JORF n°0058 du 9 mars 2013

Décision du 20 février 2013

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend enregistrée le 7 février 2011 sous le numéro 10-38-11, présentée par la société Xergies, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Orléans sous le numéro 505 327 098, dont le siège social est situé 11, rue du Clos-de-la-Motte, 45000 Orléans, représentée par son président en exercice, M. Dominique MERCIER, ayant pour avocat Me Vincent LACROIX, SELARL Itinéraires droit public, 9, quai André-Lassagne, 69001 Lyon.

La société Xergies, agissant en qualité de mandataire de la société de la ferme solaire de Pratellu, de la société de la ferme solaire de Volucciu et de la société de la ferme solaire de Valle d'Osa, a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité de France (ci-après désignée « EDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité de trois projets de centrales photovoltaïques.

Il ressort des pièces du dossier que les sociétés la ferme solaire de Pratellu, la ferme solaire de Volucciu et la ferme solaire de Valle d'Osa, dont la société Xergies est mandataire, développent trois projets d'installations photovoltaïques dits « ferme solaire de Pratellu », « ferme solaire de Volucciu » et « ferme solaire de Valle d'Osa », situées sur le territoire de la collectivité de Corse. La société EDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

Concernant le projet « ferme solaire de Pratellu » :
Le 4 septembre 2009, la société de la ferme solaire de Pratellu a déposé une demande de permis de construire.
Le 17 mai 2010, le préfet de Haute-Corse a accordé un tel permis de construire à la société.
Le 17 mai 2010, la société Xergies a adressé une demande à la société EDF pour le raccordement de cette installation d'une puissance de 2,1 MW.
Le 9 juin 2010, à la suite d'échanges entre la société Xergies et la société EDF, la demande de raccordement a été considérée comme complète.
Le 1er décembre 2010, la société EDF a adressé une proposition technique et financière à la société Xergies.
Le 3 décembre 2010, la société Xergies a adressé à la société EDF des exemplaires de la convention de raccordement signés et accompagnés d'un chèque d'acompte de 7 992,09 euros.
Concernant le projet « ferme solaire de Volucciu » :
Le 9 septembre 2009, la société de la ferme solaire de Volucciu a déposé une demande de permis de construire auprès du préfet de Haute-Corse.
Le 20 mai 2010, le préfet de Haute-Corse a accordé un tel permis de construire à la société.
Le 14 mai 2010, la société Xergies a adressé une demande à la société EDF pour le raccordement de cette installation d'une puissance de 2,47 MW.
Le 9 juin 2010, à la suite d'échanges entre la société Xergies et la société EDF, la demande de raccordement a été considérée comme complète.
Le 23 novembre 2010, la société EDF a adressé une proposition technique et financière à la société Xergies.
Le 3 décembre 2010, la société Xergies a adressé à la société EDF des exemplaires de la convention de raccordement signés et accompagnés d'un chèque d'acompte de 28 858,02 euros.
Concernant le projet « ferme solaire de Valle d'Osa » :
Le 4 septembre 2009, la société de la ferme solaire de Valle d'Osa a déposé une demande de permis de construire auprès du préfet de Haute-Corse.
Le 14 avril 2010, le préfet de Haute-Corse a accordé un tel permis de construire à la société.
Le 19 avril 2010, la société Xergies a adressé une demande à la société EDF pour le raccordement de cette installation d'une puissance de 1,718 MW.
Le 20 avril 2010, la demande de raccordement a été considérée comme complète.
Le 19 octobre 2010, la société EDF a adressé une proposition technique et financière à la société Xergies.
Le 3 décembre 2010, la société Xergies a adressé à la société EDF des exemplaires de la convention de raccordement signés et accompagnés d'un chèque d'acompte de 33 919,48 euros.
Le 22 décembre 2010, la société EDF a indiqué, par courriers, à la société Xergies que les trois projets d'installations de production d'électricité entraient dans le champ d'application du décret du 9 décembre 2010 et que ces projets devraient donc faire l'objet de nouvelles demandes de raccordement à l'issue de la période de suspension mise en place par ledit décret. La société EDF a également retourné les chèques d'acompte à la société Xergies.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution des installations de production n'étaient pas satisfaisantes, la société Xergies a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société EDF.

