JORF n°175 du 30 juillet 2004

Chapitre Ier : L'augmentation de capital

Les nouvelles dispositions relatives aux augmentations de capital redéfinissent le régime des augmentations décidées par les émetteurs, tout en lui conférant une portée générale. Elles assouplissent les modalités de ces augmentations en allégeant les contraintes qui pesaient sur les délégations et le droit préférentiel de souscription, et prévoient des adaptations intégrant l'unification du régime des valeurs mobilières donnant accès au capital et de la création de la catégorie des actions de préférence.

Définition d'un régime général des augmentations de capital

Le principe de la portée générale du régime des augmentations de capital est affirmé. Les règles qu'il postule s'appliquent à l'ensemble des augmentations de capital, sous réserve des adaptations prévues par les dispositions spécifiques aux actions de préférence et aux valeurs mobilières donnant accès au capital.
Les dispositions de l'article L. 225-127, qui décrivent les différentes modalités d'augmentation du capital, sont complétées afin de prendre en compte ces nouvelles catégories. A cette fin, le texte introduit une distinction entre les actions ordinaires et les actions de préférences, toutes deux qualifiées de titres de capital (article 2).
Les mécanismes par lesquels le capital peut être augmenté sont précisés, s'agissant de l'exercice des droits attachés à des valeurs mobilières, tels qu'un bon de souscription d'action, une option, une obligation remboursable ou convertible en actions (article 3).

Elargissement des délégations

La présente ordonnance, dans ses articles 4 et 5, modifie en substance l'actuel article L. 225-129 du code de commerce qui pose les conditions de réalisation des augmentations de capital. Cet article est réécrit pour élargir l'objet et la portée des délégations consenties par l'assemblée générale aux organes de direction. Ces derniers pourront non seulement définir les modalités d'émission et réaliser les augmentations de capital décidées par l'assemblée, mais encore décider eux-mêmes d'augmentations, dans la limite d'un plafond fixé par l'assemblée. Cette règle, qui renforce sensiblement le rôle des organes de direction dans le processus de décision des augmentations de capital, tend à introduire une plus grande souplesse en ce domaine, en n'imposant plus la réunion systématique des actionnaires pour chaque décision d'augmentation. La délégation consentie par l'assemblée pour décider de l'augmentation de capital est toutefois enserrée dans un délai de vingt-six mois, alors que la délégation sur les modalités de l'émission peut s'étendre sur cinq ans. Certaines émissions (émissions d'actions de préférence ou de valeurs mobilières donnant accès au capital) doivent en outre faire l'objet de résolutions particulières. Cependant, l'assemblée générale aura toujours la faculté de limiter sa délégation à un certain type de valeurs mobilières et de prévoir des plafonds différents en fonction de la nature du titre.
Afin de permettre une meilleure réactivité des sociétés cotées aux conditions du marché, l'article L. 225-129-4 du code de commerce introduit pour ces dernières la possibilité d'une subdélégation au directeur général, aux directeurs généraux délégués ou à un membre du directoire du pouvoir nécessaire afin de décider une émission ou d'y surseoir.
Une simplification est apportée pour les sociétés cotées souhaitant échanger des titres avec une société non cotée. Elles pourront déléguer au conseil d'administration ou au directoire le pouvoir d'émettre des titres dans la limite de 10 % du capital social pour rémunérer l'apport des titres de la société non cotée, dont la valeur sera évaluée par un rapport du commissaire aux apports (article 19). En outre, l'assemblée générale peut déléguer les pouvoirs nécessaires au rachat d'actions (article 23).
Les assouplissements concernent également les conditions dans lesquelles le montant de l'augmentation de capital peut être limité au montant des souscriptions. Sur ce point, l'exigence d'une autorisation expresse de l'assemblée générale est remplacée par une faculté d'opposition reconnue à cette dernière (article 9).

