JORF n°0182 du 7 août 2019

Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE et Jean-Laurent LASTELLE, commissaires.

  1. Contexte, compétence et saisine de la CRE

L'article 18 du règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique (règlement « Electricity Balancing », ci-après « règlement EB ») prévoit que « pour toutes les zones de programmation d'un Etat membre, les GRT de cet Etat membre élaborent une proposition concernant : les modalités et conditions applicables aux fournisseurs de services d'équilibrage ; les modalités et conditions applicables aux responsables d'équilibre ».
L'article 6 (3) de ce même règlement prévoit que « les GRT responsables de l'élaboration d'une proposition de modalités et conditions ou de méthodologies, (…) peuvent demander des modifications de ces modalités et conditions ou méthodologies. » Cette proposition est soumise à l'autorité de régulation en application des dispositions de l'article 4 (1) du règlement EB. En application des dispositions de l'article 5 (4)(c) du règlement EB, l'autorité de régulation est compétente pour approuver cette proposition.
L'article L. 321-10 du code de l'énergie dispose, par ailleurs, que « les règles de présentation des programmes et des propositions d'ajustement et les critères de choix entre les propositions d'ajustement […] sont approuvés par la Commission de régulation de l'énergie ». L'article L. 321-14 du même code dispose que « les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières […] sont approuvées par la Commission de régulation de l'énergie ».
Par courriers reçus les 8 mars 2019 et 26 juin 2019, RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (GRT), a saisi la Commission de régulation de l'énergie (CRE), en application des dispositions précitées, en vue de l'approbation d'une nouvelle version des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre (ci-après les « Règles »). Les éléments transmis le 8 mars 2019 portent sur l'ensemble des Règles ; la saisine modificative du 26 juin concerne la section 1 des Règles. La présente décision porte approbation de la proposition du 26 juin 2019 pour ce qui concerne la section 1 des Règles et de la proposition du 8 mars 2019 pour ce qui concerne les autres sections des Règles.
Cette proposition introduit des évolutions de ces dispositifs dans la perspective d'utiliser en France la plateforme d'échange d'énergie d'équilibrage à partir de réserves tertiaires complémentaires (ci-après « plateforme d'échange de RR »), dont le cadre de mise en œuvre régional a été approuvé par la CRE le 20 décembre 2018 (1). Ces évolutions concernent notamment la mise en place d'un dispositif de qualification des capacités d'ajustement, le dispositif de programmation, la valorisation des ajustements, l'utilisation par RTE des offres d'ajustement et de cette plateforme, ainsi que la publication des écarts des responsables d'équilibre.
Afin de préparer l'évolution de ces règles, RTE a mené une concertation avec les acteurs dans le cadre de la commission d'accès au marché depuis 2016. RTE a notamment réalisé un appel à contribution de mars à mai 2018 auquel treize acteurs ont participé, puis mené une consultation publique du 14 septembre 2018 au 19 octobre 2018 à laquelle 10 acteurs ont répondu.
Le dossier soumis à la CRE comprend :

- le rapport d'accompagnement de la saisine exposant les principales évolutions proposées, les retours des acteurs à la consultation publique et les réponses apportées par RTE ;
- le projet de Règles soumis à la CRE pour approbation.

  1. Evolution des règles proposée par RTE
    2.1. Processus de qualification
    2.1.1. Proposition de RTE

L'article 16 (1) du règlement EB prévoit qu'« un fournisseur de services d'équilibrage est tenu d'obtenir une qualification pour déposer des offres d'énergie d'équilibrage ou de capacités d'équilibrage qui sont activées ou acquises par le GRT de raccordement. » L'obtention de cette qualification est par ailleurs conditionnée à la pré-qualification des capacités flexibles par le GRT de raccordement conformément aux articles 161 et 162 du règlement (UE) 2017/1485 de la Commission du 2 août 2017 établissant une ligne directrice sur la gestion du réseau de transport de l'électricité (ci-après « règlement SO »).
En application de ces dispositions, RTE propose de mettre en place un processus de qualification des acteurs d'ajustement, qui consiste principalement à s'assurer du bon fonctionnement des échanges de données entre l'acteur et RTE, et un processus de qualification des entités d'ajustement souhaitant offrir leurs disponibilités sur la plateforme d'échange de RR.
Du point de vue de RTE, ce processus de qualification des entités d'ajustement vise à s'assurer, notamment, que les produits livrés par les acteurs d'ajustement à la suite d'une activation issue de la plateforme d'échange de RR sont compatibles avec le profil en puissance défini par les GRT utilisant cette plateforme pour les échanges aux interconnexions.
En pratique, RTE propose d'évaluer cette conformité en vérifiant que les livraisons physiques, agrégées au niveau de l'entité d'ajustement, satisfont à certains critères. Ces critères sont de deux natures :

- critères en énergie, établissant une limite sur l'écart entre la quantité d'énergie attendue et la quantité d'énergie livrée sur l'ensemble de l'heure considérée pour l'ajustement ;
- critères en puissance, établissant une limite sur l'écart entre la moyenne au pas minute de la puissance d'ajustement réalisée et la puissance du profil standard demandé, sur la deuxième période de 5 minutes de chaque ajustement de 15 minutes.

Pour évaluer le respect des exigences en matière de puissance active, RTE propose qu'une condition préalable à la qualification d'une entité d'ajustement soit la capacité de l'acteur d'ajustement à mettre à la disposition de RTE des données de mesure de puissance active au pas dix secondes pour chacun des sites la composant. RTE précise, en annexe des Règles, les exigences techniques auxquelles un tel dispositif de mesure doit répondre.
RTE propose qu'une entité d'ajustement soit qualifiée pour participer à la plateforme d'échanges de RR dès lors qu'elle est techniquement capable de respecter les exigences de programmation et de communication avec RTE explicitées dans les Règles. Le maintien de cette qualification fait ensuite l'objet d'un suivi mensuel des activations au regard des exigences en énergie et en puissance susmentionnées. Pour une entité d'ajustement, la perte de la qualification s'accompagne d'un délai de carence de trois mois avant de pouvoir être de nouveau qualifiée.

2.1.2. Positions des acteurs

A l'occasion de l'appel à contribution réalisé par RTE, les acteurs de marché se sont exprimés favorablement sur le principe de faire porter les exigences de qualification davantage sur le suivi dans la durée des activations plutôt que préalablement à la participation à la plateforme d'échange de RR via des tests. Les acteurs sont par ailleurs favorables à ce que la proposition de RTE ne renforce pas les exigences de participation au mécanisme d'ajustement hors participation à la plateforme d'échange de RR.
Plusieurs acteurs de marché ont alerté RTE, dans leurs réponses à l'appel à contribution et à la consultation publique, sur le fait que certains critères de maintien de la qualification des entités d'ajustement proposés par RTE pourraient conduire à une disqualification systématique d'une partie du parc de capacités d'ajustement. Dans la saisine de la CRE, RTE a modifié sa proposition en conséquence pour éviter ce phénomène.
Plusieurs acteurs de marché et les GRD se sont exprimés en défaveur de l'exigence de mise à disposition de RTE de données de mesure de puissance active au pas dix secondes. Certains acteurs de marché estiment que cette condition à la qualification les écarterait définitivement de la plateforme dans la mesure où elle entrainerait des coûts prohibitifs d'installation des dispositifs de mesure et de mise en place des systèmes de communication pour les sites qui n'en sont pas déjà pourvus.

2.1.3. Analyse de la CRE

La CRE est favorable à la mise en œuvre d'un dispositif de qualification qui n'alourdit pas les conditions de participation au mécanisme d'ajustement hors participation à la plateforme d'échange de RR. La CRE estime que les modalités proposées pour la qualification, le suivi de la qualification et la perte de qualification sont le résultat d'une concertation aboutie et répondent à la plupart des préoccupations signalées par les acteurs de marché.
La CRE estime que l'exigence de mise à disposition de données de mesure de puissance est nécessaire au démarrage de la plateforme d'échange de RR pour les actifs qui y participeront et dont les livraisons physiques auraient un impact significatif sur la gestion des flux transfrontaliers, dans la mesure où RTE n'a pas, pour l'heure, une visibilité suffisante sur les profils qui seraient livrés.
Ce prérequis à la qualification représente toutefois un coût fixe important pour les sites qui ne sont pas déjà équipés d'un dispositif de mesure de puissance. Ce coût ne semble pas proportionné à l'enjeu opérationnel pour RTE dans le cas de sites dont les puissances de raccordement sont suffisamment petites et qui participent à des offres d'ajustement de puissances suffisamment faibles pour que les profils de livraisons n'aient pas d'impact significatif sur les flux transfrontaliers.
En conséquence, et considérant les dispositions de l'article 161 du règlement SO, la CRE considère que, dans les Règles soumises par RTE, l'exigence de mise à disposition de données de puissance comme condition de qualification à la participation à la plateforme d'échange de RR ne devrait pas s'appliquer pour les sites dont la puissance de raccordement est inférieure à 1,5 MW et qui sont engagés dans des entités d'ajustement de moins de 20 MW.
La CRE demande à RTE d'élaborer un retour d'expérience, d'ici le 1er juillet 2021, permettant de réinterroger les critères et exigences de maintien de la qualification des entités d'ajustement.