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Dans ses observations, la société Xergies estime que conformément aux dispositions de la décision de la Commission de régulation de l'énergie en date du 11 juin 2009 auxquelles doivent impérativement se conformer les procédures de traitement des demandes de raccordement des gestionnaires de réseaux le délai maximal d'élaboration et de transmission des propositions techniques et financières est de trois mois.
Elle ajoute que ce même délai de trois mois est précisé dans la procédure de traitement des demandes de raccordement établie par la société EDF, laquelle renvoie à son article 4.7 à l'article 8.3 du cahier des charges du RAG, selon lequel le gestionnaire du réseau public d'électricité est tenu de faire dans un délai de trois mois une proposition concernant les modalités techniques et financières de raccordement en réponse à une demande de raccordement d'un producteur.
La société Xergies en conclut que la société EDF était donc tenue de respecter un tel délai pour l'établissement des propositions techniques et financières.
Elle indique que le comité de règlement des différends et des sanctions, notamment dans une décision « JUWI » du 4 juin 2010, a reconnu qu'il était compétent pour sanctionner la méconnaissance, par un gestionnaire de réseau, de sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement et pour effacer les conséquences d'une telle méconnaissance.
La société Xergies expose également que le comité de règlement des différends et des sanctions, dans une décision « société VENTURA » du 28 juin 2007, a estimé que le délai de trois mois pour transmettre une proposition technique et financière est une règle juridiquement contraignante pour le gestionnaire du réseau.
Elle fait valoir, à titre subsidiaire, que les dispositions de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 constituent une violation manifeste du principe de non-rétroactivité des actes réglementaires et ne sauraient donc lui être opposées.
La société Xergies affirme qu'en application de la décision de la Commission de régulation de l'énergie du 11 juin 2009 une proposition technique et financière constitue un acte contractuel et que les propositions techniques et financières qu'elle a adressées à la société EDF étaient valablement et définitivement conclues à la date du 3 décembre 2010, date de la notification de l'acceptation de ces conventions.
Elle en conclut que lesdites conventions restant régies par les lois et règlements en vigueur lors de la conclusion, conformément à la jurisprudence administrative, les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne lui sont pas opposables.
La société Xergies soutient enfin que si le pouvoir réglementaire est habilité par la loi à suspendre l'obligation de conclure des contrats d'achat d'électricité, il ne dispose d'aucune habilitation pour suspendre l'obligation pour les gestionnaires de réseaux publics d'électricité de conclure des contrats de raccordement.
Elle indique en conclure que la société EDF ne pouvait à bon droit faire application du décret du 9 décembre 2010 pour décider que les procédures de raccordement se trouvaient concernées par la suspension instaurée par ce décret.
La société Xergies demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
A titre principal :
― constater la faute de la société EDF SEI en ce qu'elle n'a pas respecté le délai de trois mois pour la transmission des propositions techniques et financières demandées par la société Xergies pour ses projets de fermes solaires de Pratellu, Volucciu et Valle d'Osa ;
A titre subsidiaire :
― constater l'inopposabilité du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 à la société Xergies, dans le cadre des procédures de raccordement au réseau électrique en cours ;
Et par conséquent, dans tous les cas :
― dire que la société EDF SEI n'était pas fondée, par courrier du 22 décembre 2010, à se prévaloir de la date à laquelle la société Xergies a notifié son acceptation des trois propositions techniques et financières pour décider de lui opposer la suspension instaurée par le décret du 9 décembre 2010 et de lui imposer d'adresser de nouvelles demandes complètes de raccordement à l'issue de la période de suspension ;
― dire que la société EDF SEI doit être réputée avoir établi et transmis les trois conventions de raccordement en date du 9 septembre 2010 ;
― dire que la société Xergies, en sa qualité de mandataire, est réputée avoir notifié son acceptation des trois propositions techniques et financières et versé les acomptes afférents en date du 30 novembre 2010, sous réserve pour elle d'adresser à la société EDF SEI les chèques correspondant auxdits acomptes dans le délai maximal de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
― dire que le délai de dix-huit mois pour la mise en service de l'installation, tel que prévu par l'article 4 du décret du 9 décembre 2010, ne sera computé qu'à compter de la date de notification de la décision à intervenir.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 4 mars 2011, présentées par la société Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par son directeur juridique France, M. Oliviers SACHS, ayant pour avocat Me Emmanuel GUILLAUME et Me Simon DABOUSSY, Cabinet Baker & McKenzie, 1, rue Paul-Baudry, 75008 Paris.
La société EDF estime que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour connaître du différend soulevé par la société Xergies dès lors que le gestionnaire de réseau a dûment instruit les demandes de raccordement et qu'aucun refus de raccordement ne peut être caractérisé en l'espèce.
Elle soutient que la demande de la société Xergies Energia vise exclusivement à échapper à la suspension de l'obligation d'achat prévue par le décret du 9 décembre 2010, dans le seul objectif d'obtenir un contrat d'obligation d'achat aux conditions fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010. Elle observe, ainsi, que la société Xergies ne se plaint aucunement des conditions techniques ou financières de raccordement lui ayant été proposées. Elle invoque la décision rendue le 21 janvier 2011 par le comité de règlement des différends et des sanctions dans un différend opposant la société Nicodis à la société EDF.
La société EDF considère que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour caractériser un éventuel préjudice résultant d'agissements considérés comme fautifs de la part du gestionnaire de réseau, au sens de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui articles L. 134-19 et suivants du code de l'énergie).
Elle ajoute que le délai de trois mois pour envoyer une proposition technique et financière à un producteur est indicatif et qu'aucune sanction ne s'attache à son non-respect.
La société EDF indique, également, que l'afflux massif de demandes de raccordement relève de la cause étrangère au sens de l'article 1147 du code civil et qu'un tel afflux a induit un allongement de la durée du traitement des demandes de raccordement sans que la société EDF puisse faire appel à un personnel temporaire compte tenu de la technicité et de la spécificité que requiert le traitement de telles demandes.
Elle expose que le décret du 9 décembre 2010 s'applique aux installations qui, comme celles de la société Xergies, n'ont pas encore fait l'objet d'un contrat d'achat à la date du 10 décembre 2010.
La société EDF fait valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour connaître de la légalité du décret du 9 décembre 2010 et qu'il doit reconnaître que la société EDF n'a pas d'autre alternative que de se soumettre à cet acte réglementaire.
Elle ajoute que l'obligation de ne pas appliquer un texte qui serait illégal n'incombe qu'à l'administration qui en est l'auteur et que tel n'est pas le cas du comité de règlement des différends et des sanctions.
La société EDF soutient que les circonstances de fait en vertu desquelles les projets de la société Xergies se sont trouvés soumis au décret du 9 décembre 2010 sont sans incidence sur l'applicabilité de ce décret à de tels projets comme en a décidé le comité de règlement des différends et des sanctions dans un cas comparable par une décision du 21 janvier 2011, « centrale solaire de Macouria 2 ».
La société EDF demande en conséquence au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter la demande de la société Xergies.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 28 mars 2011, présentées par la société Xergies.
La société Xergies rappelle que la procédure instaurée pour obtenir le raccordement d'une installation photovoltaïque et la vente d'électricité à des tarifs fixés par l'Etat n'est pas de son fait et nécessite chronologiquement une demande de raccordement qui lorsqu'elle sera acceptée permettra au producteur de faire valoir son droit à obligation d'achat.
Elle ne conteste pas vouloir bénéficier de l'obligation d'achat pour ses projets d'installations mais précise que le différend soulevé est uniquement relatif aux conventions de raccordement ou au refus de signer de telles conventions et relève donc de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions.
La société Xergies précise qu'elle demande au comité de règlement des différends et des sanctions de trancher la question de savoir si ses projets étaient en droit ou non de bénéficier d'une convention de raccordement.
Elle expose que le fait de ne pas se plaindre des conditions techniques et financières de raccordement des projets d'installations photovoltaïque ne saurait faire échapper le litige en cause à la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions dès lors qu'elles contestent le refus de la société EDF de faire droit à leur demande de conventions de raccordement.
La société Xergies expose que le fait que le non-respect de la procédure de traitement des demandes de raccordement par la société EDF soit qualifié de faute, de manquement ou de difficulté importe peu dans la mesure où il appartient incontestablement au comité de règlement des différends et des sanctions de connaître des différends nés du non-respect par la société EDF des délais de traitement des demandes de raccordement.
Elle rappelle que le délai maximal de trois mois pour établir et transmettre une offre de raccordement ressort de la décision de la Commission de régulation de l'énergie en date du 11 juin 2009.
La société Xergies ajoute qu'il convient de dresser un parallèle entre le délai de trois mois dont dispose un demandeur de raccordement pour notifier sa proposition technique et financière sous peine de caducité de sa demande et le même délai de trois mois dont dispose le gestionnaire pour établir une telle proposition technique et financière.
Elle indique que dans le respect de « l'équité des contrats » il n'apparaît pas incongru de considérer que ce délai de trois mois s'impose aussi à la société EDF.
La société Xergies estime qu'ainsi il appartient bien au comité de règlement des différends et des sanctions d'apprécier les conséquences du non-respect des délais de traitement par la société EDF des demandes de raccordement.
Elle demande à la société EDF de produire un décompte précis du nombre de dossiers de demande de raccordement déposés chaque année entre le 1er janvier 2007 et le mois de décembre 2010 afin de vérifier la réalité de l'accroissement exponentiel de telles demandes comme le soutient la société EDF.
La société Xergies fait valoir enfin que dans la mesure où la société EDF bénéficie d'un financement par le biais de la contribution au service public de l'électricité un tel accroissement des demandes de raccordement, à supposer qu'il existe, ne saurait constituer une cause étrangère exonératoire de sa responsabilité.
La société Xergies demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
A titre principal :
― constater les manquements de la société EDF SEI en ce qu'elle n'a pas respecté le délai de trois mois pour la transmission des propositions techniques et financières demandées par la société Xergies pour ses projets de fermes solaires de Pratellu, de Volucciu et de Valle d'Osa ;
A titre subsidiaire :
― constater l'inopposabilité du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 à la société Xergies, dans le cadre des procédures de raccordement au réseau électrique en cours ;
Et par conséquent, dans tous les cas :
― dire que la société EDF SEI n'était pas fondée, par courrier du 22 décembre 2010, à se prévaloir de la date à laquelle la société Xergies a notifié son acceptation des trois propositions techniques et financières pour décider de lui opposer la suspension instaurée par le décret du 9 décembre 2010 et de lui imposer d'adresser de nouvelles demandes complètes de raccordement à l'issue de la période de suspension ;
― dire que la société EDF SEI doit être réputée avoir établi et transmis les trois conventions de raccordement en date du 9 septembre 2010 ;
― dire que la société Xergies, en sa qualité de mandataire, est réputée avoir notifié son acceptation des trois propositions techniques et financières et versé les acomptes afférents en date du 30 novembre 2010, sous réserve pour elle d'adresser à la société EDF SEI les chèques correspondant auxdits acomptes dans le délai maximal de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
― dire que le délai de dix-huit mois pour la mise en service de l'installation, tel que prévu par l'article 4 du décret du 9 décembre 2010, ne sera computé qu'à compter de la date de notification de la décision à intervenir.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 8 avril 2011, présentées par la société EDF.
La société EDF soutient que les observations en réplique de la société Xergies démontrent que sa demande tend uniquement à obtenir du comité de règlement des différends et des sanctions une décision dont elle pourrait se prévaloir pour échapper aux dispositions du décret du 9 décembre 2010.
Elle ajoute qu'en l'espèce il ne s'agit pas d'un refus d'accès au réseau au sens des dispositions du code de l'énergie mais de l'impossibilité de poursuivre l'instruction des demandes de raccordement du fait de l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010.
La société EDF expose qu'aucune relation contractuelle n'a été nouée avec la société Xergies dans la mesure où la société EDF n'a pas signé les propositions techniques et financières et qu'ainsi il n'est pas pertinent d'évoquer « l'équité des contrats ».
Elle produit un document démontrant que les équipes en charge du traitement des demandes de raccordement ont vu leur charge de travail croître comme jamais auparavant.
La société EDF maintient donc ses précédentes conclusions.

