I. ― Cadre de l'analyse de marché
I.1. Le processus d'analyse de marché
I.1.1. Généralités
L'Autorité rappelle que le processus d'analyse des marchés consiste, conformément aux dispositions des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et des communications électroniques (CPCE) :
― à déterminer la liste des marchés du secteur dont les caractéristiques en termes de développement de la concurrence justifient l'imposition d'un dispositif de régulation spécifique ;
― à désigner, le cas échéant, les opérateurs disposant sur ces marchés d'une influence significative ;
― à fixer les obligations spécifiques, adaptées et proportionnées aux problèmes concurrentiels constatés.
L'analyse menée par l'Autorité vise, en vertu des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, à analyser l'état et l'évolution prévisible de la concurrence sur ces marchés et à en déduire les conséquences en termes d'obligations réglementaires.
Dans ce cadre, et conformément aux articles L. 37-3 et D. 301 du même code, l'Autorité recueille l'avis de l'Autorité de la concurrence, soumet son projet de décision à consultation publique et le notifie à la Commission européenne et aux autorités de régulation nationales (ARN) des autres Etats membres.
I.1.2. Analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile
Au cas d'espèce, l'Autorité mène une analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal vers les numéros mobiles portant sur les trois prochaines années (cf. I-3.1). Ce marché fait partie de la liste des marchés pertinents de la recommandation de la Commission européenne (1) du 17 décembre 2007.
L'objet de la présente analyse est donc de délimiter, en termes de produits et de services ainsi qu'en termes géographiques, les marchés relatifs à la terminaison d'appel vocal vers les numéros mobiles, de désigner le cas échéant le (ou les) opérateur(s) y exerçant une influence significative et, enfin, au regard des obstacles au développement d'une concurrence effective justifiant une régulation ex ante de ces marchés identifiés par l'Autorité, de leur imposer les obligations proportionnées remédiant aux problèmes de concurrence analysés.
I.2. Le contexte européen
Des travaux ont été menés au niveau européen depuis 2007 afin d'harmoniser les méthodes de régulation des tarifs de terminaison d'appel en Europe.
I.2.1. La recommandation de la Commission européenne sur la terminaison d'appel
A la suite d'une consultation publique menée durant l'été 2008, la Commission européenne a publié le 7 mai 2009 une recommandation (2) portant sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne. La Commission y préconise un encadrement tarifaire symétrique de la terminaison d'appel vocal, en référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace, évalués à l'aide d'un modèle technico-économique.
La mise en œuvre de cette recommandation par les pays membres est prévue pour être effective au 31 décembre 2012. A cet égard, la recommandation laisse les autorités de régulation nationales libres de définir les modalités de transition adaptées aux spécificités de chaque pays.
I.2.2. La position commune du GRE
Par ailleurs, le Groupe des régulateurs européens (GRE) (3), qui inclut la Commission européenne, a adopté le 12 mars 2008 une position commune sur la symétrie des services de terminaison d'appel fixe et la symétrie des services de terminaison d'appel mobile (4). Le GRE préconise la symétrie des tarifs de terminaison, mais considère l'asymétrie acceptable dans certains cas, sous réserve d'une justification adéquate. Le GRE indique, à cet égard, que plusieurs circonstances peuvent justifier une asymétrie tarifaire transitoire, dont notamment l'existence de déséquilibres élevés de trafic amenant à des déséquilibres financiers importants dans les soldes d'interconnexion, en raison d'un écart entre les tarifs de terminaison d'appel mobile et les coûts sous-jacents.
I.3. Limites spatiales et temporelles de l'étude
I.3.1. Période temporelle d'analyse
Conformément aux prescriptions de l'article D. 301 du CPCE, l'Autorité peut déclarer un marché pertinent "pour une durée maximale de trois ans ". L'Autorité doit réviser son analyse de sa propre initiative "lorsque l'évolution de ce marché le justifie", ou encore "dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne" (2007/879/CE) du 17 décembre 2007 précitée. En outre, en vertu des articles D. 302 et D. 303 du même code, les décisions déterminant l'existence d'une influence significative et imposant aux opérateurs des obligations sont réexaminées dans les mêmes conditions.
La présente analyse porte donc sur la période de trois ans allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. L'Autorité s'est attachée à effectuer une analyse prospective des marchés sur cette période et considère que la mise en œuvre d'une régulation de ces marchés pendant une durée de trois ans est pertinente, au regard notamment de l'absence d'évolution prévisible vers une situation de concurrence effective (cf. IV).
En tant que de besoin, par exemple en cas d'évolution significative de la structure du marché ou de ses acteurs, l'Autorité pourra toutefois être amenée à effectuer une nouvelle analyse avant la fin de la période envisagée et, le cas échéant, prendre de nouvelles décisions.
I.3.2. Périmètre géographique de l'étude
Les dispositions du CPCE relatives aux analyses des marchés des communications électroniques s'appliquent à la métropole, aux départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion ainsi qu'aux collectivités d'outre-mer de Mayotte (département à partir de mars 2011), Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, à l'exclusion des territoires d'outre-mer.
L'étendue des réseaux mobiles est structurée par l'accès aux ressources en fréquences, nécessaire pour construire des boucles locales radio consubstantielles des réseaux de téléphonie mobile. La structuration des marchés de détail de téléphonie mobile, et des marchés de gros de terminaison d'appel vocal mobile correspondant, suit donc la géographie des attributions de fréquences. L'Autorité rappelle que les autorisations d'utilisation des fréquences de téléphonie mobile sont attribuées par zones géographiques distinctes :
― zone métropole ;
― département de La Réunion ;
― collectivité d'outre-mer (département à partir de mars 2011) de Mayotte ;
― collectivité d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
― département de la Martinique ;
― département de la Guadeloupe ;
― département de la Guyane ;
― collectivité d'outre-mer de Saint-Martin ;
― collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy.
Les zones Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont regroupées ci-après dans la zone Antilles-Guyane ; les allocations de fréquences ayant été groupées pour l'ensemble de cette zone pour plusieurs acteurs. Néanmoins, certains acteurs ne disposent de fréquences que sur une fraction de cette zone. De la même manière, les zones Réunion et Mayotte sont également regroupées ci-après dans la zone Réunion-Mayotte.
L'Autorité s'intéresse, pour un opérateur donné, à l'ensemble des zones sur lesquelles il exerce son activité commerciale principale, soit grâce à une autorisation d'utilisation de fréquences dont il dispose, soit grâce à un accord d'accès qu'il a signé avec un opérateur disposant d'une autorisation d'utilisation de fréquences.
I.4. Les opérateurs mobiles concernés par la présente décision de régulation
A l'occasion du présent processus d'analyse, l'Autorité souhaite inscrire l'ensemble des opérateurs de réseaux mobiles de métropole et d'outre-mer dans un même document d'analyse.
Les opérateurs de réseaux mobiles, fournissant effectivement une prestation de terminaison d'appel vocal vers les numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur leurs réseaux, visés dans la présente analyse sont donc :
Les opérateurs commercialement actifs et disposant de fréquences en métropole :
― Bouygues Telecom, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 397 480 930 RCS Paris, et dont le siège social est situé au 32, avenue Hoche, 75008 Paris (ci-après "Bouygues Telecom") ;
― Orange France, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 428 706 097 RCS Nanterre, et dont le siège social est situé au 1, avenue Nelson-Mandela, 94745 Arcueil Cedex (ci-après "Orange France") ;
― La Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 403 106 537 RCS Paris, et dont le siège social est situé 42, avenue de Friedland, 75008 Paris (ci-après "SFR") ;
Les opérateurs commercialement actifs et disposant de fréquences dans la zone Antilles-Guyane :
― Dauphin Telecom, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Basse-Terre sous le numéro B 419 964 010, et dont le siège social est situé au 12, rue de la République, Marigot, 97150 Saint-Martin (ci-après Dauphin Telecom) ;
― Digicel Antilles françaises Guyane (Digicel), société anonyme à conseil d'administration, immatriculée sous le numéro 431416288, et dont le siège social est situé à Oasis, Bois Rouge, 97224 Ducos (ci-après "Digicel") ;
― Orange Caraïbe, société anonyme à conseil d'administration, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 379 984 891 RCS Créteil, et dont le siège social est situé au 1, avenue Nelson-Mandela, 94110 Arcueil (ci-après "Orange Caraïbe") ;
― Outremer Telecom, société anonyme à conseil d'administration, immatriculée sous le numéro RCS 383 678 760 et dont le siège social est situé ZI de la Jambette, BP 280, 97200 Fort-de-France (ci-après "Outremer Telecom") ;
― United Telecommunications SCE Caraïbe (UTS Caraïbe), société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Basse-Terre sous le numéro B 429 039 225 et dont le siège social est situé au 30, Spring Hills à Marigot, 97150 Saint-Martin (ci-après "UTS Caraïbe") ;
Les opérateurs commercialement actifs et disposant de fréquences dans la zone Réunion-Mayotte :
― Orange Réunion, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis de La Réunion sous le numéro 432 495 802, et dont le siège social est situé au 35, boulevard du Chaudron, 97490 Sainte-Clotilde (ci-après "Orange Réunion") ;
― Outremer Telecom (cf. ci-avant) ;
― la Société réunionnaise du radiotéléphone (SRR), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis de La Réunion sous le numéro B 393 551 007, et dont le siège social est situé au 21, rue Pierre-Aubert, ZI du Chaudron, 97490 Sainte-Clotilde (ci-après "SRR") ;
L'opérateur commercialement actif et disposant de fréquences dans la zone Saint-Pierre-et-Miquelon :
― Saint-Pierre-et-Miquelon Telecom (SPM Telecom), société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Pierre-et-Miquelon sous le numéro B 423 583 640, et dont le siège social est situé place du Général-de-Gaulle, BP 4253, 97500 Saint-Pierre-et-Miquelon (ci-après "SPM Telecom").
Le quatrième opérateur de réseaux mobiles disposant de fréquences en métropole, Free Mobile, n'a pas encore déployé son réseau et ne fournit donc pas à ce jour de prestation de terminaison d'appel vocal vers des numéros mobiles. Or il n'est pas possible de réguler un marché qui n'est constitué d'aucune prestation effectivement offerte.
Bien que "concerné" par l'exercice d'analyse, Free Mobile n'est donc pas visé par la présente décision. Les raisonnements qui figurent dans l'exercice d'analyse pourront néanmoins être applicables à Free Mobile lorsqu'il fournira une telle prestation.
Le quatrième opérateur de réseau mobile disposant de fréquences en Guadeloupe, Guyane et Martinique, UTS Caraïbe (via ses filiales Guyane Téléphone mobile, Guadeloupe Téléphone mobile et Martinique Téléphone mobile) n'est pour l'instant commercialement actif que dans les îles du Nord et n'a pas déployé à ce jour son réseau sur les autres territoires de la zone. De manière équivalente, UTS Caraïbe n'est donc pas, en dehors des îles du Nord, visé par la présente décision, bien que "concerné". Les raisonnements qui figurent dans l'exercice d'analyse pourront néanmoins être applicables à UTS Caraïbe lorsqu'il fournira une telle prestation dans les autres zones que les îles du Nord.
A la connaissance de l'Autorité, à ce jour, aucun opérateur mobile virtuel (définition dans la section I-5.3) n'exerce son activité commerciale en ouvrant lui-même à l'interconnexion les numéros mobiles de ses clients sur son propre réseau. Néanmoins, de telles architectures sont possibles et sont susceptibles de se développer sur le marché français. Si tel était le cas, les raisonnements qui figurent dans le présent exercice d'analyse seraient également applicables aux opérateurs mobiles virtuels concernés.
I.5. La terminaison d'appel vocal mobile
I.5.1. Généralités
La terminaison d'appel vocal mobile est une prestation de gros fournie par un opérateur mobile B exploitant un réseau ouvert au public à un opérateur A, fixe ou mobile, exploitant un réseau ouvert au public. La prestation commercialisée vise à terminer l'appel téléphonique vocal d'un client de l'opérateur A vers un client mobile de l'opérateur B (cf. figures ci-après). Du fait du sens des communications ainsi acheminées, on dit que cet opérateur "termine" les appels vers le réseau de destination.
Lorsque cette prestation s'inscrit dans le cadre d'une communication entre deux clients raccordés à des réseaux différents (appels dits off net), elle s'exerce dans le cadre d'une convention d'interconnexion signée entre les deux exploitants de réseaux ouverts au public. Lorsque cette prestation s'inscrit dans le cadre d'une communication entre deux clients d'un même réseau (appels dits on net), elle correspond à une vente dite interne (par opposition à une vente externe, qui correspond au cas précédent).
Lorsqu'un client téléphonique veut appeler, d'un téléphone fixe ou mobile, un numéro de téléphone correspondant à un réseau mobile, l'opérateur de l'appelant (fixe ou mobile) fait payer à ce dernier le prix de détail d'une communication à destination du réseau de l'opérateur de l'appelé. Par ailleurs, l'opérateur de l'appelant paie à l'opérateur de l'appelé, directement (s'il est interconnecté en direct avec lui) ou par le biais d'opérateurs de transit, le prix de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de l'opérateur de l'appelé.
Le prix de détail de la communication (fixe vers mobile ou mobile vers mobile) est fixé par l'opérateur de l'appelant. Le prix de gros de la terminaison d'appel vocal est quant à lui fixé par l'opérateur de l'appelé. Il s'agit du modèle économique de terminaison d'appel calling party pays.
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 44 du 22/02/2011 texte numéro 64
Figure 1. ― Appel vers un client d'un exploitant de réseau mobile
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 44 du 22/02/2011 texte numéro 64
Figure 2. ― Appel vers un client d'un opérateur mobile virtuel (MVNO)
La structure tarifaire de la prestation de terminaison d'appel est composée de plusieurs éléments, dont le prix facturé à la minute, un tarif de capacité de raccordement des deux réseaux (ou bloc primaire numérique, "BPN" ci-après), ainsi que d'éventuels frais d'accès aux sites d'interconnexion. Les petits opérateurs mobiles d'outre-mer ne facturent pas les BPN.
Par ailleurs, les tarifs issus des conventions d'interconnexion sont bâtis sur une tarification indépendante de la position de l'appelé, dans la mesure où le numéro d'appel mobile ne comporte pas d'information de localisation géographique, contrairement à un numéro géographique fixe. De plus, en France métropolitaine, les trois opérateurs de réseau mobile proposent une architecture d'interconnexion comprenant plusieurs niveaux de tarification, qui les conduisent à facturer de manière différente la prestation de terminaison d'appel vocal sur leur réseau selon que l'appelant se trouve (ou pas) dans la zone arrière (ZA) du point d'interconnexion, où l'opérateur de l'appelant choisit de livrer effectivement le trafic. On parle alors généralement de tarif intra-ZA ou de tarif extra-ZA (5). Cette différenciation repose, selon les opérateurs, sur l'analyse statistique des appels, qui montre que l'appelé a une plus forte probabilité d'être proche de l'appelant. Il convient de noter que cette caractéristique d'architecture à différents niveaux de tarification observée en France métropolitaine ne se retrouve dans aucun autre pays européen ni outre-mer.
Il convient enfin de rappeler que la terminaison d'appel vocal mobile désigne les prestations d'acheminement d'appels fournies par un opérateur exploitant des numéros mobiles à un autre opérateur de réseau auquel il est interconnecté, afin de permettre à l'appelant de ce dernier de joindre ces numéros mobiles (6). Du point de vue de l'opérateur acheteur de prestations de terminaison, une prestation de terminaison d'appel est demandée indépendamment de la technologie d'acheminement du trafic employée par l'opérateur de l'appelé, celle-ci étant transparente pour l'acheteur.
Enfin, l'Autorité rappelle que la prestation de terminaison d'appel, bénéficiant à la fois au client appelant, qui initie l'appel, et au client appelé, qui le reçoit, relève d'un marché biface, l'opérateur de l'appelé ayant la possibilité de recouvrer ses coûts soit par la facturation de l'opérateur de l'appelant, soit par la facturation de son client appelé. De plus, la terminaison d'appel vocal est une prestation d'accès réciproque, aussi appelée two way access. En effet, les opérateurs qui facturent la terminaison d'appel sont également les opérateurs qui achètent la terminaison d'appel. A ce titre, les flux financiers de terminaison constituent à la fois une charge et une source de revenus pour les opérateurs. In fine, la facturation entre opérateurs mobiles de la terminaison d'appel est une somme de flux financiers équilibrés au niveau du secteur.
I.5.2. Offres de référence des opérateurs de réseaux mobiles métropolitains
pour les prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal
Dans le cadre de la terminaison d'appels en provenance d'autres opérateurs sur son réseau respectif, et au titre de l'obligation de transparence qui lui est imposée (par la décision n° 2007-0810), chaque opérateur mobile métropolitain propose aux autres opérateurs des prestations d'accès et d'interconnexion dont les conditions de fourniture sont détaillées et publiées dans une offre dite de référence. Le contenu de ces offres de référence (7) sert de support à la négociation de conventions bipartites d'interconnexion, qui viennent préciser les conditions techniques et tarifaires de fourniture effective des prestations par l'opérateur mobile.
Dans son offre de référence, l'opérateur mobile désigne des points de livraison du trafic de terminaison (points d'interconnexion) ainsi que, en métropole, le nombre, la taille et la définition des ZA. Il y détaille également les conditions de fourniture des deux types de prestations offertes et décrites en I.5.1 que sont :
― les prestations de terminaison d'appel vocal proprement dites, qui correspondent à l'acheminement (ou à l'écoulement) du trafic sur le réseau de l'opérateur mobile du point de livraison jusqu'au client mobile appelé ;
― les prestations d'accès connexes permettant l'utilisation effective de ces offres par les opérateurs acheteurs, et notamment les prestations d'accès aux sites d'interconnexion.
I.5.3. Les prestations de terminaison d'appel pouvant être
offertes par des opérateurs de réseau mobile virtuel (MVNO)
Des opérateurs mobiles autres que ceux disposant d'autorisations d'utilisation de fréquences peuvent en théorie fournir des prestations de terminaison d'appel vocal mobile. Il s'agit des opérateurs mobiles virtuels (MVNO) qui ne disposent pas de réseau radio, mais sont fournisseurs de services de communications électroniques au public, voire exploitants de réseaux ouverts au public. Ils peuvent se trouver dans deux situations différentes concernant la terminaison des appels à destination de leurs clients :
― soit l'opérateur virtuel n'ouvre pas lui-même ses numéros mobiles à l'interconnexion et ne fixe pas son propre tarif de terminaison d'appel pour les appels se terminant vers ses clients joignables sur des numéros mobiles. Dans ce cas, la terminaison des appels vers ses clients est transparente pour l'opérateur virtuel car elle est techniquement assurée par l'opérateur hôte qui perçoit à ce titre une charge de terminaison, sans préjudice d'un éventuel reversement à l'opérateur virtuel ;
― soit l'opérateur virtuel ouvre lui-même ses numéros mobiles à l'interconnexion et fixe ses propres tarifs de terminaison d'appel pour les appels se terminant vers ses clients joignables sur des numéros mobiles. Cet opérateur s'appuie sur son offre d'accès au réseau de son opérateur hôte pour acheminer effectivement l'appel à son abonné. Dans ce cas, il est considéré comme un opérateur mobile fournisseur de prestations de terminaison d'appel vocal mobile vers ses numéros mobiles et l'ensemble de la présente description (notamment présentée en 1.5.1 et en 1.6.1) s'applique à lui.
A la connaissance de l'Autorité, à ce jour, aucun opérateur mobile virtuel n'exploite actuellement sur une base commerciale une telle architecture d'acheminement des appels entrants à destination de ses abonnés et n'a perçu de revenus au titre de la fourniture de services de terminaison d'appel vers ses numéros mobiles (et donc facturés à un tarif qu'il aurait lui-même fixé).
Néanmoins, de telles architectures sont possibles et sont susceptibles de se développer sur le marché français à l'image d'autres marchés mobiles européens où le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur réseau mobile est plus développé. Si tel était le cas, l'Autorité examinerait l'opportunité d'identifier de nouveaux marchés de gros de terminaison d'appel mobile comme ont pu le faire d'autres régulateurs européens.
Dans le cas où de nouveaux marchés de gros seraient identifiés, l'Autorité se prononcera sur l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile d'un tel opérateur virtuel ainsi que, le cas échéant, sur la nécessité d'un encadrement tarifaire spécifique de la prestation de terminaison d'appel "réduite" fournie par l'opérateur hôte à son opérateur virtuel, cette prestation n'incluant qu'un sous-ensemble des éléments inclus dans la prestation de terminaison d'appel analysée dans le présent document, le complément étant assuré par l'opérateur virtuel lui-même.
I.6. Les acheteurs de terminaison d'appel vocal mobile
Sont appelés "acheteurs de terminaison d'appel vocal mobile" les acteurs exploitant un réseau ouvert au public voulant terminer un appel sur un réseau mobile. On peut notamment distinguer quatre catégories d'acteurs achetant directement (ou indirectement) de la terminaison d'appel vocal en établissant directement (ou indirectement, via un opérateur de transit par exemple) une convention d'interconnexion avec l'opérateur mobile de terminaison :
― les opérateurs de réseaux mobiles ;
― les opérateurs de réseaux fixes ;
― les opérateurs de transit ;
― les autres acteurs.
I.6.1. Les opérateurs de réseaux mobiles titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences
Lorsqu'un opérateur mobile doit terminer un appel en provenance d'un de ses clients vers un autre client mobile, deux cas de figure se présentent. Soit le client à joindre est client d'un autre opérateur mobile (appel dit off net). L'opérateur mobile d'origine, dès lors qu'il est interconnecté directement à l'opérateur mobile de destination, lui paie alors le prix correspondant à la terminaison d'appel vocal. Soit le client à joindre est également un de ses clients (appel dit on net), et l'opérateur ne paie effectivement aucune charge d'interconnexion, mais se fournit néanmoins à lui-même une prestation de terminaison d'appel vocal.
Dans la zone métropole, les trois opérateurs de réseaux mobiles titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences ayant déployé leur réseau, Orange France, SFR et Bouygues Telecom, sont interconnectés directement entre eux. Free Mobile, quatrième opérateur titulaire d'une autorisation d'utilisation de fréquences, n'a à ce jour pas déployé son réseau.
Dans la zone Antilles-Guyane, Orange Caraïbe et Digicel sont interconnectés directement entre eux pour les départements de la Martinique et de la Guadeloupe. Orange Caraïbe est également interconnecté avec Outremer Telecom pour le trafic entrant sur son réseau.
Dans la zone de La Réunion-Mayotte, SRR et Outremer Telecom sont interconnectés directement entre eux. Par ailleurs, Orange Réunion a une relation contractuelle directe avec SRR et Outremer Telecom pour la vente de leurs prestations de terminaison d'appel vocal respectives, mais a recours à un opérateur de transit tiers pour acheminer les communications vers et depuis les réseaux de SRR et Outremer Telecom, sans que celui-ci ne fournisse de prestation d'intermédiation financière pour le paiement des charges de terminaison d'appel vocal mobile. Lorsqu'ils n'ont pas signé d'accord d'interconnexion avec un opérateur mobile donné, les opérateurs mobiles ont recours à un opérateur tiers disposant d'un tel accord et des infrastructures correspondantes qui assure l'acheminement des communications et fournit une prestation d'intermédiation financière.
I.6.2. Les opérateurs de réseaux fixes
S'agissant des opérateurs fixes, deux cas peuvent être distingués :
― Dans le cas où l'opérateur de l'appelant a signé une convention d'interconnexion avec l'opérateur mobile de l'appelé, l'opérateur de l'appelant paie le prix correspondant à la terminaison d'appel vocal directement à l'opérateur mobile de l'appelé (cas similaire à un appel mobile vers mobile off net : cf. I.6.1) ;
― Dans le cas où l'opérateur de l'appelant n'a pas signé de convention d'interconnexion avec l'opérateur mobile de l'appelé, l'opérateur peut utiliser l'offre d'un opérateur de transit (cf. I.6.3). Dans ce cas, l'opérateur de l'appelant achète à l'opérateur de transit une prestation couplée de transit et de terminaison d'appel, la terminaison d'appel vocal étant celle de l'opérateur mobile d'arrivée. L'opérateur de transit peut éventuellement assurer l'intermédiation financière.
Actuellement, seuls France Télécom, SFR (via Neuf Cegetel) et Bouygues Telecom sont interconnectés directement à l'ensemble des zones arrière des opérateurs mobiles métropolitains. D'autres opérateurs ont commencé à développer des interconnexions directes avec les opérateurs mobiles en métropole, mais ne couvrent pas actuellement l'ensemble de leurs zones.
I.6.3. Les opérateurs de transit
Il apparaît ainsi que les opérateurs de transit achètent une prestation de terminaison d'appel vocal aux opérateurs mobiles pour les revendre à d'autres acteurs. Leur rôle est ainsi de fluidifier le marché en proposant une interface unique entre l'ensemble des opérateurs mobiles et l'acheteur final. Ils permettent également à un opérateur d'arbitrer économiquement entre s'interconnecter directement à l'opérateur mobile et lui acheter sa terminaison d'appel vocal ou bien acheter la prestation couplée de transit et de terminaison d'appel à un tiers, l'arbitrage se faisant notamment sur le volume de trafic écoulé par l'opérateur de l'appelant vers l'opérateur mobile appelé et permettant ou non de rentabiliser le coût de la mise en place d'une infrastructure d'interconnexion directe. Dans certains cas, les acteurs peuvent donc préférer recourir aux services d'un opérateur de transit plutôt que de signer plusieurs conventions d'interconnexion (une par opérateur de destination) ayant des caractéristiques différentes et nécessitant certains investissements (accès aux sites d'interconnexion) et des développements techniques.