2.2. Programmation et valorisation des ajustements
2.2.1. Proposition de RTE

Les Règles soumises par RTE proposent des évolutions substantielles des modalités de programmation et de valorisation des ajustements dans le contexte de la mise en œuvre de la plateforme d'échange de RR. Les évolutions principales, à la cible, concernent :

- la transmission de programmes de marche par l'acteur d'ajustement à la suite de la réception d'un ordre d'ajustement, décrivant précisément le programme de puissance active et de fourniture de services système que va suivre l'entité ; cette transmission est obligatoire pour les entités qui soumettent des offres pour la participation à la plateforme d'échange de RR (ci-après « offres standards ») et facultative pour les entités qui ne soumettent que des offres pour la participation au mécanisme d'ajustement hors plateforme d'échange de RR (ci-après « offres spécifiques ») ;
- la granularité des programmes d'appels (programmes de puissance active et de services système que prévoient de suivre les entités, avant appels éventuels de RTE sur le mécanisme d'ajustement) transmis par les responsables de programmation, de 5 min pour les entités qui soumettent des offres standard et de 5, 15 ou 30 min pour les entités qui ne soumettent que des offres spécifiques ;
- la valorisation des ajustements, qui introduit le principe du règlement des écarts d'ajustement par l'acteur d'ajustement et non plus par le responsable d'équilibre (pour les entités de type injection et point d'échange) ;
- la définition des défaillances, qui s'appuie sur le programme de marche transmis par l'acteur d'ajustement.

La plupart des évolutions proposées par RTE s'appliquent de façon obligatoire aux entités qui soumettent des offres standards de RR et de façon facultative aux entités qui ne soumettent que des offres spécifiques, afin de conserver une continuité avec le mécanisme d'ajustement défini par les règles actuelles.
RTE indique que la granularité des programmes d'appel et de marche à 5 minutes est une mesure technique de transmission de données qui n'implique pas obligatoirement pour les acteurs une optimisation de la programmation au pas 5 minutes, ni d'incitations directes au respect du programme de marche à une granularité de 5 minutes. Le pas de contrôle des ajustements, utilisé pour le calcul des écarts d'ajustement, passe de 30 min actuellement à 10 min, en cohérence avec la granularité des données de comptage. Les critères de défaillances restent définis sur une période de 30 min.
Pour la valorisation des ajustements, RTE introduit de nouvelles définitions : le volume commercial, le volume attendu théorique et le volume attendu effectif. Ces définitions ont pour objectif de permettre de valoriser dans un même cadre des ajustements liés à des activations d'offres standard ou spécifiques, y compris lorsque ces activations ont lieu en même temps ou sur des périodes qui se recouvrent partiellement. Les calculs de ces volumes et des bandes de tolérance associées (pour le calcul des défaillances notamment) s'appuient dans tous les cas sur des données avec une granularité de 5 min.
Les Règles soumises par RTE prévoient que les écarts d'ajustement entre le volume attendu par RTE et le volume réalisé sont couverts non plus par le responsable d'équilibre (RE) (ce qui était le cas pour les entités de type injection ou point d'échange) mais par l'acteur d'ajustement. Le prix de règlement des écarts d'ajustement est égal au prix moyen pondéré de l'énergie d'équilibrage activée dans la tendance (sans le coefficient « k » appliqué au prix de règlement des écarts pour les RE).
Enfin, RTE propose une évolution du calcul des défaillances des ajustements. Ce calcul s'appuie sur le programme de marche transmis par l'acteur, ou, à défaut, le programme de marche défini par RTE, et reflète donc sa meilleure estimation du programme qui sera effectivement suivi par l'entité. En contrepartie de cette référence de calcul s'appuyant sur un programme transmis par l'acteur, RTE prévoit une tolérance diminuée de 20 % à 10 % sur un pas de règlement des écarts de 30 min, et une pénalisation aussi bien en cas de sous-ajustement que de sur-ajustement au-delà de cette tolérance. Le calcul des défaillances est mené sur une plage de contrôle qui s'étend, pour les offres standards, sur l'heure d'activation de l'ajustement et la demi-heure précédente, et, pour les offres spécifiques, sur l'ensemble des pas de 10 min où l'ajustement est non nul.
Les Règles prévoient des dates d'entrée en vigueur différentes pour ces évolutions, qui dépendent du démarrage effectif de la plateforme d'échange de RR et seront notifiées aux acteurs avec un délai de préavis d'au moins deux mois.

2.2.2. Positions des acteurs

Les acteurs ayant répondu à la consultation publique de RTE estiment que l'introduction de nouvelles modalités de programmation et de contrôle du réalisé, principalement liées à la mise en œuvre de la plateforme d'échange de RR, ne doit pas conduire à une complexification trop importante des processus liés au dépôt, à l'activation et au contrôle du réalisé des offres spécifiques, qui doivent rester dans la continuité du mécanisme d'ajustement actuel.
Certains acteurs soulignent que le passage à une granularité des programmes à 5 minutes risque d'engendrer des coûts de développement importants. Les GRD estiment que le passage à une résolution des programmes et des volumes réalisés à un pas 5 min n'apparait pas nécessaire à court terme, dans la mesure où les calculs relatifs à la valorisation et à la défaillance sont réalisés au pas 10 min ou plus. Les GRD alertent par ailleurs sur le fait que les évolutions futures relatives au pas de programmation et de contrôle devront prendre en compte la disponibilité des données de comptage.
D'autres acteurs estiment enfin que le contrôle des ajustements à partir d'offres standard sur une plage temporelle qui peut excéder la période où un ajustement est effectivement demandé introduit une incitation au respect du programme de marche y compris sur des pas de 30 minutes sans ajustement demandé, alors que cette incitation n'existe pas pour les offres spécifiques.

2.2.3. Analyse de la CRE

La CRE considère que les évolutions de la programmation proposées par RTE sont cohérentes avec le maintien des principales caractéristiques du modèle d'équilibrage mis en œuvre par RTE (gestion proactive de l'équilibre offre-demande avec une visibilité détaillée sur le parc de production), dans le contexte de la mise en œuvre de la plateforme d'échange de RR.
La CRE est favorable aux principes proposés par RTE en ce qui concerne le règlement des écarts d'ajustement. Le prix de règlement des écarts d'ajustement symétrique (égal pour les écarts positifs et négatifs) proposé par RTE est simple et ne pénalise pas les acteurs d'ajustement.
Les modalités de valorisation des ajustements et de calcul des défaillances introduisent un contrôle des ajustements sur la base des meilleures prévisions transmises par l'acteur d'ajustement, en contrepartie d'une tolérance moindre sur l'amplitude des écarts qui conduisent à déclarer une activation défaillante. La CRE est favorable au principe du calcul des défaillances sur la base des meilleures prévisions de l'acteur d'ajustement, qui incite les acteurs d'ajustement à transmettre à RTE des prévisions fiables.
Cependant, la CRE considère que ce principe ne devrait pas conduire, du fait de la longueur de la plage de contrôle des ajustements, à des défaillances sur des pas de 30 minutes sans ajustement (avant ou après une activation à partir d'une offre standard), notamment pour des entités d'ajustement non soumises à l'obligation de transmettre des programmes d'appel (entités de soutirage notamment). L'objectif du régime des défaillances est en effet de pénaliser la non-réalisation des ajustements, mais pas le respect du programme de marche en l'absence d'ajustement.
La CRE demande donc à RTE de travailler, pour la prochaine évolution des règles MA-RE, à un calcul des défaillances ne conduisant pas à pénaliser les acteurs d'ajustement sur des pas de temps sans ajustement.

