JORF n°0039 du 15 février 2012

LE CONTRAT ENVISAGÉ EST-IL UN MARCHÉ PUBLIC
SOUMIS AU CODE DES MARCHÉS PUBLICS ?

L'acheteur saura s'il doit appliquer le code des marchés publics, lorsqu'il aura répondu aux trois questions suivantes :
― est-il une personne soumise au code des marchés publics ?
― le contrat qu'il envisage est-il un marché public ?
― ce marché public entre-t-il dans le champ des exceptions prévues par le code ?

  1. Qui doit appliquer le code des marchés publics ?
    1.1. Les personnes publiques soumises
    au code des marchés publics

Le code des marchés publics s'applique à l'Etat et à ses établissements publics à caractère administratif (5), mais pas à ses établissements publics à caractère industriel et commercial qui sont soumis, pour la plupart d'entre eux, à l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 (6). Il s'applique également aux collectivités territoriales et aux établissements publics locaux, qu'ils soient de nature administrative ou industrielle et commerciale. Depuis la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, les offices publics de l'habitat, bien qu'établissements publics locaux, ne sont pas soumis au code des marchés publics, mais à l'ordonnance du 6 juin 2005.
Lorsque ces personnes constituent des pouvoirs adjudicateurs, leurs achats sont régis par la première partie du code. Lorsqu'elles interviennent en tant qu'opérateur de réseaux, elles constituent des entités adjudicatrices. Leurs achats sont alors soumis à des règles spécifiques fixées dans la seconde partie du code. Le régime qui leur est applicable est commenté en cinquième partie du présent guide.
Les établissements publics de santé qui, depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, sont des établissements publics administratifs de l'Etat et non plus des établissements publics locaux, ainsi que les établissements du service de santé des armées sont soumis à certaines dispositions spécifiques (seuils de procédure formalisée applicables aux collectivités territoriales, délais de paiement particuliers). Les syndicats interhospitaliers sont soumis au même régime que les établissements de santé.

1.2. Certaines personnes privées

Les personnes privées ne relèvent pas, en principe, du champ d'application du code des marchés publics.
Il en va autrement dans les cas suivants :
a) Lorsqu'une personne privée agit comme mandataire d'une personne publique soumise au code des marchés publics, elle doit, pour les marchés passés en exécution de ce mandat, respecter les dispositions de ce code. Il faut noter que les conventions de mandat sont soumises au code des marchés publics ;
b) Les personnes morales de droit privé qui participent à un groupement de commandes avec des personnes publiques soumises au code des marchés publics doivent, pour leurs achats effectués dans le cadre du groupement, appliquer les règles prévues par le code ;
c) Les organismes de sécurité sociale appliquent les dispositions du code des marchés publics, en vertu de l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 16 juin 2008 portant réglementation sur les marchés des organismes de sécurité sociale.
On prendra garde qu'une association, personne morale de droit privé, lorsqu'elle ne constitue qu'un « faux-nez » d'une personne publique, doit être, par suite, considérée comme une association transparente. Elle doit alors appliquer les règles des marchés applicables à cette personne publique (7).

1.3. Les autres personnes publiques ou privées

Certaines personnes publiques ou privées, bien que non soumises au code des marchés publics, sont assujetties à des obligations de mise en concurrence imposées par le droit communautaire, dès lors qu'elles peuvent être qualifiées de pouvoir adjudicateur ou d'entité adjudicatrice (8). Ces organismes relèvent du régime de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 modifiée relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et de ses décrets d'application (9).
Ont un double régime les marchés passés par les établissements publics à caractère administratif ayant dans leur statut une mission de recherche, parmi lesquels les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les établissements publics de coopération scientifique et les établissements publics à caractère scientifique et technologique. Ils sont en principe soumis au code des marchés publics mais leurs achats destinés à la conduite de leurs activités de recherche relèvent de l'ordonnance du 6 juin 2005 (10).
Les personnes publiques ou privées soumises à l'ordonnance du 6 juin 2005 peuvent décider d'appliquer volontairement les règles prévues par le code des marchés publics (art. 3-II de cette ordonnance). Ce choix peut être effectué :
― de manière générale, pour l'ensemble de leurs achats ou pour certains achats déterminés en fonction de leur objet (tel ou tel type de fournitures, par exemple) ou de leur destination (dans le cadre de telle ou telle opération d'achats, pour des achats effectués en commun avec un autre acheteur ou pour les achats de tel ou tel service utilisateur, par exemple), ce qui suppose une décision expresse de l'autorité compétente ;
― ou de manière ponctuelle, à l'occasion d'un marché particulier, en faisant une référence explicite aux articles du code dans les documents de la consultation et les pièces contractuelles du marché.
Lorsque l'achat est effectué en commun par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics et une personne publique ou privée soumise à l'ordonnance du 6 juin 2005, le marché doit être passé en application du code des marchés publics.

