JORF n°0026 du 31 janvier 2009

CHAPITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES A LA FIDUCIE CONSTITUEE A TITRE DE GARANTIE

La fiducie peut avoir de graves conséquences sur le patrimoine du constituant lorsque celle-ci est constituée à titre de garantie. En effet, si le constituant n'exécute pas son obligation, il peut se voir privé définitivement de la propriété des biens remis en fiducie. Aussi, de même que des règles protectrices ont été mises en place en matière de sûretés par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, l'ouverture de la fiducie aux personnes physiques doit s'accompagner de mesures de protection similaires lorsque la fiducie est constituée à titre de garantie d'une obligation.
Dans cette perspective, les articles de ce chapitre ont pour objet, d'une part, d'exiger des mentions obligatoires supplémentaires à insérer dans le contrat de fiducie afin de garantir une parfaite connaissance par le constituant personne physique de la portée de son engagement et, d'autre part, de s'assurer que si le constituant n'exécute pas son obligation, le bénéficiaire de la fiducie ne pourra conserver un bien dont la valeur est supérieure à la créance garantie sans indemniser le constituant.
Ces dispositions reprennent des règles déjà existantes en matière de sûretés réelles (par exemple en matière de gage, en vertu des articles 2336 pour le formalisme du contrat et 2348 pour la détermination des règles en cas de transfert du bien) et ont vocation à s'appliquer tant pour les fiducies portant sur un bien meuble que celles portant sur un immeuble.
Il est également prévu d'encadrer le mécanisme du rechargement de la fiducie . En effet, lorsqu'un bien est transféré dans un patrimoine fiduciaire, il est dans l'intérêt du constituant de pouvoir affecter une partie de la valeur du bien à la garantie d'une nouvelle créance après avoir par exemple remboursé une partie de la créance initiale ou lorsque la valeur du bien est supérieure à la créance initiale garantie. Ce mécanisme est déjà possible en droit positif ; toutefois, aucune règle spécifique ne vient encadrer cette pratique. Il apparaît donc nécessaire, suite à l'ouverture de la fiducie aux personnes physiques, de la réglementer, en s'inspirant des dispositions relatives à l'hypothèque rechargeable qui figurent aux articles 2422 et suivants du code civil. Ainsi, il est prévu de limiter le montant de la recharge à la valeur estimée du bien au jour de la convention de rechargement.
Ces dispositions, qui concernent uniquement les fiducies constituées à titre de garantie, sont insérées dans le livre IV du code civil, partie relative aux sûretés, respectivement dans le sous-titre II concernant les meubles et dans le sous-titre III concernant les immeubles.
Dans ces articles, il est fait référence au constituant et non au débiteur. En effet, si généralement, il ne s'agit que d'une seule et même personne, aucune disposition n'interdit à un tiers (un parent par exemple) d'apporter un bien en garantie d'une dette contractée par un débiteur. Il convient donc de prévoir que le dispositif protecteur s'applique au constituant.
L'article 3 modifie l'article 2329 du code civil afin de consacrer dans le livre IV sur les sûretés la possibilité de transférer la propriété d'un meuble dans le cadre d'un contrat de fiducie.
L'article 4 modifie l'intitulé du chapitre IV, afin d'ajouter la cession de propriété résultant des contrats de fiducie.
L'article 5 modifie le chapitre IV et crée deux sections, la première correspondant à la propriété retenue à titre de garantie et reprenant les dispositions existantes et la seconde correspondant à la propriété cédée dans le cadre de la fiducie. Cette dernière section comprend six nouveaux articles :
― l'article 2372-1 définit la fiducie sûreté emportant cession de propriété d'un bien mobilier ;
― l'article 2372-2 ajoute les mentions obligatoires pour la validité du contrat : le contrat devra, à peine de nullité, préciser la nature des créances garanties et la valeur des biens transférés dans le patrimoine fiduciaire ;
― les articles 2372-3 et 2372-4 prévoient les dispositions applicables en cas de défaut d'exécution de l'obligation garantie par le contrat de fiducie, en distinguant selon que le fiduciaire est le créancier garanti (fiducie avec deux personnes) ou que le fiduciaire est un tiers (fiducie avec trois personnes). Il est prévu que le créancier acquiert la libre disposition du bien cédé et qu'il devra verser au constituant une somme égale à la différence entre la créance garantie et la valeur des biens transférés. Cette valeur pouvant avoir évolué pendant la durée du contrat de fiducie, elle est alors déterminée par expertise, amiable ou judiciaire. Cette disposition permet d'éviter un enrichissement indu du créancier. Si le contrat prévoit la vente du bien par le fiduciaire, le calcul de la somme égale à la différence entre la créance garantie et la valeur des biens transférés (somme due au constituant) se fera sur la base du prix de vente ;
― l'article 2372-5 organise la fiducie rechargeable. Il prévoit que le formalisme applicable au contrat initial, sur le plan du contenu et sur le plan de l'enregistrement, s'applique également. En effet, pour que le registre national de fiducie soit opérant, il est impératif que les rechargements de fiducie soient également mentionnés. Ces dispositions sont donc d'ordre public. En outre, le rechargement est limité à hauteur de la valeur du patrimoine mis en fiducie au jour du rechargement ;
― l'article 2372-6 prévoit que ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer aux fiducies constituées à titre de garantie par les personnes morales. Ces dernières restent régies par le droit commun.
L'article 6 modifie l'article 2373 du code civil afin de mentionner la possibilité de cession de la propriété d'un immeuble dans le cadre d'une sûreté.
L'article 7 crée un chapitre VIII dans le sous-titre III relatif à la cession de propriété d'un bien immobilier résultant d'un contrat de fiducie. Ce chapitre comprend les nouveaux articles 2488-1 à 2488-6 qui étendent aux immeubles les nouvelles règles imposées aux fiducies sûretés portant sur les meubles.