2.3. Utilisation de la plateforme d'échange de RR par RTE
2.3.1. Proposition de RTE
2.3.1.1. L'expression du besoin de RTE à la plateforme

La plateforme d'échange de RR permet aux GRT de soumettre leur demande d'énergie d'équilibrage en associant un prix limite à chaque volume demandé sur la plateforme. La plateforme sélectionne des offres pour répondre à cette demande en essayant de satisfaire le volume de demande le plus important possible sans que le prix dépasse le prix limite fixé par chaque GRT fonction du volume satisfait. Ce besoin en fonction du prix qui peut être exprimé par les GRT leur permet de minimiser le coût de l'énergie activée pour leurs besoins d'équilibrage, en tenant compte des autres moyens à leur disposition.
Les Règles soumises par RTE précisent les principes de calcul des prix limites transmis à la plateforme par RTE. Une partie du besoin est formulée sans prix limite, pour le volume nécessaire au maintien des marges. Une autre partie est formulée avec un prix limite, défini pour chaque plage de puissance de 100 MW en fonction de l'alternative disponible en dehors de la plateforme de RR, c'est-à-dire les offres spécifiques formulées à partir d'entités d'ajustement ayant un délai de mobilisation inférieur ou égal à 29 minutes et n'ayant pas déposé d'offres standard de RR.

2.3.1.2. Le filtrage des offres déposées

Conformément aux dispositions de l'article 29 du règlement EB, la plateforme d'échange de RR prévoit la possibilité pour les GRT de déclarer indisponibles des offres standards de RR qui lui ont été soumises, en raison de congestions internes ou de contraintes de sécurité d'exploitation. Chaque GRT transmet alors l'ensemble des offres qu'il a reçues à la plateforme, tout en déclarant certaines offres comme indisponibles. Ces offres d'ajustement ne sont pas activables par la plateforme de RR, et sont dites « filtrées ».
Cette possibilité de « filtrage » existe aussi implicitement pour les offres d'ajustement spécifiques, dans la mesure où l'activation de ces offres par RTE prend en compte la préséance économique mais aussi des contraintes techniques liées à l'activation de ces offres.
Les règles proposées par RTE prévoient la possibilité de filtrer des offres d'ajustement pour le maintien des réserves, des marges et des services système.
Le maintien des réserves rapides et complémentaires
Les règles proposées par RTE prévoient la possibilité de filtrer des offres émanant d'entités d'ajustement relevant de contrats de mise à disposition de réserves rapide et complémentaire. Au titre de de ces contrats, ces offres sont activables à tout moment par RTE, éventuellement pour un nombre d'activations journalière limité. Dès lors, si ces offres sont partagées sur la plateforme d'échange de RR et activées pour les besoins d'autres GRT, elles ne sont plus disponibles pour les besoins de RTE, soit parce qu'elles sont déjà en cours d'activation, soit parce qu'elles ont dépassé leur nombre maximal ou leur énergie maximale d'activation sur une période donnée.
Le maintien des marges
RTE suit l'évolution de la marge disponible sur le système français, c'est-à-dire la quantité d'offres d'ajustement activable à une échéance donnée. Les Règles proposées par RTE prévoient la possibilité de filtrer des offres d'ajustement afin de maintenir le niveau de marges disponibles.
Le maintien des services système
Le mécanisme d'ajustement permet aujourd'hui l'activation d'offres d'ajustement à la baisse sur des entités qui fournissent par ailleurs des services système, résultant en un arrêt de cette fourniture de services système. RTE peut ensuite reconstituer la fourniture de services système en activant d'autres offres d'ajustement à la baisse. Les règles proposées par RTE ne prévoient pas un tel fonctionnement pour les offres standard de RR activées au travers de la plateforme d'échange de RR. Cependant, RTE indique qu'il travaille à la mise en place d'un tel processus pour les offres standard de RR, afin de permettre aux acteurs d'ajustement de déposer un certain volume d'offres conduisant à la perte de services système programmés, dans la limite du volume que RTE est en mesure de reconstituer sur d'autres moyens.
Compensation des offres filtrées
Les règles proposées par RTE ne prévoient pas de compensation financière des offres filtrées. RTE a cependant débuté une concertation sur la mise en œuvre d'une compensation dans certains cas.

2.3.2. Positions des acteurs
2.3.2.1. L'expression du besoin de RTE à la plateforme

Les acteurs sont partagés en ce qui concerne l'expression par RTE d'un besoin avec des limites de prix en fonction du volume à la plateforme de RR. En effet, ils considèrent que les prix limites définis par RTE risquent de diminuer les prix de l'énergie d'équilibrage, et que ces limites de prix risquent de désavantager certains acteurs d'ajustement actifs en France, notamment dans le cas où une offre n'est pas retenue du fait de la limite de prix fixée par RTE.
En tout état de cause, les acteurs qui se sont exprimés considèrent que l'expression du besoin de RTE à la plateforme ne doit pas conduire à un arbitrage entre les offres spécifiques et les offres standards qui pourrait être biaisé par les différences, notamment en terme d'exigences, entre les offres standards et spécifiques. Ils considèrent donc satisfaisante la proposition de RTE de ne pas prendre en compte pour fixer son prix limite les offres spécifiques émanant d'entités d'ajustement ayant par ailleurs déposé des offres standards pour déterminer le prix limite du besoin de RTE.
Enfin, les acteurs demandent un niveau de transparence élevé sur l'expression par RTE du besoin à la plateforme, en termes de méthodologie et de résultats

2.3.2.2. Le filtrage des offres déposées

Des acteurs ont fait valoir dans leur réponse à la consultation publique menée par RTE que les modalités de filtrage des offres envisagées par RTE pouvaient conduire à limiter de façon importante le volume des offres sur la plateforme d'échange de RR émanant d'acteurs d'ajustement en France.
En effet, dans le fonctionnement actuel du mécanisme d'ajustement, une partie importante du volume des offres de réserves manuelles activables à la baisse par RTE conduit à la perte de services système programmés, dans la mesure où les services système sont préférentiellement programmés sur les moyens qui ont les coûts variables les plus élevés. Par ailleurs, ces acteurs remarquent que le volume d'offres à la hausse filtrées pour maintien des marges pourrait être très élevé, ne permettant pas aux acteurs de bénéficier des nouvelles opportunités offertes par la plateforme d'échange de RR.
Certains acteurs sont favorables à la mise en place d'un processus permettant le dépôt et l'activation sur la plateforme de RR d'offres conduisant à la perte de services système, comme c'est le cas pour les offres spécifiques. Des acteurs estiment que le volume des offres filtrées pour cause de maintien des marges ne devrait pas excéder le volume des offres de réserves rapide et complémentaire contractualisées.
Par ailleurs, la plupart des acteurs sont favorables à une forme de compensation lorsque RTE filtre des offres pour maintien des marges, qui n'ont pas fait l'objet d'une contractualisation.

2.3.3. Analyse de la CRE
2.3.3.1. L'expression du besoin de RTE à la plateforme

La CRE estime que la définition d'une demande avec des limites de prix en fonction du volume à la plateforme de RR est de nature à permettre l'optimisation de l'activation des réserves d'équilibrage. La CRE considère, comme RTE et les acteurs de marché, que la définition de ce besoin ne doit pas conduire à des arbitrages qui exploiteraient des différences entre les conditions de participation, d'activation et de règlement des offres standards et des offres spécifiques, ou encore le filtrage de certaines offres standards. La CRE est donc favorable à la proposition de RTE de ne prendre en compte pour la détermination des prix limites de son besoin que les offres émanant d'entités n'ayant pas déposé d'offres standards de RR, et dont le délai de mobilisation est inférieur ou égal à 29 minutes.
Enfin, la CRE auditera la méthode de calcul des prix limites de son besoin sur la plateforme de RR. Elle demande cependant à RTE d'instruire dans le cadre de la concertation les demandes des acteurs de transparence sur la méthode utilisée avant la mise en œuvre de la plateforme d'échange de RR.

2.3.3.2. Le filtrage des offres déposées

La CRE estime que les motifs de filtrage des offres proposés par RTE sont cohérents avec le modèle d'équilibrage mis en œuvre par RTE, s'appuyant sur une gestion intégrée des réserves d'équilibrage pour l'ensemble des besoins du système électrique et sur un suivi des marges disponibles à chaque échéance. En revanche, dans le contexte de la plateforme d'échange de RR, le volume d'offres de RR activées en France va probablement augmenter pour répondre aux besoins des autres GRT. Dès lors, un volume trop important d'offres filtrées risque de limiter l'utilité et la rentabilité de la plateforme. La CRE est donc favorable à ce que RTE travaille à limiter le volume des offres filtrées.
En particulier, la CRE est favorable à la mise en place de modalités, a minima transitoires, permettant aux acteurs d'ajustement de déposer des offres sur la plateforme de RR conduisant à la perte de services système programmés, lorsque RTE est en mesure de les reconstituer en mobilisant un moyen disponible dans le périmètre de réserves de l'acteur ou un autre moyen. La CRE demande à RTE de lui soumettre une évolution des règles MA-RE permettant de mettre en œuvre de telles modalités, définies en concertation avec les acteurs et éventuellement dans un premier temps à titre expérimental ou transitoire, dès le démarrage de la plateforme de RR, prévu au premier semestre 2020.
Enfin, la CRE accueille favorablement la concertation menée par RTE relative à la compensation de la perte d'opportunité liée au filtrage d'offres de RR pour le maintien des marges disponibles.
La CRE demande à RTE de faire un retour d'expérience sur les volumes des offres filtrées par motif et une estimation du surplus économique perdu d'ici le 1er juillet 2021.

