JORF n°0081 du 6 avril 2013

Décision n°2013-0128 du 29 janvier 2013

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive postale 97/67/CE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service, et notamment ses articles 14 et 15 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles L. 2, L. 5-2 (6°), R. 1-1-14 et R. 1-1-15 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, et notamment son article 2 ;

Vu la loi n° 2010-123 du 10 février 2010 relative à La Poste et aux activités postales ;

Vu le décret n° 2011-849 du 18 juillet 2011 précisant la méthode de calcul du coût net du maillage complémentaire permettant à La Poste d'assurer sa mission d'aménagement du territoire ;

Vu la décision n° 2007-0443 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 15 mai 2007 relative aux spécifications des systèmes de comptabilisation, en application du (6°) de l'article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques ;

Vu la décision n° 2008-0165 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 12 février 2008 relative aux règles de comptabilisation, en application du (6°) de l'article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques ;

Vu la décision n° 2010-0363 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 8 avril 2010 relative aux règles de comptabilisation, en application de l'article L. 5-2 (6°) du code des postes et des communications électroniques ;

Vu la décision n° 2012-0207 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 14 février 2012 relative aux restitutions comptables réglementaires de La Poste, en application de l'article L. 5-2, 6° du code des postes et des communications électroniques ;

Vu le document intitulé « Le système de comptabilité réglementaire de La Poste » daté du 16 avril 2012 et transmis à l'Autorité le 19 avril 2012 ;

Vu la consultation publique sur les règles de comptabilisation et aux restitutions comptables réglementaires de La Poste, en application du 6° de l'article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques, menée du 10 décembre 2012 au 14 janvier 2013 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

I. ― Contexte

Aux termes des dispositions de l'article 14 (1°) de la directive postale 97/67/CE modifiée, " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que la comptabilité des prestataires du service universel réponde aux dispositions du présent article ".
En vertu du 2 de ce même article, " Le ou les prestataires du service universel tiennent dans leur comptabilité interne des comptes séparés pour établir une nette distinction entre, d'une part, les services et produits qui font partie du service universel et, d'autre part, les services et produits qui n'en font pas partie. Cette distinction est prise en compte lorsque les Etats membres calculent le coût net du service universel. Cette comptabilité interne se fonde sur l'application cohérente des principes de la comptabilité analytique, qui peuvent être objectivement justifiés ".
Transposant les dispositions de cet article, le 6° de l'article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques (ci-après " CPCE ") précise que l'ARCEP, " (...) afin de mettre en œuvre les principes de séparation et de transparence des comptes, en particulier pour garantir les conditions de financement du service universel, précise les règles de comptabilisation des coûts permettant la séparation des coûts communs qui relèvent du service universel de ceux qui n'en relèvent pas, établit les spécifications des systèmes de comptabilisation et veille au respect, par le prestataire du service universel, des obligations relatives à la comptabilité analytique fixées dans le décret prévu à l'article L. 2. A ce titre, dans le champ du service universel, l'autorité reçoit communication des résultats des vérifications des commissaires aux comptes, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle fait vérifier annuellement, aux frais du prestataire du service universel, par un organisme qu'elle agrée, compétent et indépendant du prestataire du service universel, la conformité des comptes du prestataire du service universel aux règles qu'elle a établies. Elle publie une déclaration de conformité relative au service universel (...) ".
Aux termes de ces dispositions et du 6° de l'article L. 5-2 du CPCE susvisé, l'ARCEP est compétente pour (i) établir les spécifications des systèmes de comptabilisation des coûts et (ii) fixer les règles de comptabilisation des coûts utilisées pour la confection de ces comptes réglementaires. L'ARCEP s'appuie sur une comptabilité réglementaire mise en œuvre par La Poste, dont les principes ont été définis par les décisions n° 2008-0165 en date du 12 février 2008 (1) et n° 2010-0363 en date du 8 avril 2010 (2). Ces principes sont par ailleurs formalisés dans un document intitulé " Le système de comptabilité réglementaire de La Poste " dont la dernière version transmise à l'ARCEP est datée du 16 avril 2012.
La présente décision porte sur les règles d'allocation (i) de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après " TVA ") non récupérable et de la taxe sur les salaires (ci-après " TS ") induites par l'exonération de TVA dont bénéficient certaines prestations offertes par La Poste et (ii) des coûts de transport dans la comptabilité réglementaire de La Poste.

(1) http://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/08-0165.pdf. (2) http://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/10-0363.pdf.

