qu'il introduirait « une nouvelle saisine dans les prochains jours, purgée de toute question de forme. »

Le 23 septembre 2015, le Président du comité de règlement des différends et des sanctions a donné acte du désistement de la demande de règlement de différend des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système.

Vu la saisine, enregistrée le 28 avril 2017, sous le numéro 10-38-17, présentées par la société Gauthier Finance, société par actions simplifiées, enregistrées sous le numéro 587 350 281 au registre du commerce et des sociétés Le Puy-en-Velay, dont le siège social est situé Les Fangeas, 43370 Solignac-sur-Loire, prise en la personne de son responsable légal en exercice, et la société Gauthier Solar Système, société à responsabilité limitée, enregistrée sous le numéro B511 272 585 au registre du commerce et des sociétés Le Puy-en Velay, dont le siège social est situé Les Fangeas, 43370 Solignac-sur-Loire, prise en la personne de son responsable légal en exercice, ayant pour avocat Me Benoît Coussy, 5, place de Tourny, 33000 Bordeaux.

Les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système font valoir qu'elles ont déposé une demande complète par voie électronique enregistrée le 24 août 2010 sous le numéro 43025337 sur le portail de raccordement producteur d'électricité sur le site internet de la société Enedis.

Elles précisent que toute demande de raccordement est soumise aux dispositions du décret n° 2008-386 du 23 avril 2008, de l'arrêté du 23 avril 2008 ainsi qu'au référentiel technique élaboré par le gestionnaire du réseau public de distribution.

Les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Systèmes soutiennent qu'en application du paragraphe 5.2.2.1 du référentiel technique élaboré par le gestionnaire du réseau public de distribution, la société Enedis disposait d'un délai de six semaines à compter du 24 août 2010 pour leur adresser une proposition de raccordement (PDR), soit jusqu'au 7 octobre 2010. Les sociétés demanderesses précisent que le raccordement de l'installation impliquait seulement la création d'ouvrages de branchement et non la réalisation d'ouvrages d'extension.

Elles considèrent que, en application de l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles prévue par l'article 1134 du code civil et en application de l'article 5 du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution qui impose que l'étude de raccordement soit menée dans un cadre transparent et non discriminatoire, la société Enedis aurait dû prendre l'initiative d'informer les sociétés tout au long de la procédure de raccordement.

Les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système soutiennent au surplus que la société Enedis aurait dû saisir la Commission de régulation de l'énergie de l'éventualité d'une sortie de file d'attente en application de l'article 23 de la loi du 10 février 2000.

Elles ajoutent que le CoRDiS devra constater que le dossier, resté à l'abandon des mois durant, n'a fait l'objet d'aucune information ni d'aucun traitement de la part de la société Enedis.

Les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :

« - constater que le projet “Firminy”développé par les sociétés SAS Gauthier Finance et la SARL Gauhier Solar Système a bien été enregistré sous le n° 43025337 en date du 24 août 2010 ;

« - constater que le projet “Firminy” enregistré sous le n° 43025337 n'a jamais été traité par Enedis malgré une demande en bonne et due forme ;

« - constater qu'à la date du 7 octobre 2010, le projet “Firminy” enregistré sous le n° 43025337 aurait dû faire l'objet d'une proposition de raccordement conformément au référentiel technique en vigueur ;

« - constater que le dossier enregistré sous le n° 43025337 n'a pas fait l'objet d'un traitement à l'égal des dossiers effectivement enregistrés au mois d'août 2010 ;

« - constater que Enedis a méconnu le référentiel technique applicable ;

« - ordonner à Enedis d'examiner le projet “Firminy” enregistré sous le n° 43025337 dans les conditions applicables entre le 24 août 2010 et le 7 octobre 2010, date limite de délivrance de la PDR ;

« - ordonner que Enedis s'exécute sans délai ; ».

Vu les observations en défense, enregistrées le 3 juillet 2017, présentées par la société Enedis, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 444 608 442, dont le siège social est situé Tour Enedis, 34, place des Corolles, Paris-La Défense Cedex (92079), représentée par le Président du directoire en exercice, M. Philippe Monloubou et ayant pour avocat Mes Michel Guénaire et Benjamin Jothy, Cabinet Gide Loyrette Nouel AARPI, 22, cours Albert-Ier, 75008 Paris.