Comme indiqué ci-dessus, seuls France Télécom, SFR (via Neuf Cegetel) et Bouygues Telecom sont interconnectés directement à l'ensemble des zones arrière des opérateurs mobiles métropolitains. Les autres acteurs du marché du transit doivent donc recourir, au moins en partie, à des prestations de terminaison d'appel au tarif EZA pour la fourniture de leurs services.
I.6.4. Les autres acteurs
Enfin, bien que ce cas de figure ne soit pour l'instant qu'une éventualité sur les marchés analysés, d'autres acteurs peuvent solliciter directement ou indirectement une prestation de terminaison d'appel vocal, parmi lesquels des opérateurs mobiles virtuels (MVNO). Dans le cas où un MVNO achète à son opérateur hôte une prestation technique réduite au seul départ d'appel (et non des prestations de communications de bout en bout), il est ainsi notamment amené à acheminer les appels de ses clients et, pour ce faire, à acheter une prestation de terminaison d'appel aux autres opérateurs, notamment mobiles.
I.7. Prise en compte des commentaires des acteurs sur le présent chapitre
lors de la consultation publique menée du 23 avril au 24 mai 2010
Les opérateurs de réseau métropolitains estiment que Free Mobile doit être pris en compte de manière plus précise dans le document d'analyse. Selon Bouygues Telecom, ceci est nécessaire au regard de l'importance de la prévisibilité pour le secteur. Les commentaires d'Orange France et de SFR portent quant à eux plus particulièrement sur l'encadrement tarifaire qu'ils jugent pertinent d'imposer à Free Mobile dans le cadre de cette analyse des marchés et de l'obligation de contrôle tarifaire qu'elle porte. Orange Caraïbe estime que les filiales d'UTS Caraïbe en Martinique, Guadeloupe et Guyane doivent être incluses dans la liste des opérateurs dont la terminaison d'appel vocal doit être encadrée.
L'Autorité rappelle que Free Mobile et UTS Caraïbe, en dehors des îles du Nord, ne sont pas visés par la présente analyse, dans la mesure où ils n'ont pas ouvert commercialement leur activité et où ils ne fournissent pas à ce jour de prestation de terminaison d'appel vocal mobile. En l'absence de prestation offerte, l'Autorité ne peut à ce stade délimiter un marché pertinent ou encore conclure à la puissance d'un acteur non présent sur le marché.
L'Autorité rappelle néanmoins que les raisonnements développés dans ce document pourront leur être appliqués lorsqu'ils entreront sur le marché. En particulier, d'un point de vue prospectif, l'Autorité pourrait conclure à l'existence d'un marché pertinent de la terminaison d'appel sur leurs réseaux respectifs ainsi qu'à leur puissance sur leurs marchés respectifs et leur imposer des remèdes similaires.
L'Autorité note enfin qu'Omer Telecom rappelle sa volonté d'évoluer vers une structure d'opérateur virtuel étendu ou full MVNO. Comme elle l'a déjà indiqué à de multiples reprises, l'Autorité est tout à fait favorable à ce que se développe sur le marché français le modèle du full MVNO.
I.8. Prise en compte de l'avis de l'Autorité de la concurrence sur le présent chapitre
Dans son avis n° 10-A-17 en date du 29 juillet 2010 relatif à la présente analyse de marché, l'Autorité de la concurrence estime que, en ce qui concerne Free Mobile, UTS Caraïbe ou l'entrée d'éventuels full MVNO (point 40), "l'absence d'ouverture de leurs services commerciaux justifie qu'une régulation ex ante ne soit pas mise en place immédiatement les concernant" et confirme ainsi l'analyse de l'ARCEP.
Elle ajoute également (point 33) que "l'Autorité considère par conséquent que dans un souci de prévisibilité des acteurs déjà régulés, mais également des futurs entrants sur le marché, il serait souhaitable que l'ARCEP se livre à l'analyse des nouveaux marchés de gros de la terminaison d'appel de Free Mobile, d'UTS Caraïbe ou d'éventuels full MVNO dès que possible après leur entrée sur le marché, sans nécessairement attendre le prochain cycle d'analyse de marché si le temps nécessaire à la collecte des informations utiles ne le justifie pas. Durant la période nécessaire à la réalisation de l'exercice d'analyse de marché, l'ARCEP pourrait intervenir, le cas échéant, dans le cadre des pouvoirs de règlement de différends qui lui sont conférés par l'article L. 36-8 du code des postes et communications électroniques".
L'ARCEP confirme qu'elle a bien l'intention de se livrer à l'analyse de ces nouveaux marchés dès qu'une telle analyse se révélera nécessaire. Elle précise également, à titre prospectif, que les marchés de la terminaison d'appel vers le réseau de Free Mobile, d'UTS Caraïbe en dehors des îles du Nord ou d'éventuels full MVNO pourront être déclarés pertinents dès lors que ces acteurs auront ouvert leurs réseaux à l'interconnexion. Il paraît également raisonnable d'anticiper, de manière prospective, que des obligations d'accès, de non-discrimination, de transparence ou de contrôle tarifaire pourraient être imposées à ces acteurs dès lors qu'ils seront actifs commercialement. Ces obligations sont en effet imposées à l'ensemble des opérateurs visés par la présente analyse et pourront apparaître proportionnées s'agissant de Free Mobile, d'UTS Caraïbe ou d'un éventuel full MVNO au regard des mêmes raisonnements que ceux développés dans cette analyse de marché.
II. ― Définition des marchés
L'exercice de délimitation des marchés pertinents a pour but de définir le contour, en termes de produits et de services et en termes géographiques, des marchés susceptibles d'être régulés ex ante. Cet exercice est, en application des dispositions de la directive cadre, effectué en accord avec les principes issus du droit de la concurrence. Conformément aux lignes directrices de la Commission européenne (8), cette analyse se fonde notamment sur un examen des caractéristiques du produit et sur la substituabilité du côté de l'offre et du côté de la demande. La définition géographique des marchés résulte notamment de l'examen du territoire principal d'activité commerciale des opérateurs.
II.1. Marchés de détail associés
L'Autorité renvoie au document de bilan du deuxième cycle d'analyse (annexé à la présente analyse) pour une présentation des évolutions récentes du marché de détail des services de communication des services mobiles associés aux marchés de gros de la terminaison d'appel mobile.
Ces marchés de détail peuvent être distingués selon trois types de produits :
― les services de communications mobile vers mobile ;
― les services de communications fixe vers mobile ;
― les services de convergence fixe-mobile.
Géographiquement, ces marchés de détail sont par ailleurs segmentés selon les mêmes zones d'activité commerciale que les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile, précisées ci-après.
II.2. Délimitation des marchés en termes de produits et de services :
analyse de la substituabilité
II.2.1. Généralités
Le présent document analyse le marché de la terminaison d'appel vocal offerte par les opérateurs mobiles, que ces opérateurs correspondent à des opérateurs titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences (et donc avec un réseau radio) ou à des exploitants de réseaux mobiles ouverts au public sans réseau radio (cf. section I.5.3).
Conformément aux préconisations de l'actuel cadre communautaire, la délimitation du marché correspond au périmètre du marché le plus petit possible sur lequel l'offre et la demande se rencontrent et le prix de la transaction se forme, et repose donc sur les prestations réalisées à un niveau microéconomique.
A cet égard, dans le cas de la terminaison d'appel vocal, le marché est constitué de la rencontre entre la demande de terminaison de l'appelant du réseau A vers l'appelé présent sur le réseau B et l'offre de terminaison de B pour terminer un appel issu de A vers les numéros qu'il a ouverts à l'interconnexion.
Aux fins de la présente analyse, il est pertinent de regrouper dans un même marché l'ensemble des prestations de terminaison d'appel vocal fournies par un opérateur en vue de terminer les appels destinés à l'ensemble des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion. Ces prestations ne sont pas en soi substituables mais sont commercialisées de manière homogène et peuvent donc être regroupées dans un même marché.
Il est nécessaire d'examiner la substituabilité du côté de la demande et du côté de l'offre afin de déterminer quel est l'ensemble des produits substituables.
II.2.2. Analyse de la substituabilité du côté de la demande sur le marché de gros
En cas d'une augmentation sensible et durable de la charge facturée pour une prestation de terminaison d'appel vocal par un opérateur mobile donné, un opérateur acheteur devant terminer un appel vocal à destination d'un client de l'opérateur mobile considéré pourrait acheter alternativement différents produits de gros :
― un autre produit d'interconnexion vendu par l'opérateur de destination pour terminer les appels, par exemple reposant sur une autre technologie (par exemple UMTS au lieu de GSM) ;
― les offres d'interconnexion d'un opérateur de transit qui achète de la terminaison d'appel vocal mobile à l'opérateur mobile de destination et la revend avec une prestation de transit additionnelle ;
― les offres d'interconnexion d'un autre opérateur mobile ;
― les offres de "hérissons" ou "boîtiers radio" constitués de batteries de téléphones mobiles associés à des abonnements de détail, utilisés principalement pour convertir des appels fixe vers mobile en appels mobile vers mobile, généralement on net.
Du point de vue de l'opérateur acheteur de prestations de terminaison, une prestation de terminaison d'appel est demandée indépendamment de la technologie d'acheminement du trafic employée par l'opérateur de l'appelé (GSM, UMTS, etc.). En effet, celle-ci est, en général, transparente pour l'acheteur et le service rendu (permettre une communication vocale en temps réel) est le même quelle que soit la norme utilisée. En outre, en fonction du déplacement de l'appelé, un appel peut être émis en GSM et reçu en UMTS ou inversement.
Dans le cas où un même opérateur mobile propose plusieurs offres d'interconnexion permettant la terminaison d'appels vers ses numéros mobiles, reposant sur des technologies d'acheminement du trafic différentes, on peut conclure à une substituabilité entre ces offres du point de vue de la demande sur le marché de gros. En effet, dans ce cas, l'augmentation sensible et durable du tarif associé à une offre d'interconnexion vocale mobile donnée entraînerait vraisemblablement pour les opérateurs tiers l'utilisation des autres offres d'interconnexion vocale mobile offertes par cet opérateur.
Par conséquent, la délimitation du marché doit inclure l'ensemble des offres d'interconnexion vocale mobile sur le réseau mobile de l'opérateur B, depuis le réseau d'un opérateur A, et ce quelle que soit la technologie utilisée. L'opérateur A exploitant un réseau ouvert au public peut être aussi bien un opérateur mobile, un opérateur fixe, un fournisseur d'accès internet ou un opérateur de transit.
Dans le cas de prestations qui coupleraient terminaison et transit, il convient de noter que la terminaison d'appel inclut les éléments de commutation ou de routage qui permettent l'acheminement des appels entre les utilisateurs qui y sont raccordés et exclut tout autre segment de transmission et autres éléments de commutation ou de routage supplémentaires, tels que des commutateurs de transit ou d'autres commutateurs locaux ayant une fonction de commutation en transit du point de vue de ce premier commutateur.
Cette délimitation s'explique principalement par le fait que la terminaison d'appel, au contraire du transit, ne peut être fournie que par l'opérateur de la boucle locale sur laquelle se termine l'appel, mais aussi par les différences de niveaux tarifaires entre les prestations de terminaison d'appel et les prestations de transit incluant la terminaison d'appel. Ces deux facteurs permettent de conclure que ces prestations ne sont pas incluses dans le même marché, dans la mesure où leurs fournitures respectives interviennent à deux niveaux différents de la chaîne de valeur.
Par conséquent, les prestations fournies, actuellement décrites sous le terme de "terminaison" et qui incluent le transit permettant l'accès à ces prestations de terminaison d'appel au niveau des commutateurs ou routeurs locaux, seront réputées comme n'appartenant pas au marché pertinent de la terminaison d'appel mais comme regroupant terminaison d'appel et transit.
Cette délimitation technique et commerciale de la terminaison correspond pleinement à la définition de la Commission européenne dans les motifs de sa recommandation du 17 décembre 2007 concernant les marchés pertinents.
S'agissant des offres d'interconnexion d'un autre opérateur mobile, l'Autorité estime que les prestations de terminaison d'appel vocal mobile fournies par des opérateurs distincts sont incluses dans des marchés distincts : les offres d'interconnexion offertes par un autre opérateur mobile A' ne peuvent pas être un substitut pour les offres de l'opérateur mobile A puisqu'il s'agit d'atteindre, in fine, un client sur le réseau de l'opérateur A.
S'agissant des "hérissons" (boîtiers radio), l'Autorité maintient le raisonnement développé dans le cadre des précédents exercices d'analyse et considère qu'ils ne constituent pas aujourd'hui, et pour la période de la présente analyse, un substitut effectif à la prestation de terminaison d'appel vocal mobile, d'autant que leur utilisation a encore diminué depuis le dernier exercice d'analyse. D'autres motifs, telle la dégradation de la qualité de service pour les utilisateurs finaux dont ils s'accompagnent, à laquelle l'Autorité a précédemment fait référence, prônent en faveur d'une telle position (9).
II.2.3. Analyse de la substituabilité du côté de la demande sur les marchés de détail
Une augmentation pérenne de la charge de terminaison d'appel vocal mobile par un opérateur donné peut entraîner une décision des autres opérateurs, fixes ou mobiles, d'augmenter leurs prix des communications vers l'opérateur mobile en cause.
Dans une telle perspective d'augmentation du prix de détail des appels (mobile vers mobile tiers ou fixe vers mobile), du même ordre que celui de la hausse de terminaison d'appel, il convient d'examiner le comportement possible de l'appelant. Différents types de substitution sur les marchés de détail sont alors envisageables :
― substitution par un appel vers un numéro fixe du même correspondant (via le réseau commuté ou un appel en voix sur large bande) ;
― substitution par un SMS ou par un autre service de messagerie mobile (courrier électronique mobile, messagerie instantanée, MMS, etc.) ;
― substitution par un appel vers un autre numéro mobile du même correspondant associé à un terminal compatible wifi ;
― substitution par un appel vers un autre numéro mobile du même correspondant ou vers son identifiant associés à une application de voix sur IP sur un terminal compatible à la téléphonie via l'internet mobile.
S'agissant de la substituabilité possible entre services vocaux mobiles et services vocaux non mobiles, l'Autorité considère qu'un appel à destination d'un poste fixe ne peut se substituer à un appel à destination du numéro mobile du client considéré. La mobilité, c'est-à-dire le fait de pouvoir être joint à tout instant, quelle que soit la position de l'appelé, est en effet la pierre angulaire du service mobile.
S'agissant du SMS et des autres services non vocaux de messageries mobiles, l'Autorité maintient le raisonnement développé dans le cadre de ses précédentes analyses, et en particulier son analyse des marchés de la terminaison d'appel SMS (10). Elle considère ainsi qu'il n'y a pas de substituabilité entre un appel vocal à destination d'un numéro mobile et l'envoi d'un SMS vers ce même numéro ou l'usage d'un autre service non vocal de messageries mobiles vers le même terminal, notamment parce que, contrairement à la voix, ces services instaurent entre l'appelé et l'appelant une communication écrite en mode différé et discret qui correspond à un usage et des modes de relations différents.
Le développement de terminaux bi-modes GSM/wifi offrant un canal wifi indépendant de l'opérateur mobile et comprenant un numéro pour chaque mode de transmission ouvre une perspective de substituabilité du côté de la demande. L'Autorité maintient toutefois à ce sujet ses conclusions adoptées dans les analyses précédemment publiées. A l'horizon de la présente analyse, l'Autorité considère qu'en raison notamment des limites commerciales (en particulier de la diffusion limitée de tels terminaux) comme des contraintes techniques (par exemple, nécessité de se situer près d'un hotspot, impossibilité de conserver une connexion en situation de mobilité) inhérentes à de telles solutions, cette substituabilité reste extrêmement limitée.
Le développement des terminaux ayant accès au haut débit mobile ouvre de la même manière une perspective de substituabilité du côté de la demande, par le biais d'applications proposant de communiquer via un numéro ou identifiant personnel. A l'horizon de la présente analyse, l'Autorité considère que, en raison notamment des limites commerciales (malgré leur développement rapide, la diffusion de tels terminaux associés à une offre de services de communication donnant accès à l'internet mobile reste limitée et les applications de voix sur IP mobile sont toujours à ce jour majoritairement bloquées par les opérateurs mobiles (11) ou techniques (faible qualité de service) qui pèsent actuellement sur ces solutions, cette substituabilité reste théorique.
En conclusion, l'Autorité ne note pas de nouveaux éléments de fait ou de droit existants ou à venir à l'horizon de trois ans la conduisant à revoir l'analyse de substituabilité effectuée dans ses précédentes analyses de marché afférentes à la terminaison d'appel vocal mobile.
En tout état de cause, si la situation du marché devait évoluer sur l'un de ces points, l'Autorité serait fondée à anticiper son réexamen de la présente analyse.
II.2.4. Analyse de la substituabilité du côté de l'offre sur le marché de gros
Conformément à la précédente analyse des marchés pertinents, l'Autorité ne considère pas les "hérissons" comme substituables, notamment pour deux raisons. Ces derniers sont de moins en moins utilisés, comme souligné par l'Autorité. En outre, ces dispositifs pouvant outrepasser des clauses de non-détournement d'usage spécifiées dans les conditions générales de vente relatives aux offres de détail, il lui apparaît légitime de prévoir que les opérateurs mobiles feront effectivement disparaître ce type de "hérissons" en invoquant le non-respect des conditions contractuelles.
Dans le système actuel, l'opérateur de terminaison est le seul acteur susceptible de localiser la personne appelée, identifiée par un numéro mobile, et de terminer l'appel vers ce numéro mobile. Un opérateur en place ou un nouvel entrant n'est pas en mesure, en cas d'augmentation des prix de la terminaison d'appel vocal mobile par un opérateur, d'offrir ce service de terminaison. Il ne semble donc pas qu'il y ait de substitution envisageable du côté de l'offre.
L'Autorité considère donc qu'il n'existe pas de substitut efficace du côté de l'offre sur le marché à la terminaison d'appel vocal mobile.
II.2.5. Conclusion sur l'analyse de la substituabilité
A l'issue de cette analyse et au regard de la situation actuelle, mais aussi de manière prospective, il ressort qu'aucun produit n'est substituable à la terminaison d'appel vocal mobile. Les produits de terminaison d'appel vocal définis en 2.3.1 couvrent toutes les technologies, qu'elles soient 2G, 3G ou autres. Au-delà, il n'existe pas, à ce jour, d'autre produit de substitution envisageable à l'horizon de la période couverte par cette analyse.
En conclusion, il est donc justifié de définir, pour chaque opérateur de réseau mobile, le marché de la terminaison d'appel vocal vers ses numéros mobiles, comprenant l'ensemble des offres de terminaison d'appel vocal à destination de numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur son réseau.
L'Autorité précise que l'entrée de nouveaux acteurs sur les marchés mobiles ne modifiera pas, compte tenu de la généralité des raisonnements développés, cette conclusion.
II.3. Délimitation géographique des marchés
Il est ensuite nécessaire de définir le périmètre géographique de ces marchés.
Comme exposé précédemment, la procédure d'analyse de marché telle que prévue par le CPCE est applicable à la métropole, aux départements d'outre-mer et aux collectivités d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte (département à partir de mars 2011), Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Conformément aux lignes directrices 2002/C165/03 de la Commission européenne susvisées, le périmètre géographique du marché de la terminaison d'appel d'un opérateur dépend de l'étendue de son réseau, entendu comme l'ensemble des zones dans lesquelles il dispose d'autorisations d'utilisation de fréquences mobiles ainsi que les zones dans lesquelles il bénéficie d'un accord d'accès signé avec un opérateur utilisant des fréquences mobiles, notamment dans le cadre de la mise en place de solutions d'itinérance (par exemple en "zones blanches") et éventuellement de partage d'infrastructures.
La segmentation géographique retient ainsi plusieurs périmètres :
― la métropole, qui correspond à l'étendue des autorisations d'usage de fréquences des opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom ;
― Réunion-Mayotte, qui correspond à l'étendue des autorisations d'usage de fréquences des opérateurs SRR, Orange Réunion et Outremer Telecom ;
― Antilles-Guyane, qui correspond à l'étendue des autorisations d'usage de fréquences des opérateurs actifs commercialement Orange Caraïbe, Digicel et Outremer Telecom, incluant Saint-Martin et Saint-Barthélemy ;
― Saint-Martin et Saint-Barthélemy pour les marchés de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux d'UTS Caraïbe et Dauphin Telecom, opérateurs actifs commercialement et disposant sur ce territoire soit de fréquences, soit d'un accord d'accès avec un opérateur titulaire d'une autorisation d'utilisation de fréquences ;
― Saint-Pierre-et-Miquelon pour le marché de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de SPM Telecom.
L'analyse du pouvoir de marché de chaque opérateur conduira, le cas échéant, à la conclusion de sa puissance sur le marché délimité par l'étendue de son réseau. Pour chaque opérateur, le périmètre géographique du marché de la terminaison d'appel vocal qui lui est associé recouvre donc l'ensemble des territoires sur lesquels il exerce une activité commerciale, indépendamment de la proximité géographique ou non de ces territoires entre eux.
II.4. Liste des marchés délimités
Les marchés de gros recensés dans le cadre de cette analyse de marché sont les suivants :
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de Bouygues Telecom ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau d'Orange France ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de SFR ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau d'Orange Caraïbe ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de SRR ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de Dauphin Telecom ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de Digicel ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau d'Orange Réunion ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau d'Outremer Telecom ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de SPM Telecom ;
― marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau d'UTS Caraïbe.
Comme indiqué précédemment, l'Autorité inclut dans ces marchés toute prestation de terminaison d'appel vocal vers les numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur le réseau de l'opérateur considéré, quelle que soit l'origine de l'appel (mobile, fixe, nationale ou internationale), quel que soit le destinataire, client de l'opérateur ou d'un MVNO recourant au réseau de l'opérateur et ne fournissant pas lui-même de prestation de terminaison d'appel et quelle que soit la technologie utilisée pour produire cette prestation (GSM, UMTS, wifi ou autres).
Ces marchés excluent les prestations offertes via les "hérissons" ainsi que les couplages transit et terminaison d'appel.
S'agissant des opérateurs disposant de fréquences mais n'étant pas à ce jour actifs commercialement, c'est-à-dire Free Mobile en métropole et UTS Caraïbe en dehors des îles du Nord, l'Autorité précise que les raisonnements sous-jacents à la délimitation des marchés de gros recensés ci-dessus pourront également s'appliquer à ces nouveaux acteurs une fois qu'ils seront commercialement actifs.
S'agissant des opérateurs virtuels maîtrisant leur trafic entrant qui pourraient apparaître sur le marché, l'Autorité sera amenée à examiner l'opportunité d'identifier de nouveaux marchés individuels de terminaison associés à chacun d'entre eux après le lancement de leur activité.
II.5. Prise en compte de l'avis de l'Autorité de la concurrence
sur la définition des marchés
II.5.1. Avis de l'Autorité de la concurrence
Dans son avis n° 10-A-17 en date du 29 juillet 2010 relatif à la présente analyse de marché, l'Autorité de la concurrence "souscrit aux développements de l'ARCEP conduisant à conclure qu'aucun autre service n'est substituable aux prestations de terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles".
Par ailleurs, s'agissant de la situation de la zone Réunion-Mayotte, l'Autorité de la concurrence indique dans l'avis précité, aux points 22 à 25 :
"22. Les représentants de la société France Télécom estiment que l'ARCEP, dans le document transmis pour avis à l'Autorité, ne prend pas en compte les différences tant économiques que concurrentielles existantes entre La Réunion et Mayotte. Ces différences justifieraient selon France Télécom de distinguer deux marchés géographiques ou, à tout le moins, que les obligations imposées aux opérateurs actifs sur la zone (SRR, Outremer Telecom et Orange Réunion) puissent être différenciées sur ces deux territoires.
23. Un marché géographique pertinent comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre de biens et services en cause et sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes. Des zones géographiques, même voisines, peuvent constituer des marchés distincts dès lors que les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable. Le Conseil de la concurrence a déjà eu l'occasion de souligner les singularités des marchés ultramarins de services de téléphonie mobile par rapport à ceux de la métropole (avis n° 04-A-17 du 14 octobre 2004, décision n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004) : "Les DOM, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon (collectivités territoriales) possèdent de nombreuses particularités faisant d'eux des marchés distincts de la métropole :
― l'éloignement géographique et l'isolement des îles ;
― les caractéristiques météorologiques et environnementales particulières (risques climatiques, séismes, paysages accidentés) ;
― les caractéristiques socio-économiques différentes ;
― une pénétration des mobiles spécifiques ;
― un démarrage de l'activité mobile plus tardif.”"
24. Parmi les départements d'outre-mer, le Conseil de la concurrence a déjà isolé, au terme d'une analyse prima facie, les marchés de téléphonie mobile de la zone Antilles-Guyane en constatant notamment que les autorisations d'utilisation des fréquences délivrées par le régulateur sectoriel étaient attribuées pour une zone regroupant les départements de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane (décision n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004). Ces autorisations d'utilisation de fréquences conditionnent l'entrée sur le marché sur la zone concernée, ce qui faisait dire à l'ARCEP, dans une décision relative à la définition des marchés de gros sur les réseaux mobiles dans les départements d'outre-mer, que "la structuration des marchés de détail de téléphonie mobile, et des marchés de gros de terminaison d'appel vocal mobile correspondant, suit donc la géographie des attributions de fréquences” (décision n° 2007-0811 du 16 octobre 2007). En l'espèce, les trois opérateurs mobiles présents sur la zone de l'océan Indien disposent d'autorisations d'utilisation des fréquences mobiles à la fois pour les territoires de La Réunion et de Mayotte. Par ailleurs, dans l'avis que l'ARCEP a rendu à l'Autorité dans le cadre de la décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009, l'ARCEP attirait l'attention de l'Autorité sur "les différences structurelles entre le marché de détail mobile de La Réunion et le marché de détail mobile à Mayotte : les caractéristiques sociodémographiques, les taux de pénétration mobile et par conséquent la maturité du marché mobile, les modes de consommation, la structure du parc mobile et les dynamiques concurrentielles diffèrent fortement d'une île à l'autre. Les stratégies marketing des opérateurs peuvent également différer [...]”.