II. ― Modification des règles d'allocation des charges de La Poste

Au regard de la consultation publique, menée par l'Autorité du 10 décembre 2012 au 14 janvier 2013, et des réponses reçues à cette occasion :

II-1. Sur les charges fiscales induites par l'exonération de TVA de certaines prestations offertes par La Poste

Certaines prestations fournies par La Poste, notamment les prestations relevant du service universel postal, sont exonérées de TVA, en application de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, et transposée en droit français à l'article 261 du code général des impôts.
Du fait de cette exonération, qui couvre une part significative de l'activité de l'opérateur postal, La Poste a un statut d'assujetti partiel à la TVA. Ce statut a deux conséquences :
― La Poste n'est pas en mesure de récupérer l'intégralité de la TVA sur ses dépenses ;
― La Poste est assujettie à la taxe sur les salaires, assise sur la masse salariale brute selon un barème progressif, en application de l'article 231 du code général des impôts.
Dans les deux cas, la charge d'origine fiscale résultant de l'application des bases et des taux en vigueur est pondérée par un coefficient mesurant la part du chiffre d'affaires qui est exonérée de TVA, selon des modalités de calcul spécifiques.
L'existence d'un coût fiscal induit par l'exonération de TVA conduit à :
― distinguer, au sein des charges encourues par La Poste, celles de « référence », qui seraient toujours encourues par La Poste si l'ensemble de ses prestations, notamment celles relevant du service universel, étaient assujetties à la TVA, de celles correspondant aux coûts fiscaux, dont l'existence et le montant sont directement liés au statut d'imposable à la TVA ou non des différentes prestations fournies ;
― allouer ces coûts fiscaux sur les différents produits et prestations fournies par La Poste selon un principe de causalité.
En application de ce dernier, les coûts fiscaux (TVA non récupérable et TS) induits du fait de l'exonération de TVA dont bénéficient certains services et prestations de La Poste doivent être alloués aux seuls produits et services exonérés de TVA, en proportion des inducteurs de coût pertinents :
― le montant de TVA non récupérable est alloué au prorata du montant hors taxe des dépenses intervenant dans la production du bien ou du service considéré multiplié par le taux de TVA associé ;
― le montant de TS est alloué au prorata de la masse salariale brute des agents intervenant dans la production du bien ou du service, à laquelle est appliqué le barème de la TS.
Les coûts communs qui ne peuvent être alloués directement ou indirectement se voient affectés des charges de TVA non récupérable et de TS sur la base des facteurs de production utilisés et des taux moyens (taux moyen de récupération, dans le cas de la TVA, ou rapport moyen d'assujettissement, dans le cas de la TS) observés pour l'entreprise La Poste.
Cette solution conduit à ce que les prestations et services imposables à la TVA ne portent pas les coûts fiscaux induits par l'exonération de TVA. Elle permet d'identifier le coût fiscal induit sur les prestations du service universel du fait de l'exonération de TVA.

II-2. Sur les coûts de transport

Le processus de transport est l'un des processus postaux, correspondant à l'acheminement des envois postaux entre les établissements. Il couvre notamment l'acheminement de courrier depuis un point de collecte ou de concentration (3) des envois jusqu'à un centre de tri départ (4), depuis le centre de tri départ vers le centre de tri arrivée, et depuis ce dernier jusqu'à un centre de distribution. Ce processus ne couvre pas les déplacements relevant de l'activité de distribution, qui sont rattachés aux travaux extérieurs.
Du fait de leurs caractéristiques différentes, les liaisons de transport national par voie routière sont séparées en deux catégories : les liaisons intra-zone, reliant des établissements dépendant du même centre de tri, et les liaisons extra-zone, reliant des centres de tri entre eux, soit directement, soit en passant par des hubs.
L'allocation aux produits postaux empruntant ces liaisons des charges correspondantes se fait au moyen d'index dépendant notamment du poids-format des envois postaux.
Ces index ont fait l'objet d'études de La Poste pour en assurer la mise à jour. Ces études ont notamment permis d'affiner l'allocation de coût en distinguant davantage de catégorie d'envois.
Le tableau suivant présente les index définis dans la décision n° 2008-0165 et leur mise à jour, résultant de l'observation statistique de 1 403 liaisons entre les années 2009 et 2011 :

| INDEX D'ORIGINE |TRANCHES DE POIDS|INDEX POIDS-FORMAT| |------------------|-----------------|------------------| | | 0-50 g | 1 | |Tous flux Courrier| 50-250 g | 2 | | | > 250 g | 10 |

| NOUVEAUX INDEX |TRANCHES DE POIDS|INDEX INTRA-ZONE|INDEX EXTRA-ZONE| |-----------------------------------|-----------------|----------------|----------------| | | 0-50 g | 1 | 1 | | Courrier ordinaire | 50-250 g | 1,86 | 3,82 | | | > 250 g | 17,86 | 41,68 | | | 0-50 g | 1 | 1,11 | | Marketing direct | 50-250 g | 1,86 | 1,89 | | | > 250 g | 17,86 | 3,98 | | | 0-50 g | 1,14 | 3,02 | | Presse | 50-250 g | 1,14 | 3,02 | | | > 250 g | 14,33 | 27,22 | | | 0-50 g | 1,63 | 2,48 | |Lettre recommandée ou objet signalé| 50-250 g | 1,85 | 2,83 | | | > 250 g | 29,95 | 41,4 |