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Vu les observations complémentaires, enregistrées le 27 septembre 2012, présentées par la société Xergies.
La société Xergies soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est parfaitement compétent pour connaître du différend qui l'oppose à la société EDF comme cela a déjà été explicitement reconnu dans de nombreuses espèces similaires.
Elles expose que le comité de règlement des différends et des sanctions, dans une décision « MSO Arbellara » du 11 juin 2012, a déjà reconnu qu'un demandeur est fondé à invoquer la méconnaissance par la société EDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement en cas de non-respect du délai de trois mois pour établir et transmettre la proposition technique et financière, quand bien même il ne s'agirait pas d'une obligation de résultat.
La société Xergies ajoute que les éléments produits par la société EDF ne démontrent pas un accroissement exponentiel des demandes de raccordement en 2010 dès lors notamment que le nombre total de demandes reçu en 2010 n'est guère éloigné des chiffres de l'année 2008.
La société Xergies demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
A titre principal :
― constater les fautes et manquements de la société EDF SEI en ce qu'elle n'a pas respecté le délai de trois mois pour la transmission des propositions techniques et financières demandées par la société Xergies pour ses projets de fermes solaires de Pratellu, de Volucciu et de Valle d'Osa ;
A titre subsidiaire :
― constater l'inopposabilité du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 à la société Xergies, dans le cadre des procédures de raccordement au réseau électrique en cours ;
Et par conséquent, dans tous les cas :
― dire que la société EDF SEI n'était pas fondée, par courrier du 22 décembre 2010, à se prévaloir de la date à laquelle la société Xergies a notifié son acceptation des trois propositions techniques et financières pour décider de lui opposer la suspension instaurée par le décret du 9 décembre 2010 et de lui imposer d'adresser de nouvelles demandes complètes de raccordement à l'issue de la période de suspension ;
― dire que la société EDF SEI doit être réputée avoir établi et transmis les trois conventions de raccordement en date du 9 septembre 2010 ;
― dire que la société Xergies, en sa qualité de mandataire, est réputée avoir notifié son acceptation des trois propositions techniques et financières et versé les acomptes afférents en date du 30 novembre 2010, sous réserve pour elle d'adresser à la société EDF SEI les chèques correspondant auxdits acomptes dans le délai maximal de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
― dire que le délai de dix-huit mois pour la mise en service de l'installation, tel que prévu par l'article 4 du décret du 9 décembre 2010, ne sera computé qu'à compter de la date de notification de la décision à intervenir.