  1. Le contrat envisagé est-il un marché public ?

La définition des marchés publics figure à l'article 1er du code. Ils ne doivent pas être confondus avec d'autres contrats relevant de régimes juridiques différents (concessions de travaux publics, délégations de service public, contrats de partenariat, contrats de vente en l'état futur d'achèvement, baux emphytéotiques administratifs, autorisations d'occupation temporaire du domaine public...) (11).
2.1. Un marché public est un contrat qui doit répondre aux besoins du pouvoir adjudicateur en matière de fournitures, services et travaux
Les marchés publics sont des contrats consacrant l'accord de volonté entre deux personnes dotées de la personnalité juridique. Une décision unilatérale ne peut être un marché, pour autant qu'elle ne dissimule pas un contrat.
L'objet du marché, qui précise le besoin de la personne publique, est un élément fondamental qui doit être défini avec précision.
Tous les contrats soumis au code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs (12).

2.2. Un marché public est conclu à titre onéreux

Les prestations doivent être effectuées en contrepartie d'un prix. Lorsque la rémunération du cocontractant de l'administration est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation d'un service ou d'un ouvrage, le contrat ne peut être qualifié de marché public (13).
Dans la majorité des cas, le marché donnera lieu au versement d'une somme d'argent par la personne publique. Lorsque l'administration bénéficie de prestations et que le versement effectué peut être regardé comme leur contrepartie, il constitue un prix, quelle que soit la qualification donnée par les parties : une subvention peut ainsi être requalifiée en prix et le contrat en marché (14). Le prix n'est pas nécessairement payé par l'acheteur. Le caractère onéreux peut, en effet, résulter d'un abandon par l'acheteur public d'une recette née à l'occasion de l'exécution du marché. Il s'agira, par exemple, de l'autorisation donnée au titulaire d'un marché de mobilier urbain ou d'un marché d'édition d'un bulletin municipal, de se rémunérer par les recettes publicitaires qui en sont issues (15), ou encore de l'autorisation donnée au cocontractant de vendre le sable ou les graviers tirés d'un cours d'eau, dont il a effectué le curage (16). L'acheteur public prendra garde, dans ce cas, au respect des principes de la comptabilité publique (17).
Ne sont pas des marchés publics les contrats qui excluent une rémunération du cocontractant et se caractérisent, au contraire, par le versement, par celui-ci, d'une redevance ou d'un prix à l'administration. C'est le cas des contrats d'occupation du domaine public, des ventes de biens domaniaux ou encore des offres de concours. L'offre de concours est un contrat par lequel une personne intéressée à la réalisation de travaux publics s'engage à fournir, gratuitement, une participation à l'exécution de ces travaux. Cette participation peut être financière ou en nature (fourniture d'un terrain ou de main-d'œuvre ou réalisation de prestations).

2.3. Un marché public est conclu avec un opérateur
économique public ou privé

Un marché est un contrat signé entre deux personnes distinctes, dotées chacune de la personnalité juridique.
Le cocontractant de l'acheteur doit être un opérateur économique (18), c'est-à-dire une entité, quels que soient son statut juridique et son mode de financement, qui exerce une activité économique (19). Le Conseil d'Etat a jugé que les collectivités publiques peuvent ne pas passer un marché public « lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel » (20). Certaines commandes, à caractère social en particulier, peuvent ainsi être passées avec des organismes qui, compte tenu de la nature de leur activité et des conditions dans lesquelles ils agissent, ne peuvent être regardés comme des opérateurs économiques. Le contrat éventuel qui les lie alors à la collectivité ne peut être analysé comme un marché public.
Une personne publique peut se porter candidate à l'attribution d'un marché public. Toutefois, les modalités d'intervention de la personne publique candidate ne doivent pas fausser les conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence entre cette entité publique et d'autres entreprises, afin de respecter le principe d'égalité d'accès à la commande publique et le droit de la concurrence. La personne publique, qui soumissionne, devra donc être en mesure de justifier, le cas échéant, que le prix proposé a été déterminé, en prenant en compte l'ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat, et qu'elle n'a pas bénéficié, pour déterminer ce prix, d'un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public (21).