2.4. Publication des écarts en S+1
2.4.1. Proposition de RTE

Le calcul des écarts des responsables d'équilibre est aujourd'hui effectué une première fois la semaine S+3 après le temps réel, puis mis à jour aux mois M+1, M+3, M+6 puis M+12. Ces mises à jour du calcul des écarts permettent de prendre en compte les nouvelles données de comptage reçues par les gestionnaires de réseaux. Dans sa délibération du 22 juin 2017 sur la feuille de route de l'équilibrage du système électrique, la CRE avait demandé aux gestionnaires de réseaux d'avancer le premier calcul des écarts à une semaine après le temps réel.
RTE et les GRD réunis au sein de l'ADEeF ont travaillé à une proposition d'évolution du calcul des écarts déclinée dans les règles soumises par RTE. Les gestionnaires de réseaux proposent, à partir du 2 janvier 2021, un calcul et une publication de l'écart national de profilage, du coefficient de calage national et des écarts de chaque RE le vendredi de la semaine S+1. Les échéances suivantes de mise à jour des données restent M+1, M+3, M+6 et M+12.
Les gestionnaires de réseaux proposent par ailleurs des évolutions des modalités de calcul des écarts pour les sites de soutirage participant aux mécanismes d'ajustement et NEBEF selon les modalités du modèle corrigé. Pour ces sites, les règles actuelles prévoient que les volumes d'énergie attribués au titre de la correction de la courbe de charge à la suite d'un effacement sont transmis par RTE aux GRD, avant le 1er juillet 2019, 5 jours avant la fin du mois M+1, et à partir du 1er juillet 2019, le lundi de la semaine S+2. Avant cette transmission par RTE, ces données sont estimées par les GRD. Avec la proposition d'anticipation du premier calcul des écarts en S+1, les gestionnaires de réseau proposent de conserver une transmission des données par RTE la semaine S+2, à partir du 4 janvier 2020 ; le calcul des écarts s'appuiera donc sur des estimations des GRD pour l'échéance S+1 et sur les calculs de RTE pour l'échéance M+1.

2.4.2. Positions des acteurs

Les acteurs ayant répondu à la consultation publique de RTE sont favorables à une anticipation du calcul des écarts en S+1, permettant un recalage plus rapide des modèles de prévision. Cependant, ces acteurs ont également fait part de leur préoccupation sur la qualité du calcul en S+1, fortement liée à la qualité des données de comptage utilisées. Ces acteurs souhaitent donc que l'anticipation du calcul en S+1 ne se fasse pas au prix d'une baisse de la qualité du calcul en comparaison avec le calcul en S+3 actuel.

2.4.3. Analyse de la CRE

Dans sa délibération du 22 juin 2017 sur la feuille de route de l'équilibrage, la CRE demandait aux gestionnaires de réseaux de réaliser le premier calcul des écarts en S+1 dès l'année 2019. Les travaux menés en concertation ont fait apparaître un risque de dégradation de la qualité du calcul des écarts en cas de passage trop rapide au calcul en S+1, et une forte sensibilité des RE sur la qualité du calcul des écarts.
Les gestionnaires de réseau ont fait valoir que la qualité du calcul des écarts en S+1 devrait être améliorée en 2020, du fait de la généralisation des relèves de courbes de charge pour les utilisateurs de puissance > 36 kVA et des transmissions de données par protocole IP.
Dans ce contexte, la CRE estime que le calendrier proposé par les gestionnaires de réseau et retenu dans la proposition représente un compromis entre la rapidité de la mise en œuvre du calcul des écarts en S+1 et la qualité du calcul, et est favorable à la proposition des gestionnaires de réseaux.
La CRE partage la préoccupation des acteurs sur l'importance de la qualité des données sur les écarts des responsables d'équilibre transmises en S+1. La publication de ces données pourrait faire l'objet d'indicateurs relatifs à la qualité de service dans les prochains tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité.

2.5. Autres évolutions
2.5.1. Proposition de RTE

RTE propose d'autres évolutions des Règles, concernant :

- le rappel du cadre juridique européen et national dans lequel s'inscrivent les Règles ;
- l'extension de la possibilité de soumettre des offres sur le mécanisme d'ajustement sur des plages horaires sur lesquelles des échanges de blocs d'effacement sont déjà programmées, en cohérence avec les règles de valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie approuvées par la délibération de la CRE du 24 juillet 2019 ;
- des mises en cohérence des Règles relatives notamment à la refonte du service d'échange de blocs et au profilage ;
- des évolutions de la sécurisation financière du dispositif de responsables d'équilibre : RTE propose d'uniformiser les critères de notation des garants (alignement de la notation Moody's sur les notations Standard & Poor's et/ou Fitch Ratings) ainsi que d'ajouter une clause selon laquelle le RE atteste ne pas faire l'objet de sanctions internationales prononcées notamment par une juridiction, une autorité, une commission, ou un organisme de contrôle ;
- la gestion des entités d'ajustement vides.

2.5.2. Positions des acteurs

Ces évolutions n'ont pas fait l'objet de retours de la part des acteurs dans le cadre de la consultation publique menée par RTE.

2.5.3. Analyse de la CRE

Les évolutions proposées correspondent à des mises en cohérence et à des modifications techniques des Règles.
La CRE est favorable à la prise en compte de ces propositions de modification.

Décision de la CRE

Par courriers reçus les 8 mars 2019 et 26 juin 2019, RTE a saisi la CRE en vue de l'approbation d'une nouvelle version des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre. Les éléments transmis le 8 mars 2019 portent sur l'ensemble des Règles ; la saisine modificative du 26 juin 2019 concerne la section 1 des Règles. La présente décision porte approbation de la proposition du 26 juin 2019 pour ce qui concerne la section 1 des Règles et de la proposition du 8 mars 2019 pour ce qui concerne les autres sections des Règles.
Cette proposition introduit des évolutions de ces dispositifs dans la perspective d'utiliser en France la plateforme d'échange d'énergie d'équilibrage à partir de réserves tertiaires complémentaires (plateforme d'échange de RR) dont le cadre de mise en œuvre régional a été approuvé par la CRE le 20 décembre 2018 (2). Ces évolutions concernent notamment la mise en place d'un dispositif de qualification des capacités d'ajustement, le dispositif de programmation, la valorisation des ajustements, l'utilisation par RTE des offres d'ajustement et de cette plateforme, ainsi que la publication des écarts des responsables d'équilibre.
En application des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique (« règlement EB ») et des articles L. 321-10, L. 321-14 et L. 134-1 du code de l'énergie, la CRE approuve les règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre qui lui ont été soumises par RTE par courriers reçus les 8 mars et 26 juin 2019.
Elle demande à RTE de préciser que l'obligation de mise à disposition de mesures en puissance ne s'applique pas aux sites d'ajustement :

- d'une puissance de raccordement inférieure ou égale à 1,5 MW ;
- et agrégés au sein d'une entité d'ajustement déposant des offres d'ajustement d'une puissance inférieure ou égale à 20 MW.

La CRE demande par ailleurs à RTE de travailler, pour la prochaine évolution des règles MA-RE, à un calcul des défaillances ne conduisant pas à pénaliser les acteurs d'ajustement sur des pas de temps sans ajustement. Elle demande également à RTE de lui soumettre une évolution des règles MA-RE permettant aux acteurs d'ajustement de déposer sur la plateforme d'échange de RR des offres standards conduisant à la perte de services système, selon des modalités définies en concertation avec les acteurs et éventuellement dans un premier temps à titre expérimental ou transitoire, dès le démarrage de la plateforme, prévu au premier semestre 2020.
La CRE demande enfin à RTE d'établir un retour d'expérience sur la mise en œuvre au niveau français des échanges d'énergie de RR d'ici le 1er juillet 2021. Ce retour d'expérience comprendra en particulier un bilan d'application des modalités de qualification des entités d'ajustement, les volumes des offres filtrées par motif et une estimation du surplus économique perdu à cause du filtrage des offres.
Compte-tenu de la date de la présente délibération, les règles entreront en vigueur le 1er septembre 2019. Elles sont publiées sur le site de RTE en application des dispositions de l'article 7 du règlement EB.
La présente délibération sera publiée sur le site de la CRE et au Journal officiel de la République française. Elle est notifiée à RTE et transmise au Ministre de la transition écologique et solidaire.