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Vu les observations complémentaires, enregistrées le 15 octobre 2012, présentées par la société EDF.
La société EDF maintient avoir fait face à un afflux important de demandes de raccordement entre le 23 août et le 1er septembre 2010 qui ont eu un impact sur le délai de traitement des demandes de raccordement dont la société EDF était déjà saisie.
Elle expose que le comité de règlement des différends et des sanctions refuse, comme cela ressort de sa décision « Soproder » du 8 juillet 2011, de considérer que le producteur puisse être réputé avoir accepté l'offre de raccordement à l'expiration du délai de trois mois si cette offre lui a été transmise plus tardivement.
La société EDF soutient que la cour d'appel de Paris a confirmé cette décision du comité de règlement des différends et des sanctions le 4 octobre 2012 et précisé que le délai de trois mois pour l'établissement d'une offre de raccordement n'est pas assorti de sanction et ne constitue pas une obligation de résultat.
Elle indique enfin que, comme l'a précisé le comité de règlement des différends et des sanctions, notamment dans la décision « sociétés Solabios et Voltaica » du 11 juin 2012, une société n'ayant pas notifié avant le 2 décembre 2010, comme en l'espèce, son acceptation de la proposition technique et financière entre dans le champ d'application du décret du 9 décembre 2010 et doit, si elle souhaite raccorder son installation à l'issue de la suspension instaurée par le décret du 9 décembre 2010, faire une nouvelle demande de raccordement.
La société EDF maintient donc ses précédentes conclusions.