  1. Le contrat est-il exclu du champ d'application
    du code des marchés publics ?

Certains contrats sont exclus du champ d'application du code des marchés publics. Les exclusions, figurant à l'article 3 du code, sont les suivantes :

3.1. Les contrats de quasi-régie
ou de prestations intégrées (art. 3 [1°])

Cette exclusion concerne tous les contrats de fournitures, de travaux ou de services conclus entre deux personnes morales distinctes, mais dont l'une peut être regardée comme le prolongement administratif de l'autre. Elle est issue de la jurisprudence communautaire (22). Deux caractéristiques qualifient la prestation intégrée (23) :
― le contrôle effectué par la personne publique sur le cocontractant doit être analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services. Cela suppose une influence déterminante sur ses objectifs stratégiques et ses décisions importantes (une simple relation de tutelle ne suffit pas) ;
― le cocontractant doit effectuer l'essentiel de son activité pour la personne publique qui le contrôle. La part des activités effectuées au profit d'autres personnes doit demeurer marginale.
La participation, même minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur, exclut que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services (24). Les sociétés d'économie mixte (SEM) doivent, en conséquence, toujours être mises en concurrence avec d'autres prestataires pour la passation d'un marché public.
En revanche, les sociétés publiques locales instituées par la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 et les sociétés publiques locales d'aménagement sont des sociétés anonymes dont le capital est détenu en totalité par des collectivités territoriales ou leurs groupements. Elles constituent des outils juridiques qui permettent aux collectivités territoriales et à leurs groupements de contracter directement, sans publicité ni mise en concurrence, sous réserve que ces sociétés soient bien en situation de prestataire « intégré ». Les deux critères jurisprudentiels de la quasi-régie doivent être remplis tout au long de la vie des contrats concernés (25).
Les jurisprudences communautaire (26) et administrative (27) admettent qu'un contrôle public sur le cocontractant puisse être exercé conjointement par plusieurs pouvoirs adjudicateurs. Ceux-ci sont alors considérés comme exerçant collectivement un contrôle comparable à celui exercé sur leurs propres services. Il n'y a pas lieu, dans ce cas, d'examiner le niveau du contrôle de chacun des pouvoirs adjudicateurs sur l'entité contrôlée. Le contrôle analogue peut donc s'entendre d'un contrôle conjoint (28).
En conséquence de la mise en œuvre du régime de la « quasi-régie », le cocontractant applique l'ensemble des règles du code des marchés publics ou de l'ordonnance du 6 juin 2005 pour répondre à ses propres besoins. S'il n'y est pas légalement soumis, il doit s'y soumettre volontairement, pour que l'exclusion de « quasi-régie » s'applique.

3.2. L'octroi d'un droit exclusif (art. 3 [2°])

On prendra garde que cette exclusion ne concerne que les marchés de services.
Le droit exclusif peut être défini comme la situation dans laquelle est confié à une personne, par un acte législatif ou réglementaire, l'exercice d'une mission d'intérêt général. Ce droit a pour effet de réserver à cette personne l'exercice de l'activité en cause (29). En conséquence, l'acheteur public peut s'adresser à cette personne directement, c'est-à-dire sans formalité de publicité ou de mise en concurrence, pour lui demander une prestation de services. Lorsqu'un droit exclusif est confié à plusieurs opérateurs, on parle alors de droit spécial. Les conditions de validité de ces droits spéciaux sont les mêmes que celles des droits exclusifs.
Ce droit doit résulter d'un texte législatif ou réglementaire antérieur au contrat qui, lorsqu'il attribue ce droit, définit aussi la mission d'intérêt général confiée au cocontractant et précise les obligations qui lui sont imposées. Le contenu, la durée et les limites de la prestation doivent être précisément définis. Ce droit ne peut, en aucun cas, être accordé par le contrat lui-même.
Les conditions de validité d'un droit exclusif sont les suivantes :
― il doit être nécessaire et proportionné à l'exercice d'une mission d'intérêt général confiée au contractant ;
― lorsque sont en cause des services d'intérêt économique général (SIEG), c'est-à-dire des « activités de service marchand remplissant des missions d'intérêt général et soumises, de ce fait, par les Etats membres à des obligations spécifiques de service public », le droit exclusif est justifié si, en son absence, son bénéficiaire ne serait pas en mesure d'accomplir la mission particulière qui lui a été confiée (30) ;
― conformément à l'article 106 du TFUE, le droit exclusif ne peut être accordé qu'à un organisme déterminé pour l'accomplissement d'une mission de SIEG justifiant l'exclusion ou la restriction de concurrence sur les marchés de services en question (31) ;
― dans les autres cas, la dérogation à l'application des règles de libre concurrence, de libre prestation de services, de liberté d'établissement et de libre circulation des marchandises édictées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) doit être justifiée par une nécessité impérieuse d'intérêt général et à la double condition que les restrictions à ces règles soient propres à garantir l'objectif qu'elles visent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.
Si le droit exclusif peut conférer à son bénéficiaire une position dominante sur le marché, au sens de l'article 102 du TFUE et de l'article L. 420-2 du code de commerce, il ne doit pas le conduire à abuser de cette position dominante.