25. Dès lors, si un certain nombre d'éléments (notamment la proximité géographique des deux îles et l'identité des opérateurs qui y sont présents) pourraient inviter à retenir un marché géographique pertinent unique pour la zone Réunion-Mayotte, les éléments d'hétérogénéité précédemment soulignés conduiraient plutôt à considérer que les marchés de détail de la téléphonie mobile à La Réunion et à Mayotte constituent deux marchés géographiques distincts. Il est délicat de se prononcer sur ce point de manière définitive sans instruction approfondie et l'Autorité de la concurrence estime préférable de laisser ouverte la question de la délimitation du marché de détail, dès lors qu'elle est sans incidence sur la régulation mise en œuvre. En effet, la délimitation d'un marché large dans le cadre de l'exercice d'analyse des marchés n'interdit pas au régulateur sectoriel d'adopter des mesures différenciées en son sein. En d'autres termes, l'inclusion de La Réunion et de Mayotte dans le même marché pertinent de gros n'entraîne pas nécessairement que la terminaison d'appel vocal des opérateurs mobiles présents sur la zone doive être la même pour les deux territoires."
II.5.2. Commentaires de l'Autorité
En ce qui concerne la délimitation géographique des marchés pertinents dans la zone Réunion-Mayotte, l'Autorité partage en tout point l'analyse de l'Autorité de la concurrence.
Comme l'ARCEP l'a souligné dans son avis n° 2009-0568 en date du 9 juillet 2009, cité par l'Autorité de la concurrence, un certain nombre d'éléments invitent en effet à distinguer le marché de détail de la téléphonie mobile à La Réunion du marché de détail de la téléphonie à Mayotte.
Dans le présent exercice de délimitation géographique du marché de gros de la terminaison d'appel sur le réseau d'un opérateur, l'ARCEP retient, conformément aux lignes directrices européennes, le critère de l'étendue du réseau de chaque opérateur et définit, pour SRR, Orange Réunion et Outremer Telecom, le marché de la terminaison d'appel sur leur réseau respectif dans l'ensemble de la zone Réunion-Mayotte.
Toutefois, la délimitation géographique du marché de gros de la terminaison d'appel sur le réseau de chaque opérateur sur une zone globale ne préjuge pas de l'existence ou non de sous-marchés de détail de la téléphonie mobile distincts sur les différents territoires concernés.
D'autre part, et comme le souligne l'Autorité de la concurrence, cette délimitation géographique du marché de gros n'interdit pas à l'ARCEP d'adopter des remèdes différenciés par territoire afin de tenir compte de problèmes concurrentiels éventuellement différents.
A l'inverse, l'Autorité précise que la définition d'un plafond tarifaire de terminaison d'appel identique à La Réunion et à Mayotte pour chacun des opérateurs ne signifie pas que les spécificités des situations concurrentielles sur les deux îles n'ont pas été prises en compte.
III. ― Puissance de marché
III.1. Introduction
Dans le présent chapitre, l'Autorité examine la position des acteurs sur les marchés de gros identifiés au chapitre 2, susceptibles d'être considérés comme pertinents au sens de l'article L. 37-1 du CPCE, c'est-à-dire les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal vers les numéros mobiles individuels de chaque opérateur visé dans la section 2.4.
En vertu de ce même article, un opérateur est réputé exercer une influence significative lorsqu'il "se trouve dans une situation équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs".
III.2. Analyse de la puissance de marché des opérateurs mobiles
Au chapitre précédent, il a été indiqué que les marchés considérés étaient composés de la prestation de terminaison d'appel vocal sur chaque réseau individuel à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur le réseau de l'opérateur concerné, quelle que soit l'origine de l'appel (mobile, fixe, nationale ou internationale) et quelle que soit la technologie utilisée pour produire cette prestation (notamment, GSM ou UMTS). Ce marché inclut toutes les offres d'interconnexion vocales offertes par un opérateur mobile et permettant de terminer des appels vocaux sur ces numéros mobiles. Dans ce cadre, il convient de regarder si chaque opérateur mobile exerce une influence significative sur son marché de terminaison d'appel vocal.
Parmi les critères pertinents permettant de conclure à l'existence ou non d'une influence significative, celui de la part de marché apparaît comme un critère essentiel (section 3.2.1). Toutefois, conformément à la jurisprudence tant nationale que communautaire et aux lignes directrices de la Commission, qui, sur l'analyse du marché précitée, recommandent de "procéder à une analyse approfondie et exhaustive des caractéristiques économiques du marché pertinent avant de conclure à l'existence d'une puissance sur le marché" (paragraphe 78), le critère de la part de marché ne saurait suffire à lui seul à caractériser la puissance d'un opérateur, d'où la nécessité d'analyser d'autres critères, qualitatifs. Au cas d'espèce, l'analyse du contre-pouvoir des acheteurs sur les marchés apparaît comme un critère indispensable (section 3.2.2).
III.2.1. Eléments permettant de conclure à la présomption d'une puissance
de chacun des opérateurs sur les marchés de terminaison d'appel
III.2.1.1. Les opérateurs sont en situation de monopole sur leur marché de terminaison d'appel
Chaque opérateur mobile dispose de 100 % de parts de marché sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son propre réseau. En effet, lorsqu'un opérateur souhaite terminer un appel vers un client d'un autre opérateur, il ne dispose d'aucune autre solution de substitution à la prestation de terminaison d'appel de cet opérateur, seul ce dernier étant capable d'acheminer l'appel sur la dernière partie du réseau, jusqu'à son client.
Ainsi, un opérateur actif commercialement sur le marché de détail et ayant conquis des clients qui sont joignables par des clients d'autres opérateurs assure bien la fourniture effective de prestations de terminaison d'appel vers ses numéros mobiles et dispose donc d'un pouvoir de monopole sur le marché formé par l'ensemble de ces prestations. C'est le cas, à ce jour, de l'ensemble des opérateurs visés dans le présent exercice d'analyse, et pourrait être le cas, à titre prospectif, de Free Mobile, d'UTS Caraïbe en dehors des îles du Nord et d'un éventuel full MVNO, comme indiqué précédemment au paragraphe 1.4.
III.2.1.2. De manière prospective, aucune concurrence potentielle
ne peut se développer sur un marché de terminaison d'appel
Il est techniquement impossible pour un opérateur d'entrer sur le marché en proposant une offre concurrente à celle de l'opérateur mobile pour terminer du trafic vocal sur le réseau de cet opérateur, ce qui est souligné par les lignes directrices de la Commission européenne comme emportant une présomption de puissance sur le marché.
L'Autorité considère qu'aucun élément d'ordre prospectif ne peut venir remettre en cause, à moyen terme, ce constat.
III.2.1.3. La terminaison d'appel est une "facilité essentielle"
Pour l'ensemble des marchés des communications électroniques, la terminaison d'appel, en l'espèce vocal mobile, est un passage obligé pour tout opérateur tiers souhaitant acheminer des appels à destination des clients de l'opérateur concerné. Elle constitue donc un goulot d'étranglement pour la fourniture des appels sur le marché de détail.
L'Autorité rappelle que l'Autorité de la concurrence (alors Conseil de la concurrence), dans son avis sur le sujet dans le cadre de la précédente analyse, a confirmé le caractère de "facilité essentielle" de la prestation de terminaison d'appel vocale mobile et précisé que cette situation appelait une action conjointe tant des autorités de concurrence que des autorités sectorielles :
"La correction de ce type de déséquilibre peut être assurée de façon optimale par une combinaison du droit commun de la concurrence et des obligations qu'il est possible d'imposer au titre du droit sectoriel. En premier lieu, le Conseil de la concurrence a déjà considéré que les prestations de terminaison d'appel présentaient les caractères d'une facilité essentielle (avis n° 07-A-05 du 19 juin 2007, point 21)."
III.2.1.4. Conclusion
Au bilan, chaque opérateur mobile ayant ouvert une activité commerciale se trouve en situation de monopole sur le marché de la terminaison d'appel sur son propre réseau, dès lors que seul cet opérateur en maîtrise les conditions de fourniture. Même s'il existe une présomption forte de puissance du fait d'une part de marché égale à 100 % et d'une absence de concurrence potentielle, il est nécessaire, conformément aux lignes directrices précitées, de procéder à une analyse plus fine des caractéristiques économiques des marchés analysés.
Dans ce cadre, l'évaluation du contre-pouvoir d'acheteur dont pourrait bénéficier l'opérateur acheteur ou le consommateur est un élément important, qui permet de caractériser le degré de puissance de l'opérateur et de comprendre si ce dernier peut effectivement agir indépendamment de la demande et de ses concurrents.
III.2.2. Examen des contre-pouvoirs d'acheteurs
III.2.2.1. Absence de contre-pouvoir des acheteurs de terminaison d'appel
sur le marché de gros
III.2.2.1.1. Pour un opérateur, répondre à une hausse de la terminaison d'appel d'un opérateur mobile en augmentant sa propre terminaison d'appel ne constitue pas un contre-pouvoir d'acheteur efficace.
Si un opérateur décide d'augmenter unilatéralement son tarif d'interconnexion, les autres opérateurs (fixes ou mobiles) peuvent répliquer immédiatement en procédant à une hausse du même ordre de manière à équilibrer globalement les flux financiers d'interconnexion entrants et sortants.
Une telle réplique, qui pourrait, en neutralisant les effets de la hausse chez l'opérateur ayant augmenté sa terminaison d'appel le premier, constituer un véritable contre-pouvoir d'acheteur sur le marché de gros, est cependant difficile à mettre en œuvre quand les prestations acquises ne sont pas équivalentes (TA mobile contre TA fixe), ou encore quand les volumes de terminaison d'appel en cause ne sont pas symétriques.
Cette possibilité ne constitue donc pas un contre-pouvoir d'acheteur de nature à influer sur la position d'un opérateur sur sa terminaison d'appel et poserait de plus des problèmes concurrentiels néfastes pour le consommateur final (cf. IV.1).
III.2.2.1.2. L'opérateur de l'appelant ne dispose pas de moyens de représailles crédibles vis-à-vis de l'opérateur mobile de l'appelé dans la fixation du tarif de terminaison d'appel vocal mobile.
Pour un opérateur fixe ou mobile, acheteur de terminaison d'appel, deux façons d'exercer un éventuel contre-pouvoir peuvent être envisagées pour empêcher l'opérateur mobile de l'appelé de fixer un tarif de terminaison élevé :
― renoncer, ou menacer de renoncer, à l'achat de terminaison d'appel vers les clients de cet opérateur ce qui ne permettrait plus aux clients de ce dernier d'être joints par les clients raccordés par l'acheteur. Cela suppose toutefois que l'acheteur renonce à offrir à ses propres clients l'acheminement des appels vers cet opérateur.
Cette menace constitue un contre-pouvoir, mais qui ne s'exerce, par définition, que préalablement à l'ouverture des numéros dans le réseau de l'opérateur acheteur. Cette phase couvre les négociations précédant la signature de la convention d'interconnexion, qui vient spécifier contractuellement les conditions techniques et financières auxquelles l'opérateur fournit les prestations de terminaison d'appel. Dès lors que la convention d'interconnexion a été signée entre les parties, que les numéros sont ouverts et que la prestation de terminaison d'appel est effectivement achetée, le contre-pouvoir de l'opérateur acheteur disparaît, notamment car ce dernier s'est engagé vis-à-vis de son propre client à commercialiser de telles communications. Sa capacité à modifier unilatéralement ce tarif est restreinte, et associée à des coûts de transaction élevés ;
― augmenter ou menacer d'augmenter les tarifs de détail des appels vers cet opérateur, de façon à diminuer le volume de trafic acheminé vers ce dernier, et donc à baisser les revenus de terminaison d'appel de ce dernier ou à faire paraître l'opérateur comme un réseau où il est "cher" d'être appelé. Ceci pourrait en théorie dissuader les utilisateurs finaux de souscrire aux services de cet opérateur ou inciter ceux qui y ont déjà souscrit à changer d'opérateur.
En principe, il est concevable que l'appelant puisse exercer un contre-pouvoir d'acheteur indirect, par le biais du marché de détail. L'Autorité estime qu'une telle stratégie se révèle inefficace et ne permet pas d'exercer un contre-pouvoir d'acheteur effectif sur cet opérateur.
Une telle différenciation tarifaire, génératrice d'une "contrainte de prix indirecte" sur le marché de gros par le biais du marché de détail (indirect pricing constraint), est d'un maniement difficile. En outre, ses effets sur l'opérateur mobile de destination restent assez limités, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, elle implique que l'opérateur modifie son plan tarifaire de détail afin de tenir compte des variations de terminaison d'appel sur le marché de gros. De telles modifications comportent un risque d'entraîner, conformément aux dispositions de l'article L. 121-84 du code de la consommation, la résiliation sans pénalité par les consommateurs des contrats existants pour lesquels les conditions contractuelles sont modifiées.
Par ailleurs, pour qu'une pratique de différenciation puisse permettre à l'opérateur appelant d'exercer effectivement un contre-pouvoir sur l'opérateur appelé, il faut que le client final soit suffisamment sensible à la différenciation tarifaire, ainsi que conscient du réseau appelé. Or, ainsi que l'Autorité de la concurrence (alors Conseil de la concurrence) l'a indiqué dans son avis 07-A-01 (paragraphe 11) (12), Emis dans le cadre de la précédente analyse, cette condition n'est pas respectée.
Enfin, outre la forte ponction de ses propres clients, la mise en place d'une différenciation tarifaire par l'opérateur de l'appelant contribue à brouiller la lisibilité (13) tarifaire de ses offres et à en réduire de fait l'attractivité commerciale. Ainsi, une stratégie de différenciation tarifaire, loin de pénaliser l'opérateur de destination en le faisant apparaître comme un réseau cher à appeler, emporte plutôt des effets négatifs sur l'opérateur qui la mettrait en place, lequel, anticipant de tels effets, peut être amené à renoncer à une telle différenciation pour préserver l'attractivité de ses offres.
S'agissant enfin de l'utilisation des mécanismes de "hérissons", qui pourrait constituer un moyen (spécifique à la terminaison d'appel mobile) mis en œuvre par l'opérateur acheteur pour exercer un contre-pouvoir sur l'opérateur de terminaison, l'Autorité considère que l'utilisation de "hérissons" n'exerce désormais plus qu'une pression marginale sur le niveau de la charge de terminaison d'appel (notamment pour les mêmes raisons que celles avancées dans la section II.2.2).
L'Autorité considère donc que les possibles stratégies de différenciation tarifaire mises en place par les opérateurs fixes ou mobiles à l'encontre de l'opérateur mobile de terminaison ne sont pas un moyen effectif d'exercer un contre-pouvoir d'acheteur sur cet opérateur. L'Autorité note que l'Autorité de la concurrence (alors Conseil de la concurrence), dans ses avis n°s 04-A-17 (14), 06-A-05 (15), 07-A-01 (16) et 10-A-12 (17), a de manière constante souligné cette absence manifeste de contre-pouvoir effectif sur l'ensemble des marchés de terminaison d'appel vers un numéro mobile.
III.2.2.2. Absence de contre-pouvoir indirect
via les clients de l'opérateur de terminaison sur le marché de détail
Comme indiqué ci-avant, le modèle économique du calling party pays prévaut en France, comme dans l'ensemble des pays européens. Seuls les appels sortants sont facturés par l'opérateur au client. La réception des appels à l'unité est quant à elle gratuite, à l'exception du seul cas où le client est en situation dite "d'itinérance internationale" (i.e. quand il reçoit des appels à l'étranger). La charge de terminaison d'appel vocal est fixée par l'opérateur de l'appelé (et dépend donc du choix de ce dernier), mais elle est payée par l'opérateur de l'appelant, lequel prend en compte cette charge dans les tarifs de ses offres de détail.
Or c'est l'appelé qui choisit son opérateur mobile. Dans la très grande majorité des cas, celui-ci ne prend sa décision qu'en fonction de critères qui l'affectent directement, à savoir les caractéristiques tarifaires de l'offre qui lui sera facturée, dont le prix des appels sortants, et le prix du terminal (subventionné ou non). Le prix des appels entrants ne constitue pas un critère principal de choix d'un opérateur pour le consommateur.
Il se montre d'autant moins sensible au prix de terminaison d'appel vocal qu'il ignore pratiquement tout de l'existence de cette prestation de gros. En ce sens, le principe du paiement par l'appelant conduit à ce qu'un opérateur n'a que peu d'incitation à établir des prix de terminaison d'appel vocal à un "niveau concurrentiel".
Les clients de l'opérateur fournissant la prestation de terminaison mobile ne présentent donc pas de comportement susceptible d'emporter un contre-pouvoir indirect des acheteurs de terminaison d'appel.
III.3. Conclusion sur la puissance de marché
En conclusion, l'Autorité considère que, en l'absence de régulation de la charge de terminaison d'appel vocal mobile, chaque opérateur mobile de terminaison visé dans la présente analyse (cf. section I.4) peut agir indépendamment des autres acheteurs sur le marché de sa terminaison d'appel vocal mobile et que le système, dans lequel les clients ne sont pas directement facturés pour les appels qu'ils reçoivent, n'incite pas ces opérateurs à maintenir des tarifs raisonnables de terminaison d'appel vocal mobile.
Pour des raisons d'ordre technique, il est à l'heure actuelle impossible pour un autre opérateur de rompre le monopole d'un opérateur mobile sur sa terminaison d'appel vocal. En outre, aucun acteur n'est soumis à un contre-pouvoir d'acheteur suffisant pour contrebalancer cette position. Il est peu envisageable que cette situation évolue au cours de la période considérée par cette analyse.
L'Autorité estime donc que Bouygues Telecom, Orange France et SFR, en métropole, Dauphin Telecom, Digicel, Orange Caraïbe, Orange Réunion, Outremer Telecom, SPM Telecom, SRR et UTS Caraïbe outre-mer exercent chacun une influence significative sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur leur réseau respectif.
L'Autorité précise que l'entrée de nouveaux acteurs sur les marchés mobiles ne modifiera pas, compte tenu de la généralité des raisonnements développés, cette conclusion.
Au demeurant, si les conditions de fonctionnement de ces marchés évoluaient de façon à remettre en cause la présente analyse avant la fin de la période considérée, l'Autorité pourrait être amenée à réévaluer par anticipation la puissance de marché de ces opérateurs (conformément à l'article D. 302 du CPCE).
L'Autorité ajoute par ailleurs, à titre prospectif, que les raisonnements du présent chapitre pourront être appliqués à Free Mobile et UTS Caraïbe en dehors des îles du Nord lorsqu'ils seront actifs commercialement sur le marché de détail. Ces opérateurs pourront donc être déclarés puissants sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leurs réseaux respectifs.
III.4. Prise en compte de l'avis de l'Autorité
de la concurrence sur la puissance de marché
Sur l'analyse de l'exercice, par les opérateurs mobiles, d'une influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leurs réseaux respectifs, l'Autorité de la concurrence rejoint l'Autorité dans son avis n° 10-A-17 du 29 juillet 2010 (point 20) :
"20. L'Autorité de la concurrence [...] considère que chaque opérateur dispose d'un monopole sur son propre réseau et qu'aucun contre-pouvoir d'acheteur ne vient contrebalancer ce pouvoir de marché."
IV. ― Problèmes concurrentiels et pertinence des marchés
pour une régulation sectorielle
Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, il appartient à l'Autorité de déterminer les marchés pertinents "au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective". L'identification des problèmes concurrentiels sur les marchés de gros définis au chapitre 2 ainsi que sur les marchés de détail sous-jacents recensés dans la section II.1 permet d'évaluer la présence ou non d'obstacles au développement d'une concurrence effective et de conclure ainsi à la pertinence des marchés de gros en cause pour une régulation ex ante.
Plus généralement, ce chapitre a pour vocation de préciser les obstacles à la concurrence sur le marché, les barrières à l'entrée sur ce marché et en quoi l'application du droit de la concurrence ne peut aboutir à remédier aux problèmes concurrentiels relevés. Il constitue l'assise économique et concurrentielle pour les obligations détaillées dans le chapitre suivant.
A cet égard, une première sous-section IV.1 relève les obstacles à toute concurrence sur le marché de gros de la terminaison d'appel vers les numéros mobiles et la sous-section IV.2 décrit les implications économiques et concurrentielles qui découlent d'une telle caractéristique pour les marchés de détail qui en dépendent. Enfin, la sous-section IV.3 traite la question de la pertinence des marchés définis pour une régulation sectorielle.
IV.1. Une absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel
S'agissant d'abus d'ordre tarifaire, l'Autorité estime que, en l'absence de régulation, les opérateurs mobiles seront incités à faire évoluer leurs tarifs de terminaison d'appel à la hausse et ne subiront aucune pression à la baisse. Ce phénomène conduirait à la fixation de tarifs éloignés des niveaux concurrentiels qui seraient atteints si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
Toutes choses égales par ailleurs sur la terminaison d'appel pour ses appels sortants (off net), l'objectif de chaque opérateur pris isolément est d'imposer une terminaison d'appel élevée pour les appels entrants, de façon à augmenter ses revenus d'interconnexion. L'opérateur vise ainsi à tirer sur le marché de gros des revenus auprès de ses concurrents lui permettant de pratiquer, par exemple, au détail des tarifs moins chers par rapport aux tarifs des autres opérateurs.
En ce sens, dans un marché dynamique, si un opérateur augmente unilatéralement son tarif d'interconnexion, les autres opérateurs auront intérêt à répliquer immédiatement en procédant à une hausse du même ordre de manière à équilibrer globalement les flux financiers d'interconnexion entrants et sortants. Inversement, si un opérateur décide de diminuer unilatéralement sa charge d'interconnexion, les autres opérateurs n'ont aucun intérêt à diminuer la leur, dans la mesure où leurs coûts d'interconnexion diminuent sans que leurs revenus ne soient affectés.
Dans ces conditions, un opérateur qui ne serait pas soumis à une régulation ex ante et qui souhaiterait augmenter son tarif d'interconnexion pourrait le fixer à un niveau arbitrairement élevé sans que ce mouvement entraîne d'autre mouvement qu'une hausse des tarifs de terminaison d'appel des autres opérateurs.
Il en résulte que, en dehors de toute action du régulateur, il n'existe intrinsèquement pas d'incitation économique, pour les opérateurs, à fixer leurs tarifs de terminaison d'appel à des niveaux concurrentiels. Cette symétrie d'intérêts généralisée emporte comme conséquence que la seule obligation de non-discrimination ne peut mener à des niveaux de charges de terminaison d'appel effectivement concurrentiels. Plus généralement, une latitude d'action de chaque opérateur sur la fixation de ses charges de terminaison d'appel rendrait concevable la fixation de tarifs discriminatoires selon l'appelant, ce qui aurait pour conséquence d'infliger à ce dernier un désavantage concurrentiel.
Par ailleurs, des abus non tarifaires pourraient être commis. A titre d'exemple, un opérateur pourrait exploiter sa liberté de fixation de gradients horaires à l'encontre de ses concurrents, modifiant l'équilibre de leurs plans tarifaires et les contraignant à les modifier dans des conditions abusives ou difficilement conciliables avec le droit applicable. Il est également loisible à un opérateur, en l'absence de toute régulation, de refuser l'interconnexion à ses réseaux, privant de ce fait un concurrent d'avoir accès à sa base de clients (forclusion verticale).
Les éléments susmentionnés font état d'un marché de gros comportant des obstacles d'ordre structurel à la concurrence, tenant à la détention par chaque opérateur d'un pouvoir de monopole sur les charges de terminaison d'appel en direction de ses numéros mobiles. En outre, à l'horizon de la présente analyse, cet obstacle à la concurrence est non contestable, du fait des barrières à l'entrée infinies tenant à la structure même du marché.
La régulation ex ante dispose d'outils adaptés tels que le contrôle tarifaire ex ante ou la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptable pour remédier aux problèmes concurrentiels susmentionnés. La détermination précise et la mise en œuvre des obligations techniques et tarifaires nécessitent une connaissance approfondie des pratiques techniques et des comptabilités réglementaires ainsi qu'un travail récurrent de traitement, de suivi et d'évolution du dispositif. Le seul droit de la concurrence peut, sur ce plan, apparaître insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existants sur ces marchés.
IV.2. Conséquences sur les marchés de détail sous-jacents
S'agissant des services mobiles, le problème concurrentiel majeur pouvant résulter des obstacles à la concurrence sur le marché de gros tient à la possibilité pour un opérateur mobile de pratiquer des tarifs de terminaison d'appel significativement plus élevés que ceux fixés par ses concurrents. Il existe alors un écart significatif entre les tarifs de gros de terminaison d'appel. Cette situation peut notamment se produire lorsque cet opérateur n'est pas régulé sur son marché de terminaison d'appel alors que tous ses concurrents le sont. L'opérateur mobile considéré parvient alors à percevoir auprès d'eux d'importants revenus d'interconnexion grâce auxquels il pratique en contrepartie des prix plus faibles au détail, lui permettant ainsi de conquérir des clients (section IV.2.1.).