La société Enedis fait valoir que la demande des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système est irrecevable car elle ne contient pas d'extrait du registre du commerce et des sociétés, ce qui constitue une violation des dispositions de l'article 5 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 11 mars 2015.

La société Enedis soutient également que la demande de règlement de différend des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système est irrecevable dès lors qu'elle est prescrite en application des dispositions de l'article 2224 du code civil. Elle ajoute que l'interruption de la prescription prévue à l'article 2243 du code civil n'est pas applicable au cas d'espèce, les sociétés demanderesses s'étant désistées de leur première demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 227-38-11 et ayant été définitivement déboutées de leurs demandes formées devant le Président du tribunal de commerce de Nanterre.

Sur le fond, la société Enedis fait valoir que le point de départ du délai d'instruction de la demande de raccordement ne pouvait être en aucun cas le 24 août 2010 dès lors qu'elle a demandé aux sociétés demanderesses de compléter leur demande de raccordement le 26 août 2010. Ainsi, la société Enedis indique que la date de demande complète de raccordement à retenir, qui correspond au point de départ du délai d'instruction de la demande de raccordement, est celle du 27 août 2010.

Elle soutient en outre que la procédure de traitement de demande de raccordement applicable au jour de la demande de raccordement est celle référencée « ERDF-PRO-RAC_08 » et que le décret n° 2003-229 du 13 mars 2003, invoqué par les sociétés demanderesses, ne vise que les installations de consommation d'électricité. La société Enedis fait valoir qu'elle a indiqué à la société Gauthier Solar Système dès le 27 août 2010 qu'une proposition de raccordement lui serait envoyée dans un délai de six semaines ou dans un délai de trois mois si l'étude devant être menée par la société Enedis montrait que des travaux d'extension de réseau étaient nécessaires, comme le prévoit l'article 2.1.2.4 de sa procédure de traitement des demandes de raccordement. La société Enedis précise que le 2 septembre 2010, la demande de raccordement a été transmise au groupe chargé du raccordement des installations d'une puissance supérieure à 36 kVA compte tenu de la nécessité de mettre en place des ouvrages d'extension du réseau. En conséquence, le délai prévu pour la délivrance de la proposition de raccordement devait nécessairement être porté à trois mois.

Enfin, la société Enedis indique qu'elle ne peut plus délivrer de propositions de raccordement aux conditions en vigueur avant le 2 décembre 2010, sauf à méconnaître les dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010. En effet, en application de ce décret, le dispositif de l'obligation d'achat d'électricité produite à partir de l'énergie radiative du soleil a été suspendu pour une période de trois mois. Le décret prévoit que cette suspension ne concerne pas les projets pour lesquels le producteur a notifié au gestionnaire de réseau son acceptation de l'offre de raccordement avant le 2 décembre 2010 et que les demandes suspendues devront, à l'issue du délai de trois mois, faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat. Il en résulte que la société Enedis ne peut pas appliquer les dispositions réglementaires existantes avant l'entrée en vigueur de ce décret, ce que les demanderesses savent d'ailleurs bien puisque le Président du tribunal de commerce de Nanterre a jugé, dans son ordonnance de référé du 4 mai 2012, qu'« en application des dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 et de l'arrêté du 4 mars 2011, ERDF ne peut plus légalement délivrer de PDR ni de CRAE aux conditions en vigueur avant le 2 décembre 2010. » La société Enedis ajoute qu'en application de ces dispositions, elle s'est abstenue de poursuivre l'instruction des demandes de raccordement pour lesquelles aucune offre de raccordement n'avait été acceptée par le producteur avant le 2 décembre 2010.

La société Enedis demande au comité de règlement de différend et des sanctions de :

- à titre principal, déclarer irrecevable la saisine de Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ;

- à titre subsidiaire, si la saisine de Gauthier Finance et Gauthier Solar Système était déclarée recevable :

- constater qu'Enedis devait respecter les dispositions du décret n° 2010-510 du 9 décembre 2010 ;

- rejeter l'ensemble des demandes de Gauthier Finance et Gauthier Solar Système.