Historique des versions

Version 1

Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE et Jean-Laurent LASTELLE, commissaires.

1. Contexte, compétence et saisine de la CRE

L'article 18 du règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique (règlement « Electricity Balancing », ci-après « règlement EB ») prévoit que « pour toutes les zones de programmation d'un Etat membre, les GRT de cet Etat membre élaborent une proposition concernant : les modalités et conditions applicables aux fournisseurs de services d'équilibrage ; les modalités et conditions applicables aux responsables d'équilibre ».

L'article 6 (3) de ce même règlement prévoit que « les GRT responsables de l'élaboration d'une proposition de modalités et conditions ou de méthodologies, (…) peuvent demander des modifications de ces modalités et conditions ou méthodologies. » Cette proposition est soumise à l'autorité de régulation en application des dispositions de l'article 4 (1) du règlement EB. En application des dispositions de l'article 5 (4)(c) du règlement EB, l'autorité de régulation est compétente pour approuver cette proposition.

L'article L. 321-10 du code de l'énergie dispose, par ailleurs, que « les règles de présentation des programmes et des propositions d'ajustement et les critères de choix entre les propositions d'ajustement […] sont approuvés par la Commission de régulation de l'énergie ». L'article L. 321-14 du même code dispose que « les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières […] sont approuvées par la Commission de régulation de l'énergie ».

Par courriers reçus les 8 mars 2019 et 26 juin 2019, RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (GRT), a saisi la Commission de régulation de l'énergie (CRE), en application des dispositions précitées, en vue de l'approbation d'une nouvelle version des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre (ci-après les « Règles »). Les éléments transmis le 8 mars 2019 portent sur l'ensemble des Règles ; la saisine modificative du 26 juin concerne la section 1 des Règles. La présente décision porte approbation de la proposition du 26 juin 2019 pour ce qui concerne la section 1 des Règles et de la proposition du 8 mars 2019 pour ce qui concerne les autres sections des Règles.

Cette proposition introduit des évolutions de ces dispositifs dans la perspective d'utiliser en France la plateforme d'échange d'énergie d'équilibrage à partir de réserves tertiaires complémentaires (ci-après « plateforme d'échange de RR »), dont le cadre de mise en œuvre régional a été approuvé par la CRE le 20 décembre 2018 (1). Ces évolutions concernent notamment la mise en place d'un dispositif de qualification des capacités d'ajustement, le dispositif de programmation, la valorisation des ajustements, l'utilisation par RTE des offres d'ajustement et de cette plateforme, ainsi que la publication des écarts des responsables d'équilibre.

Afin de préparer l'évolution de ces règles, RTE a mené une concertation avec les acteurs dans le cadre de la commission d'accès au marché depuis 2016. RTE a notamment réalisé un appel à contribution de mars à mai 2018 auquel treize acteurs ont participé, puis mené une consultation publique du 14 septembre 2018 au 19 octobre 2018 à laquelle 10 acteurs ont répondu.

Le dossier soumis à la CRE comprend :

- le rapport d'accompagnement de la saisine exposant les principales évolutions proposées, les retours des acteurs à la consultation publique et les réponses apportées par RTE ;

- le projet de Règles soumis à la CRE pour approbation.

2. Evolution des règles proposée par RTE

2.1. Processus de qualification

2.1.1. Proposition de RTE

L'article 16 (1) du règlement EB prévoit qu'« un fournisseur de services d'équilibrage est tenu d'obtenir une qualification pour déposer des offres d'énergie d'équilibrage ou de capacités d'équilibrage qui sont activées ou acquises par le GRT de raccordement. » L'obtention de cette qualification est par ailleurs conditionnée à la pré-qualification des capacités flexibles par le GRT de raccordement conformément aux articles 161 et 162 du règlement (UE) 2017/1485 de la Commission du 2 août 2017 établissant une ligne directrice sur la gestion du réseau de transport de l'électricité (ci-après « règlement SO »).

En application de ces dispositions, RTE propose de mettre en place un processus de qualification des acteurs d'ajustement, qui consiste principalement à s'assurer du bon fonctionnement des échanges de données entre l'acteur et RTE, et un processus de qualification des entités d'ajustement souhaitant offrir leurs disponibilités sur la plateforme d'échange de RR.

Du point de vue de RTE, ce processus de qualification des entités d'ajustement vise à s'assurer, notamment, que les produits livrés par les acteurs d'ajustement à la suite d'une activation issue de la plateforme d'échange de RR sont compatibles avec le profil en puissance défini par les GRT utilisant cette plateforme pour les échanges aux interconnexions.

En pratique, RTE propose d'évaluer cette conformité en vérifiant que les livraisons physiques, agrégées au niveau de l'entité d'ajustement, satisfont à certains critères. Ces critères sont de deux natures :

- critères en énergie, établissant une limite sur l'écart entre la quantité d'énergie attendue et la quantité d'énergie livrée sur l'ensemble de l'heure considérée pour l'ajustement ;

- critères en puissance, établissant une limite sur l'écart entre la moyenne au pas minute de la puissance d'ajustement réalisée et la puissance du profil standard demandé, sur la deuxième période de 5 minutes de chaque ajustement de 15 minutes.

Pour évaluer le respect des exigences en matière de puissance active, RTE propose qu'une condition préalable à la qualification d'une entité d'ajustement soit la capacité de l'acteur d'ajustement à mettre à la disposition de RTE des données de mesure de puissance active au pas dix secondes pour chacun des sites la composant. RTE précise, en annexe des Règles, les exigences techniques auxquelles un tel dispositif de mesure doit répondre.

RTE propose qu'une entité d'ajustement soit qualifiée pour participer à la plateforme d'échanges de RR dès lors qu'elle est techniquement capable de respecter les exigences de programmation et de communication avec RTE explicitées dans les Règles. Le maintien de cette qualification fait ensuite l'objet d'un suivi mensuel des activations au regard des exigences en énergie et en puissance susmentionnées. Pour une entité d'ajustement, la perte de la qualification s'accompagne d'un délai de carence de trois mois avant de pouvoir être de nouveau qualifiée.

2.1.2. Positions des acteurs

A l'occasion de l'appel à contribution réalisé par RTE, les acteurs de marché se sont exprimés favorablement sur le principe de faire porter les exigences de qualification davantage sur le suivi dans la durée des activations plutôt que préalablement à la participation à la plateforme d'échange de RR via des tests. Les acteurs sont par ailleurs favorables à ce que la proposition de RTE ne renforce pas les exigences de participation au mécanisme d'ajustement hors participation à la plateforme d'échange de RR.

Plusieurs acteurs de marché ont alerté RTE, dans leurs réponses à l'appel à contribution et à la consultation publique, sur le fait que certains critères de maintien de la qualification des entités d'ajustement proposés par RTE pourraient conduire à une disqualification systématique d'une partie du parc de capacités d'ajustement. Dans la saisine de la CRE, RTE a modifié sa proposition en conséquence pour éviter ce phénomène.

Plusieurs acteurs de marché et les GRD se sont exprimés en défaveur de l'exigence de mise à disposition de RTE de données de mesure de puissance active au pas dix secondes. Certains acteurs de marché estiment que cette condition à la qualification les écarterait définitivement de la plateforme dans la mesure où elle entrainerait des coûts prohibitifs d'installation des dispositifs de mesure et de mise en place des systèmes de communication pour les sites qui n'en sont pas déjà pourvus.

2.1.3. Analyse de la CRE

La CRE est favorable à la mise en œuvre d'un dispositif de qualification qui n'alourdit pas les conditions de participation au mécanisme d'ajustement hors participation à la plateforme d'échange de RR. La CRE estime que les modalités proposées pour la qualification, le suivi de la qualification et la perte de qualification sont le résultat d'une concertation aboutie et répondent à la plupart des préoccupations signalées par les acteurs de marché.

La CRE estime que l'exigence de mise à disposition de données de mesure de puissance est nécessaire au démarrage de la plateforme d'échange de RR pour les actifs qui y participeront et dont les livraisons physiques auraient un impact significatif sur la gestion des flux transfrontaliers, dans la mesure où RTE n'a pas, pour l'heure, une visibilité suffisante sur les profils qui seraient livrés.

Ce prérequis à la qualification représente toutefois un coût fixe important pour les sites qui ne sont pas déjà équipés d'un dispositif de mesure de puissance. Ce coût ne semble pas proportionné à l'enjeu opérationnel pour RTE dans le cas de sites dont les puissances de raccordement sont suffisamment petites et qui participent à des offres d'ajustement de puissances suffisamment faibles pour que les profils de livraisons n'aient pas d'impact significatif sur les flux transfrontaliers.