Par ailleurs, en supposant que la situation précédemment décrite n'est pas observée sur les services mobiles offerts au détail et donc qu'une certaine cohérence est assurée entre les niveaux de terminaison d'appel des opérateurs mobiles en concurrence sur un même marché ― chacun étant régulé sur cette prestation ―, un autre problème concurrentiel lié au marché de gros peut être identifié à travers la multiplication d'offres tarifaires on net illimitées mises en place sur les marchés mobiles. Ces pratiques se présentent sous la forme d'offres dites "d'abondance on net" permettant d'appeler les clients d'un même opérateur pour un prix forfaitaire indépendant du nombre et de la durée des appels (18).
En métropole, l'essor des communications on net, qui a coïncidé avec la sortie du système du bill and keep, fin 2004, a démontré que les opérateurs mobiles ont en effet développé de telles pratiques. Plus récemment, avec la baisse des tarifs de terminaison d'appel mobile, les opérateurs mobiles ont accéléré le développement des offres off net illimitées. De ce fait, l'écart entre les tarifs de détail des communications on net et des communications off net a tendance à se réduire. Néanmoins, les communications on net restent aujourd'hui largement prédominantes sur le marché (cf. document de bilan du second cycle en annexe D).
Outre-mer, les opérateurs mobiles mettent l'accent sur les offres on net illimitées. Le niveau élevé des terminaisons d'appel vocal mobile (ainsi que l'absence de système de bill and keep outre-mer) explique l'intérêt, pour des opérateurs de réseau disposant d'un parc pertinent pour ce besoin, à commercialiser et à promouvoir ces offres d'abondance à effet de réseau sur le marché de détail (cf. document de bilan du second cycle en annexe D).
D'un point de vue concurrentiel, ces offres on net illimitées offertes au détail posent un certain nombre de questions, notamment pour les opérateurs dont le parc de clients est de taille significativement plus faible que celle des acteurs principaux du marché (section IV.2.2).
Enfin, dans le cas de figure d'un marché de gros non régulé donnant lieu à des tarifs de terminaison d'appel élevés, les opérateurs fixes sont contraints de définir, sur les marchés de détail sous-jacents, des prix élevés pour les communications de leurs réseaux vers les clients de l'opérateur mobile considéré, comparativement à ceux des appels passés par les clients de l'opérateur mobile vers leurs réseaux fixes. De cette situation résultent des distorsions dans les préférences des consommateurs fixes et mobiles et des distorsions de concurrence entre opérateurs fixes et mobiles (section IV.2.3).
IV.2.1. Un risque de distorsion concurrentielle introduit par un acteur non régulé
La situation dans laquelle un opérateur mobile pratique des tarifs de terminaison d'appel significativement plus élevés que ceux fixés par ses concurrents peut induire une distorsion concurrentielle sur le marché de détail mobile. Cela peut notamment être le cas lorsqu'un opérateur n'est pas régulé sur son marché de terminaison d'appel alors que tous ses concurrents le sont. En effet, l'opérateur mobile considéré peut alors parvenir à percevoir auprès d'eux d'importants revenus d'interconnexion grâce auxquels il pratique en contrepartie des prix plus faibles au détail, lui permettant ainsi de conquérir des clients. L'absence de régulation d'un des opérateurs en place peut donc créer une distorsion concurrentielle.
Certes, tant que la part de marché de l'opérateur pratiquant une terminaison d'appel élevée reste faible, il ne générera qu'un trafic limité entrant sur son réseau en provenance de ses concurrents : l'achat d'interconnexion auprès de cet acteur représentera alors pour ses concurrents un coût n'affectant que peu leurs structures de coûts respectives. En revanche, la situation dans laquelle cet opérateur non soumis à une régulation continue de bénéficier d'un tarif de terminaison d'appel élevé alors que sa part de marché connaît une croissance soutenue peut conduire à déstabiliser artificiellement le positionnement des offres de détail mises en place par ses concurrents, par rapport à celles qu'il offre sur le même segment de marché. Ceci est d'autant plus vrai que ces derniers seront à terme contraints de renchérir le prix de leurs communications de détail vers l'opérateur tiers, alors même que ce dernier continuera à faire bénéficier son client final de prix inchangés vers ces opérateurs.
L'Autorité estime donc que tout opérateur doit être régulé sur le marché de gros de la terminaison d'appel sur son propre réseau. Les obligations imposées peuvent toutefois être adaptées et proportionnées à la situation de chaque opérateur.
IV.2.2. Des tarifs de terminaison d'appel mobile sensiblement supérieurs aux coûts internes de production par les opérateurs limitent la concurrence et induisent une distorsion concurrentielle entre opérateurs mobiles
Tout d'abord, dès lors que les opérateurs se facturent entre eux une terminaison d'appel sensiblement supérieure au coût interne de production de ce service, donc au coût incrémental de long terme, un opérateur a un intérêt économique immédiat à vendre, y compris à lui-même, une grande quantité de minutes de cette prestation. Cet intérêt va le conduire à inciter ses clients à passer des appels on net et non off net.
En effet, pour peu que l'opérateur respecte un principe de non-discrimination, il tire de ce fait profit de la rente ainsi créée sur ce marché de gros sur lequel il est en position monopolistique.
En tout état de cause, ces appels on net ne lui coûtent in fine que le coût incrémental susmentionné, alors que les appels off net exigent le versement d'une charge de terminaison d'appel mobile à l'opérateur appelé.
Afin d'inciter ses clients à consommer des prestations on net, l'opérateur pratique des tarifs de détail plus bas pour les appels on net, ou encore une tarification forfaitaire par laquelle le client final bénéficie d'une offre d'abondance pour ses minutes on net (19).
En outre, l'opérateur limite ainsi le volume et le coût des terminaisons d'appel payées à ses concurrents. Le fait, pour un opérateur, de commercialiser des offres comprenant un volume important de communications on net présente donc l'avantage de permettre à ce dernier de proposer un service de communication entraînant moins de versement de charge de terminaison d'appel à un opérateur mobile tiers.
Or le solde d'interconnexion associé à une offre, qui joue un rôle prépondérant dans l'équilibre économique de chaque offre que l'opérateur propose, correspond à la différence entre les charges d'interconnexion qu'il doit payer à ses concurrents, au titre du trafic entrant sur leurs réseaux respectifs, et les revenus d'interconnexion qu'il perçoit auprès de ses concurrents au titre de l'offre en cause. Une variation de ces charges et revenus se traduit concrètement pour l'opérateur par une diminution, respectivement un accroissement, immédiat de sa marge brute.
L'intérêt à développer le trafic on net dans le but d'améliorer son solde d'interconnexion pour chacune de ses offres s'applique à l'ensemble des opérateurs indépendamment de leur taille. Cet intérêt devient d'autant plus grand que le tarif de terminaison d'appel est élevé.
En première analyse, on pourrait penser que l'impact du niveau de tarif de la terminaison d'appel est neutre sur les flux financiers d'interconnexion entre opérateurs mobiles, en partant du constat que ces flux financiers sont globalement équilibrés dans la mesure où les trafics entrants et sortants des différents opérateurs s'équilibrent naturellement. Toutefois, cette assertion n'est vraie que dans l'hypothèse où tous les opérateurs possèdent des parcs de clients ayant des caractéristiques homogènes, notamment en termes de préférences et de profils de consommation, en particulier entre appels on net et appels off net. Or cette condition n'est pas remplie.
De plus, si les trafics entrant et sortant peuvent rester, d'un point de vue macroscopique (20), globalement équilibrés, il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue microscopique (21), il existe des déséquilibres importants selon la catégorie de consommateurs, le segment de clientèle ou l'offre considérés. Or, un opérateur appréhende en général offre de détail par offre de détail les flux d'interconnexion résultant des trafics entrant et sortant. Pour une offre donnée, il peut donc exister des déséquilibres importants entre opérateurs. L'écart entre les tarifs de terminaison d'appel des opérateurs et leurs structures de coûts peuvent donc avoir des effets incitatifs inefficaces sur les offres présentes sur le marché quand bien même les flux de trafic entre les opérateurs seraient globalement équilibrés.
Par ailleurs, plus l'opérateur dispose d'une part de marché élevée, plus ses offres de communications on net à tarif privilégié sont attractives pour ses clients ; la contrainte sur le choix des destinataires de l'appel étant d'autant plus souple pour le client.
Sur un plan concurrentiel, un opérateur de taille importante a un intérêt immédiat à développer des offres on net illimitées, dans la mesure où ces dernières favorisent l'attractivité de son réseau relativement à un opérateur plus petit. Inversement, dans le cas d'un opérateur de faible taille, l'attractivité des offres de communications on net à tarif privilégié qu'il pourrait proposer sera plus réduite, l'intérêt commercial des offres on net croissant avec la taille du parc, dans la mesure où les clients finaux valorisent d'autant plus ce type d'offre qu'il est probable que leurs correspondants usuels appartiennent effectivement au même réseau que le leur.
La différenciation entre on net et off net favorise "l'effet club", c'est-à-dire le fait qu'un client prospectif préférera, toutes choses égales par ailleurs, souscrire auprès de l'opérateur auprès duquel ses correspondants sont déjà clients, afin de bénéficier du tarif on net sur un maximum d'appels. Or, même si le périmètre des correspondants les plus appelés d'un client peut être stable dans le temps, la probabilité qu'à un moment donné ces correspondants soient clients d'un même opérateur est directement reliée à la part de marché de cet opérateur. Ainsi, l'effectivité de l'effet club croît avec l'écart de taille entre le parc clients de cet opérateur et ceux de ses concurrents, dans la mesure où l'intérêt d'une offre on net croît avec la probabilité que les correspondants les plus fréquents du client potentiel auront souscrit une offre auprès de cet opérateur plutôt qu'un autre.
L'avènement des offres de communications on net attractives susmentionnées présente ainsi un risque de distorsion concurrentielle vis-à-vis d'un opérateur de taille réduite, tenant à ce que, en première analyse, ce dernier ne puisse potentiellement les répliquer de manière pertinente qu'en proposant des communications illimitées vers tous les opérateurs (on net et off net) ou un prix à la minute unique tout aussi attractif (on net et off net). Or, la commercialisation de telles offres, et notamment d'une offre avec de l'illimité voix tous opérateurs, entraîne, à l'échelle de ces offres, de fortes dépenses de terminaison pour la majorité des appels sortants car ils correspondent à des appels off net.
Ainsi, lorsque le coût de production ― coût incrémental de long terme ― et le prix de cession externe ― tarif de la terminaison d'appel mobile ― diffèrent, il apparaît que le risque de non-réplicabilité économique des offres on net attractives défavorise les opérateurs dont les parcs sont significativement les plus faibles (22) en limitant leur capacité à se maintenir dans le jeu concurrentiel, et ce indépendamment de leurs propres structures de coût. Il pourrait néanmoins être objecté que la différenciation tarifaire entre on net et off net induit une dynamique proconcurrentielle en incitant chaque opérateur à accroître sa part de marché pour bénéficier au maximum de l'effet club. Cet argument, issu de la littérature économique, revêt une certaine pertinence lorsque les parts de marché initiales des opérateurs sont équilibrées. Chacun tire alors un même bénéfice de l'effet club et cherche à prendre un avantage sur ses concurrents (pour peu que les conditions de marché ainsi que le cadre juridique permettent la mise en œuvre d'une telle politique commerciale). En revanche, lorsque les parts de marché sont asymétriques (comme c'est notamment le cas en métropole, et encore plus outre-mer), l'effet club, magnifié par l'écart entre coût et tarif de terminaison d'appel, crée au contraire un handicap artificiel pour les plus petits opérateurs, enfermant ces derniers dans un cercle vicieux : plus leur part de marché est faible moins leurs offres sont attractives, plus leur part de marché est faible, etc.
Cette structuration des offres favorise en outre la stabilité de ces "clubs" et réduit donc également l'intensité concurrentielle. En effet, une fois qu'un "club" est formé et qu'un consommateur est client du même opérateur que ses correspondants les plus fréquents, le changement d'opérateur est pour lui d'autant plus coûteux qu'il lui ferait perdre le bénéfice des tarifs préférentiels offerts pour les appels on net vers ces correspondants.
A titre incident, l'Autorité relève que, même si elle peut connaître un certain succès commercial du fait des offres d'abondance qui y sont associées, la distinction entre communications on net et communications off net n'a pas de pertinence du point de vue de l'utilisateur final qui, toutes choses étant égales par ailleurs, souhaite avant tout joindre un correspondant indépendamment de son réseau de raccordement. Sur le plan économique, le développement des offres on net attractives conduit donc à une discrimination sur le marché de détail qui n'est pas fondée sur des différences de préférence de premier rang de la part des demandeurs. Sur le plan tarifaire, il conduit à une moindre transparence et à une complexification des offres, en particulier dans un contexte de croissance des services de conservation du numéro, qui rendent moins identifiables les numéros de tel ou tel opérateur. Lorsqu'il émet un appel, un consommateur peut ainsi ne pas savoir à l'avance s'il lui sera facturé une communication on net ou off net.
L'Autorité confirme ici les conclusions qu'elle a déjà pu adopter lors de ses analyses de marché et décisions précédemment publiées.
IV.2.3. Des tarifs de terminaison d'appel mobile sensiblement supérieurs aux coûts internes de production par les opérateurs limitent la convergence et induisent une distorsion concurrentielle entre opérateurs mobiles et opérateurs fixes
Les niveaux des tarifs de terminaison d'appel vocal étaient historiquement bien supérieurs aux coûts complets car issus d'une pratique de financement des réseaux mobiles par les appels fixes vers mobiles, alors que, par ailleurs, les opérateurs métropolitains appliquaient entre eux un modèle de type bill and keep.
De plus, il convient de rappeler que les périmètres des coûts considérés jusqu'à peu par le régulateur comme pertinents pour la prestation de terminaison d'appel fixe, d'une part, et mobile, d'autre part, étaient très différents, dans la mesure où la charge de terminaison d'appel vocal mobile rétribue plus de services que celle relative à la terminaison d'appel fixe. En effet, la terminaison d'appel mobile rémunère la sollicitation de tous les éléments de réseau activés par la transmission de l'appel du point d'interconnexion à l'appelé, segment d'accès compris. Pour rappel, dans le cas du fixe, la terminaison d'appel n'est pas censée recouvrir les coûts associés au segment d'accès jusqu'à l'utilisateur final. Le coût de ce segment d'accès (par exemple la paire de cuivre), qui est entièrement dédié à l'utilisateur fixe, est recouvré à travers la tarification des services offerts au détail à l'utilisateur final, qui prend en compte ce coût.
Ces deux constats, auxquels s'applique le principe de proportionnalité, ont pour conséquence que les niveaux tarifaires de terminaison d'appel vocal mobile sont, aujourd'hui encore, bien supérieurs à ceux de la terminaison d'appel vocal fixe. Les différences de niveaux atteignent en effet des niveaux absolus élevés qui dépassent les différences technologiques et donc de coûts sous-jacentes.
Ainsi, si les baisses récentes de terminaison vocale mobile ont permis de réduire l'écart entre terminaisons d'appel vocal fixe, d'une part, et mobile, d'autre part, celui-ci reste aujourd'hui significatif, l'ordre de grandeur desdits tarifs étant inférieur à 1 c€ pour le fixe lorsque, dans le même temps, il est actuellement supérieur à 3 c€ pour le mobile en métropole et à 5,5 c€ outre-mer. Sur le marché de détail, ces prix de gros élevés jouent en faveur de tarifs élevés pour les communications fixe vers mobile en comparaison avec les communications fixe vers fixe.
Par ailleurs, l'ensemble des acteurs de la téléphonie vocale est engagé dans une transition des structures de tarification historiques, où le service téléphonique est facturé au nombre et à la durée des appels, vers une facturation forfaitaire. Cette tendance est très avancée en téléphonie fixe et progresse rapidement en téléphonie mobile (cf. document de bilan du deuxième cycle). Cette évolution découle de la maturité des réseaux des opérateurs, qui peuvent absorber la croissance des volumes à moindre coût, et de la très forte préférence exprimée par les utilisateurs finals pour ce type d'offre, permettant une meilleure maîtrise de leur dépense. Néanmoins cette tendance structurelle ne s'applique encore que peu aux communications fixe vers mobile (premières offres de forfaitisation lancées en métropole en 2008). En effet, les tarifs de terminaison d'appel mobile encore élevés freinent la commercialisation des offres forfaitaires pour ce type de communications (cf. partie II.2.3 du document de bilan en annexe D).
Le maintien de cette situation est de nature à conduire, sur la période considérée, à des déséquilibres, des modifications artificielles des préférences des consommateurs et des transferts de valeur inefficaces entre les consommateurs des marchés de détail fixes et mobiles.
Par ailleurs, il convient de relever que le maintien, dans un contexte de convergence où les opérateurs fixes et mobiles sont de plus en plus en concurrence, d'un tarif de terminaison d'appel mobile élevé et supérieur aux coûts crée un avantage certain pour les opérateurs mobiles, ce qui biaise le jeu concurrentiel sur le segment de marché des communications en position déterminée. Le développement d'offres de convergence virtuelles ou plus techniques faisant reposer la prestation de services mobiles concurrents de services fixes sur la perception de tarifs de terminaison d'appel élevés emporte en effet une distorsion concurrentielle du fait de la subvention croisée opérée entre marché de gros et marché de détail (au détriment de l'opérateur fixe pâtissant de l'asymétrie de niveaux de tarifs de terminaison) et peut être considéré comme générateur d'inefficacités de production (c'est-à-dire d'une mobilisation de ressources radio injustifiée au regard des conditions effectives d'utilisation par le consommateur final).
En supprimant la césure artificielle entre les produits fixes et mobiles, une régulation des plafonds tarifaires de terminaison d'appel mobile en référence aux coûts incrémentaux permettrait ainsi de rétablir une concurrence loyale entre les opérateurs mobiles et fixes, et notamment aux opérateurs fixes de plus facilement répondre aux offres des opérateurs avec lesquelles ils sont en concurrence, telles qu'Unik d'Orange France ou HappyZone de SFR, et ainsi de ne pas biaiser l'adoption de la technologie la plus efficace. Le marché serait ainsi en mesure de mieux tirer parti de la convergence technique entre les réseaux, favorisant l'émergence d'offres innovantes sur le marché de détail.
Le maintien d'un niveau de tarif de terminaison d'appel mobile artificiellement élevé par rapport à celui de la terminaison d'appel fixe constitue un transfert de la disponibilité à payer des consommateurs fixes vers les opérateurs mobiles au détriment des opérateurs fixes, de nature à conduire, sur la période considérée, à des déséquilibres, des modifications artificielles des préférences des consommateurs et des transferts de valeur inefficaces entre les consommateurs fixes et mobiles.
IV.2.4. Conclusion
En conclusion, l'Autorité rappelle d'abord que, sans régulation, l'absence de pression concurrentielle sur les niveaux de terminaison d'appel vocal mobile conduit à la fixation de niveaux de terminaison d'appel naturellement élevés. Par ailleurs, l'Autorité estime que les niveaux absolus et relatifs des terminaisons d'appel vocal mobile, qui peuvent notamment induire des pratiques de différenciation tarifaire on net/off net encourageant le développement d'offres on net illimitées, posent des problèmes de distorsions des choix des consommateurs et de concurrence à la fois sur les marchés fixes (transferts de valeur entre consommateurs fixes et mobiles et distorsions de concurrence entre opérateurs fixes et mobiles) et sur les marchés mobiles (possibilité de distorsions concurrentielles au profit d'un opérateur non régulé lorsque l'ensemble des autres opérateurs mobiles le sont ; risque de déséquilibres économiques importants au profit d'opérateurs disposant des plus grands parcs de clients). L'Autorité tient à rappeler ici que la commercialisation d'offres on net illimitées induisant une différenciation tarifaire on net/off net est de nature à limiter l'interopérabilité des réseaux et à accroître les coûts de changement d'opérateur. Ainsi, d'une part, ces offres limitent la concurrence et, d'autre part, via des effets club, favorisent les opérateurs avec les plus grands parcs. De surcroît, il convient de souligner que les effets de cette différenciation sont d'autant plus importants que les terminaisons d'appel sont éloignées des coûts.
L'Autorité considère que l'ensemble des problèmes concurrentiels précédemment décrits, et découlant de l'influence significative exercée par les opérateurs mobiles sur le marché de la terminaison d'appel vers leurs numéros mobiles, constituent en eux-mêmes des obstacles à une concurrence effective sur ledit marché et les marchés de détail sous-jacents.
IV.3. Pertinence des marchés définis pour une régulation sectorielle
Les marchés définis dans le cadre de la présente analyse font à ce jour partie de la liste des marchés pertinents définis par la Commission européenne dans sa recommandation (23) du 17 décembre 2007, au titre du marché de la "terminaison d'appel vocal mobile sur les réseaux individuels".
Conformément aux lignes directrices du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché, ils vérifient les critères utilisés initialement par la Commission européenne (barrière à l'entrée et entraves au développement de la concurrence, obstacle au développement d'une concurrence effective, insuffisante efficacité du seul droit commun de la concurrence) pour recenser la liste des marchés pertinents dont les caractéristiques peuvent justifier l'imposition d'obligations réglementaires.
L'Autorité précise que l'entrée d'un nouvel acteur sur le marché de détail de la téléphonie mobile n'est a priori pas de nature à modifier les raisonnements relatifs à la pertinence pour une régulation sectorielle des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux respectifs des opérateurs en place. Ce commentaire vaut tant pour l'entrée de Free Mobile sur le marché métropolitain que pour celle d'UTS Caraïbe sur les zones ultramarines, où il n'est pas encore actif, ou pour celle d'un éventuel opérateur full MVNO, comme précisé précédemment dans le paragraphe I.4.
L'Autorité conclut à la pertinence des marchés précédemment définis au sens de la régulation sectorielle.
IV.4. Prise en compte des commentaires des acteurs sur les problèmes concurrentiels et la pertinence des marchés pour une régulation sectorielle à la consultation publique menée du 23 avril au 24 mai 2010
Outremer Telecom partage l'analyse de l'Autorité selon laquelle des tarifs de terminaison d'appel éloignés des coûts favorisent l'émergence d'une différenciation tarifaire on net/off net sur le marché de détail, qui pénalise les petits opérateurs en les contraignant à répliquer par des offres attractives all net qui dégradent leur solde d'interconnexion. En revanche, SRR estime que l'analyse de l'Autorité est partielle en ce que l'émergence d'une différenciation tarifaire on net/off net provient également des asymétries tarifaires entre opérateurs, qui sont maintenues par l'Autorité.
L'Autorité prend note de ces commentaires et rappelle qu'elle a engagé un processus de baisse des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts ainsi qu'une réduction progressive et de suppression à terme des asymétries tarifaires en matière de terminaison d'appel.
IV.5. Prise en compte de l'avis de l'Autorité de la concurrence sur les problèmes concurrentiels
et la pertinence des marchés pour une régulation sectorielle
En ce qui concerne l'existence de problèmes concurrentiels, l'Autorité de la concurrence rejoint l'analyse de l'ARCEP dans son avis n° 10-A-17 en date du 29 juillet 2010 :
(Point 21) : "L'Autorité est [...] d'avis que la persistance d'obstacles à la concurrence nécessite la reconduction de la régulation ex ante de la terminaison d'appel vocal, en métropole comme dans les DOM."
(Point 39) : "Plusieurs évolutions positives du marché de détail de la téléphonie mobile, en métropole (développement des offres d'abondance all net, apparition de forfaits de communications fixes vers mobiles dans les offres triple play des fournisseurs d'accès à internet) comme dans les DOM (réduction des écarts entre tarifs on net et off net, lancement d'offres d'abondance all net), découlent en grande partie de la régulation ex ante appliquée par l'ARCEP sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal. Pour autant, l'écart qui demeure entre les charges de terminaison d'appel pratiquées par les opérateurs et les coûts sous-jacents reste un obstacle au développement de la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile, à la modération des prix des communications fixes vers mobiles et à l'apparition d'offres de convergence innovantes."
(Point 40) : "Dans ces conditions, l'Autorité de la concurrence émet un avis favorable à la proposition de l'ARCEP de maintenir une régulation sur ces marchés et appelle de ses vœux le maintien du rythme de baisse de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles."
V. ― Obligations non tarifaires
V.1. Introduction
L'Autorité impose aux entreprises identifiées comme exerçant une influence significative les obligations spécifiques appropriées, conformément aux articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE. L'imposition de ces obligations doit être établie en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective et être proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE.
Les principales obligations spécifiques prévues par le CPCE sont les suivantes :
― l'accès à des ressources de réseau spécifiques et à leur utilisation ;
― la transparence, notamment par l'établissement d'une offre de référence ;
― la non-discrimination ;
― la mise en place d'un système de comptabilisation des coûts ;
― la mise en place d'une séparation comptable ;
― le contrôle des prix.
Au cas d'espèce de la terminaison d'appel vocal mobile, de son caractère de facilité essentielle, de son mode de commercialisation par un acteur structurellement en monopole et dans la continuité de la régulation de ces marchés actuellement en place, l'Autorité estime justifié, raisonnable et proportionné de maintenir et prolonger les obligations existantes comme développé ci-après.
Par ailleurs, dans la continuité de son action précédente sur ces marchés, l'Autorité estime que les obligations imposées aux opérateurs déclarés puissants doivent être proportionnées à la taille de l'acteur considéré.
Ainsi, il convient de distinguer trois catégories d'acteurs :
― Bouygues Telecom, Orange France et SFR (les opérateurs métropolitains) ;
― Orange Caraïbe et SRR (les deux plus gros opérateurs ultramarins) ;
― Dauphin Telecom, Digicel, Orange Réunion, Outremer Telecom, SPM Telecom et UTS Caraïbe (les opérateurs ultramarins ayant une taille significativement plus faible).