Assouplissement du régime applicable
au droit préférentiel de souscription

Les modifications des règles relatives à la suppression du droit préférentiel de souscription prévues par l'ordonnance visent à permettre aux émetteurs de réaliser des augmentations de capital dans des conditions attractives pour les investisseurs.
Tout d'abord, l'article L. 225-134 du code de commerce est réécrit, et un article L. 225-135-1 est créé, pour permettre aux émetteurs d'adapter le montant de l'augmentation de capital à l'effectivité de la demande. L'assemblée des actionnaires pourra ainsi soit s'opposer à une réduction du montant de l'augmentation, qui en tout état de cause est limitée aux trois quarts de l'augmentation prévue, soit autoriser une augmentation supplémentaire, dans une limite fixée par décret, de l'augmentation initiale et au même prix que celle-ci (articles 9 et 11).
Par ailleurs, la règle des « dix parmi les vingt » prévue à l'actuel article L. 225-136 du code de commerce, dont le but est de permettre la détermination d'un prix sans encourir le risque de manipulation des cours en imposant à l'émetteur de fixer un prix d'émission au moins égal à la moyenne des cours constatés pour ses actions pendant dix jours de bourse consécutifs choisis parmi les vingt derniers jours de bourse précédant le début de l'émission, est remplacée par une règle fixée par décret, après avis de l'Autorité des marchés financiers (AMF). La détermination réglementaire des règles de fixation du prix permettra une adaptation plus simple aux nécessités du marché (article 12).
De plus, dans la limite de 10 % du capital social, l'assemblée générale pourra, après avoir déterminé les modalités de fixation du prix, en déléguer la fixation, dans ces limites, au conseil d'administration ou au directoire. Ainsi, est permise l'augmentation de capital dite « en continu » afin de permettre aux sociétés d'émettre une partie de leurs titres dans les meilleures conditions, sans toutefois porter atteinte de façon trop importante aux droits des actionnaires que la règle de fixation du prix a pour but de protéger.
Cette réforme entend répondre à une forte demande de la place, qui souligne le caractère dirimant de la règle actuelle, laquelle constitue en période de forte fluctuation boursière un obstacle aux augmentations de capital classiques. Il en résulte l'utilisation par nombre d'émetteurs de formes complexes d'augmentations, destinées à contourner le régime de droit commun. L'assouplissement de ce dernier permettra donc de ramener les émetteurs vers les procédures classiques d'augmentation, plus simples, tout en maintenant un plancher constituant une garantie contre d'éventuelles manipulations de cours.
Enfin, le nouvel article L. 225-135 consacre la pratique d'un délai de priorité et le délai d'exercice du droit préférentiel de souscription est ramené de dix à cinq jours (articles 10 et 17). D'autres simplifications de nature réglementaire seront intégrées dans la réforme du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales.
Les dispositions relatives aux émissions réservées sont simplifiées (articles 13 et 14).
La rédaction de l'article L. 225-138 est clarifiée. Ainsi, sont définies les personnes ou catégories pouvant être bénéficiaires de ces augmentations de capital réservées, et la règle de fixation du prix est renvoyée aux règles générales. Cet article reprend par ailleurs l'assouplissement adopté par la loi de sécurité financière permettant à l'assemblée générale de déléguer au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, le soin de fixer la liste précise des bénéficiaires au sein de cette ou de ces catégories et le nombre de titres à attribuer à chacun d'eux.
Ces simplifications restent toutefois protectrices pour les actionnaires, dans la mesure où l'ensemble de ces conditions sont soumises à la décision de l'assemblée générale. Le I de l'article L. 225-138 prévoit en outre un rapport complémentaire du conseil d'administration ou du directoire décrivant les conditions définitives de l'opération.
Le délai de réalisation de ces émissions est, pour des raisons pratiques, ramené à dix-huit mois au lieu de deux ans. Ce délai permet d'éviter toute vacance dans la délégation de l'assemblée qui peut, l'année suivante, ne pas se réunir exactement à la même date. Par conséquent, en pratique les délégations devront donc intervenir annuellement. Pour les émissions réservées aux salariés, ce délai est le délai de droit commun de cinq ans pour la réalisation ou de vingt-six mois pour la décision de l'augmentation de capital.
Afin de permettre aux salariés de bénéficier, sans discrimination par rapport aux autres souscripteurs, d'une émission réservée lors d'une augmentation de capital concomitante à une première introduction sur un marché réglementé, la référence à la moyenne des cours cotés aux vingt séances de bourse précédant le jour de la décision est écartée au profit du prix d'admission (article 54).

Autres dispositions

Elles visent à mieux coordonner les règles d'augmentation de capital avec les spécificités des titres particuliers.
Ainsi, la détermination des mentions devant figurer dans les rapports des organes de direction dans les cas d'émissions de valeurs mobilières composées est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, qui pourra notamment préciser le mode de calcul du prix de souscription ou des conditions d'attribution d'une quote-part de capital (article 15).
Egalement, les règles relatives au démembrement de propriété, prévues pour les actions ordinaires, sont étendues à tous les titres de capital. Elles peuvent donc être appliquées aux actions de préférence (article 16).
De même, l'exigence d'un bulletin de souscription est posée pour les titres de capital et les titres donnant accès au capital. Ce bulletin étant nécessaire, que la souscription soit immédiate ou différée, pour matérialiser le contrat d'émission (article 18).
Les mises en cohérence portent aussi sur les formalités de constatation de l'augmentation de capital résultant de l'exercice d'un droit attaché aux valeurs mobilières donnant accès au capital. Ces formalités sont précisées et simplifiées. Le nouvel article L. 225-149 indique notamment que les constatations relatives à l'augmentation de capital doivent être effectuées non pas dans le mois qui suit la clôture de l'exercice, mais au plus tard lors de la première réunion suivant la clôture de l'exercice. Un mécanisme de délégation est en outre prévu pour la réalisation de ces opérations au bénéfice du président du directoire ou du directeur général (article 20).
Le régime des nullités, issues du mouvement de dépénalisation du droit des sociétés, est aménagé et clarifié, afin de maintenir la sécurité des actionnaires tout en ne fragilisant pas le fonctionnement des sociétés. Il convient, tout d'abord, de rappeler que ces nullités sont régularisables, même en cours de procédure. En outre, le délai de prescription est ramené à trois mois à compter de l'assemblée générale suivant la décision d'augmentation de capital, puisqu'en cas de délégation, un rapport doit être fourni par le conseil d'administration ou le directoire. Enfin, sont introduites des nullités facultatives et de nouvelles injonctions de faire en matière d'augmentation de capital (articles 22, 48, 50, XVI et XVIII de l'article 51).
Quant au régime de suspension de l'obtention d'attribution de titres de capital par exercice du droit attaché aux valeurs mobilières composées, il est unifié et assoupli, le versement du dividende au titre de l'exercice concerné devenant facultatif (article 21).
Par ailleurs, sont unifiées les règles relatives à la suppression des droits attachés aux titres donnant accès au capital lorsque ceux-ci ont été utilisés ou acquis par la société émettrice ou par la société appelée à émettre de nouveaux titres (article 22).
Enfin, l'article 19 de l'ordonnance précise qu'un apport en nature peut être rémunéré par l'émission de titres de capital.