En conséquence, et considérant les dispositions de l'article 161 du règlement SO, la CRE considère que, dans les Règles soumises par RTE, l'exigence de mise à disposition de données de puissance comme condition de qualification à la participation à la plateforme d'échange de RR ne devrait pas s'appliquer pour les sites dont la puissance de raccordement est inférieure à 1,5 MW et qui sont engagés dans des entités d'ajustement de moins de 20 MW.

La CRE demande à RTE d'élaborer un retour d'expérience, d'ici le 1er juillet 2021, permettant de réinterroger les critères et exigences de maintien de la qualification des entités d'ajustement.

2.2. Programmation et valorisation des ajustements

2.2.1. Proposition de RTE

Les Règles soumises par RTE proposent des évolutions substantielles des modalités de programmation et de valorisation des ajustements dans le contexte de la mise en œuvre de la plateforme d'échange de RR. Les évolutions principales, à la cible, concernent :

- la transmission de programmes de marche par l'acteur d'ajustement à la suite de la réception d'un ordre d'ajustement, décrivant précisément le programme de puissance active et de fourniture de services système que va suivre l'entité ; cette transmission est obligatoire pour les entités qui soumettent des offres pour la participation à la plateforme d'échange de RR (ci-après « offres standards ») et facultative pour les entités qui ne soumettent que des offres pour la participation au mécanisme d'ajustement hors plateforme d'échange de RR (ci-après « offres spécifiques ») ;

- la granularité des programmes d'appels (programmes de puissance active et de services système que prévoient de suivre les entités, avant appels éventuels de RTE sur le mécanisme d'ajustement) transmis par les responsables de programmation, de 5 min pour les entités qui soumettent des offres standard et de 5, 15 ou 30 min pour les entités qui ne soumettent que des offres spécifiques ;

- la valorisation des ajustements, qui introduit le principe du règlement des écarts d'ajustement par l'acteur d'ajustement et non plus par le responsable d'équilibre (pour les entités de type injection et point d'échange) ;

- la définition des défaillances, qui s'appuie sur le programme de marche transmis par l'acteur d'ajustement.

La plupart des évolutions proposées par RTE s'appliquent de façon obligatoire aux entités qui soumettent des offres standards de RR et de façon facultative aux entités qui ne soumettent que des offres spécifiques, afin de conserver une continuité avec le mécanisme d'ajustement défini par les règles actuelles.

RTE indique que la granularité des programmes d'appel et de marche à 5 minutes est une mesure technique de transmission de données qui n'implique pas obligatoirement pour les acteurs une optimisation de la programmation au pas 5 minutes, ni d'incitations directes au respect du programme de marche à une granularité de 5 minutes. Le pas de contrôle des ajustements, utilisé pour le calcul des écarts d'ajustement, passe de 30 min actuellement à 10 min, en cohérence avec la granularité des données de comptage. Les critères de défaillances restent définis sur une période de 30 min.

Pour la valorisation des ajustements, RTE introduit de nouvelles définitions : le volume commercial, le volume attendu théorique et le volume attendu effectif. Ces définitions ont pour objectif de permettre de valoriser dans un même cadre des ajustements liés à des activations d'offres standard ou spécifiques, y compris lorsque ces activations ont lieu en même temps ou sur des périodes qui se recouvrent partiellement. Les calculs de ces volumes et des bandes de tolérance associées (pour le calcul des défaillances notamment) s'appuient dans tous les cas sur des données avec une granularité de 5 min.

Les Règles soumises par RTE prévoient que les écarts d'ajustement entre le volume attendu par RTE et le volume réalisé sont couverts non plus par le responsable d'équilibre (RE) (ce qui était le cas pour les entités de type injection ou point d'échange) mais par l'acteur d'ajustement. Le prix de règlement des écarts d'ajustement est égal au prix moyen pondéré de l'énergie d'équilibrage activée dans la tendance (sans le coefficient « k » appliqué au prix de règlement des écarts pour les RE).

Enfin, RTE propose une évolution du calcul des défaillances des ajustements. Ce calcul s'appuie sur le programme de marche transmis par l'acteur, ou, à défaut, le programme de marche défini par RTE, et reflète donc sa meilleure estimation du programme qui sera effectivement suivi par l'entité. En contrepartie de cette référence de calcul s'appuyant sur un programme transmis par l'acteur, RTE prévoit une tolérance diminuée de 20 % à 10 % sur un pas de règlement des écarts de 30 min, et une pénalisation aussi bien en cas de sous-ajustement que de sur-ajustement au-delà de cette tolérance. Le calcul des défaillances est mené sur une plage de contrôle qui s'étend, pour les offres standards, sur l'heure d'activation de l'ajustement et la demi-heure précédente, et, pour les offres spécifiques, sur l'ensemble des pas de 10 min où l'ajustement est non nul.

Les Règles prévoient des dates d'entrée en vigueur différentes pour ces évolutions, qui dépendent du démarrage effectif de la plateforme d'échange de RR et seront notifiées aux acteurs avec un délai de préavis d'au moins deux mois.

2.2.2. Positions des acteurs

Les acteurs ayant répondu à la consultation publique de RTE estiment que l'introduction de nouvelles modalités de programmation et de contrôle du réalisé, principalement liées à la mise en œuvre de la plateforme d'échange de RR, ne doit pas conduire à une complexification trop importante des processus liés au dépôt, à l'activation et au contrôle du réalisé des offres spécifiques, qui doivent rester dans la continuité du mécanisme d'ajustement actuel.

Certains acteurs soulignent que le passage à une granularité des programmes à 5 minutes risque d'engendrer des coûts de développement importants. Les GRD estiment que le passage à une résolution des programmes et des volumes réalisés à un pas 5 min n'apparait pas nécessaire à court terme, dans la mesure où les calculs relatifs à la valorisation et à la défaillance sont réalisés au pas 10 min ou plus. Les GRD alertent par ailleurs sur le fait que les évolutions futures relatives au pas de programmation et de contrôle devront prendre en compte la disponibilité des données de comptage.

D'autres acteurs estiment enfin que le contrôle des ajustements à partir d'offres standard sur une plage temporelle qui peut excéder la période où un ajustement est effectivement demandé introduit une incitation au respect du programme de marche y compris sur des pas de 30 minutes sans ajustement demandé, alors que cette incitation n'existe pas pour les offres spécifiques.

2.2.3. Analyse de la CRE

La CRE considère que les évolutions de la programmation proposées par RTE sont cohérentes avec le maintien des principales caractéristiques du modèle d'équilibrage mis en œuvre par RTE (gestion proactive de l'équilibre offre-demande avec une visibilité détaillée sur le parc de production), dans le contexte de la mise en œuvre de la plateforme d'échange de RR.

La CRE est favorable aux principes proposés par RTE en ce qui concerne le règlement des écarts d'ajustement. Le prix de règlement des écarts d'ajustement symétrique (égal pour les écarts positifs et négatifs) proposé par RTE est simple et ne pénalise pas les acteurs d'ajustement.

Les modalités de valorisation des ajustements et de calcul des défaillances introduisent un contrôle des ajustements sur la base des meilleures prévisions transmises par l'acteur d'ajustement, en contrepartie d'une tolérance moindre sur l'amplitude des écarts qui conduisent à déclarer une activation défaillante. La CRE est favorable au principe du calcul des défaillances sur la base des meilleures prévisions de l'acteur d'ajustement, qui incite les acteurs d'ajustement à transmettre à RTE des prévisions fiables.

Cependant, la CRE considère que ce principe ne devrait pas conduire, du fait de la longueur de la plage de contrôle des ajustements, à des défaillances sur des pas de 30 minutes sans ajustement (avant ou après une activation à partir d'une offre standard), notamment pour des entités d'ajustement non soumises à l'obligation de transmettre des programmes d'appel (entités de soutirage notamment). L'objectif du régime des défaillances est en effet de pénaliser la non-réalisation des ajustements, mais pas le respect du programme de marche en l'absence d'ajustement.

La CRE demande donc à RTE de travailler, pour la prochaine évolution des règles MA-RE, à un calcul des défaillances ne conduisant pas à pénaliser les acteurs d'ajustement sur des pas de temps sans ajustement.

2.3. Utilisation de la plateforme d'échange de RR par RTE

2.3.1. Proposition de RTE

2.3.1.1. L'expression du besoin de RTE à la plateforme

La plateforme d'échange de RR permet aux GRT de soumettre leur demande d'énergie d'équilibrage en associant un prix limite à chaque volume demandé sur la plateforme. La plateforme sélectionne des offres pour répondre à cette demande en essayant de satisfaire le volume de demande le plus important possible sans que le prix dépasse le prix limite fixé par chaque GRT fonction du volume satisfait. Ce besoin en fonction du prix qui peut être exprimé par les GRT leur permet de minimiser le coût de l'énergie activée pour leurs besoins d'équilibrage, en tenant compte des autres moyens à leur disposition.