Vu le courrier du 26 avril 2018 par lequel les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ont communiqué au comité de règlement des différends et des sanctions leurs extraits K-bis daté du 23 avril 2018.

Vu le courrier du 15 mai 2018 par lequel les extraits K-bis ont été communiqués à la société Enedis.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et L. 134-24, ses articles R. 134-7 à R. 134-28 et suivants ;

Vu le code civil, notamment ses articles 2224 à 2243 ;

Vu la décision du 11 mars 2015 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 15 décembre 2017 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 2 mai 2017 du Président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 10-38-17 ;

Vu la décision du 20 avril 2018 du Président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie fixant la date de clôture de l'instruction relative au différend qui oppose les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système à la société Enedis ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 8 juin 2018, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Bruno LASSERRE, Président, Mme Henriette CHAUBON, Mme Marie-Laure DENIS et M. Claude GRELLIER membres, en présence de :

Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché ;

Mme Maureen DEJOBERT, rapporteur ;

Les représentants de la société Gauthier Finance et de la société Gauthier Solar Système assistés de Me Benoît COUSSY ;

Les représentants de la société ENEDIS, assistés de Maîtres Michel GUENAIRE et Benjamin JOTHY.

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Maureen DEJOBERT, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Me Benoît COUSSY ; la société Gauthier Finance et la société Gauthier Solar Système persistent dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Me Michel GUENAIRE ; la société ENEDIS persiste dans ses moyens et conclusions ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.

Sur la recevabilité de la demande de règlement de différend des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système

Sur la production d'extraits de registre du commerce et des sociétés

La société Enedis fait valoir que la demande de règlement de différend introduite par les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système est irrecevable au motif qu'aucun extrait de registre du commerce et des sociétés n'est produit à l'appui de la demande, ainsi que le prévoit les dispositions de l'article 5 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions annexé à la décision du 11 mars 2015.

Or, par courrier du 26 avril 2018, les sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ayant produit un extrait de moins de trois mois du registre du commerce et des sociétés, la société Enedis ne peut valablement soutenir que le comité de règlement des différends et des sanctions aurait été irrégulièrement saisi.

En tout état de cause, la cour d'appel de Paris a considéré par une décision du 10 septembre 2015, qu'il « ne résulte d'aucune disposition applicable que les parties ne pourraient, jusqu'à la séance du comité, produire les pièces prévues par le règlement intérieur ». La Cour a indiqué dans ce même arrêt, à propos de la production de l'extrait Kbis prévue par le règlement intérieur, que « cette formalité ne saurait être considérée comme prescrite à peine d'irrecevabilité, ni comme insusceptible d'une régularisation ultérieure, dès lors que la saisine satisfait aux conditions de fond et de forme auxquelles la loi et le décret subordonnent sa validité » (ERDF/La société Les Hautes Sources, n° 2014/17935).

Sur la prescription de la demande de règlement de différend

La société Enedis soutient que la demande de règlement de différend des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système est irrecevable dès lors qu'elle est prescrite.

Elle fait valoir à ce titre que le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle les sociétés demanderesses auraient été titulaires d'un droit à l'obtention d'une proposition de raccordement soit le 8 octobre 2010 en l'absence de travaux à effectuer ou le 27 novembre 2010 si des travaux devaient intervenir.

Elle soutient, que, en conséquence, l'action était prescrite cinq ans plus tard, soit le 8 octobre 2015 ou le 27 novembre 2015.

Faute de dispositions prévoyant des règles spécifiques de prescription en ce qui concerne les demandes de règlement de différend devant le comité, il y a lieu d'appliquer les règles générales de prescription issues du code civil.

En application de l'article 2224 du code civil « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Toutefois, l'article 2241 du code civil prévoit que :

« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».

Aux termes de l'article 2242 du code civil :

« L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ».

L'article 2243 du même code précise que :

« L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée. »

En l'espèce, le conseil des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système a précisé par courrier du 16 juin 2015 adressé au président du comité de règlement des différends et des sanctions que « Dans l'affaire 227-98-11, Gauthier c/ ERDF, je vous confirme que la cliente entend se désister de sa première saisine, et introduira une nouvelle saisine dans les prochains jours, purgée de toute question de forme ». L'ordonnance du 23 septembre 2015, qui a donné acte de ce désistement, n'a pas conféré à ce dernier une portée différente de celle résultant des termes du courrier précité, dans lequel son auteur annonçait son intention de poursuivre l'action engagée.