L'Autorité précise enfin que l'entrée d'un nouvel acteur sur le marché de détail de la téléphonie mobile n'est pas a priori de nature à modifier les raisonnements relatifs aux obligations non tarifaires visées par la présente analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur leur réseau. Ce commentaire vaut tant pour l'entrée de Free Mobile sur le marché métropolitain que pour celle d'UTS Caraïbe sur les zones ultramarines où il n'est pas encore actif ou pour celle d'un éventuel opérateur full MVNO.
V.2. Obligations d'accès
L'article L. 38-I (3°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative sur le marché considéré.
L'existence de marchés de gros de l'accès et de l'interconnexion permet à des opérateurs qui ne possèdent pas l'ensemble des infrastructures nécessaires à l'acheminement de trafic de bout en bout de s'appuyer sur les réseaux existants pour intervenir sur les marchés de détail. Par conséquent, ces marchés de gros sont indispensables à l'existence et au bon fonctionnement d'une concurrence durable sur les marchés de communications électroniques. L'Autorité constate que tous les opérateurs mobiles font déjà droit à ce type de demande et que le CPCE, dans son article L. 34-8-II, impose déjà de manière générale aux opérateurs exploitants de réseaux de faire droit aux demandes d'interconnexion à leur réseau.
Afin de permettre l'interopérabilité des services et des investissements efficaces au titre de l'interconnexion ou de l'accès et compte tenu de la position monopolistique de chaque opérateur mobile sur le marché de la terminaison d'appel vocal vers ses numéros mobiles, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à chaque opérateur mobile visé dans la section I-4 une obligation de faire droit à toute demande raisonnable d'accès à des fins de terminer du trafic à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur son réseau, conformément à l'article D. 310 (1°) du CPCE.
Il est également nécessaire et proportionné, au regard notamment de l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité, que les opérateurs mobiles présentent les conditions techniques et tarifaires de fourniture des prestations qu'ils offrent de façon suffisamment claire et détaillée et qu'ils ne subordonnent pas l'octroi d'une prestation à une autre, afin de ne pas conduire les acteurs à payer pour des prestations qui ne leur seraient pas nécessaires.
En outre, l'Autorité estime également nécessaire que les opérateurs désignés puissants dans le chapitre précédent négocient de bonne foi, conformément à l'article D. 310 (2°) du CPCE afin, d'une part, de minimiser les cas de litige et, d'autre part, de ne pas profiter de l'influence significative qu'ils exercent sur ces marchés pour durcir les négociations avec les opérateurs. Enfin, compte tenu des investissements réalisés par les acteurs qui demandent l'interconnexion, il est également justifié que les opérateurs puissants soient soumis à l'obligation de ne pas retirer un accès déjà accordé, hors accord de l'Autorité ou de l'opérateur concerné.
Compte tenu de l'impossibilité pour un opérateur souhaitant terminer un appel sur le réseau de déployer ses propres infrastructures, ces obligations d'accès et d'interconnexion sont justifiées et proportionnées, notamment au regard de l'objectif fixé à l'article L. 32-1 (II) du CPCE visant à définir des "conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence".
En outre, l'Autorité estime qu'il n'y a pas lieu d'aller au-delà de l'obligation générale d'accès et d'imposer par avance des obligations spécifiques et, en particulier, un ensemble minimal de prestations d'accès associées, dans la mesure où les opérateurs de téléphonie mobile continuent à offrir des services de terminaison d'appel vocal et d'accès aux sites d'interconnexion de qualité ou de caractéristiques au moins équivalentes à celles qui étaient proposées par le passé.
Enfin, d'une manière générale, tout refus de l'opérateur exerçant une influence significative de fournir ces prestations doit être dûment motivé.
V.3. Obligation de non-discrimination
L'article L. 38-I (2°) du CPCE prévoit la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination.
Conformément à l'article D. 309 du CPCE, les obligations de non-discrimination visent notamment à garantir que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux opérateurs fournissant des services équivalents. En outre, elles visent à assurer que les opérateurs fournissent aux autres opérateurs des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.
L'application d'une obligation de non-discrimination permet de garantir que les entreprises puissantes sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur un marché de détail, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.
La grande technicité des prestations d'interconnexion ou d'accès rend aisée, pour un opérateur puissant, l'offre de conditions techniques et tarifaires différentes pour ses différents clients, ses partenaires et ses propres services.
Par ailleurs, la terminaison d'appel mobile ayant le caractère de facilité essentielle, des conditions techniques et tarifaires discriminatoires sur le marché de gros seraient préjudiciables à la concurrence sur les marchés de détail faisant intervenir de la terminaison d'appel vocal.
L'obligation de non-discrimination vise principalement dans ce cas à éviter que les opérateurs mobiles n'augmentent leurs charges vis-à-vis d'opérateurs acheteurs dont le pouvoir de négociation serait moindre, ou qu'ils n'avantagent leurs propres unités d'affaires, leurs partenaires ou leurs filiales en concurrence avec les autres acheteurs de terminaison d'appel vocal. De telles pratiques auraient pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre les opérateurs sur les marchés de détail.
Il est donc justifié et proportionné d'imposer à chaque opérateur mobile visé dans la section I-4 une obligation de non-discrimination, d'une part, entre clients et, d'autre part, entre clients et services internes, notamment au regard de l'objectif visant à garantir "l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques".
Ainsi, un opérateur puissant n'est pas autorisé à pratiquer des conditions artificiellement différenciées entre les prestations de terminaison d'appel qu'il s'autofournit et celles qu'il vend à ses clients de gros, de même qu'entre les prestations qu'il vend à différents clients, quels que soient le type d'acheteur ou la provenance de l'appel (métropole, outre-mer, international). Cette obligation n'exclut toutefois pas la possibilité, pour un opérateur, de différencier ses prestations en fonction de critères objectifs, notamment d'ordre technique, liés à la nature des réseaux.
V.4. Obligation de transparence
L'article L. 38-I (1°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut demander à un opérateur disposant d'une influence significative de rendre publiques certaines informations relatives à l'interconnexion et à l'accès. Les modalités définies à la suite précisent la nature de l'obligation de transparence imposée. Ces modalités diffèrent en fonction de la taille de l'opérateur concerné.
V.4.1. Conventions d'interconnexion
S'agissant des conventions d'interconnexion ou d'accès, l'article L. 34-8 du CPCE prévoit que toute convention doit être transmise à l'Autorité à sa demande. Afin de donner pleine mesure à cette disposition et d'avoir la possibilité de vérifier le respect de l'obligation de non-discrimination, l'Autorité estime nécessaire d'imposer une obligation d'informer l'Autorité de la signature d'une nouvelle convention d'interconnexion ou d'accès, ou d'un avenant à une convention existante, dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.
V.4.2. Information préalable des modifications contractuelles
Les acheteurs de terminaison d'appel ont besoin de visibilité sur cet élément essentiel de leur plan d'affaires. Conformément à l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité impose donc à chaque opérateur identifié comme exerçant une influence significative sur le marché de sa terminaison d'appel de prévenir, dans un délai raisonnable, les opérateurs acheteurs des modifications de ses conditions techniques et tarifaires.
Le caractère raisonnable du délai doit s'apprécier au regard des conséquences techniques, économiques, commerciales ou juridiques sur l'opérateur interconnecté ou bénéficiant d'un accès et de la nécessité pour ce dernier d'assurer la continuité de son service. Par exemple, les délais ne seront pas nécessairement identiques selon qu'il s'agit d'une baisse ou d'une hausse des tarifs intervenant dans la fourniture de la terminaison d'appel.
L'Autorité considère qu'il n'est pas envisageable de fixer a priori ces délais, l'appréciation du délai raisonnable devant se faire pour chaque cas d'espèce. Pour assurer la transparence nécessaire, chaque opérateur mobile déclaré puissant doit mettre en œuvre ce principe dans ses conventions.
V.4.3. Offre de référence
L'Autorité envisage de maintenir les obligations auxquelles Bouygues Telecom, Orange France et SFR sont actuellement soumis en matière de transparence et de non-discrimination. Il s'agit en particulier de la publication d'une offre de référence.
Une offre technique et tarifaire, ou offre de référence, poursuit quatre objectifs :
― concourir à la mise en place de processus transparents, pour limiter la capacité de l'opérateur exerçant une influence significative à déstabiliser ses concurrents ou favoriser ses filiales ;
― donner de la visibilité aux acteurs sur les termes et les conditions dans lesquels ils s'interconnectent avec l'opérateur sur qui pèse l'obligation ;
― pallier le déficit de pouvoir de négociation des opérateurs acheteurs ;
― permettre l'élaboration d'une offre cohérente de prestations aussi découplées que possible les unes des autres pour permettre à chaque opérateur de n'acheter que les prestations dont il a besoin.
L'offre de référence contribue ainsi grandement au fonctionnement harmonieux du marché et permet aux opérateurs de développer un plan d'affaires et de programmer leurs investissements avec une visibilité suffisante sur des paramètres qui conditionnent fortement leur structure de coûts. L'Autorité sera d'ailleurs attentive à ce que le contenu des offres de référence puisse effectivement apporter des informations suffisantes aux opérateurs acheteurs auprès de Bouygues Telecom, Orange France et SFR en ce qui concerne les conditions techniques et tarifaires des prestations d'acheminement du trafic, mais aussi des prestations d'accès aux sites associées (tels que le service de colocalisation et les liaisons de raccordement).
L'Autorité considère que l'imposition de l'obligation de publication d'une offre de référence est nécessaire afin de limiter l'effet de la puissance de marché de ces trois opérateurs, en ce qu'elle renforce la transparence des offres de gros et permet notamment de prévenir d'éventuelles pratiques discriminatoires.
V.4.4. Publication des principaux tarifs
Compte tenu du faible nombre d'opérateurs interconnectés avec les opérateurs mobiles d'outre-mer, l'Autorité n'estime pas nécessaire de renforcer les obligations de transparence et de non-discrimination par une obligation de publier une offre de référence. Conformément à l'article D. 307-III du CPCE, il est néanmoins justifié et proportionné que ces opérateurs publient sur leur site internet leurs principaux tarifs relatifs à la terminaison d'appel vocal.
Les opérateurs achetant une prestation de transit pour terminer des appels vers un des opérateurs concernés par la présente section pourront ainsi connaître la part de charges de terminaison dans le prix du transit. En outre, la connaissance de ces tarifs de gros peut être utile à des utilisateurs finals, afin de mieux analyser les offres de détail proposées.
V.5. Obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts
V.5.1. Objectifs généraux
L'article L. 38-I (5°) du CPCE dispose que "les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des télécommunications électroniques peuvent se voir imposer [...] [d']isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article".
Les obligations comptables imposées actuellement à cinq opérateurs (Bouygues Telecom, Orange France, SFR, Orange Caraïbe et SRR) visent à donner à l'Autorité :
― d'une part, une connaissance fine et fiable des coûts des opérateurs, notamment afin de lui permettre de mettre en œuvre, le cas échéant, un encadrement tarifaire reflétant les coûts pertinents pour l'encadrement tarifaire des marchés de la terminaison d'appel ;
― d'autre part, les moyens de vérifier la mise en œuvre de l'obligation de non-discrimination et l'absence de subventions croisées abusives sur les marchés concernés par cette obligation.
L'Autorité estime nécessaire et proportionné de maintenir les obligations comptables auxquelles sont actuellement soumis ces cinq opérateurs.
En effet, il reste constant que le caractère intégré, la taille et le positionnement concurrentiel de Bouygues Telecom, Orange France, SFR, Orange Caraïbe et SRR sur les marchés de la terminaison d'appel vocal sur leurs réseaux respectifs et sur les marchés de détail mobiles sous-jacents peuvent se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros et de détail.
De même, la mise en œuvre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts imposées à ces opérateurs nécessite encore pour ce cycle de régulation que l'Autorité dispose d'un référentiel fiable de coûts.
Cette obligation est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 du CPCE, en particulier aux 2°, 3° et 4°. Cette obligation constitue le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de comportements anticoncurrentiels et de la mise en œuvre de l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants.
En revanche, et conformément à ses précédentes analyses et décisions, l'Autorité considère que ces obligations ne sont pas proportionnées s'agissant de Dauphin Telecom, Digicel, Orange Réunion, Outremer Telecom, SPM Telecom et UTS Caraïbe.
La complexité de mise en œuvre de ces obligations n'apparaît pas, en effet, proportionnée au regard des positions respectives qu'occupent ces opérateurs (taille et part de marché) au sein des zones géographiques où ils sont présents. Plus particulièrement, le fait que la société Orange Réunion soit filiale du groupe France Télécom n'est pas de nature à remettre en cause cette conclusion qui dérive de la disproportion entre la petite taille de cette unité d'affaire et son positionnement concurrentiel, d'une part, et les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ces obligations, d'autre part.
En outre, l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants (cf. supra) est mise en œuvre, conformément à la recommandation européenne précitée, en référence aux coûts d'un opérateur générique.
V.5.2. Spécifications et principes
La comptabilisation des coûts devra notamment permettre :
― de disposer d'informations cohérentes entre opérateurs, qui sont indispensables pour le contrôle tarifaire ;
― d'identifier l'activité réseau, et notamment les conditions d'utilisation des différentes ressources par les services internes et externes de l'opérateur.
La séparation comptable devra, quant à elle, permettre :
― de distinguer les activités de détail des activités de gros de l'opérateur mobile, selon un détail et un format rendu nécessaire pour le suivi des obligations liées à ce marché ;
― de déterminer des prix de transfert internes, encore appelés "prix de cession", qui interviennent dans la vérification du respect de l'obligation de non-discrimination.
Le format du rapport des comptes répondra au besoin du suivi spécifique des obligations portant sur le marché de gros analysé. Il devra, par ailleurs, fournir à l'Autorité une vision suffisamment exhaustive pour lui permettre de s'assurer de la cohérence d'ensemble du dispositif comptable mis en place.
Au titre de ces obligations et afin de respecter une cohérence entre opérateurs, l'Autorité dispose de la possibilité d'établir, en vertu de l'article D. 312 du CPCE, les spécifications du système de comptabilisation des coûts ainsi que les méthodes de valorisation et les règles d'allocation des coûts. Elle précise, par ailleurs, le format et le degré de détail des comptes pour permettre la vérification du respect des obligations de non-discrimination et de reflet des coûts, lorsqu'elles s'appliquent.
Afin d'assurer un degré d'information suffisant, les éléments pertinents du système d'information et les données comptables sont tenus à la disposition de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la demande de cette dernière.
Les principales règles qui devront régir l'allocation des coûts dans la comptabilité réglementaire sont :
― la complétude : dans la mesure où l'un des objectifs du dispositif de comptabilité réglementaire est de mettre en évidence d'éventuelles subventions croisées, il convient de prendre en compte, d'une part, l'ensemble des coûts et des revenus de l'opérateur mobile et, d'autre part, l'ensemble des prestations techniques et commerciales fournies par cet opérateur ;
― la causalité : il s'agit d'affecter les coûts d'un élément ou d'une activité en fonction de ce qui en est la "cause", c'est-à-dire, dans la pratique, en fonction de l'usage de cet élément ou de cette activité ;
― la non-discrimination : cette obligation réglementaire se traduit par le fait que deux usages équivalents d'une même activité ou d'un même élément de réseau doivent se voir affecter des coûts équivalents. Par ailleurs, le coût d'utilisation d'un élément de réseau rapporté à l'unité d'œuvre adéquate (minute, appel, volume, etc.) est le même qu'il s'agisse de l'usage interne de l'opérateur (communications de détail) ou de l'usage par des opérateurs tiers (prestations d'interconnexion).
En outre, le système de comptabilisation des coûts devra être construit de manière à produire des informations pertinentes, fiables et vérifiables, permettant à l'Autorité de s'assurer de la cohérence des tarifs pratiqués par l'opérateur avec ses coûts dans le cadre d'une obligation d'orientation des tarifs vers les coûts ou encore de lui fournir les éléments de coûts précis, nécessaires à la réalisation des tests de ciseau tarifaire. Il devra donc être entouré d'un environnement de contrôle de qualité et répondre à une exigence de cohérence avec les comptes de l'entreprise ou du groupe certifiés par les commissaires aux comptes, de lisibilité et d'auditabilité, en conservant la trace de tous les calculs et de toutes les données afin que les résultats puissent être vérifiés et interprétés sans ambiguïté.
V.5.3. Audits
A cet égard, le CPCE prévoit des audits du système de comptabilisation des coûts, à l'occasion desquels "le respect [des spécifications de comptabilisation des coûts établies par l'Autorité] est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un organisme indépendant désigné par l'autorité. Les organismes désignés publient annuellement une attestation de conformité des comptes" (article L. 38).
Conformément à l'article L. 38-I (5°) du CPCE, dans la mesure où l'Autorité impose aux cinq opérateurs précités une obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts, les comptes produits au titre des obligations comptables et les systèmes de comptabilisation des coûts devront donc être audités annuellement par des organismes indépendants. Ces organismes seront désignés par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Cette vérification sera assurée aux frais des opérateurs concernés. Les organismes désignés publieront annuellement une attestation de conformité des comptes.
Un audit du système comptable est nécessaire pour en garantir la robustesse, la conformité avec les décisions de l'Autorité et la fiabilité des données comptables qui en découlent.
V.5.4. Décision applicable portant sur la spécification des obligations comptables
La spécification des obligations comptables auxquelles les opérateurs Bouygues Telecom, Orange France et SFR en métropole, Orange Caraïbe et SRR outre-mer sont aujourd'hui soumis (définition des systèmes de comptabilisation, des méthodologies de valorisation et d'allocation des coûts, du format des comptes à produire, etc.) a été précisée par des décisions distinctes de celles des analyses de marché. Les décisions applicables à ce jour sont les décisions n°s 2010-0200 et 2007-0129. L'Autorité renvoie à ces décisions pour une description précise de ces spécifications.
La décision n° 2010-0200, adoptée en février 2010, a pour objet de remplacer la décision n° 2007-0128 à partir de l'exercice comptable 2009 et la décision n° 2007-0129 à partir de l'exercice comptable 2010 afin, d'une part, de clarifier ou d'amender des points déjà spécifiés et, d'autre part, de renforcer les moyens de contrôle des travaux de préparation de la comptabilité, dans le but de garantir la fiabilité des données restituées.
L'Autorité estime pertinent que la décision n° 2010-0200 constitue la référence applicable pour la mise en œuvre de l'obligation comptable par les acteurs concernés dans le cadre de ce troisième cycle de régulation. Toutefois, dès lors que de nouveaux éléments le demanderaient, l'Autorité pourra être amenée à faire de nouveau évoluer ces spécifications. Dans ce cas, comme pour ses précédentes décisions, l'Autorité mettra en œuvre ces évolutions après une phase de concertation avec les opérateurs concernés.
V.6. Prise en compte des commentaires des acteurs sur les obligations non tarifaires
lors de la consultation publique menée du 23 avril au 24 mai 2010
En ce qui concerne l'obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts, SRR renouvelle son opposition à y être soumis et juge ce remède disproportionné au regard de sa taille, réduite par rapport aux opérateurs métropolitains, et l'absence d'une telle obligation pour Orange Réunion. L'Autorité renvoie SRR à l'argumentation ci-dessus sur le caractère proportionné de ce remède et rappelle la nécessité de bénéficier de restitutions de coûts spécifiques à la zone Réunion-Mayotte et d'un outil de contrôle de l'obligation de non-discrimination entre services internes et opérateurs tiers.
VI. ― Obligation de contrôle tarifaire
VI.1. Principes et objectifs du contrôle tarifaire
VI.1.1. Finalités de l'encadrement du tarif de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile
Comme l'Autorité l'a rappelé, la prestation de terminaison d'appel vocal mobile a un caractère de facilité essentielle, dont le tarif n'est soumis à aucune pression concurrentielle suffisante pour empêcher, en l'absence de régulation, l'opérateur mobile de le fixer à un niveau très élevé. Dès lors, les conditions d'accès à cette prestation doivent être transparentes, objectives, non discriminatoires et doivent permettre aux compétiteurs d'exercer une concurrence effective sur les marchés avals, à travers un processus d'encadrement des niveaux de charge de terminaison d'appel au regard des structures et des niveaux de coûts pertinents, processus qui vise à les orienter, à terme, vers des références de coûts pertinentes. L'Autorité de la concurrence (alors Conseil de la concurrence) a d'ailleurs rappelé, dans son avis n° 07-A-01, que "s'agissant des remèdes propres au droit de la concurrence, le Conseil a déjà souligné (avis n° 05-A-10 du 11 mai 2005) que le caractère de facilité essentielle de la terminaison d'appel sur les réseaux tiers, pour les opérateurs qui doivent faire aboutir les appels de leurs abonnés, permet d'imposer aux opérateurs de terminer les appels à des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires. En ce qui concerne le prix auquel cette prestation doit être fournie, le droit de la concurrence exige qu'il soit orienté vers les coûts supportés par l'opérateur en monopole lorsque celui-ci utilise la même prestation pour faire des offres sur un marché aval sur lequel il est en concurrence avec les opérateurs qui veulent terminer les appels".
Par conséquent, l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile vise notamment à assurer des conditions d'exercice d'une concurrence loyale au bénéfice des consommateurs sur les marchés de communications électroniques en aval des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile. Plus généralement, la mise en œuvre de cet encadrement tarifaire vise à répondre aux objectifs généraux fixés au II de l'article L. 32-1 du CPCE, à savoir notamment l'interopérabilité des services au niveau européen, le développement de l'emploi, de l'investissement efficace et de l'innovation, l'absence de discrimination entre opérateurs, la gestion efficace des ressources et le respect de la neutralité technologique.
VI.1.2. Modalité de l'encadrement du tarif de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile :
l'orientation vers les coûts
La directive 2002/19/CE susvisée (directive "accès") expose (considérant n° 20) qu'"un contrôle des prix peut se révéler nécessaire lorsque l'analyse d'un marché donné met en évidence un manque d'efficacité de la concurrence. Les autorités réglementaires nationales peuvent intervenir de manière relativement limitée, par exemple en imposant une obligation concernant la fixation de prix raisonnables pour la sélection de l'opérateur, comme le prévoit la directive 97/33/CE, ou de manière beaucoup plus contraignante en obligeant, par exemple, les opérateurs à orienter les prix en fonction des coûts afin qu'ils soient entièrement justifiés lorsque la concurrence n'est pas suffisamment vive pour éviter la tarification excessive".
L'article L. 38-I (4°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut imposer "de ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants".
Dans le cadre des précédents cycles de régulation, l'Autorité a utilisé ces deux modalités d'obligation de contrôle tarifaire possibles, en imposant une obligation d'orientation vers les coûts sur la terminaison d'appel vocal sur leur réseau à Orange France, SFR, Bouygues Telecom, Orange Caraïbe et SRR, et en imposant une obligation de non-excessivité des tarifs aux opérateurs ultramarins de plus petite taille (Dauphin Telecom, Digicel, Orange Réunion, Outremer Telecom, SPM Telecom et UTS Caraïbe).
Or, comme mentionné dans la décision n° 2009-0655 de l'Autorité susvisée fixant les obligations de contrôle tarifaire des opérateurs mobiles d'outre-mer pour l'année 2010, les obligations d'orientation vers les coûts et de non-excessivité des tarifs sont deux instruments qui visent le même objectif : celui de pouvoir orienter à terme les tarifs des prestations en cause vers des références de coûts pertinentes.
En effet, le caractère excessif s'apprécie de façon à limiter les éventuelles distorsions concurrentielles pouvant exister sur les marchés de détail sous-jacents découlant des différences entre les tarifs des terminaisons d'appel vocal des différents opérateurs, et notamment entre ceux soumis à une obligation d'orientation vers les coûts et ceux soumis à une obligation de non-excessivité de leurs tarifs. Les charges de terminaison d'appel doivent converger vers les coûts d'un opérateur efficace, et ce indépendamment du type d'obligation de contrôle tarifaire auquel l'opérateur est soumis.
Eu égard à ce qui précède et compte tenu de la recommandation 2009/396/CE susvisée de la Commission européenne préconisant de fixer des tarifs de terminaison d'appel en fonction des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique, l'Autorité entend imposer, dans le cadre de la présente analyse de marché, une obligation de contrôle tarifaire sous la forme d'une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts à l'ensemble des opérateurs mobiles.
L'Autorité estime que cette modalité d'encadrement tarifaire est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du CPCE et, en particulier, à l'exercice "d'une concurrence effective et loyale", au développement de la compétitivité ou encore à "l'égalité des conditions de concurrence". Elle note, par ailleurs, que la majorité des régulateurs de l'Union européenne adoptent l'obligation d'orientation vers les coûts dans le cadre de la régulation du marché de la terminaison d'appel vocal mobile.
L'encadrement tarifaire des niveaux des terminaisons d'appel que l'Autorité spécifie pour les opérateurs consiste à fixer des plafonds que les tarifs de ces prestations ne doivent pas dépasser.
L'Autorité juge qu'afin d'être pleinement efficace cette obligation doit s'appliquer à la fois à la tarification de la composante à l'usage formée par la prestation d'acheminement du trafic de terminaison d'appel vocal (tarifée en c€/minute) et à la tarification de la composante à la capacité formée par la location de BPN (tarifée de manière unitaire en €/BPN/an).
L'Autorité insiste donc sur le fait qu'elle fixe des plafonds tarifaires, qui doivent s'entendre comme des limites supérieures laissant la liberté aux opérateurs de fixer leurs tarifs, en dessous de ces plafonds, au niveau qu'ils jugent pertinent. En particulier, il est de la seule responsabilité de l'opérateur de vérifier que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionner au titre du droit commun de la concurrence sur un marché de détail connexe au marché de gros sur lequel il détient une position dominante.