3.3. Les contrats relatifs à des programmes
de recherche-développement (art. 3 [6°])

Cette exclusion ne concerne que les marchés de services.
Elle ne s'applique qu'à des programmes qui portent sur des projets de recherche et développement, sans prolongement industriel direct. Les simples marchés d'études n'entrent pas dans cette catégorie.
Les contrats relatifs à des programmes de recherche et développement sont exclus du champ d'application du code à deux conditions alternatives :
― si le pouvoir adjudicateur ne finance que partiellement le programme ; ou
― s'il n'acquiert pas la propriété exclusive des résultats du programme.
Seul constitue donc un marché public soumis au code le contrat dans lequel le pouvoir adjudicateur est amené à acquérir l'intégralité de la propriété des résultats du programme de recherche et à assurer l'intégralité de son financement.
3.4. Les contrats qui exigent le secret ou dont l'exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l'Etat l'exige (art. 3 [7°])
L'exigence de secret qui justifie cette exclusion concerne uniquement la protection du secret ainsi que des informations ou des intérêts relatifs à la défense nationale, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
Tel est, par exemple, le cas de certaines prestations acquises en vue de prévenir des actions terroristes. Il en est de même des marchés qui conduiraient des fournisseurs à accéder à des informations ou domaines sensibles, dont la divulgation pourrait porter atteinte à la sécurité et la sûreté de l'Etat ou à son potentiel scientifique et économique.
Dans le domaine de la défense nationale et en dehors des cas d'application (32), il peut s'agir, par exemple, de marchés de nettoyage, de gardiennage ou de déménagement de sites protégés au sens de l'article 413-7 du code pénal.
Des dispositions particulières sur le secret protégé dans les contrats concernés par cette exclusion figurent dans l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale.

3.5. Les autres exclusions

Sont également exclues du champ d'application du code des marchés publics :
― les contrats d'acquisition ou de location de biens immobiliers, notamment de bâtiments existants, ou de droits réels sur ces biens. Attention, les contrats passés avec des tiers mandataires, tels que des agences immobilières, sont, en revanche, des contrats de services soumis au code des marchés publics ;
― les contrats portant sur des programmes destinés à la diffusion par des organismes de radiodiffusion et les marchés concernant les temps de diffusion ;
― les contrats de services financiers relatifs à l'émission, à l'achat, à la vente et au transfert de titres ou d'autres instruments financiers et à des opérations d'approvisionnement en argent ou en capital des pouvoirs adjudicateurs, ainsi que les services fournis par les banques centrales ;
― les contrats passés selon une procédure propre à une organisation internationale ;
― les contrats passés en application d'un accord international relatif au stationnement de troupes ou conclus entre un Etat membre de l'Union européenne et un Etat tiers en vue de la réalisation ou de l'exploitation en commun d'un projet ou d'un ouvrage ;
― l'achat d'œuvres ou d'objets d'art existants (33) ;
― les contrats de services relatifs à l'arbitrage et à la conciliation ;
― les contrats de travail. Attention, les contrats conclus avec des agences d'intérim sont soumis au code des marchés publics.
Il résulte, en outre, de la jurisprudence que sont exclus du champ d'application du code les marchés conclus et exécutés entièrement à l'étranger (34).