L'interruption de la prescription provoquée, en application de l'article 2241 du code civil, par la première saisine du comité de règlement des différends et des sanctions, a donc produit tous ses effets.

Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société Enedis, la nouvelle demande de règlement des différends introduite le 28 avril 2017, dont est saisi le comité de règlement des différends et des sanctions, n'est pas prescrite.

Sur le respect du délai de délivrance d'une proposition de raccordement

Les sociétés Gauthier et Gauthier Solar Système demandent au comité de règlement des différends et des sanctions de :

« - constater que le projet “Firminy”développé par les sociétés SAS Gauthier Finance et la SARL Gauhier Solar Système a bien été enregistré sous le n° 43025337 en date du 24 août 2010 ;

« - constater que le projet “Firminy” enregistré sous le n° 43025337 n'a jamais été traité par Enedis malgré une demande en bonne et due forme ;

« - - constater qu'à la date du 7 octobre 2010, le projet “Firminy”enregistré sous le n° 43025337 aurait dû faire l'objet d'une proposition de raccordement conformément au référentiel technique en vigueur ;

« - constater que le dossier enregistré sous le n° 43025337 n'a pas fait l'objet d'un traitement à l'égal des dossiers effectivement enregistrés au mois d'août 2010 ;

« - constater que Enedis a méconnu le référentiel technique applicable ; ».

Les sociétés demanderesses soutiennent que la société Enedis a méconnu le référentiel technique applicable en ne leur délivrant pas de proposition de raccordement dans un délai de six semaines à compter de l'enregistrement de leur demande, soit avant le 7 octobre 2010.

L'article 2.2.3 de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité, de puissance inférieure ou égale à 36 kVA prévoit qu'une fois la demande qualifiée, la proposition de raccordement est envoyée dans un délai maximal de 3 mois si le projet nécessite une extension de réseau et 6 semaines dans les autres cas.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier d'une part, que ce n'est que le 27 août 2010 que la société Enedis a confirmé à la société Gauthier Solar Système que sa demande de raccordement était complète et, d'autre part, que des travaux d'extension du réseau étaient nécessaires au raccordement du projet « Firminy ».

En conséquence, la société Enedis disposait d'un délai de trois mois pour adresser une proposition de raccordement, à compter de la date du 27 août 2010, soit jusqu'au 27 novembre 2010.

Or, aucune proposition de raccordement n'a été adressé par la société Enedis pour le projet « Firminy » à la société Gauthier Finance.

La société Enedis n'a donc pas respecté le délai de trois mois pour l'instruction de la demande de raccordement des sociétés demanderesses.

Dans ces conditions, la société Enedis doit être regardée comme ayant méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement.

Sur la demande tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions ordonne à la société Enedis d'examiner le projet « Firminy » enregistré sous le n° 43025337 dans les conditions applicables entre le 24 août 2010 et le 7 octobre 2010, date limite de délivrance de la proposition de raccordement

Le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, fait obligation au producteur, qui n'a pu renvoyer, au gestionnaire de réseau une proposition de raccordement signée à la date du 2 décembre 2010, de renouveler sa demande de raccordement à l'expiration du délai de trois mois pendant lequel toutes les demandes de contrat d'obligation d'achat sont suspendues.

En l'espèce, en l'absence de proposition de raccordement adressée par la société Enedis, les sociétés demanderesses n'ont pas renvoyé de proposition de raccordement signée avant le 2 décembre 2010.

Quelle que soit la cause de cette situation, les sociétés demanderesses ne sont pas fondées à demander au comité de règlement des différends et des sanctions d'enjoindre à la société Enedis de délivrer à ce jour aux sociétés demanderesses une proposition de raccordement aux conditions prévalant avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010.

En conséquence, la demande des sociétés Gauthier Finance et Gauthier Solar Système ne peut qu'être rejetée.

Décide :