L'Autorité précise enfin que l'entrée d'un nouvel acteur sur le marché de détail de la téléphonie mobile n'est pas de nature à modifier les raisonnements relatifs aux obligations tarifaires visées par la présente analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur leur réseau. Ce commentaire vaut tant pour l'entrée de Free Mobile sur le marché métropolitain que pour celle d'UTS Caraïbe sur les zones ultramarines où il n'est pas encore actif ou pour celle d'un éventuel opérateur full MVNO.
VI.1.3. Précision sur la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts :
une référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace
L'Autorité se fonde sur le II de l'article D. 311 du CPCE pour préciser la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts imposée aux opérateurs. Elle définit ainsi les méthodes de recouvrement des coûts et de tarification, conformément à cet article :
"Pour la mise en œuvre des obligations prévues au 4° de l'article L. 38, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise, en tant que de besoin, les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur."
Le choix de la référence de coûts pertinente implique notamment de préciser le périmètre de coûts à prendre en compte en fonction de règles d'efficience et de rationalité économiques et la bonne allocation des coûts joints entre les différentes prestations produites par un opérateur de réseau mobile. A cet égard, il convient de noter que chaque opérateur possède un réseau unique mais qui sert à produire tout un ensemble de prestations, dont celle de terminaison d'appel : appels entrants et sortants (vocaux ou SMS), services de transmission de données permettant l'accès au réseau internet notamment. Le coût du réseau, y compris le coût de la boucle locale radio, est donc un immense coût joint à l'ensemble de ces prestations.
En particulier, expliciter la portée de l'obligation d'orientation vers les coûts consiste donc à déterminer la part maximale de ces coûts joints pouvant être recouvrée via la commercialisation des prestations de terminaison d'appel mobile. Le reste de cet immense coût joint peut être librement recouvré via la vente des autres prestations ayant recours au réseau, y compris auprès de l'appelé qui a bénéficié de la réception de cet appel. L'Autorité a ainsi très clairement indiqué dans la décision n° 2008-1176 susvisée qu'elle "définit [...], à travers les plafonds tarifaires, la part maximum des coûts joints qu'un opérateur peut recouvrer à travers la tarification de la terminaison d'appel voix, prestation commercialisée en monopole, le reste des coûts pouvant être recouvré sur l'ensemble des autres prestations (de détail notamment) qu'il offre et pour lequel l'opérateur est libre de sa politique tarifaire. Il n'y a, par conséquent, pas de risque de non-recouvrement de l'ensemble des coûts encourus".
Au regard des évolutions du marché, l'Autorité a considéré, dans ses décisions n°s 2008-1176 et 2009-0655, que les coûts pertinents devant servir de référence à la fixation des plafonds tarifaires au titre de l'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts de la prestation de terminaison d'appel vocal correspondent aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace induits par la fourniture du service de terminaison d'appel dans son ensemble.
Ce signal économique reflète en effet la structure de coût de l'industrie mobile et permet un fonctionnement optimal du marché au regard des objectifs de l'Autorité. En particulier, il permet le développement d'une concurrence saine et loyale entre les opérateurs mobiles ou entre opérateurs fixes et mobiles (24), et il entraîne une évolution du marché globalement au bénéfice des consommateurs.
L'Autorité rappelle, en effet, que ce standard de coût est le seul qui permette de :
― prévenir les distorsions de concurrence entre opérateurs mobiles, en raison de charges de terminaison d'appel mobile élevées, en présence d'offres à effet de réseaux (offre dites on net), reposant sur l'écart entre le coût incrémental et le tarif de terminaison d'appel mobile, et générant des "effets de club" au bénéfice des seuls opérateurs ayant les plus grandes parts de marché ;
― prévenir les distorsions de concurrence entre opérateurs fixes et mobiles, qui se font une concurrence sans cesse croissante sur le terrain des communications passées en position déterminée ;
― limiter les transferts financiers des opérateurs fixes vers les opérateurs mobiles, du fait de tarifs de terminaison mobiles élevés ;
― prévenir les distorsions d'usage consistant pour les utilisateurs finals passant des appels en position déterminée à utiliser leur ligne mobile, du fait de tarifs de détail élevés auxquels contribue l'importance de la charge de terminaison mobile encourue pour un appel passé vers un mobile depuis une ligne fixe.
L'Autorité relève au passage qu'une orientation vers les coûts incrémentaux de chacun des opérateurs ne permettrait pas, par construction, d'atteindre des niveaux symétriques, du fait que les opérateurs ont tous des réseaux et des parcs de caractéristiques et de tailles différentes (25). La symétrie visée à terme par l'Autorité, conformément à la position commune du Groupement des régulateurs européens (GRE) précitée, et préconisée par la Commission européenne dans sa recommandation du 7 mai 2009 précitée, participe d'un signal économique émis à l'attention de l'ensemble des opérateurs que l'Autorité estime économiquement optimal en ce qu'il prévient l'introduction de distorsions concurrentielles dans le fonctionnement des marchés de détail sous-jacents. A cet égard, cette symétrie repose nécessairement sur une référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace.
L'Autorité note, à titre incident, que ce choix de référence est cohérent avec la recommandation susvisée de la Commission européenne sur la régulation des services de terminaison d'appel fixe et mobile dans l'Union européenne.
Enfin, l'Autorité définit des méthodes de valorisation et de dépréciation des actifs et détermine les taux de rémunération du capital correspondants. L'Autorité a ainsi retenu jusqu'à présent la méthode des coûts historiques comme méthode pertinente de valorisation des coûts des actifs. A cet égard, l'Autorité considère que la méthode d'évaluation des coûts des actifs des réseaux mobiles par les coûts historiques est toujours adaptée, notamment compte tenu de la faible sensibilité (26) des coûts à la méthode et de l'écart toujours important entre le niveau des coûts d'un opérateur efficace et le niveau actuel des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile. Toutefois, et compte tenu de la réduction attendue des écarts entre coûts et tarifs, l'Autorité n'écarte pas la possibilité d'adapter la méthode de valorisation du coût des actifs dans le futur, en particulier pour atténuer les variations liées aux cycles d'investissement et pour mieux intégrer les effets de progrès technique.
VI.2. Prise en compte du principe de proportionnalité
et poursuite d'une période de transition adaptée
Dans ses décisions n°s 2008-1176 et 2009-0655 susvisées, l'Autorité a souligné le besoin de respecter un principe de proportionnalité dans la mise en œuvre de l'orientation des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts pertinents sous-jacents.
Les tarifs de terminaison d'appel vocal mobile demeurent en effet structurants pour le secteur. En 2009, le volume total de terminaison d'appel vocal (en incluant le trafic off net et le trafic on net sujet à transfert interne pour la prestation de terminaison d'appel) représentait environ 93,7 milliards de minutes, soit une valeur d'un peu plus de 5,5 milliards d'euros (en valorisant les flux avec le tarif moyen de terminaison d'appel à hauteur de 6 c€/min sur la période considérée). Ces revenus de gros représentaient presque 32 % du chiffre d'affaire de détail sur le marché mobile (27).
Par conséquent, l'adaptation du marché aux nouvelles conditions tarifaires de gros, fondées sur le concept de coûts incrémentaux depuis les décisions n°s 2008-1176 et 2009-0655 susvisées de l'Autorité, se traduit vraisemblablement par un ajustement dynamique des offres tarifaires des opérateurs et des habitudes de consommation. Ce processus d'ajustement des offres demande un minimum de temps aux opérateurs, que ce soit pour faire évoluer leurs offres (structure commerciale à adapter, études marketing complémentaires à lancer...) ou faire migrer progressivement leurs parcs de clientèle vers ces nouvelles offres.
En outre, même si les opérateurs ont la possibilité de modifier leurs offres de détail afin de maintenir leur équilibre économique, ces modifications comportent un risque important pour les opérateurs dans la mesure où elles sont particulièrement coûteuses et, notamment, rendent possible la résiliation sans pénalité par les consommateurs des contrats pour lesquels les conditions contractuelles sont modifiées, conformément à l'article L. 121-84 du code de la consommation. Les modifications des conditions générales de vente des contrats déjà en vigueur restent par conséquent délicates à mettre en œuvre dans un marché mobile où l'équilibre économique des offres repose couramment sur des clauses de durée d'engagement minimal.
A cet égard, l'Autorité note en particulier que le segment du marché dit "postpayé" manque de fluidité. Inversement, le segment du "prépayé" ne présente pas de durées d'engagement et peut s'adapter vite, mais est aussi relativement plus sensible aux niveaux des tarifs de terminaison d'appel, compte tenu du fait que les clients de ce segment reçoivent en général plus d'appels qu'ils n'en émettent.
Ainsi les acteurs ont toujours fait valoir qu'un changement trop violent et rapide des tarifs de terminaison d'appel pourrait déstabiliser le marché de façon inefficace, créant des opportunités de call back (28) ou déstabilisant les petits acteurs sur le bas de marché, notamment le segment du prépayé, au risque de réduire le degré de concurrence.
Il convient donc d'appliquer des baisses proportionnées permettant l'adaptation des offres aux nouvelles conditions tarifaires de gros. Une période de transition adaptée de plusieurs années a donc été jugée nécessaire et amorcée par les décisions n°s 2008-1176 et 2009-0655 susvisées pour permettre aux opérateurs d'adapter leurs offres au nouveau concept et d'apprendre progressivement à s'adapter aux préférences des consommateurs dans ce nouveau contexte.
L'Autorité rappelle à cet égard que la recommandation 2009/936/CE susvisée de la Commission européenne préconise que la cible, à savoir la symétrie des tarifs au niveau des coûts incrémentaux, doit être atteinte au plus tard le 31 décembre 2012, en laissant les autorités de régulation adapter la transition aux spécificités nationales.
Ainsi, et compte tenu du principe de proportionnalité, l'Autorité poursuit par la présente décision la période de transition vers une tarification au niveau des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace, transition qu'elle a amorcée dans le cadre des décisions n°s 2008-1176 et 2009-0655 susvisées et annonce que ce cycle verra la fin de cette transition.
VI.3. Prise en compte du principe de proportionnalité dans le cadre de la présente décision et gestion
des conséquences de l'orientation progressive des tarifs vers les coûts
Pour chacun des opérateurs mobiles métropolitains et ultramarins, l'encadrement tarifaire de la prestation de terminaison d'appel vocal sur son réseau résulte, dans cette période de transition vers les coûts incrémentaux de long terme, de l'appréciation conjuguée de deux éléments :
― la nécessité d'assurer la convergence la plus rapide possible du tarif de terminaison d'appel sur son réseau vers le niveau optimal représenté par les coûts incrémentaux d'un opérateur générique efficace, tout en appliquant à l'opérateur une baisse de tarif proportionnée au regard du tarif actuellement pratiqué ;
― le cas échéant, la nécessité de prévenir la distorsion concurrentielle entre opérateurs mobiles en cas de déséquilibre de trafics d'interconnexion.
VI.3.1. Prise en compte du principe de proportionnalité
Dans cette période de transition des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts incrémentaux de long terme, le principe de proportionnalité dans les baisses tarifaires imposées s'applique à l'ensemble des opérateurs, compte tenu du caractère pouvant être structurant des revenus de terminaison d'appel vocal.
Ce principe guide en particulier l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel sur les réseaux des petits opérateurs mobiles d'outre-mer, jusqu'à présent soumis à une obligation de non-excessivité des tarifs et présentant actuellement des asymétries tarifaires importantes vis-à-vis d'Orange Caraïbe et SRR et des niveaux élevés. Pour ces opérateurs, le principe de proportionnalité constitue le facteur le plus déterminant dans la fixation des plafonds tarifaires pour le début du cycle.
VI.3.2. La prévention d'une distorsion concurrentielle entre opérateurs mobiles
en cas de déséquilibre de trafics d'interconnexion
Le risque d'une distorsion concurrentielle issue du caractère progressif de la régulation.
La gradualité de l'orientation des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur efficace signifie le maintien transitoire d'une situation sous-optimale sur le marché de gros. Il convient alors de gérer les conséquences sur le marché de détail de cette situation sous-optimale sur le marché de gros pendant la période de transition.
En particulier, le maintien provisoire d'un écart entre les tarifs et les coûts sous-jacents est susceptible de créer ou maintenir une distorsion concurrentielle entre opérateurs mobiles dans la situation particulière où il est conjugué à d'importants déséquilibres dans les volumes de trafic d'interconnexion échangés par les opérateurs.
A cet égard, comme l'Autorité l'a remarqué dans sa décision n° 2008-1176 susvisée :
"Dans un marché présentant une forte dissymétrie en termes de parts de marché comme le marché français, le potentiel d'attractivité des offres d'abondance on net est particulièrement contrasté et contribue ainsi à une dynamique commerciale favorable aux opérateurs ayant les parts de marché les plus élevées. En effet, toute chose étant égale par ailleurs, le consommateur préférera souscrire à une telle offre auprès de l'acteur ayant la part de marché la plus forte pour maximiser la probabilité d'avoir des correspondants principaux relevant du réseau en cause. Pour répliquer de telles offres de façon pertinente, un opérateur qui dispose de parts de marché plus réduites devra donc proposer des offres d'abondance en on net et off net. Par ce choix, il attire des clients qui émettent plus d'appels sortants off net qu'ils ne reçoivent d'appels entrants en provenance d'autres réseaux. Il subit donc, au final, un déséquilibre de trafic défavorable vers chacun de ses concurrents."
Par conséquent, la politique commerciale d'un opérateur de petite taille est contrainte par le comportement de ses concurrents, et le déséquilibre de trafic qui peut s'ensuivre est donc au moins partiellement hors du contrôle de cet opérateur.
Un tel déséquilibre de trafic d'interconnexion éventuel ne constitue pas un problème en lui-même et l'Autorité ne vise en aucun cas à le corriger. En effet, un déséquilibre entre trafic entrant et trafic sortant n'introduirait nullement de biais concurrentiel si la prestation de gros de terminaison d'appel vocal mobile était tarifée au niveau des coûts incrémentaux, tels qu'internalisés par les opérateurs lorsqu'ils composent leurs offres tarifaires de détail, en particulier des offres on net, car, dans ce cadre, il n'y aurait pas de différence entre les équations économiques sous-tendant l'équilibre financier d'une offre on net ou d'une offre off net.
Toutefois, la persistance transitoire d'un écart entre les tarifs de terminaison d'appel et les coûts incrémentaux, du fait d'une régulation progressive et, à ce titre, hors de contrôle des opérateurs, accroît artificiellement la contre-valeur monétaire du déséquilibre de trafic éventuel, provoquant dans ce cas des transferts financiers importants entre des opérateurs qui sont directement concurrents sur les marchés de détail avals.
L'Autorité vise, par conséquent, à prévenir l'apparition d'une telle distorsion de concurrence en fixant, le cas échéant, un tarif asymétrique transitoire pour un opérateur présentant un solde de trafic d'interconnexion négatif, et ce tant que la terminaison d'appel n'est pas au niveau des coûts.
Ces circonstances justifiant le maintien d'une asymétrie transitoire sont, par ailleurs, exactement celles prévues par le Groupe des régulateurs européens dans sa position commune du 12 mars 2008 susvisée.
La compensation partielle des déséquilibres éventuels entre opérateurs mobiles
Etant donné que la terminaison d'appel d'un opérateur mobile est payée à la fois par les opérateurs mobiles tiers et les opérateurs fixes, l'atténuation de la distorsion artificielle de concurrence éventuellement observée sur le seul marché mobile par une différenciation des tarifs de gros des opérateurs mobiles induit une externalité sur les opérateurs fixes (et donc sur leurs clients). L'Autorité doit donc prendre en compte une "surrente" en provenance des opérateurs fixes, créée par le maintien d'une asymétrie transitoire ajoutée à un tarif lui-même significativement supérieur aux coûts pertinents sous-jacents et écartant ainsi davantage le tarif de ces coûts. L'Autorité souligne à cet égard qu'il est souhaitable de minimiser le surplus de flux financiers des opérateurs fixes vers les opérateurs mobiles tout en assurant leur répartition de manière équitable entre opérateurs mobiles.
De plus, tout opérateur définit sa stratégie commerciale dans un contexte de régulation formé, entre autres, de l'ensemble de niveaux de terminaison d'appel qui lui est connu. Lorsqu'il lance de nouvelles offres sur le marché de détail, incluant notamment des communications illimitées vers tous les opérateurs mobiles, il est de sa responsabilité de prendre en compte les niveaux de tarifs de terminaison d'appel de ses concurrents et leur évolution probable, en fonction non seulement des niveaux de coûts qu'il anticipe mais aussi du contexte européen. Dans ce contexte, cet opérateur ne peut donc prétendre à une atténuation intégrale d'un effet qu'il pouvait partiellement anticiper.
Comme mentionné précédemment, l'Autorité considère que, dans le cas d'un opérateur présentant des déséquilibres de trafic d'interconnexion, il est nécessaire de maintenir transitoirement, tant que les tarifs de terminaison d'appel ne sont pas aux coûts, une asymétrie du plafond tarifaire de cet opérateur. Cependant, dans la mesure où cela est compatible avec le principe de proportionnalité des baisses imposées à un opérateur, l'asymétrie fixée à cet égard ne devrait pas aboutir à une compensation totale de la contre-valeur monétaire des déséquilibres de trafic d'interconnexion en sa défaveur en raison de l'écart persistant entre tarifs et coûts de terminaison.
L'Autorité confirme en particulier qu'une telle différenciation tarifaire n'a pas vocation à perdurer dès lors que les tarifs de terminaison d'appel seront alignés sur le concept de coûts pertinents et qu'ils n'induiront ainsi plus de biais concurrentiel artificiel sur le marché de détail au détriment des opérateurs à plus faibles parts de marché.
Elle note à cet égard que la recommandation de la Commission européenne susvisée préconise que la cible, à savoir la symétrie des tarifs au niveau des coûts incrémentaux, doit être atteinte au plus tard le 31 décembre 2012, sous réserve des différences de coût objectives notamment liées à l'arrivée d'un nouvel entrant et en laissant les autorités de régulation adapter la transition aux spécificités nationales.
VI.4. Les référentiels de coûts utilisés par l'Autorité
VI.4.1. Les états de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés
selon le référentiel de comptabilité réglementaire spécifié par l'Autorité
Les décisions n°s 2007-0128 et 2007-0129 susvisées, spécifiant les obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable, imposées aux opérateurs mobiles métropolitains en raison de leur influence significative sur les marchés de gros des terminaisons d'appels mobiles (respectivement voix et SMS, et voix) sur leurs réseaux respectifs, étaient opposables aux opérateurs mobiles métropolitains et ultramarins pour la production de leurs comptes relatifs aux exercices 2006, 2007 et 2008 ainsi que, pour les opérateurs ultramarins, les comptes relatifs à l'exercice 2009.
La décision n° 2010-0200 susvisée est venue remplacer ces deux décisions, avec pour objectif d'affiner encore la connaissance de l'Autorité des coûts des opérateurs de réseaux mobiles, en tenant compte notamment des évolutions récentes du contexte technologique et des commentaires qui ont pu être formulés par les cabinets mandatés au cours des exercices d'audits passés. Elle est actuellement applicable en métropole (depuis les restitutions de 2010 relatives à l'exercice 2009). Elle s'appliquera outre-mer à partir des restitutions portant sur l'exercice 2010.
Les états de comptabilisation des coûts et de revenus audités élaborés selon le référentiel réglementaire constituent une référence de coûts fiable au regard, notamment, de leur source, i. e. la comptabilité sociale de l'entreprise soumise au contrôle des commissaires aux comptes de l'entreprise. En outre, conformément aux dispositions des articles L. 38 (notamment le 5° du I) et D. 312 du CPCE, les comptes produits au titre des obligations comptables et les systèmes de comptabilisation des coûts sont audités annuellement par des organismes indépendants désignés par l'Autorité.
Il convient de noter que les données issues de la comptabilité réglementaire reflètent les coûts engendrés par le déploiement réel d'un opérateur mobile et incluent donc les aléas et les éventuelles sous-efficacités du déploiement réel historique.
La comptabilité réglementaire apporte cependant un éclairage important sur la modélisation des coûts d'un opérateur efficace. Ces données permettent notamment le calibrage des grandes masses de coûts en sortie du modèle technico-économique afin d'en assurer la robustesse.
Les dernières restitutions auditées disponibles à la date du lancement de la consultation publique du 9 septembre 2010, correspondant aux états de coûts et de revenus portant sur l'exercice 2008, ont donné lieu en septembre 2009 à des travaux d'audit, menés par un auditeur indépendant désigné par l'Autorité. A l'issue de ces travaux, l'auditeur a délivré des attestations de conformité, qui sont publiées sur le site de l'Autorité.
Les restitutions correspondant aux états de coûts et de revenus portant sur l'exercice 2009 ont donné lieu en septembre 2010 à des travaux d'audit, menés par un auditeur indépendant désigné par l'Autorité. L'Autorité publiera prochainement les attestations de conformité correspondantes (29).
VI.4.2. Comparaison des tarifs de terminaison d'appel mobile publiée par l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques
Les comparaisons à l'échelle européenne des niveaux de terminaison d'appel forment généralement un des éléments pertinents des exercices de tarification menés par l'Autorité, bien qu'il convienne de les mettre en perspective au regard de certaines spécificités nationales. Ces comparaisons incluent notamment les éléments publiés par l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE).
L'ORECE élabore en effet de manière régulière une comparaison internationale des niveaux de terminaison d'appel dans trente-trois pays (30), dont notamment l'ensemble des pays qui mettent en œuvre le cadre réglementaire européen. Cette comparaison est actuellement publiée sur une base biannuelle depuis 2004.
L'ensemble des comparaisons européennes publiées et disponibles sur le site de l'ORECE (31) s'appuie sur des informations collectées auprès des différentes ARN concernées.
L'Autorité renvoie à la consultation publique de septembre 2008 (32) pour une description détaillée de la méthodologie retenue par l'ORECE pour élaborer ces comparaisons, qui n'a pas évolué depuis, et une analyse de la nécessaire mise en perspective des résultats de cette comparaison dans le cadre de la fixation de tarifs de terminaison d'appel en France. Elle rappelle en particulier qu'une telle comparaison présente des limites dont il convient de tenir compte, qu'elles soient liées à la méthodologie employée pour la comparaison, aux caractéristiques nationales intrinsèques différentes, aux différentes références de coûts utilisées, ou encore au fait qu'il s'agit d'une comparaison des tarifs et non des coûts.
Elle note de surcroît qu'il s'agit d'une comparaison de tarifs passés, qui, à ce titre, ne reflètent pas encore la mise en œuvre de la recommandation de la Commission européenne du 7 mai 2009 précitée sur la terminaison d'appel. De fait, la mise en œuvre de cette recommandation, prévue pour être achevée au 31 décembre 2012, devrait progressivement améliorer la lisibilité des comparaisons européennes et, ainsi, apporter un éclairage complémentaire sur les références de coûts pertinentes dans le cas français. Dans l'immédiat, il reste difficile d'interpréter la comparaison de l'ORECE, qui concerne des tarifs généralement définis en référence aux coûts complets, alors que les tarifs futurs devront refléter les coûts incrémentaux après une période de transition adaptée aux spécificités de chaque pays.
L'Autorité estime ainsi que cette comparaison internationale des tarifs de terminaison d'appel, qui ne donne qu'indirectement des informations sur les coûts, ne peut apporter dans la phase de transition actuelle qu'un éclairage très partiel sur les coûts incrémentaux d'un opérateur de réseau mobile français et apporte principalement des éléments de contexte sur l'évolution générale des tarifs de terminaison d'appel en Europe.
VI.4.3. Le modèle technico-économique des coûts d'un réseau mobile
Finalité du modèle
Depuis 2006, en complément des outils existants et afin de mener à bien l'exercice d'analyse de marché pour la période 2008-2010, l'Autorité a souhaité se doter d'un outil de modélisation des coûts encourus par un opérateur mobile efficace. L'Autorité renvoie à ses précédentes consultations publiques ou décisions pour le détail des motivations, paramètres et hypothèses de l'élaboration de ce modèle (33).
Dans ce cadre, l'Autorité peut mener deux exercices différents mais complémentaires :
― un exercice de réconciliation, afin de mieux comprendre les restitutions réglementaires des opérateurs mobiles métropolitains et de déceler des différences entre les choix faits par les opérateurs lors de la mise en œuvre de leurs obligations comptables. Ceci permet ensuite de corriger les hétérogénéités de traitement des coûts entre opérateurs, en amendant le référentiel de comptabilité réglementaire applicable ;
― un travail d'élaboration d'un modèle d'un opérateur générique efficace, sur la base des modèles calibrés spécifiques à chaque opérateur, permettant d'estimer un coût de terminaison d'appel de référence corrigé des effets d'échelle et d'éventuelles spécificités d'un des opérateurs en place.
Les coûts modélisés se rapportent uniquement et exclusivement aux coûts de réseau, à l'exclusion des autres coûts d'un opérateur mobile. L'Autorité rappelle que l'appellation "coûts de réseau" comprend à la fois les coûts d'investissement (dotations aux amortissements et rémunération du capital) et les coûts d'exploitation et de maintenance du réseau. Le modèle permet une évaluation des coûts incrémentaux de long terme du réseau, en calculant la différence entre le coût total du réseau lorsque l'opérateur offre l'ensemble des services et le coût total de ce réseau en l'absence du service de terminaison d'appel vocal. La finalité première du modèle étant de mieux comprendre les structures de coûts actuelles, l'Autorité est prudente dans l'utilisation de ce modèle pour estimer des coûts futurs.