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Version 1

LE CONTRAT ENVISAGÉ EST-IL UN MARCHÉ PUBLIC

SOUMIS AU CODE DES MARCHÉS PUBLICS ?

L'acheteur saura s'il doit appliquer le code des marchés publics, lorsqu'il aura répondu aux trois questions suivantes :

― est-il une personne soumise au code des marchés publics ?

― le contrat qu'il envisage est-il un marché public ?

― ce marché public entre-t-il dans le champ des exceptions prévues par le code ?

1. Qui doit appliquer le code des marchés publics ?

1.1. Les personnes publiques soumises

au code des marchés publics

Le code des marchés publics s'applique à l'Etat et à ses établissements publics à caractère administratif (5), mais pas à ses établissements publics à caractère industriel et commercial qui sont soumis, pour la plupart d'entre eux, à l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 (6). Il s'applique également aux collectivités territoriales et aux établissements publics locaux, qu'ils soient de nature administrative ou industrielle et commerciale. Depuis la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, les offices publics de l'habitat, bien qu'établissements publics locaux, ne sont pas soumis au code des marchés publics, mais à l'ordonnance du 6 juin 2005.

Lorsque ces personnes constituent des pouvoirs adjudicateurs, leurs achats sont régis par la première partie du code. Lorsqu'elles interviennent en tant qu'opérateur de réseaux, elles constituent des entités adjudicatrices. Leurs achats sont alors soumis à des règles spécifiques fixées dans la seconde partie du code. Le régime qui leur est applicable est commenté en cinquième partie du présent guide.

Les établissements publics de santé qui, depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, sont des établissements publics administratifs de l'Etat et non plus des établissements publics locaux, ainsi que les établissements du service de santé des armées sont soumis à certaines dispositions spécifiques (seuils de procédure formalisée applicables aux collectivités territoriales, délais de paiement particuliers). Les syndicats interhospitaliers sont soumis au même régime que les établissements de santé.

1.2. Certaines personnes privées

Les personnes privées ne relèvent pas, en principe, du champ d'application du code des marchés publics.

Il en va autrement dans les cas suivants :

a) Lorsqu'une personne privée agit comme mandataire d'une personne publique soumise au code des marchés publics, elle doit, pour les marchés passés en exécution de ce mandat, respecter les dispositions de ce code. Il faut noter que les conventions de mandat sont soumises au code des marchés publics ;

b) Les personnes morales de droit privé qui participent à un groupement de commandes avec des personnes publiques soumises au code des marchés publics doivent, pour leurs achats effectués dans le cadre du groupement, appliquer les règles prévues par le code ;

c) Les organismes de sécurité sociale appliquent les dispositions du code des marchés publics, en vertu de l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 16 juin 2008 portant réglementation sur les marchés des organismes de sécurité sociale.

On prendra garde qu'une association, personne morale de droit privé, lorsqu'elle ne constitue qu'un « faux-nez » d'une personne publique, doit être, par suite, considérée comme une association transparente. Elle doit alors appliquer les règles des marchés applicables à cette personne publique (7).

1.3. Les autres personnes publiques ou privées

Certaines personnes publiques ou privées, bien que non soumises au code des marchés publics, sont assujetties à des obligations de mise en concurrence imposées par le droit communautaire, dès lors qu'elles peuvent être qualifiées de pouvoir adjudicateur ou d'entité adjudicatrice (8). Ces organismes relèvent du régime de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 modifiée relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et de ses décrets d'application (9).

Ont un double régime les marchés passés par les établissements publics à caractère administratif ayant dans leur statut une mission de recherche, parmi lesquels les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les établissements publics de coopération scientifique et les établissements publics à caractère scientifique et technologique. Ils sont en principe soumis au code des marchés publics mais leurs achats destinés à la conduite de leurs activités de recherche relèvent de l'ordonnance du 6 juin 2005 (10).

Les personnes publiques ou privées soumises à l'ordonnance du 6 juin 2005 peuvent décider d'appliquer volontairement les règles prévues par le code des marchés publics (art. 3-II de cette ordonnance). Ce choix peut être effectué :

― de manière générale, pour l'ensemble de leurs achats ou pour certains achats déterminés en fonction de leur objet (tel ou tel type de fournitures, par exemple) ou de leur destination (dans le cadre de telle ou telle opération d'achats, pour des achats effectués en commun avec un autre acheteur ou pour les achats de tel ou tel service utilisateur, par exemple), ce qui suppose une décision expresse de l'autorité compétente ;

― ou de manière ponctuelle, à l'occasion d'un marché particulier, en faisant une référence explicite aux articles du code dans les documents de la consultation et les pièces contractuelles du marché.