Les Règles soumises par RTE précisent les principes de calcul des prix limites transmis à la plateforme par RTE. Une partie du besoin est formulée sans prix limite, pour le volume nécessaire au maintien des marges. Une autre partie est formulée avec un prix limite, défini pour chaque plage de puissance de 100 MW en fonction de l'alternative disponible en dehors de la plateforme de RR, c'est-à-dire les offres spécifiques formulées à partir d'entités d'ajustement ayant un délai de mobilisation inférieur ou égal à 29 minutes et n'ayant pas déposé d'offres standard de RR.

2.3.1.2. Le filtrage des offres déposées

Conformément aux dispositions de l'article 29 du règlement EB, la plateforme d'échange de RR prévoit la possibilité pour les GRT de déclarer indisponibles des offres standards de RR qui lui ont été soumises, en raison de congestions internes ou de contraintes de sécurité d'exploitation. Chaque GRT transmet alors l'ensemble des offres qu'il a reçues à la plateforme, tout en déclarant certaines offres comme indisponibles. Ces offres d'ajustement ne sont pas activables par la plateforme de RR, et sont dites « filtrées ».

Cette possibilité de « filtrage » existe aussi implicitement pour les offres d'ajustement spécifiques, dans la mesure où l'activation de ces offres par RTE prend en compte la préséance économique mais aussi des contraintes techniques liées à l'activation de ces offres.

Les règles proposées par RTE prévoient la possibilité de filtrer des offres d'ajustement pour le maintien des réserves, des marges et des services système.

Le maintien des réserves rapides et complémentaires

Les règles proposées par RTE prévoient la possibilité de filtrer des offres émanant d'entités d'ajustement relevant de contrats de mise à disposition de réserves rapide et complémentaire. Au titre de de ces contrats, ces offres sont activables à tout moment par RTE, éventuellement pour un nombre d'activations journalière limité. Dès lors, si ces offres sont partagées sur la plateforme d'échange de RR et activées pour les besoins d'autres GRT, elles ne sont plus disponibles pour les besoins de RTE, soit parce qu'elles sont déjà en cours d'activation, soit parce qu'elles ont dépassé leur nombre maximal ou leur énergie maximale d'activation sur une période donnée.

Le maintien des marges

RTE suit l'évolution de la marge disponible sur le système français, c'est-à-dire la quantité d'offres d'ajustement activable à une échéance donnée. Les Règles proposées par RTE prévoient la possibilité de filtrer des offres d'ajustement afin de maintenir le niveau de marges disponibles.

Le maintien des services système

Le mécanisme d'ajustement permet aujourd'hui l'activation d'offres d'ajustement à la baisse sur des entités qui fournissent par ailleurs des services système, résultant en un arrêt de cette fourniture de services système. RTE peut ensuite reconstituer la fourniture de services système en activant d'autres offres d'ajustement à la baisse. Les règles proposées par RTE ne prévoient pas un tel fonctionnement pour les offres standard de RR activées au travers de la plateforme d'échange de RR. Cependant, RTE indique qu'il travaille à la mise en place d'un tel processus pour les offres standard de RR, afin de permettre aux acteurs d'ajustement de déposer un certain volume d'offres conduisant à la perte de services système programmés, dans la limite du volume que RTE est en mesure de reconstituer sur d'autres moyens.

Compensation des offres filtrées

Les règles proposées par RTE ne prévoient pas de compensation financière des offres filtrées. RTE a cependant débuté une concertation sur la mise en œuvre d'une compensation dans certains cas.

2.3.2. Positions des acteurs

2.3.2.1. L'expression du besoin de RTE à la plateforme

Les acteurs sont partagés en ce qui concerne l'expression par RTE d'un besoin avec des limites de prix en fonction du volume à la plateforme de RR. En effet, ils considèrent que les prix limites définis par RTE risquent de diminuer les prix de l'énergie d'équilibrage, et que ces limites de prix risquent de désavantager certains acteurs d'ajustement actifs en France, notamment dans le cas où une offre n'est pas retenue du fait de la limite de prix fixée par RTE.

En tout état de cause, les acteurs qui se sont exprimés considèrent que l'expression du besoin de RTE à la plateforme ne doit pas conduire à un arbitrage entre les offres spécifiques et les offres standards qui pourrait être biaisé par les différences, notamment en terme d'exigences, entre les offres standards et spécifiques. Ils considèrent donc satisfaisante la proposition de RTE de ne pas prendre en compte pour fixer son prix limite les offres spécifiques émanant d'entités d'ajustement ayant par ailleurs déposé des offres standards pour déterminer le prix limite du besoin de RTE.

Enfin, les acteurs demandent un niveau de transparence élevé sur l'expression par RTE du besoin à la plateforme, en termes de méthodologie et de résultats

2.3.2.2. Le filtrage des offres déposées

Des acteurs ont fait valoir dans leur réponse à la consultation publique menée par RTE que les modalités de filtrage des offres envisagées par RTE pouvaient conduire à limiter de façon importante le volume des offres sur la plateforme d'échange de RR émanant d'acteurs d'ajustement en France.

En effet, dans le fonctionnement actuel du mécanisme d'ajustement, une partie importante du volume des offres de réserves manuelles activables à la baisse par RTE conduit à la perte de services système programmés, dans la mesure où les services système sont préférentiellement programmés sur les moyens qui ont les coûts variables les plus élevés. Par ailleurs, ces acteurs remarquent que le volume d'offres à la hausse filtrées pour maintien des marges pourrait être très élevé, ne permettant pas aux acteurs de bénéficier des nouvelles opportunités offertes par la plateforme d'échange de RR.

Certains acteurs sont favorables à la mise en place d'un processus permettant le dépôt et l'activation sur la plateforme de RR d'offres conduisant à la perte de services système, comme c'est le cas pour les offres spécifiques. Des acteurs estiment que le volume des offres filtrées pour cause de maintien des marges ne devrait pas excéder le volume des offres de réserves rapide et complémentaire contractualisées.

Par ailleurs, la plupart des acteurs sont favorables à une forme de compensation lorsque RTE filtre des offres pour maintien des marges, qui n'ont pas fait l'objet d'une contractualisation.

2.3.3. Analyse de la CRE

2.3.3.1. L'expression du besoin de RTE à la plateforme

La CRE estime que la définition d'une demande avec des limites de prix en fonction du volume à la plateforme de RR est de nature à permettre l'optimisation de l'activation des réserves d'équilibrage. La CRE considère, comme RTE et les acteurs de marché, que la définition de ce besoin ne doit pas conduire à des arbitrages qui exploiteraient des différences entre les conditions de participation, d'activation et de règlement des offres standards et des offres spécifiques, ou encore le filtrage de certaines offres standards. La CRE est donc favorable à la proposition de RTE de ne prendre en compte pour la détermination des prix limites de son besoin que les offres émanant d'entités n'ayant pas déposé d'offres standards de RR, et dont le délai de mobilisation est inférieur ou égal à 29 minutes.

Enfin, la CRE auditera la méthode de calcul des prix limites de son besoin sur la plateforme de RR. Elle demande cependant à RTE d'instruire dans le cadre de la concertation les demandes des acteurs de transparence sur la méthode utilisée avant la mise en œuvre de la plateforme d'échange de RR.

2.3.3.2. Le filtrage des offres déposées

La CRE estime que les motifs de filtrage des offres proposés par RTE sont cohérents avec le modèle d'équilibrage mis en œuvre par RTE, s'appuyant sur une gestion intégrée des réserves d'équilibrage pour l'ensemble des besoins du système électrique et sur un suivi des marges disponibles à chaque échéance. En revanche, dans le contexte de la plateforme d'échange de RR, le volume d'offres de RR activées en France va probablement augmenter pour répondre aux besoins des autres GRT. Dès lors, un volume trop important d'offres filtrées risque de limiter l'utilité et la rentabilité de la plateforme. La CRE est donc favorable à ce que RTE travaille à limiter le volume des offres filtrées.

En particulier, la CRE est favorable à la mise en place de modalités, a minima transitoires, permettant aux acteurs d'ajustement de déposer des offres sur la plateforme de RR conduisant à la perte de services système programmés, lorsque RTE est en mesure de les reconstituer en mobilisant un moyen disponible dans le périmètre de réserves de l'acteur ou un autre moyen. La CRE demande à RTE de lui soumettre une évolution des règles MA-RE permettant de mettre en œuvre de telles modalités, définies en concertation avec les acteurs et éventuellement dans un premier temps à titre expérimental ou transitoire, dès le démarrage de la plateforme de RR, prévu au premier semestre 2020.