Mise à jour du modèle technico-économique des coûts d'un opérateur générique efficace métropolitain
L'Autorité avait annoncé, dans sa décision du 2 décembre 2008 susvisée, qu'elle souhaitait notamment affiner l'adaptation du modèle technico-économique à sa disposition à la méthode des coûts incrémentaux, afin de préciser d'avantage son évaluation du coût incrémental d'un opérateur.
Dans le cadre de la présente analyse de marché, des travaux sur le modèle ont été lancés avec les opérateurs mobiles métropolitains afin de mettre à jour à la fois la structure, les données d'entrées et le calibrage des masses de coûts en sortie du modèle.
Dans un premier temps, les travaux de mise à jour de la structure du modèle ont pour objectif la prise en compte des évolutions de la technologie et du contexte réglementaire européen. Ainsi, les principaux changements apportés à la structure ont notamment permis de mieux prendre en compte la demande en services de données mobiles, d'affiner les algorithmes modélisant le déploiement du réseau radio 3G, de modéliser de nouvelles technologies pour le réseau de transmission ainsi que d'appréhender la transition vers un cœur de réseau de nouvelle génération.
Dans un second temps, les travaux sur les données d'entrée permettront de prendre en compte le progrès technique via l'évolution des coûts unitaires et de l'efficacité des équipements techniques modélisés. Cette phase pourra également faire l'objet d'une réflexion sur la modélisation de différentes méthodes de valorisation des coûts, tout en ne préjugeant pas de la méthode de valorisation qui sera retenue in fine dans le cadre de la tarification de la terminaison d'appel mobile.
Dans la mesure du possible, l'Autorité veille à ce que le modèle ne se complexifie pas trop, pour que les opérateurs puissent facilement appréhender la version mise à jour.
Cette version sera notamment utilisée dans le cadre de la fixation des paliers tarifaires métropolitains pour la période commençant à partir de juillet 2011.
Mise à jour du modèle technico-économique des coûts d'un opérateur générique efficace ultramarin
Les travaux concernant la mise à jour de la structure du modèle ultramarin seront lancés dans le courant du premier trimestre 2011. Ils reposeront notamment sur ceux actuellement menés en métropole et permettront de fixer les paliers tarifaires pour l'année 2013.
VI.5. Prise en compte des commentaires des acteurs sur l'obligation de contrôle tarifaire lors de la consultation publique menée du 23 avril au 24 mai 2010
La grande majorité des opérateurs métropolitains adhère à la référence aux coûts incrémentaux de long terme. Seul SFR continue de s'y opposer. Comme évoqué au I.2.1, cette référence fait pourtant l'objet d'une recommandation de la Commission européenne.
Orange France précise à ce sujet qu'il est nécessaire d'évaluer avec précision le coût incrémental de la terminaison d'appel vocale sur la période 2011-2013, ce qui requiert à la fois une évolution et un exercice de calibrage du modèle technico-économique développé par l'Autorité.
Les travaux réalisés actuellement par l'Autorité sur le modèle technico-économique permettront de répondre aux attentes d'Orange France.
Orange Caraïbe se félicite des travaux de mise à jour du modèle d'opérateur générique efficace. Cependant, l'opérateur relève qu'ils seront engagés tardivement en qui concerne l'opérateur générique de la zone Antilles-Guyane et ne pourront servir d'appui à la fixation des premiers plafonds tarifaires de terminaison d'appel vocal du cycle. Orange Caraïbe souhaite en conséquence que son tarif reste fixé en référence aux coûts complets jusqu'en 2012, sur la base des comptes réglementaires restitués.
L'Autorité n'entend pas remettre en question la référence aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace pour la fixation des plafonds tarifaires de terminaison d'appel vocal et renvoie Orange Caraïbe aux précédents échanges sur ce sujet. L'Autorité rappelle que cette référence est conforme à la recommandation de la Commission européenne et a d'ores et déjà été utilisée dans la fixation des plafonds tarifaires des opérateurs ultramarins pour l'année 2010.
L'Autorité estime que l'ordre de grandeur des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace antillo-guyanais est à ce stade suffisant pour servir d'appui à la fixation des plafonds de terminaison d'appel pour le début du cycle compte tenu des niveaux encore élevés des tarifs actuels et de la nécessité de poursuivre la période de transition engagée et renvoie au paragraphe VI.8.1 sur ce point.
Comme évoqué précédemment, les opérateurs de réseau métropolitains souhaitent une prise en compte plus précise de Free Mobile dans la présente analyse, et notamment que l'Autorité précise dès à présent les obligations qui lui seront imposées lorsque l'opérateur entrera sur le marché. Concernant l'encadrement tarifaire de Free Mobile, Orange France considère que le niveau de la terminaison d'appel de Free Mobile devra, d'une part, être encadré dès le 1er janvier 2011, d'autre part, que celui-ci devra être aligné immédiatement sur celui des autres opérateurs métropolitains régulés. SFR considère pour sa part que la mise en œuvre des obligations tarifaires ne doit pas conduire à favoriser "injustement" Free Mobile vis-à-vis des autres opérateurs métropolitains régulés et sera "très vigilant" sur les choix de l'Autorité en la matière. De la même manière, pour l'outre-mer, Orange Caraïbe considère qu'UTS Caraïbe doit être aussi visée par la présente analyse en dehors des îles du Nord.
Comme elle l'a indiqué dans le paragraphe 1.4, l'Autorité rappelle ici que Free Mobile n'est pas actif commercialement, et qu'il est prématuré de détailler dans ce chapitre les obligations tarifaires qui pourront à terme lui être imposées. Le même raisonnement vaut pour UTS Caraïbe en dehors des îles du Nord.
VI.6. Prise en compte de l'avis de l'Autorité de la concurrence sur l'obligation de contrôle tarifaire
Sur l'obligation de contrôle tarifaire, l'Autorité de la concurrence rejoint l'ARCEP sur le maintien du rythme de diminution des charges de terminaison d'appel sur les réseaux mobiles dans son avis n° 10-A-17 en date du 29 juillet 2010 (points 37 et 38) :
"37. Comme l'Autorité l'a précisé [...] la baisse de la terminaison d'appel vocal et son orientation vers les coûts sont par ailleurs nécessaires, compte tenu des parts de marché hétérogènes entre acteurs et de l'entrée prochaine de nouveaux opérateurs, pour limiter les effets de club et permettre la généralisation sur le marché de détail d'offres d'abondance all net, c'est-à-dire sans distinction en fonction du réseau de destination des appels. S'agissant des communications fixes vers mobiles, seul un rapprochement entre les terminaisons d'appel fixe et mobile paraît de nature à inciter les opérateurs à inclure ce type d'appel en illimité au sein des offres haut débit multiservices et à transmettre ainsi aux consommateurs les baisses des tarifs de gros. Le mouvement de convergence entre activités fixe et mobile, à l'œuvre au sein du secteur des communications électroniques, appelle également un tel rapprochement.
38. L'Autorité de la concurrence est par conséquent d'avis qu'il importe de maintenir le rythme de diminution des charges terminaison d'appels sur les réseaux mobiles au titre de la régulation ex ante."
VI.7. Mise en œuvre de l'encadrement tarifaire en métropole
VI.7.1. Horizon de l'encadrement tarifaire en métropole
L'horizon de l'encadrement tarifaire fixé par la présente décision d'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile en métropole est guidé par le calendrier des travaux de mise à jour du modèle technico-économique.
L'Autorité dispose déjà de références permettant d'estimer le coût incrémental de long terme. En effet, à l'aide du modèle technico-économique ayant servi de référence pour la fixation des plafonds tarifaires de terminaison d'appel vocal mobile en métropole pour le second semestre 2010, elle a pu estimer qu'une valeur de 1,3 centime d'euro par minute constitue un majorant fiable du coût incrémental de long terme.
Toutefois, comme rappelé dans la partie V.4.3, afin de déterminer le niveau correspondant aux coûts incrémentaux de long terme de terminaison d'appel d'un opérateur efficace en métropole, l'Autorité mène actuellement des travaux de mise à jour de son modèle technico-économique et disposera donc début 2011 d'une estimation plus affinée du niveau cible de terminaison d'appel en métropole à atteindre au plus tard au 31 décembre 2012, conformément à la recommandation de la Commission européenne.
Eu égard à ce calendrier, l'Autorité retient comme horizon temporel, pour la fixation par la présente décision des plafonds tarifaires applicables, une période de six mois allant du 1er janvier au 30 juin 2011.
Sur cette période, l'Autorité estime raisonnable et proportionné de prolonger les plafonds tarifaires actuels de terminaison d'appel entrés en vigueur au 1er juillet 2010.
En effet, d'une part, le prolongement des paliers actuels est conforme au souhait exprimé par les opérateurs métropolitains de disposer d'un délai suffisant pour s'adapter à la dernière baisse des plafonds de terminaison d'appel de la fin du second cycle, qui ne portaient que sur une période de six mois, et d'attendre la révision du modèle technico-économique, ainsi que les résultats de sa mise en œuvre, pour fixer les plafonds applicables pour la suite du cycle triennal. D'autre part, dans le cas d'un maintien des niveaux actuels des tarifs de terminaison d'appel d'Orange France et SFR, les données d'interconnexion les plus récentes justifient le maintien également de l'asymétrie de Bouygues Telecom (cf. annexe C).
A des fins de prévisibilité, l'Autorité rappelle sa volonté que les plafonds de terminaison d'appel en métropole atteignent leur niveau cible au plus tard au 1er janvier 2013. La transition vers la cible préconisée par la recommandation européenne passera par la fixation pour une période commençant à partir du 1er juillet 2011 de niveaux intermédiaires, compris entre le niveau cible, défini au moyen du modèle technico-économique mis à jour, et les valeurs retenues pour le présent encadrement tarifaire.
L'Autorité précisera ultérieurement les niveaux de ces plafonds intermédiaires ainsi que la date de fin de leur validité en se fondant en particulier sur les considérations exprimées au point VI.3. Sans préjuger du niveau des plafonds de terminaison d'appel mobile métropolitains entrant en vigueur au 1er juillet 2011, il est envisagé que l'asymétrie dont bénéficie Bouygues Telecom soit à cette étape réduite, voire pouvant être supprimée, en fonction à la fois des résultats du modèle mis à jour et des données d'interconnexion les plus récentes.
VI.7.2. Discussion sur le contrôle tarifaire relatif aux blocs primaires numériques (BPN)
L'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel porte sur deux composantes : la charge d'usage, dont l'unité de mesure est la minute de communication, et une charge de capacité, dont l'unité de mesure est le nombre de BPN. L'Autorité juge nécessaire que l'encadrement tarifaire de chacune de ces composantes respecte un objectif de cohérence.
De ce fait, l'Autorité estime pertinent, raisonnable et proportionné de retenir pour le présent encadrement tarifaire un horizon temporel de six mois, du 1er janvier au 30 juin 2011. Sur cette période, l'Autorité prolonge les plafonds tarifaires des BPN valables pour les six derniers mois du second cycle de régulation.
En cohérence avec l'encadrement tarifaire de la charge d'usage, celui de la charge à la capacité (tarifs des BPN) sur la suite du troisième cycle sera fixé ultérieurement. Cet encadrement pourra faire l'objet d'évolutions sur lesquelles l'Autorité travaillera dans les prochains mois, notamment afin d'harmoniser, le cas échéant, l'approche suivie pour la terminaison d'appel fixe et la terminaison d'appel mobile.
VI.7.3. Discussion sur la distinction du tarif de terminaison d'appel mobile selon que le trafic est livré dans la même zone arrière (IZA) ou dans une zone arrière différente (EZA) de celle de l'appelant
Les opérateurs métropolitains distinguent le tarif de la terminaison d'appel selon que le point d'interconnexion auquel l'opérateur de l'appelant livre le trafic à l'opérateur de l'appelé, qui termine l'appel sur son réseau, se situe dans la même zone arrière que l'appelant ou dans une zone arrière différente. Dans le premier cas, il s'agit du tarif dit "intrazone arrière" (IZA), encadré par un plafond établi par l'Autorité ; dans le second cas, il s'agit du tarif dit "extrazone arrière" (EZA), soumis à une obligation d'orientation vers les coûts. Le tarif EZA est supérieur au tarif IZA ; en pratique, ce dernier correspond au tarif IZA augmenté d'un montant d'environ 0,35 centime d'euro par minute.
Une telle distinction est spécifique aux opérateurs métropolitains. Les opérateurs ultramarins n'adoptent pas cette pratique, tout comme la majorité des opérateurs des autres pays membres de l'Union européenne.
Selon les opérateurs métropolitains, la fixation d'un tarif EZA plus élevé que le tarif IZA incite les opérateurs à livrer leur trafic au point du réseau de l'opérateur de l'appelé le plus pertinent pour ce dernier, puisque la grande majorité des communications vocales sur réseau mobile se terminent dans la même zone arrière que celle de l'appelant.
Il est à noter toutefois que seuls les opérateurs métropolitains de réseau sont interconnectés à l'ensemble des points d'interconnexion entrante de chacun de ces trois opérateurs. Ils sont donc les seuls à bénéficier systématiquement du tarif IZA, soit le tarif le plus faible. Plus particulièrement, les appels provenant des opérateurs ultramarins ainsi que des opérateurs internationaux sont systématiquement facturés au niveau du tarif EZA par les opérateurs métropolitains de réseau.
Les autres opérateurs, lorsqu'ils ne sont pas en mesure de livrer leur trafic à un point d'interconnexion leur permettant de bénéficier du tarif IZA, ont le choix entre se voir facturer le tarif EZA ou s'adresser à un prestataire de transit, qui livre le trafic dans la même zone arrière que celle de l'appelant, leur permettant de bénéficier du tarif IZA auprès de l'opérateur de l'appelé. Si les opérateurs de réseau mobile métropolitains considèrent que le marché du transit est un marché concurrentiel, l'Autorité souligne néanmoins que seuls ces trois mêmes opérateurs disposent de la capacité à fournir une prestation de transit vers l'ensemble des opérateurs métropolitains de réseau.
En outre, cette pratique distinguant tarif IZA et tarif EZA pourrait constituer une forme de barrière à l'entrée pour un nouvel opérateur de réseau métropolitain qui, pour bénéficier de manière systématique du tarif IZA, devrait s'interconnecter à l'ensemble des points d'interconnexion entrante des opérateurs métropolitains de réseau actifs à ce jour ou avoir recours à un prestataire de transit, ce qui représente un coût non négligeable dans les deux hypothèses.
Sans préjuger de sa justification, la distinction entre tarif IZA et tarif EZA présente donc un risque de discrimination pouvant fausser la concurrence entre les opérateurs métropolitains de réseau actif à ce jour et l'ensemble des autres opérateurs, qu'il convient pour l'Autorité de prendre en compte.
Dès lors, en cohérence avec l'approche générale retenue pour la première partie du cycle d'analyse, l'Autorité choisit de prolonger sur les six premiers mois de l'année 2011 les obligations pesant jusqu'ici sur les tarifs des deux prestations (i. e. l'obligation d'orientation vers les coûts pour les deux prestations avec un encadrement tarifaire pour la seule prestation IZA). Toutefois, ce choix ne préjuge pas de ce que l'Autorité décidera pour la suite du troisième cycle, dans le cadre des décisions ultérieures fixant les plafonds tarifaires pour la terminaison d'appel mobile. Ces choix futurs seront le fruit de l'analyse que mènera l'Autorité, qui considérera notamment la possibilité d'encadrer par un plafond global les tarifs IZA et EZA.
VI.7.4. Plafonds tarifaires
Encadrement tarifaire des opérateurs Orange France et SFR
Pour l'ensemble des raisons exposées ci-avant, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à Orange France et SFR, pour la période allant du 1er janvier au 30 juin 2011, que le tarif de la terminaison d'appel "intra-ZA" de ces deux opérateurs n'excède pas 3 c€/min et que le tarif annuel d'un BPN n'excède pas 2 939 €.
Cette proposition correspond à un maintien, sur un horizon de six mois, du plafond déjà applicable à Orange France et SFR. Il intervient après une baisse de ce prix sur les six derniers mois du deuxième cycle de régulation du marché de la terminaison d'appel mobile (― 33 %).
Encadrement tarifaire de Bouygues Telecom
Pour l'ensemble des raisons exposées, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à Bouygues Telecom, pour la période allant du 1er janvier au 30 juin 2011, que le tarif de la terminaison d'appel "intra-ZA" n'excède pas 3,4 c€/min et que le tarif annuel d'un BPN n'excède pas 3 500 €.
Cette proposition correspond à un maintien, sur un horizon de six mois, du prix maximum de la terminaison d'appel mobile s'appliquant à Bouygues Telecom. Il intervient après une baisse de ce prix sur les six derniers mois du deuxième cycle de régulation du marché de la terminaison d'appel mobile (― 43 %).
Conformément à la démarche générale retenue par l'Autorité pour le présent encadrement tarifaire et en respect du principe de proportionnalité, l'Autorité juge pertinent de ne pas modifier l'asymétrie dans les tarifs de terminaison d'appel mobile dont bénéficie Bouygues Telecom.
VI.7.5. Prestations d'accès aux sites
Pour les mêmes raisons que celles évoquées en section VI.1, en cohérence avec les obligations de contrôle tarifaire envisagées pour les prestations d'acheminement du trafic de terminaison, l'Autorité estime nécessaire d'imposer, pour les prestations connexes d'accès aux sites d'interconnexion, aux trois opérateurs mobiles métropolitains une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants.
L'opérateur dispose d'un monopole sur la fourniture des prestations de colocalisation. L'Autorité considère dès lors qu'il est important que le tarif associé à ces prestations ne s'éloigne pas du niveau des coûts correspondant à cette prestation minimale d'accès et que, pour ce faire, les prix de ces prestations doivent refléter les coûts des ressources réellement utilisées.
S'agissant des autres prestations d'accès aux sites, pour lesquels il s'avérerait que seul l'opérateur mobile est à même de fournir le service le plus efficace économiquement, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur demandant l'interconnexion ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées. L'Autorité considère donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts correspondants.
Enfin, l'opérateur doit veiller à proposer des tarifs qui reflètent les coûts correspondants pour toutes les prestations à l'acte en relation avec la terminaison d'appel vocal, qu'il est le seul à pouvoir fournir.
VI.7.6. Prise en compte des commentaires des acteurs sur la mise en œuvre
du contrôle tarifaire lors de la consultation publique menée du 23 avril au 24 mai 2010
Orange France considère que la suppression de l'asymétrie dont bénéficie Bouygues Telecom constitue un enjeu majeur du troisième cycle de régulation du marché de la terminaison d'appel mobile. Plus précisément, Orange France préconise la suppression de cette asymétrie dès le début du cycle, c'est-à-dire dans le cadre du présent encadrement tarifaire.
SFR développe un raisonnement analogue et souhaite aussi que l'asymétrie de Bouygues Telecom soit supprimée dès le présent encadrement tarifaire. SFR soutient notamment que sur le deuxième cycle de régulation le transfert financier d'Orange France et de SFR, perçu par Bouygues Telecom au titre de l'asymétrie, a plus que compensé le transfert subi par ce dernier en raison de plafonds tarifaires supérieurs aux coûts incrémentaux.
Bouygues Telecom précise tout d'abord que dans une situation où les plafonds de terminaison d'appel se situent au-dessus des coûts incrémentaux, il ne doit pas y avoir de transfert indu entre opérateurs. Bouygues Telecom appelle, en outre, l'Autorité à respecter le principe de proportionnalité lors de la phase de transition vers des tarifs de terminaison d'appel au niveau des coûts incrémentaux d'un opérateur générique efficace. Selon Bouygues Telecom, le respect de ce principe est compatible avec la suppression progressive de l'asymétrie fixée pour cet opérateur. Bouygues Telecom souhaite enfin que les plafonds tarifaires établis par l'Autorité pour le troisième cycle de régulation du marché de la terminaison d'appel mobile reposent strictement sur les résultats du modèle technico-économique en métropole, dont la mise à jour est actuellement en cours.
L'Autorité tient compte des commentaires émis par Orange France et SFR dans la mesure où des plafonds de terminaison d'appel symétriques, au niveau des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace, seront établis au plus tard le 31 décembre 2012, conformément à la recommandation européenne. L'atteinte de cette cible implique néanmoins la gestion d'une phase de transition, au cours de laquelle l'Autorité s'appuie sur les résultats du modèle technico-économique mis à jour, le principe de proportionnalité, les déséquilibres structurels de trafic et les transferts financiers indus qui résultent de l'ensemble des éléments précédents, ce qui correspond aux commentaires émis par Bouygues Telecom. La gestion de cette phase de transition amène ainsi l'Autorité à prolonger sur les six premiers mois du troisième cycle les plafonds tarifaires entrés en vigueur au 1er juillet 2010. Pour ce premier palier, le niveau de l'asymétrie de Bouygues Telecom est donc maintenu. Il sera a minima réduit au cours du deuxième palier, qui prendra effet au 1er juillet 2011, et fera l'objet d'une décision ultérieure.
En outre, comme le relève le Conseil d'Etat dans sa décision du 24 juillet 2010 (34), le maintien de l'asymétrie de Bouygues Telecom vise, "pendant la période transitoire au cours de laquelle l'ensemble des plafonds fixés aux opérateurs demeurent supérieurs aux coûts incrémentaux de long terme et permettent à ces opérateurs de réaliser une marge sur la terminaison d'appel, [...] à atténuer le déficit financier résultant pour Bouygues Telecom de la combinaison de cette marge et du déséquilibre de son solde d'interconnexion avec les autres opérateurs mobiles" dans la mesure où "ce déficit est, pour une part, subi par Bouygues Telecom, du fait notamment de la nécessité pour cette société de développer des offres illimitées en direction de tous les réseaux afin de résister au développement par ses concurrents d'offres illimitées sur leur propre réseau, favorisé par la taille plus importante de leur parc". Or, selon les données d'interconnexion les plus récentes, Bouygues Telecom présente un solde d'interconnexion négatif vis-à-vis d'Orange France et SFR, qui conduit l'Autorité à maintenir l'asymétrie et dont le niveau n'induit qu'une compensation partielle du déficit de Bouygues Telecom (cf. annexe C).
Enfin, s'agissant de la pratique des opérateurs métropolitains consistant à différencier le tarif de terminaison d'appel en fonction du point de livraison de ce dernier, SFR et Bouygues Telecom considèrent chacun qu'elle est légitime et ne justifie pas d'intervention de la part de l'Autorité.
A ce sujet, l'Autorité choisit, en cohérence avec l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel, de prolonger sur les six premiers mois de l'année 2011 les obligations pesant jusqu'ici sur les tarifs IZA et EZA. Néanmoins, pour la suite du cycle, il appartiendra à l'Autorité, à la lumière des analyses qu'elle mènera, de maintenir ou bien de renforcer les obligations liées aux tarifs IZA et EZA.
VI.7.7. Prise en compte des commentaires des acteurs sur la mise en œuvre du contrôle tarifaire
lors de la consultation publique menée du 9 septembre au 11 octobre 2010
Commentaires portant sur la situation des opérateurs français dans le contexte européen
SFR et Bouygues Telecom insistent sur l'importance de la comparaison des tarifs de terminaison d'appel retenus par l'Autorité, en particulier ceux figurant dans la présente décision, aux tarifs de terminaison d'appel mobile en vigueur dans les autres Etats membres dans l'Union européenne. Cet exercice révèle, selon SFR, que les tarifs envisagés par l'Autorité se situent parmi les plus faibles dans l'Union européenne. Bouygues Telecom estime un écart entre la moyenne des tarifs de terminaison d'appel mobile en vigueur en France et la moyenne de ces tarifs dans les Etats d'Europe de l'Ouest, stable depuis 2007, d'environ 25 %. Ces deux opérateurs jugent que cet écart défavorise les opérateurs mobiles français par rapport à leurs homologues européens. En particulier, Bouygues Telecom estime qu'il provoque une distorsion concurrentielle pour l'itinérance internationale. SFR conclut à ce sujet qu'il serait "raisonnable et proportionné" que le prochain exercice d'encadrement tarifaire établisse les plafonds tarifaires en vigueur à partir du 1er juillet 2011 au niveau de la moyenne européenne à cette période.
L'Autorité rappelle que la fixation par l'ARCEP des plafonds tarifaires de terminaison d'appel s'inscrit dans le cadre de la recommandation de la Commission européenne, qui demande de réduire progressivement le niveau des plafonds fixés afin d'atteindre les coûts incrémentaux au plus tard le 31 décembre 2012. Le prolongement pour le premier semestre de l'année 2011 des plafonds en vigueur depuis le 1er juillet 2010 répond ainsi au mieux à la demande des opérateurs de disposer d'un délai suffisant pour s'adapter à la dernière baisse des plafonds de terminaison d'appel de la fin du second cycle, qui ne portaient que sur une période de six mois, et d'attendre la révision du modèle technico-économique.
En ce qui concerne les disparités de tarifs de terminaison d'appel mobile dans les Etats membres de l'Union européenne, il convient, en outre, de rappeler que la mise en œuvre de la recommandation européenne par les autorités réglementaires nationales devrait conduire à une harmonisation des niveaux de terminaison d'appel au cours de la période 2011-2013.
Commentaires portant sur le respect du principe de prévisibilité
Bouygues Telecom estime, par ailleurs, que la mise en œuvre de l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel en métropole au cours du troisième cycle souffre d'un manque de prévisibilité, dans la mesure où l'horizon temporel des premiers plafonds tarifaires est de six mois.