Lorsque l'achat est effectué en commun par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics et une personne publique ou privée soumise à l'ordonnance du 6 juin 2005, le marché doit être passé en application du code des marchés publics.

2. Le contrat envisagé est-il un marché public ?

La définition des marchés publics figure à l'article 1er du code. Ils ne doivent pas être confondus avec d'autres contrats relevant de régimes juridiques différents (concessions de travaux publics, délégations de service public, contrats de partenariat, contrats de vente en l'état futur d'achèvement, baux emphytéotiques administratifs, autorisations d'occupation temporaire du domaine public...) (11).

2.1. Un marché public est un contrat qui doit répondre aux besoins du pouvoir adjudicateur en matière de fournitures, services et travaux

Les marchés publics sont des contrats consacrant l'accord de volonté entre deux personnes dotées de la personnalité juridique. Une décision unilatérale ne peut être un marché, pour autant qu'elle ne dissimule pas un contrat.

L'objet du marché, qui précise le besoin de la personne publique, est un élément fondamental qui doit être défini avec précision.

Tous les contrats soumis au code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs (12).

2.2. Un marché public est conclu à titre onéreux

Les prestations doivent être effectuées en contrepartie d'un prix. Lorsque la rémunération du cocontractant de l'administration est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation d'un service ou d'un ouvrage, le contrat ne peut être qualifié de marché public (13).

Dans la majorité des cas, le marché donnera lieu au versement d'une somme d'argent par la personne publique. Lorsque l'administration bénéficie de prestations et que le versement effectué peut être regardé comme leur contrepartie, il constitue un prix, quelle que soit la qualification donnée par les parties : une subvention peut ainsi être requalifiée en prix et le contrat en marché (14). Le prix n'est pas nécessairement payé par l'acheteur. Le caractère onéreux peut, en effet, résulter d'un abandon par l'acheteur public d'une recette née à l'occasion de l'exécution du marché. Il s'agira, par exemple, de l'autorisation donnée au titulaire d'un marché de mobilier urbain ou d'un marché d'édition d'un bulletin municipal, de se rémunérer par les recettes publicitaires qui en sont issues (15), ou encore de l'autorisation donnée au cocontractant de vendre le sable ou les graviers tirés d'un cours d'eau, dont il a effectué le curage (16). L'acheteur public prendra garde, dans ce cas, au respect des principes de la comptabilité publique (17).

Ne sont pas des marchés publics les contrats qui excluent une rémunération du cocontractant et se caractérisent, au contraire, par le versement, par celui-ci, d'une redevance ou d'un prix à l'administration. C'est le cas des contrats d'occupation du domaine public, des ventes de biens domaniaux ou encore des offres de concours. L'offre de concours est un contrat par lequel une personne intéressée à la réalisation de travaux publics s'engage à fournir, gratuitement, une participation à l'exécution de ces travaux. Cette participation peut être financière ou en nature (fourniture d'un terrain ou de main-d'œuvre ou réalisation de prestations).

2.3. Un marché public est conclu avec un opérateur

économique public ou privé

Un marché est un contrat signé entre deux personnes distinctes, dotées chacune de la personnalité juridique.

Le cocontractant de l'acheteur doit être un opérateur économique (18), c'est-à-dire une entité, quels que soient son statut juridique et son mode de financement, qui exerce une activité économique (19). Le Conseil d'Etat a jugé que les collectivités publiques peuvent ne pas passer un marché public « lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel » (20). Certaines commandes, à caractère social en particulier, peuvent ainsi être passées avec des organismes qui, compte tenu de la nature de leur activité et des conditions dans lesquelles ils agissent, ne peuvent être regardés comme des opérateurs économiques. Le contrat éventuel qui les lie alors à la collectivité ne peut être analysé comme un marché public.