La Poste a fourni à l'ARCEP des éléments d'explication relatifs aux évolutions constatées par rapport aux anciennes allocations et autres différences d'index entre le courrier ordinaire, le courrier de marketing direct, la presse et la lettre recommandée et les objets signalés.
Ces écarts s'expliquent soit par des contenants spécifiques utilisés pour certains produits, soit par le poids moyen plus élevé de certains objets comme dans le cas de la lettre recommandée.
L'effet des index obtenus par les études de La Poste sur les coûts des différents produits a été examiné. Le faible poids du transport dans les coûts totaux (moins de 10 %) conduit à un impact limité de la modification des index poids-format du transport ― une évolution de 10 % des coûts du transport conduit à une modification de moins d'un point des coûts attribuables.
L'ARCEP a pu observer que les évolutions par gamme de produit ne modifient pas significativement les coûts attribuables aux différentes prestations. En revanche, l'impact sur l'allocation des coûts selon les tranches de poids est plus significatif. Cette évolution traduit une meilleure prise en compte de l'effet du poids-format sur le traitement d'un objet postal en fonction de son poids lors de son transport.
Il ressort de ces analyses que les index obtenus par les études de La Poste reflètent de manière satisfaisante la réalité industrielle de l'opérateur et que leur utilisation pour l'allocation des coûts s'avère dès lors préférable. Une mise à jour périodique de ces index sera néanmoins nécessaire pour tenir compte d'éventuelles évolutions au sein de ce processus.

(3) Plate-forme de distribution courrier (PDC) ou plateforme de préparation et de distribution courrier (PPDC), selon la terminologie de La Poste. (4) Plate-forme industrielle courrier (PIC), selon la terminologie de La Poste.

III. ― Modification des restitutions réglementaires

Les restitutions comptables réglementaires, dont les formes ont été établies par la décision n° 2012-0207 de l'Autorité, sont amendées pour présenter les charges hors coûts fiscaux que supporterait toujours La Poste si l'ensemble de ses prestations étaient soumises à la TVA ainsi que les informations relatives à la TVA non récupérable et à la TS. Les charges fiscales sont identifiées et séparées des autres charges d'exploitation (personnel, fonctionnement, etc.), d'une part, en amont de l'allocation, dans les restitutions réglementaires (notamment la restitution R2), pour disposer de charges hors coûts fiscaux et permettre de rapprocher le montant total des charges fiscales des données disponibles dans les comptes sociaux de l'entreprise ; d'autre part, en aval de l'allocation, pour disposer des charges hors coûts fiscaux ainsi que des montants de TVA non récupérable et de TS alloués aux grandes catégories de prestations (service universel et hors service universel), et de façon plus précise, à chaque catégorie de produits identifiées (en particulier pour la restitution R3).
Afin d'en accroître la lisibilité, les lignes et colonnes ajoutées dans les restitutions comptables réglementaires sont surlignées en jaune dans l'annexe 2 de la présente décision (5).

(5) Les lettres qui avaient été ajoutées dans les restitutions de la décision n° 2012-0207 pour identifier les liens entre les différents périmètres ont été également modifiées à cette occasion.

Décide :

Article 1

A compter de l'exercice 2012, les coûts fiscaux de La Poste liés à la taxe sur la valeur ajoutée non récupérable et à la taxe sur les salaires, induits du fait de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée dont bénéficient certains services et prestations de La Poste, sont alloués aux seuls produits et services exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, en proportion des inducteurs de coût pertinents :
― le montant de taxe sur la valeur ajoutée non récupérable est alloué au prorata du montant hors taxe des dépenses intervenant dans la production du bien ou du service considéré multiplié par le taux de taxe sur la valeur ajoutée associé ;
― le montant de taxe sur les salaires est alloué au prorata de la masse salariale brute des agents intervenant dans la production du bien ou du service, à laquelle est appliqué le barème de la taxe salaire.
Les coûts communs qui ne peuvent être alloués directement ou indirectement se voient affectés des charges de taxe sur la valeur ajoutée non récupérable et de taxe sur les salaires sur la base des facteurs de production utilisés et des taux moyens (taux moyen de récupération, dans le cas de la taxe sur la valeur ajoutée, ou rapport moyen d'assujettissement, dans le cas de la taxe sur les salaires) observés pour l'entreprise La Poste.

Article 2

A compter de l'exercice 2012, les index poids-format utilisés pour l'allocation des charges de transport des liaisons nationales sont ceux mentionnés dans l'annexe 1 de la présente décision.

Article 3

A compter de l'exercice comptable 2012, les restitutions 1, 2, 3, 4 et 5 de l'annexe 1 de la décision n° 2012-0207 précisant les restitutions réglementaires attendues de La Poste sont respectivement remplacées par les restitutions 1, 2, 3, 4 et 5 de l'annexe 2 de la présente décision.

Article 4

Outre la production des comptes réglementaires établis conformément à la présente décision, La Poste produit également pour l'exercice 2012 les comptes 2011 avec application des nouvelles règles comptables.

Article 5

Le directeur général de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera notifiée à La Poste et publiée au Journal officiel de la République française et sur le site internet de l'Autorité.

Fait à Paris, le 29 janvier 2013.

Le président,

J.-L. Silicani