Enfin, la CRE accueille favorablement la concertation menée par RTE relative à la compensation de la perte d'opportunité liée au filtrage d'offres de RR pour le maintien des marges disponibles.

La CRE demande à RTE de faire un retour d'expérience sur les volumes des offres filtrées par motif et une estimation du surplus économique perdu d'ici le 1er juillet 2021.

2.4. Publication des écarts en S+1

2.4.1. Proposition de RTE

Le calcul des écarts des responsables d'équilibre est aujourd'hui effectué une première fois la semaine S+3 après le temps réel, puis mis à jour aux mois M+1, M+3, M+6 puis M+12. Ces mises à jour du calcul des écarts permettent de prendre en compte les nouvelles données de comptage reçues par les gestionnaires de réseaux. Dans sa délibération du 22 juin 2017 sur la feuille de route de l'équilibrage du système électrique, la CRE avait demandé aux gestionnaires de réseaux d'avancer le premier calcul des écarts à une semaine après le temps réel.

RTE et les GRD réunis au sein de l'ADEeF ont travaillé à une proposition d'évolution du calcul des écarts déclinée dans les règles soumises par RTE. Les gestionnaires de réseaux proposent, à partir du 2 janvier 2021, un calcul et une publication de l'écart national de profilage, du coefficient de calage national et des écarts de chaque RE le vendredi de la semaine S+1. Les échéances suivantes de mise à jour des données restent M+1, M+3, M+6 et M+12.

Les gestionnaires de réseaux proposent par ailleurs des évolutions des modalités de calcul des écarts pour les sites de soutirage participant aux mécanismes d'ajustement et NEBEF selon les modalités du modèle corrigé. Pour ces sites, les règles actuelles prévoient que les volumes d'énergie attribués au titre de la correction de la courbe de charge à la suite d'un effacement sont transmis par RTE aux GRD, avant le 1er juillet 2019, 5 jours avant la fin du mois M+1, et à partir du 1er juillet 2019, le lundi de la semaine S+2. Avant cette transmission par RTE, ces données sont estimées par les GRD. Avec la proposition d'anticipation du premier calcul des écarts en S+1, les gestionnaires de réseau proposent de conserver une transmission des données par RTE la semaine S+2, à partir du 4 janvier 2020 ; le calcul des écarts s'appuiera donc sur des estimations des GRD pour l'échéance S+1 et sur les calculs de RTE pour l'échéance M+1.

2.4.2. Positions des acteurs

Les acteurs ayant répondu à la consultation publique de RTE sont favorables à une anticipation du calcul des écarts en S+1, permettant un recalage plus rapide des modèles de prévision. Cependant, ces acteurs ont également fait part de leur préoccupation sur la qualité du calcul en S+1, fortement liée à la qualité des données de comptage utilisées. Ces acteurs souhaitent donc que l'anticipation du calcul en S+1 ne se fasse pas au prix d'une baisse de la qualité du calcul en comparaison avec le calcul en S+3 actuel.

2.4.3. Analyse de la CRE

Dans sa délibération du 22 juin 2017 sur la feuille de route de l'équilibrage, la CRE demandait aux gestionnaires de réseaux de réaliser le premier calcul des écarts en S+1 dès l'année 2019. Les travaux menés en concertation ont fait apparaître un risque de dégradation de la qualité du calcul des écarts en cas de passage trop rapide au calcul en S+1, et une forte sensibilité des RE sur la qualité du calcul des écarts.

Les gestionnaires de réseau ont fait valoir que la qualité du calcul des écarts en S+1 devrait être améliorée en 2020, du fait de la généralisation des relèves de courbes de charge pour les utilisateurs de puissance > 36 kVA et des transmissions de données par protocole IP.

Dans ce contexte, la CRE estime que le calendrier proposé par les gestionnaires de réseau et retenu dans la proposition représente un compromis entre la rapidité de la mise en œuvre du calcul des écarts en S+1 et la qualité du calcul, et est favorable à la proposition des gestionnaires de réseaux.

La CRE partage la préoccupation des acteurs sur l'importance de la qualité des données sur les écarts des responsables d'équilibre transmises en S+1. La publication de ces données pourrait faire l'objet d'indicateurs relatifs à la qualité de service dans les prochains tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité.

2.5. Autres évolutions

2.5.1. Proposition de RTE

RTE propose d'autres évolutions des Règles, concernant :

- le rappel du cadre juridique européen et national dans lequel s'inscrivent les Règles ;

- l'extension de la possibilité de soumettre des offres sur le mécanisme d'ajustement sur des plages horaires sur lesquelles des échanges de blocs d'effacement sont déjà programmées, en cohérence avec les règles de valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie approuvées par la délibération de la CRE du 24 juillet 2019 ;

- des mises en cohérence des Règles relatives notamment à la refonte du service d'échange de blocs et au profilage ;

- des évolutions de la sécurisation financière du dispositif de responsables d'équilibre : RTE propose d'uniformiser les critères de notation des garants (alignement de la notation Moody's sur les notations Standard & Poor's et/ou Fitch Ratings) ainsi que d'ajouter une clause selon laquelle le RE atteste ne pas faire l'objet de sanctions internationales prononcées notamment par une juridiction, une autorité, une commission, ou un organisme de contrôle ;

- la gestion des entités d'ajustement vides.

2.5.2. Positions des acteurs

Ces évolutions n'ont pas fait l'objet de retours de la part des acteurs dans le cadre de la consultation publique menée par RTE.

2.5.3. Analyse de la CRE

Les évolutions proposées correspondent à des mises en cohérence et à des modifications techniques des Règles.

La CRE est favorable à la prise en compte de ces propositions de modification.

Décision de la CRE

Par courriers reçus les 8 mars 2019 et 26 juin 2019, RTE a saisi la CRE en vue de l'approbation d'une nouvelle version des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre. Les éléments transmis le 8 mars 2019 portent sur l'ensemble des Règles ; la saisine modificative du 26 juin 2019 concerne la section 1 des Règles. La présente décision porte approbation de la proposition du 26 juin 2019 pour ce qui concerne la section 1 des Règles et de la proposition du 8 mars 2019 pour ce qui concerne les autres sections des Règles.

Cette proposition introduit des évolutions de ces dispositifs dans la perspective d'utiliser en France la plateforme d'échange d'énergie d'équilibrage à partir de réserves tertiaires complémentaires (plateforme d'échange de RR) dont le cadre de mise en œuvre régional a été approuvé par la CRE le 20 décembre 2018 (2). Ces évolutions concernent notamment la mise en place d'un dispositif de qualification des capacités d'ajustement, le dispositif de programmation, la valorisation des ajustements, l'utilisation par RTE des offres d'ajustement et de cette plateforme, ainsi que la publication des écarts des responsables d'équilibre.

En application des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) 2017/2195 de la Commission du 23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique (« règlement EB ») et des articles L. 321-10, L. 321-14 et L. 134-1 du code de l'énergie, la CRE approuve les règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre qui lui ont été soumises par RTE par courriers reçus les 8 mars et 26 juin 2019.

Elle demande à RTE de préciser que l'obligation de mise à disposition de mesures en puissance ne s'applique pas aux sites d'ajustement :

- d'une puissance de raccordement inférieure ou égale à 1,5 MW ;

- et agrégés au sein d'une entité d'ajustement déposant des offres d'ajustement d'une puissance inférieure ou égale à 20 MW.

La CRE demande par ailleurs à RTE de travailler, pour la prochaine évolution des règles MA-RE, à un calcul des défaillances ne conduisant pas à pénaliser les acteurs d'ajustement sur des pas de temps sans ajustement. Elle demande également à RTE de lui soumettre une évolution des règles MA-RE permettant aux acteurs d'ajustement de déposer sur la plateforme d'échange de RR des offres standards conduisant à la perte de services système, selon des modalités définies en concertation avec les acteurs et éventuellement dans un premier temps à titre expérimental ou transitoire, dès le démarrage de la plateforme, prévu au premier semestre 2020.

La CRE demande enfin à RTE d'établir un retour d'expérience sur la mise en œuvre au niveau français des échanges d'énergie de RR d'ici le 1er juillet 2021. Ce retour d'expérience comprendra en particulier un bilan d'application des modalités de qualification des entités d'ajustement, les volumes des offres filtrées par motif et une estimation du surplus économique perdu à cause du filtrage des offres.

Compte-tenu de la date de la présente délibération, les règles entreront en vigueur le 1er septembre 2019. Elles sont publiées sur le site de RTE en application des dispositions de l'article 7 du règlement EB.

La présente délibération sera publiée sur le site de la CRE et au Journal officiel de la République française. Elle est notifiée à RTE et transmise au Ministre de la transition écologique et solidaire.