Une personne publique peut se porter candidate à l'attribution d'un marché public. Toutefois, les modalités d'intervention de la personne publique candidate ne doivent pas fausser les conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence entre cette entité publique et d'autres entreprises, afin de respecter le principe d'égalité d'accès à la commande publique et le droit de la concurrence. La personne publique, qui soumissionne, devra donc être en mesure de justifier, le cas échéant, que le prix proposé a été déterminé, en prenant en compte l'ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat, et qu'elle n'a pas bénéficié, pour déterminer ce prix, d'un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public (21).

3. Le contrat est-il exclu du champ d'application

du code des marchés publics ?

Certains contrats sont exclus du champ d'application du code des marchés publics. Les exclusions, figurant à l'article 3 du code, sont les suivantes :

3.1. Les contrats de quasi-régie

ou de prestations intégrées (art. 3 [1°])

Cette exclusion concerne tous les contrats de fournitures, de travaux ou de services conclus entre deux personnes morales distinctes, mais dont l'une peut être regardée comme le prolongement administratif de l'autre. Elle est issue de la jurisprudence communautaire (22). Deux caractéristiques qualifient la prestation intégrée (23) :

― le contrôle effectué par la personne publique sur le cocontractant doit être analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services. Cela suppose une influence déterminante sur ses objectifs stratégiques et ses décisions importantes (une simple relation de tutelle ne suffit pas) ;

― le cocontractant doit effectuer l'essentiel de son activité pour la personne publique qui le contrôle. La part des activités effectuées au profit d'autres personnes doit demeurer marginale.

La participation, même minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur, exclut que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services (24). Les sociétés d'économie mixte (SEM) doivent, en conséquence, toujours être mises en concurrence avec d'autres prestataires pour la passation d'un marché public.

En revanche, les sociétés publiques locales instituées par la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 et les sociétés publiques locales d'aménagement sont des sociétés anonymes dont le capital est détenu en totalité par des collectivités territoriales ou leurs groupements. Elles constituent des outils juridiques qui permettent aux collectivités territoriales et à leurs groupements de contracter directement, sans publicité ni mise en concurrence, sous réserve que ces sociétés soient bien en situation de prestataire « intégré ». Les deux critères jurisprudentiels de la quasi-régie doivent être remplis tout au long de la vie des contrats concernés (25).

Les jurisprudences communautaire (26) et administrative (27) admettent qu'un contrôle public sur le cocontractant puisse être exercé conjointement par plusieurs pouvoirs adjudicateurs. Ceux-ci sont alors considérés comme exerçant collectivement un contrôle comparable à celui exercé sur leurs propres services. Il n'y a pas lieu, dans ce cas, d'examiner le niveau du contrôle de chacun des pouvoirs adjudicateurs sur l'entité contrôlée. Le contrôle analogue peut donc s'entendre d'un contrôle conjoint (28).

En conséquence de la mise en œuvre du régime de la « quasi-régie », le cocontractant applique l'ensemble des règles du code des marchés publics ou de l'ordonnance du 6 juin 2005 pour répondre à ses propres besoins. S'il n'y est pas légalement soumis, il doit s'y soumettre volontairement, pour que l'exclusion de « quasi-régie » s'applique.

3.2. L'octroi d'un droit exclusif (art. 3 [2°])

On prendra garde que cette exclusion ne concerne que les marchés de services.

Le droit exclusif peut être défini comme la situation dans laquelle est confié à une personne, par un acte législatif ou réglementaire, l'exercice d'une mission d'intérêt général. Ce droit a pour effet de réserver à cette personne l'exercice de l'activité en cause (29). En conséquence, l'acheteur public peut s'adresser à cette personne directement, c'est-à-dire sans formalité de publicité ou de mise en concurrence, pour lui demander une prestation de services. Lorsqu'un droit exclusif est confié à plusieurs opérateurs, on parle alors de droit spécial. Les conditions de validité de ces droits spéciaux sont les mêmes que celles des droits exclusifs.

Ce droit doit résulter d'un texte législatif ou réglementaire antérieur au contrat qui, lorsqu'il attribue ce droit, définit aussi la mission d'intérêt général confiée au cocontractant et précise les obligations qui lui sont imposées. Le contenu, la durée et les limites de la prestation doivent être précisément définis. Ce droit ne peut, en aucun cas, être accordé par le contrat lui-même.