S'agissant de l'encadrement tarifaire décrit dans la présente décision, l'Autorité souligne que le prolongement sur le premier semestre de l'année 2011 des plafonds tarifaires en vigueur depuis le 1er juillet 2010 vise à concilier le besoin de prévisibilité pour le secteur et la nécessité de disposer du modèle technico-économique mis à jour pour la fixation des plafonds tarifaires, jugée indispensable par Bouygues Telecom dans sa réponse à la précédente consultation publique.
Commentaires portant sur la structure de tarification EZA/IZA
Orange France et SFR estiment que l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel mobile doit laisser aux opérateurs la liberté de définir la structure tarifaire, en particulier s'agissant de la distinction des tarifs de terminaison d'appel en fonction du point de livraison du trafic.
Free Mobile estime qu'il convient de s'interroger sur la pertinence d'une telle distinction, et se félicite que l'Autorité annonce la conduite de travaux à ce sujet.
Orange Caraïbe met en évidence les différences significatives entre les opérateurs de réseau métropolitains auxquelles conduit la liberté accordée à ces opérateurs dans la définition de leur structure tarifaire. Orange Caraïbe souligne ainsi que la pratique de SFR, qui définit deux tarifs s'appliquant au trafic livré en dehors de la zone arrière de l'appelant, contre un seul pour Orange France et Bouygues Telecom, conduit à ce que le tarif moyen EZA pratiqué par SFR soit supérieur à celui des deux autres opérateurs.
Comme décrit en VI.7.3, la prochaine décision, qui fixera l'encadrement tarifaire applicable à partir du 1er juillet 2011, tiendra compte des résultats de l'analyse en cours sur ce sujet.
Commentaires portant sur les niveaux d'asymétrie
Bouygues Telecom apprécie de manière contrastée l'encadrement tarifaire envisagé par l'Autorité. L'opérateur approuve le choix de l'Autorité de prolonger sur le premier semestre 2011 les tarifs en vigueur depuis le 1er juillet 2010, tout en remarquant que ces tarifs conduisent, selon lui, à des transferts financiers indus vers les opérateurs de réseau métropolitains concurrents.
L'Autorité rappelle, en réponse au commentaire de Bouygues Telecom, que le prolongement sur le premier semestre 2011 des tarifs entrés en vigueur au 1er juillet 2010 respecte le principe de proportionnalité mis en avant par Bouygues Telecom lors de la précédente consultation publique. Par ailleurs, il convient de préciser au sujet de l'asymétrie que cette dernière ne vise à réduire que partiellement le transfert financier de Bouygues Telecom vers ses deux opérateurs de réseau concurrents.
SFR renouvelle le souhait que l'asymétrie de Bouygues Telecom disparaisse dès le 1er janvier 2011. Ce commentaire avait déjà été formulé par SFR dans le cadre de la précédente consultation publique, et l'Autorité y a déjà répondu (cf. VI.7.6).
Orange France souligne pour sa part que le tarif de terminaison d'appel de Free Mobile devrait être établi au niveau de celui des autres opérateurs de réseau métropolitains. En tout état de cause, Orange France juge que dans le cas où le tarif de terminaison d'appel fixé pour Free Mobile intégrerait une asymétrie vis-à-vis des opérateurs de réseau concurrents, celle-ci ne devrait pas excéder 0,1 centime d'euro par minute.
Comme l'Autorité l'a déjà précisé, Free Mobile n'est pas visé par la présente décision, car n'étant à ce jour pas actif commercialement sur le marché de détail et sur le marché de gros de sa terminaison d'appel.
VI.7.8. Prise en compte des observations de la Commission européenne sur la mise en œuvre
du contrôle tarifaire à la suite de la notification du 9 septembre 2010
A la suite de la notification du projet de décision le 9 septembre 2010, la Commission a souhaité formuler les observations suivantes.
D'une part, "la Commission se félicite des efforts soutenus de l'ARCEP pour atteindre les objectifs fixés pour les TTM par rapport aux LRIC au plus tard le 31 décembre 2012 en France métropolitaine et dans les territoires d'outre-mer conformément à la recommandation de la Commission sur les tarifs de terminaison d'appel".
D'autre part, "[...] la Commission prend note que l'ARCEP considère proportionné de maintenir une asymétrie en faveur de Bouygues Telecom jusqu'au 30 juin 2011. [...] Dans ce contexte, la Commission demande à l'ARCEP d'envisager de fixer des TTM symétriques en France métropolitaine à partir du 1er juillet 2011".
Enfin, concernant la distinction de la tarification de la terminaison d'appel entre prestations IZA et EZA, "la Commission invite l'ARCEP à évaluer sans plus attendre le caractère potentiellement discriminatoire d'une telle distinction de tarifs".
L'Autorité prend acte des observations de la Commission concernant l'asymétrie fixée pour Bouygues Telecom et la distinction tarifaire entre prestations IZA et EZA. Elle indique à ce titre qu'elle a choisi de prolonger sur les six premiers mois de l'année 2011 les obligations pesant jusqu'ici sur les tarifs IZA et EZA, dans un souci de cohérence avec le reste de l'encadrement tarifaire proposé. L'Autorité tient à rappeler que ce choix ne préjuge pas de ce qu'elle décidera pour la suite du troisième cycle, dans le cadre des décisions ultérieures fixant les plafonds tarifaires pour la terminaison d'appel mobile. Ces choix futurs seront le fruit des analyses menées par l'Autorité, dans lesquelles elle considère notamment la possibilité d'encadrer par un plafond global les tarifs IZA et EZA (cf. section VI.7.3 ci-avant).
VI.8. Mise en œuvre de l'encadrement tarifaire outre-mer
Comme exposé dans sa décision n° 2009-0655 fixant l'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel mobile outre-mer pour l'année 2010 et au vu de la recommandation de la Commission européenne du 7 mai 2009 sur la réglementation de la terminaison d'appel fixe et mobile, l'Autorité considère qu'à terme la meilleure solution pour répondre aux objectifs concurrentiels qu'elle a identifiés dans les départements et collectivités d'outre-mer consiste à fixer des tarifs orientés vers les coûts en référence à l'approche en coûts incrémentaux de long terme, l'incrément correspondant à l'ensemble du trafic entrant d'un opérateur efficace.
Cependant, compte tenu des niveaux tarifaires actuels outre-mer, une tarification immédiate au niveau des coûts incrémentaux reviendrait à baisser de manière très significative les niveaux de terminaison d'appel mobile et à infliger une contrainte très forte sur les marchés ultramarins. En application du principe de proportionnalité, l'Autorité juge donc nécessaire de poursuivre la période de transition engagée par la décision n° 2009-0655 susvisée, permettant d'aller à un rythme raisonnable vers une tarification au niveau des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace.
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 44 du 22/02/2011 texte numéro 64
VI.8.1. Horizon de l'encadrement tarifaire outre-mer
L'horizon du présent encadrement tarifaire de la terminaison d'appel vocal mobile outre-mer est guidé par le calendrier des travaux de mise à jour du modèle technico-économique de coûts pour l'outre-mer. Ces travaux permettront d'obtenir une estimation plus fine des coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur mobile générique efficace actif outre-mer, niveau cible à atteindre au plus tard au 31 décembre 2012, conformément à la recommandation de la Commission européenne.
Ces travaux seront lancés dans le courant du premier trimestre 2011, sur la base des travaux actuellement menés sur le modèle applicable en métropole, et devraient permettre de déterminer le niveau cible de terminaison d'appel outre-mer d'ici à la fin de l'année 2011.
Cependant, l'Autorité rappelle qu'elle dispose d'ores et déjà de références permettant d'estimer le coût incrémental de long terme de la terminaison d'appel pour un opérateur générique efficace d'outre-mer. Les travaux menés en métropole et dans les autres pays européens, de même que les calculs effectués à l'aide des modèles de coûts propres à l'outre-mer calibrés en 2009, donnent des résultats cohérents et permettent d'évaluer que le coût incrémental de long terme d'une terminaison d'appel pour un opérateur générique d'outre-mer est inférieur à 2 c€/min sur la période 2011-2013.
Cette estimation de coût, qui sera affinée courant 2011, révèle d'ores et déjà que les tarifs actuels de terminaison d'appel mobile outre-mer sont très supérieurs à la cible à atteindre au plus tard au 31 décembre 2012 conformément à la recommandation européenne. Dès lors, cette première estimation de coût apparaît suffisante pour fixer, de manière proportionnée, les baisses de plafonds tarifaires de terminaison d'appel des opérateurs d'outre-mer dans la période de transition engagée vers les coûts incrémentaux de long terme.
En effet, comme présenté dans la partie 6.3, la détermination des plafonds tarifaires résulte essentiellement de la nécessité d'une proportionnalité dans les baisses successives imposées à ces opérateurs, compte tenu des niveaux élevés en vigueur à ce jour par rapport au niveau du coût incrémental de long terme à atteindre. Ce principe de proportionnalité est, en effet, un facteur plus déterminant que la nécessité de compenser partiellement des éventuels déséquilibres de trafic pour certains opérateurs.
Compte tenu de ces éléments et de la nécessité de fixer des paliers de baisse suffisamment longs pour permettre aux opérateurs d'absorber les baisses de tarifs, l'Autorité estime nécessaire, raisonnable et proportionné de fixer dans la présente décision un encadrement tarifaire de la terminaison d'appel outre-mer pour deux ans, un premier plafond s'appliquant du 1er janvier au 31 décembre 2011 puis un second plafond du 1er janvier au 31 décembre 2012.
L'Autorité adoptera ultérieurement les niveaux de terminaison d'appel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Conformément à la recommandation européenne, ces niveaux devraient correspondre aux coûts incrémentaux de long terme d'un opérateur générique efficace actif outre-mer qui résulteront du modèle de coûts mis à jour, respectivement pour chaque zone considérée.
VI.8.2. Discussion sur le contrôle tarifaire relatif
aux blocs primaires numériques (BPN)
L'encadrement tarifaire de la terminaison d'appel porte sur deux composantes éventuelles : la charge d'usage, dont l'unité de mesure est la minute de communication, et une charge de capacité, dont l'unité de mesure est le nombre de BPN.
Il convient de noter que plusieurs opérateurs ultramarins ― Outremer Telecom, Dauphin Telecom et UTS Caraïbe ― utilisent une structure tarifaire ne comportant pas de composante relative au BPN. Cette pratique est courante chez des opérateurs de taille réduite.
L'Autorité juge nécessaire que l'encadrement tarifaire de chacune de ces composantes éventuelles respecte un objectif de cohérence. De ce fait, l'Autorité estime pertinent, raisonnable et proportionné de retenir pour le présent encadrement tarifaire des éventuels BPN un horizon temporel de deux ans, du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 (cf. section VI.8.1).
L'évolution de l'encadrement des tarifs de BPN sur la suite du troisième cycle sera fixée ultérieurement, en cohérence avec l'évolution de l'encadrement tarifaire de la charge d'usage et, conformément à l'approche suivie en métropole, pourra faire l'objet d'évolutions, sur lesquelles l'Autorité travaillera dans les prochains mois, notamment afin d'harmoniser, le cas échéant, l'approche suivie pour la terminaison d'appel fixe et la terminaison d'appel mobile.
Dans l'attente des résultats de ces travaux, l'Autorité maintient la répartition des charges d'interconnexion entre composante capacitaire et composante à l'usage et continue de baisser le plafond du tarif annuel d'un BPN pour tendre en particulier vers des niveaux comparables à ceux pratiqués par France Telecom dans son offre de référence (35). Ceci est conforme à l'objectif de convergence des tarifs des BPN pratiqués par SRR, Orange Caraïbe, Orange Réunion et Digicel vers les tarifs pratiqués par les opérateurs fixes, approche suivie lors du second cycle de régulation.
VI.8.3. Plafonds tarifaires
Encadrement tarifaire des opérateurs Orange Caraïbe et SRR
Pour l'ensemble des raisons exposées précédemment, l'Autorité estime nécessaire, raisonnable et proportionné d'imposer à Orange Caraïbe et SRR l'encadrement tarifaire suivant :
― à compter du 1er janvier 2011, le prix maximal de la terminaison d'appel d'Orange Caraïbe et de SRR n'excède pas 4 c€/min et un prix annuel maximum d'un BPN de 2 500 € ;
― à compter du 1er janvier 2012, le prix maximal de la terminaison d'appel d'Orange Caraïbe et de SRR n'excède pas 2,5 c€/min et un prix annuel maximum d'un BPN de 1 500 €.
Cette évolution correspond à une baisse relative du prix maximum de terminaison d'appel vocal de 27 % en 2011 et de 38 % en 2012 pour Orange Caraïbe et SRR.
Encadrement tarifaire des opérateurs Digicel, Outremer Telecom, Orange Réunion, Dauphin,
UTS Caraïbe et Saint-Pierre et Miquelon
Digicel :
Pour l'ensemble des raisons exposées précédemment, compte tenu en particulier de l'absence de risque de distorsion concurrentielle entre Orange Caraïbe et Digicel issue du non-alignement direct des tarifs de terminaison d'appel sur les coûts incrémentaux (les trafics d'interconnexion entre les opérateurs ne présentant pas de déséquilibre en défaveur de Digicel) et compte tenu de l'asymétrie tarifaire très réduite depuis 2010 entre les deux opérateurs, l'Autorité estime nécessaire, raisonnable et proportionné d'aligner dès 2011 le tarif de terminaison d'appel de Digicel sur celui d'Orange Caraïbe.
Ainsi, l'Autorité estime nécessaire, raisonnable et proportionné d'imposer à Digicel l'encadrement tarifaire suivant :
― à compter du 1er janvier 2011, le prix maximal de la terminaison d'appel de Digicel n'excède pas 4 c€/min et un prix annuel maximum d'un BPN de 2 500 € ;
― à compter du 1er janvier 2012, le prix maximal de la terminaison d'appel de Digicel n'excède pas 2,5 c€/min et un prix annuel maximum d'un BPN de 1 500 €.
Cette évolution correspond à une baisse relative du prix maximum de terminaison d'appel de 38 % en 2011 et 2012 pour Digicel.
Orange Réunion :
Pour l'ensemble des raisons exposées précédemment, compte tenu pour Orange Réunion de la nécessité, constituant la contrainte la plus forte, de faire converger son tarif de terminaison d'appel vers les coûts incrémentaux tout en imposant des baisses proportionnées, l'Autorité estime nécessaire, raisonnable et proportionné d'imposer à Orange Réunion l'encadrement tarifaire suivant, sur l'ensemble de la zone Réunion-Mayotte :
― à compter du 1er janvier 2011, le prix maximal de la terminaison d'appel d'Orange Réunion n'excède pas 4,5 c€/min et un prix annuel maximum d'un BPN de 2 500 € ;
― à compter du 1er janvier 2012, le prix maximal de la terminaison d'appel d'Orange Réunion n'excède pas 2,8 c€/min et un prix annuel maximum d'un BPN de 1 500 €.
Cette évolution correspond à une baisse relative du prix maximum de terminaison d'appel de 36 % en 2011 et de 38 % en 2012 pour Orange Réunion.
Cet encadrement tarifaire vaut tant pour l'île de la Réunion que pour Mayotte, car il résulte essentiellement de la nécessité de proportionnalité dans les baisses imposées à Orange Réunion, ce qui constitue la contrainte la plus forte sur chacune des îles.
Outremer Telecom :
Pour l'ensemble des raisons exposées précédemment, compte tenu pour Outremer Telecom de la nécessité, constituant la contrainte la plus forte, de faire converger son tarif de terminaison d'appel vers les coûts incrémentaux tout en imposant des baisses proportionnées, l'Autorité estime nécessaire, raisonnable et proportionné d'imposer à Outremer Telecom, sur la zone Antilles-Guyane ainsi que sur la zone Réunion-Mayotte, l'encadrement tarifaire suivant :
― à compter du 1er janvier 2011, le prix maximal de la terminaison d'appel d'Outremer Telecom n'excède pas 5,5 c€/min ;
― à compter du 1er janvier 2012, le prix maximal de la terminaison d'appel d'Orange Caraïbe n'excède pas 2,8 c€/min.
Cette évolution correspond à une baisse relative du prix maximum de terminaison d'appel pour Outremer Telecom en 2011 de 39 % en Antilles-Guyane et de 50 % en zone Réunion-Mayotte puis de 49 % en 2012.
L'Autorité aligne ainsi les tarifs de terminaison d'appel vocal d'Outremer Telecom et Orange Réunion sur la zone Réunion-Mayotte au 1er janvier 2012, dans un objectif de réduction progressive des asymétries entre opérateurs.
Si Outremer Telecom décidait de modifier sa structure tarifaire pour introduire une tarification du BPN, aujourd'hui non facturée, les niveaux relatifs à cette prestation devraient être orientés vers les coûts.
Dauphin Telecom et UTS Caraïbe (à Saint-Martin et Saint-Barthélemy) :
Pour l'ensemble des raisons exposées précédemment, compte tenu pour ces opérateurs de la nécessité, constituant la contrainte la plus forte, de faire converger leur tarif de terminaison d'appel vers les coûts incrémentaux tout en imposant des baisses proportionnées, l'Autorité estime nécessaire, raisonnable et proportionné d'imposer à Dauphin Telecom et UTS Caraïbe à Saint-Martin et Saint-Barthélemy l'encadrement tarifaire suivant :
― à compter du 1er janvier 2011, le prix maximal de la terminaison d'appel de Dauphin Telecom et UTS Caraïbe n'excède pas 8 c€/min ;
― à compter du 1er janvier 2012, le prix maximal de la terminaison d'appel de Dauphin Telecom et UTS Caraïbe n'excède pas 5 c€/min.
Cette évolution correspond à une baisse relative du prix maximum de terminaison d'appel de 33 % en 2011 et de 38 % en 2012 pour Dauphin Telecom et UTS Caraïbe.
L'encadrement tarifaire ci-dessus prend notamment en compte la plus grande difficulté de ces opérateurs à absorber des baisses tarifaires importantes en valeur absolue, en raison de l'étroitesse de leur activité. En effet, la simple baisse des revenus de gros liés au trafic fixe vers mobile pèse davantage sur les petits acteurs, en proportion de l'EBIT. L'Autorité rappelle que Saint-Martin et Saint-Barthélemy constituent un marché très étroit avec une population de 40 000 habitants et un parc total mobile de l'ordre de 25 000 à 30 000 clients, représentant 1 % des clients mobiles de la zone Antilles-Guyane et 0,05 % du marché français.
Si Dauphin Telecom ou UTS Caraïbe décidaient de modifier leur structure tarifaire pour introduire une tarification du BPN, aujourd'hui non facturée, les niveaux relatifs à cette prestation devraient être orientés vers les coûts.
SPM Telecom :
A titre liminaire, l'ARCEP rappelle que le droit communautaire dérivé ne s'applique pas au territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui fait partie des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) visés à l'article 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
SPM Telecom constitue un cas unique d'opérateur intégré sur les activités de téléphonie fixe, téléphonie mobile, fournisseur d'accès à internet et de diffusion audiovisuelle par câble exerçant son activité en monopole. Le nombre d'abonnés mobiles de SPM Telecom se situe autour de 2 700 (soit 0,004 % du parc français), pour une population totale à Saint-Pierre-et-Miquelon d'environ 7 000 habitants.
Du fait de la position monopolistique de SPM Telecom, le risque d'introduire une distorsion concurrentielle du fait d'un niveau trop élevé de terminaison d'appel vocal mobile sur le marché de détail de Saint-Pierre-et-Miquelon est donc inexistant. SPM Telecom commercialise sa prestation de terminaison d'appel mobile au seul opérateur France Telecom, qui est, par ailleurs, son actionnaire majoritaire.
Le tarif de terminaison d'appel mobile de SPM Telecom n'impacte donc que la formation des prix de détail des appels à destination de ses abonnés mobiles et en provenance d'autres territoires (métropole, outre-mer, international). Or, ces appels représentent des volumes extrêmement réduits compte tenu de l'étroitesse du parc.
Compte tenu de ces particularités, l'Autorité n'entend pas préciser par un encadrement tarifaire l'obligation d'orientation vers les coûts imposée à SPM Telecom sur la prestation de terminaison d'appel vocal sur son réseau et sur la facturation des BPN et engagera ultérieurement des discussions approfondies avec cet opérateur, comme par le passé.
L'ARCEP peut néanmoins être saisie en règlement de différend en cas de désaccord sur le tarif de terminaison d'appel vocal pratiqué par SPM Telecom au regard de son obligation d'orientation vers les coûts incrémentaux de long terme. Au titre de cette obligation, SPM Telecom devra être en mesure de justifier son tarif au regard des coûts sous-jacents.
VI.8.4. Prestations d'accès aux sites
Pour les mêmes raisons que celles évoquées en section 6.1, en cohérence avec les obligations de contrôle tarifaire envisagées pour les prestations d'acheminement du trafic de terminaison, l'Autorité estime nécessaire d'imposer aux opérateurs mobiles ultramarins, pour les prestations connexes d'accès aux sites d'interconnexion, une obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants.
L'opérateur dispose d'un monopole sur la fourniture des prestations de colocalisation. L'Autorité considère dès lors qu'il est important que le tarif associé à ces prestations ne s'éloigne pas du niveau des coûts correspondant à cette prestation minimale d'accès et que, pour ce faire, les prix de ces prestations doivent reflètent les coûts des ressources réellement utilisées.
S'agissant des autres prestations d'accès aux sites, pour lesquels il s'avérerait que seul l'opérateur mobile est à même de fournir le service le plus efficace économiquement, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur demandant l'interconnexion ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées. L'Autorité considère donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts correspondants.
Enfin, l'opérateur doit veiller à proposer des tarifs qui reflètent les coûts correspondants pour toutes les prestations à l'acte en relation avec la terminaison d'appel vocal, qu'il est le seul à pouvoir fournir.
VI.8.5. Prise en compte des commentaires des acteurs sur la mise en œuvre du contrôle tarifaire
lors de la consultation publique menée du 9 septembre au 11 octobre 2010
Commentaires sur les niveaux et les asymétries
Orange Caraïbe estime que l'alignement des tarifs de terminaison d'appel de Digicel et d'Orange Caraïbe est une mesure raisonnable et proportionnée, mais déplore néanmoins que cette symétrie n'ait pas été retenue pour Outremer Telecom, même si son asymétrie a été fortement réduite.
A l'inverse, Digicel estime que le niveau proposé tient insuffisamment compte des spécificités du marché Antilles-Guyane et qu'il aurait été nécessaire de maintenir une asymétrie à son égard par rapport à Orange Caraïbe compte tenu de la différence de part de marché (notamment sur les offres forfaits et entreprises).
Au regard des données d'interconnexion les plus récentes fournies par les opérateurs et des niveaux actuels, l'Autorité estime que le maintien d'une asymétrie pour Digicel au-delà de 2010 ne serait pas justifiée, tant au regard d'éventuels déséquilibres de trafic que du principe de proportionnalité.
Commentaires sur l'absence de régulation d'UTS Caraïbe en dehors de Saint-Martin et Saint-Barthélemy
En outre, Orange Caraïbe souscrit au fait que la terminaison d'appel d'UTS Caraïbe, en dehors des îles du Nord, ne soit régulée qu'au moment où le service sera commercialement ouvert, mais indique, par ailleurs, que depuis le 1er octobre 2009 l'offre de transit commuté de France Telecom fait apparaître un tarif de terminaison d'appel pour UTS (Martinique, Guadeloupe, Guyane) de 25,9 c€/min.
L'Autorité rappelle qu'elle a l'intention de se livrer à l'analyse des nouveaux marchés éventuels dès qu'une telle analyse se révélera nécessaire et qu'elle restera vigilante sur les niveaux tarifaires demandés par les acteurs concernés.
Commentaire sur l'absence de distinction entre la Réunion et Mayotte
Orange Réunion estime qu'en fixant des plafonds identiques à La Réunion et à Mayotte pour Orange Réunion et Outremer Telecom, l'Autorité n'a pas pris en compte la situation concurrentielle spécifique à chaque zone.
L'Autorité rappelle que les niveaux de terminaison d'appel devront être aux coûts incrémentaux de long terme au plus tard le 1er janvier 2013. Ainsi, les plafonds proposés sont principalement le reflet de l'objectif d'orientation vers les coûts et du principe de proportionnalité. De ce fait, l'Autorité a jugé pertinent qu'en partant de niveaux identiques à La Réunion et à Mayotte les plafonds restent à des niveaux identiques sur les deux îles, quand bien même les situations concurrentielles peuvent présenter des différences.
VI.8.6. Prise en compte des commentaires de la Commission européenne sur la mise en œuvre
du contrôle tarifaire à la suite de la notification du 9 septembre 2010
Dans ses commentaires, la Commission européenne "demande à l'ARCEP de garantir des plafonds de terminaison d'appel symétriques autant que possible dans les territoires d'outre-mer avant la mi-2012".
L'Autorité prend bonne note du commentaire de la Commission européenne et s'efforcera de faire converger les plafonds tarifaires de l'ensemble des acteurs vers les coûts le plus rapidement possible. Elle juge cependant pertinent et proportionné, au regard des éléments rappelés ci-dessus, de maintenir les niveaux tarifaires proposés jusqu'à la fin de l'année 2012.
L'Autorité rappelle à cet égard qu'UTS Caraïbe et Dauphin Telecom en particulier sont des opérateurs qui évoluent uniquement sur les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Il s'agit d'opérateurs de très petite taille, avec des ressources financières non comparables à celles de leurs concurrents, et dont les niveaux de terminaison d'appel sont aujourd'hui encore élevés (12 c€/min au 1er janvier 2010). Comme l'a rappelé UTS Caraïbe ci-dessus, les plafonds tarifaires fixés sont très structurants dans leurs plans d'affaires respectifs.
Par ces motifs, décide :
Définition des marchés pertinents de gros
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