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 7 février 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 10-38-11.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique qui s'est tenue le 20 février 2013 du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Pierre-François RACINE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique représentant le directeur général, empêché ;
M. Jérémie ASTIER, rapporteur, et M. Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint ;
Les représentants de la société Xergies, assistés de Me Jean-Baptiste OLLIER ;
Les représentants de la société EDF, assistés de Me Simon DABOUSSY.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Jérémie ASTIER, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Jean-Baptiste OLLIER pour la société Xergies ; la société Xergies persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Simon DABOUSSY ; la société EDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 20 février 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions :
Aux termes de l'article L. 134-19 du code de l'énergie :
« Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend :
1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ; (...)
Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement.
La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. »
Il ressort des pièces du dossier que, le 3 décembre 2010, la société Xergies a adressé à la société EDF pour chacun des trois projets d'installations deux exemplaires signés de la proposition technique et financière accompagnés du chèque d'acompte demandé.
La société Xergies demande au comité de règlement des différends et des sanctions de trancher la question de savoir si EDF était en droit, comme elle l'a fait, de refuser d'exécuter les propositions techniques et financières et de continuer le processus de raccordement de ses installations.
Ainsi, contrairement à ce que soutient la société EDF, les demandes de la société Xergies portant sur les modalités de maintien en file d'attente de raccordement et de continuation du processus de raccordement de ses installations de production, il existe donc bien un différend lié à l'accès au réseau entre, d'une part, la société Xergies et, d'autre part, la société EDF, qui relève de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions.
Sur la méconnaissance par la société EDF de sa documentation technique de référence :
La société Xergies demande au comité de règlement des différends et des sanctions de dire que la société EDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
La société EDF soutient que le législateur n'a pas fixé de délai impératif pour la délivrance de proposition technique et financière de raccordement et que le comité de règlement des différends et des sanctions a d'ailleurs reconnu le caractère indicatif du délai de trois mois pour la délivrance d'une proposition de raccordement.
La procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA au réseau public de distribution géré par EDF, qui fait partie de sa documentation technique de référence, prévoit dans sa version applicable à l'espèce et en son article 4.7 que la société EDF dispose d'un délai de trois mois conformément au cahier des charges de la concession du réseau d'alimentation générale en énergie électrique pour transmettre une proposition technique et financière au demandeur de raccordement.
Il ressort des pièces du dossier que les demandes de raccordement ont été considérés comme complètes par la société EDF, le 20 avril 2010 pour le projet « ferme solaire de Valle d'Osa », et le 9 juin 2010 pour les projets « ferme solaire de Pratellu » et « ferme solaire de Volucciu », et que les propositions techniques et financières correspondantes ont été notifiées, les 19 octobre, 23 novembre et 1er décembre 2010, par la société EDF à la société Xergies.
Les propositions techniques et financières n'ont donc pas été notifiées dans le délai de trois mois par la société EDF à la société Xergies, ce qui constitue une méconnaissance par la société EDF de sa documentation technique de référence, qui prévoit sa transmission dans un délai qui « n'excédera pas trois mois ».
La société Xergies est, donc, fondée à invoquer la méconnaissance par la société EDF de sa documentation technique de référence, quand bien même cette obligation ne serait pas une obligation de résultat.
Sur l'application du décret du 9 décembre 2010 :
La société Xergies demande au comité de règlement des différends et des sanctions de dire, à titre principal, que l'application du décret du 9 décembre 2010 doit être écartée et, à titre subsidiaire, que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait lui être opposé en raison des manquements de la société EDF à sa documentation technique de référence.
Elle demande, par conséquent, au comité de règlement des différends et des sanctions de constater l'inopposabilité du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 à la société Xergies, dans le cadre des procédures de raccordement au réseau électrique en cours.
La société EDF soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut que rejeter ces demandes dans la mesure où elle devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.