Les conditions de validité d'un droit exclusif sont les suivantes :

― il doit être nécessaire et proportionné à l'exercice d'une mission d'intérêt général confiée au contractant ;

― lorsque sont en cause des services d'intérêt économique général (SIEG), c'est-à-dire des « activités de service marchand remplissant des missions d'intérêt général et soumises, de ce fait, par les Etats membres à des obligations spécifiques de service public », le droit exclusif est justifié si, en son absence, son bénéficiaire ne serait pas en mesure d'accomplir la mission particulière qui lui a été confiée (30) ;

― conformément à l'article 106 du TFUE, le droit exclusif ne peut être accordé qu'à un organisme déterminé pour l'accomplissement d'une mission de SIEG justifiant l'exclusion ou la restriction de concurrence sur les marchés de services en question (31) ;

― dans les autres cas, la dérogation à l'application des règles de libre concurrence, de libre prestation de services, de liberté d'établissement et de libre circulation des marchandises édictées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) doit être justifiée par une nécessité impérieuse d'intérêt général et à la double condition que les restrictions à ces règles soient propres à garantir l'objectif qu'elles visent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.

Si le droit exclusif peut conférer à son bénéficiaire une position dominante sur le marché, au sens de l'article 102 du TFUE et de l'article L. 420-2 du code de commerce, il ne doit pas le conduire à abuser de cette position dominante.

3.3. Les contrats relatifs à des programmes

de recherche-développement (art. 3 [6°])

Cette exclusion ne concerne que les marchés de services.

Elle ne s'applique qu'à des programmes qui portent sur des projets de recherche et développement, sans prolongement industriel direct. Les simples marchés d'études n'entrent pas dans cette catégorie.

Les contrats relatifs à des programmes de recherche et développement sont exclus du champ d'application du code à deux conditions alternatives :

― si le pouvoir adjudicateur ne finance que partiellement le programme ; ou

― s'il n'acquiert pas la propriété exclusive des résultats du programme.

Seul constitue donc un marché public soumis au code le contrat dans lequel le pouvoir adjudicateur est amené à acquérir l'intégralité de la propriété des résultats du programme de recherche et à assurer l'intégralité de son financement.

3.4. Les contrats qui exigent le secret ou dont l'exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l'Etat l'exige (art. 3 [7°])

L'exigence de secret qui justifie cette exclusion concerne uniquement la protection du secret ainsi que des informations ou des intérêts relatifs à la défense nationale, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.

Tel est, par exemple, le cas de certaines prestations acquises en vue de prévenir des actions terroristes. Il en est de même des marchés qui conduiraient des fournisseurs à accéder à des informations ou domaines sensibles, dont la divulgation pourrait porter atteinte à la sécurité et la sûreté de l'Etat ou à son potentiel scientifique et économique.

Dans le domaine de la défense nationale et en dehors des cas d'application (32), il peut s'agir, par exemple, de marchés de nettoyage, de gardiennage ou de déménagement de sites protégés au sens de l'article 413-7 du code pénal.

Des dispositions particulières sur le secret protégé dans les contrats concernés par cette exclusion figurent dans l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale.

3.5. Les autres exclusions

Sont également exclues du champ d'application du code des marchés publics :

― les contrats d'acquisition ou de location de biens immobiliers, notamment de bâtiments existants, ou de droits réels sur ces biens. Attention, les contrats passés avec des tiers mandataires, tels que des agences immobilières, sont, en revanche, des contrats de services soumis au code des marchés publics ;

― les contrats portant sur des programmes destinés à la diffusion par des organismes de radiodiffusion et les marchés concernant les temps de diffusion ;

― les contrats de services financiers relatifs à l'émission, à l'achat, à la vente et au transfert de titres ou d'autres instruments financiers et à des opérations d'approvisionnement en argent ou en capital des pouvoirs adjudicateurs, ainsi que les services fournis par les banques centrales ;

― les contrats passés selon une procédure propre à une organisation internationale ;

― les contrats passés en application d'un accord international relatif au stationnement de troupes ou conclus entre un Etat membre de l'Union européenne et un Etat tiers en vue de la réalisation ou de l'exploitation en commun d'un projet ou d'un ouvrage ;

― l'achat d'œuvres ou d'objets d'art existants (33) ;

― les contrats de services relatifs à l'arbitrage et à la conciliation ;

― les contrats de travail. Attention, les contrats conclus avec des agences d'intérim sont soumis au code des marchés publics.

Il résulte, en outre, de la jurisprudence que sont exclus du champ d'application du code les marchés conclus et exécutés entièrement à l'étranger (34).