D. - LE PROJET NE PROTÈGE PAS ASSEZ LES INTÉRÊTS LÉGITIMES
DES UTILISATEURS DU RÉSEAU
Les principes généraux de la protection des utilisateurs de réseau sont, notamment, décrits par les paragraphes e et f de l'article 9 de la directive du 26 juin 2003, et les utilisateurs concernés sont définis à l'article 2-18. Cette définition ne fait pas obstacle à ce que les besoins particuliers d'une catégorie d'utilisateurs du réseau soient pris en compte par le cahier des charges. La large autonomie que le projet de cahier des charges type donne au concessionnaire doit avoir pour contrepartie la mise en place de cette protection dans le même texte.
D-1. Les demandeurs de raccordement ne disposent pas d'une information suffisante
L'article 13 du projet de cahier des charges laisse au concessionnaire l'initiative de proposer les informations devant être communiquées par le concessionnaire aux demandeurs de raccordement. Pourtant, la négociation des conditions de raccordement nécessite une information approfondie des demandeurs, en particulier sur la capacité d'accueil du réseau. La puissance de court-circuit au niveau de chacun des postes électriques devrait, ainsi, être communiquée aux demandeurs de raccordement.
Ce même article permet au concessionnaire de s'affranchir des engagements de coûts et de délais de sa proposition technique et financière dans les cas où le dépassement de ces engagements ne relève pas de sa responsabilité.
En définitive, cet article n'est pas conforme à l'article 20-2 de la directive du 26 juin 2003, qui impose à un gestionnaire de réseau de communiquer aux demandeurs de raccordement des informations pertinentes sur les mesures nécessaires pour renforcer le réseau, le cas échéant moyennant une redevance raisonnable reflétant le coût de la fourniture desdites informations.
D-2. La méthode d'élaboration des modèles de contrats est trop rigide
L'article 14 du projet de cahier des charges prévoit l'approbation par la CRE de modèles de contrats pour l'accès au réseau, y compris dans le cas du contrat de fourniture au tarif intégré. Cette approbation par la CRE est une procédure lourde, surtout pour la fourniture au tarif intégré, dont le contrat fait déjà l'objet d'une approbation par le ministre. La simple transmission à la CRE pour avis suffirait, d'autant que cette dernière peut, en tant que de besoin, régler les différends relatifs à l'accès au réseau.
D-3. Les engagements tarifaires du concessionnaire sont discriminatoires
Les articles 14 et 15 du projet de cahier des charges font référence à des « engagements complémentaires » à ceux mentionnés dans des modèles de contrats d'accès au réseau. Ces engagements font l'objet d'un « catalogue de prix » établi par le concessionnaire. L'article 15 prévoit l'inclusion, dans le référentiel technique, des seuls engagements complémentaires proposés aux gestionnaires de réseaux publics de distribution. Or, cette inclusion n'est pas prévue pour les engagements mentionnés à l'article 14 et cette différence constitue un traitement discriminatoire prohibé par la directive du 26 juin 2003.
En outre, l'inclusion de dispositions à caractère tarifaire ou paratarifaire modifie la nature et n'est pas conforme à l'objet du référentiel technique, tel que défini par le décret n° 2003-588 du 27 juin 2003, c'est-à-dire « un document d'information publié par [le gestionnaire de réseau] précisant les principes généraux de gestion et d'utilisation du réseau public de transport ». Elle n'est, d'ailleurs, pas reprise à l'article 35 du projet de cahier des charges, qui prévoit abusivement une application obligatoire rétroactive de ce référentiel dans certains cas.
D-4. Les engagements du concessionnaire en matière de qualité sont discriminatoires
L'article 17 du projet de cahier des charges introduit un traitement discriminatoire entre les producteurs en matière de garantie d'évacuation de leur production. Il en est de même pour l'article 18. Les explications fournies par RTE lors des auditions menées par la CRE n'ont pas paru suffisantes pour justifier une telle discrimination.
En matière de qualité, chaque utilisateur du réseau de transport doit bénéficier d'engagements contractuels quantitatifs fondés sur la qualité historiquement constatée aux points de connexion de ses installations. A cet égard, le concessionnaire, qui détient nécessairement ce type d'information, doit avoir l'obligation de fournir à chaque utilisateur un bilan annuel de la qualité constatée aux points de connexion.
Le projet de cahier des charges type ne contient rien de tel. En revanche, la référence faite à la norme EN 50160 est de nature à entraîner un recul de la qualité de service des réseaux de distribution. Elle doit donc disparaître.
Quant à la référence aux règlements prévus en application de l'article 21-I de la loi du 10 février 2000, elle ne serait crédible que si, à l'instar de la distribution, de tels règlements étaient déjà prévus pour le transport d'électricité, ce qui n'est pas le cas.
Par ailleurs, les modalités de traitement de demandes spécifiques des utilisateurs en matière de qualité ou d'organisation des interruptions programmées doivent être harmonisées aux articles 17 et 18 du projet de cahier des charges. Elles doivent être fondées sur la présentation préalable, par le concessionnaire, d'un devis motivé permettant une éventuelle contestation par l'utilisateur et donner lieu à un engagement contractuel en cas d'accord.
D-5. La responsabilité du concessionnaire n'est pas clairement établie
Les conséquences de la violation, par le gestionnaire du réseau, de ses engagements contractuels ne sont pas suffisamment définies et, par voie de conséquence, la responsabilité qui pèse sur le concessionnaire. La définition des conditions normales d'exploitation, de la situation d'exploitation perturbée et de la force majeure ne doivent, en tout état de cause, pas permettre au concessionnaire de s'exonérer de la responsabilité qui est légalement la sienne.
Le gestionnaire de réseau doit dédommager les utilisateurs en fonction du préjudice subi. Toute clause d'indemnisation forfaitaire du préjudice doit être écartée. A cet effet, ce ne sont pas les modalités financières, mais les modalités de mise en oeuvre de ce dédommagement qui doivent être décrites par les contrats prévus.
Conclusion
Il ressort de ce qui précède que le projet de cahier des charges type de concession du réseau public de transport qui a été soumis à l'avis de la CRE est incomplet, ne prend pas correctement en compte les textes communautaires applicables aux gestionnaires des réseaux publics de transport d'électricité, notamment les articles 9 et 10 de la directive du 26 juin 2003. En outre, par des citations partielles des textes pertinents, il est susceptible de créer des incohérences. Enfin, les utilisateurs du réseau de transport de l'électricité pourraient difficilement se prévaloir d'un tel cahier des charges à l'appui de la défense de leurs intérêts.
Il en résulte que la CRE émet un avis défavorable sur le texte qui lui a été soumis.
Fait à Paris, le 2 mars 2006.
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