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Il entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions de vérifier la bonne application par la société EDF de ce décret.
L'article 1er du décret du 9 décembre 2010 dispose que l'« obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».
L'article 3 du décret du 9 décembre 2010 dispose que les « dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».
Les dispositions de l'article 5 dudit décret précisent enfin qu'« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».
Il résulte de ces dispositions que lorsque la procédure de traitement des demandes de raccordement rend nécessaire l'établissement préalable d'une proposition technique et financière, une société n'ayant pas notifié au gestionnaire de réseau son acceptation de la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010 ne peut bénéficier des dispositions de l'article 3 de ce décret et doit, si elle souhaite raccorder son installation de production photovoltaïque à l'issue de la période de suspension, faire une nouvelle demande de raccordement.
Le non-respect du délai maximum de trois mois pour la remise d'une proposition technique et financière par la société EDF, si regrettable qu'il soit, ne permet pas, dans le silence des textes, d'écarter l'application du décret du 9 décembre 2010.
La société Xergies n'ayant pas notifié, avant le 2 décembre 2010, son acceptation des propositions techniques et financières, les dispositions de l'article 5 du décret du 9 décembre 2010 lui sont applicables. Il lui appartient si elle souhaite raccorder ses installations de production photovoltaïque au réseau public de distribution de déposer une nouvelle demande complète de raccordement, conformément à ce même article.
Par suite, le surplus des demandes de la société Xergies doit être rejeté.
Décide :

Article 1

La société Electricité de France a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement.

Article 2

Le surplus des demandes de la société Xergies est rejeté.

Article 3

La présente décision sera notifiée à la société Xergies et à la société Electricité de France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 20 février 2013.

Pour le comité de règlement

des différends et des sanctions :

Le président,

P.-F. Racine