Vu les observations en défense, enregistrées le 3 mai 2010, présentées par la société Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par son secrétaire général et directeur juridique, M. Alain TCHERNONOG, et ayant pour avocats, Me Emmanuel GUILLAUME et Me Simon DABOUSSY, cabinet BAKER & McKENZIE SCP, 1, rue Paul-Baudry, 75008 Paris.
La société EDF affirme que la société JUWI ne justifie pas d'un « mandat l'habilitant à saisir le CORDIS d'un différend qui oppose, en droit, la SNC PV L'Espérance au gestionnaire de réseau public de distribution en Guadeloupe ».
Elle indique que, « sous réserve de quelques aménagements », la société EDF applique dans les régions insulaires, pour le raccordement des installations de production d'électricité aux réseaux HTA et BT, l'ensemble du référentiel technique de la société ERDF.
La société EDF soutient que « lorsque la réalisation d'une installation de production ne nécessite pas d'autorisation d'urbanisme, il appartient au producteur de remettre au gestionnaire du réseau de distribution une copie du récépissé de déclaration d'exploitation ou une copie de l'autorisation d'exploitation ».
Elle indique que, avant l'entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009, les « centrales photovoltaïques au sol n'étaient pas soumises à permis de construire ou à déclaration préalable au titre du code de l'urbanisme [...] dès lors que leur hauteur au-dessus du sol était inférieure à douze mètres et qu'elles n'avaient pas pour effet de créer de surface de plancher ». Elle soutient avoir en conséquence « toujours exigé des producteurs ou de leur mandataire, pour ce type d'installations, qu'ils fournissent une copie du récépissé de déclaration d'exploitation ou une copie de l'autorisation d'exploitation pour que leur projet de centrale photovoltaïque au sol puisse entrer en file d'attente ». Elle soutient que cette « situation juridique [était] clairement connue de tous » et indique en avoir informé la société JUWI et n'avoir « pas varié dans sa position ». Dans ces conditions, elle estime avoir « fait une application conforme à la procédure de traitement des demandes de raccordement » s'agissant du projet de la requérante.
La société EDF soutient que le « poste de raccordement ne fait pas partie de l'installation de production » et conteste, donc, que le document d'urbanisme autorisant sa construction permette d'entrer en file d'attente. Elle indique qu'en l'absence de document d'urbanisme, ce sont les « documents délivrés en application du décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000 qui doivent être adressés à EDF-SEI ».
Elle considère que l'interprétation de la procédure de traitement des demandes de raccordement « retenue par l'une des agences régionales d'ERDF [...] n'engage pas EDF-SEI et inversement » et en conclut que la requérante ne peut se prévaloir de la position d'ERDF pour des projets situés en métropole continentale.
De même, la société EDF considère que la demande de documents d'urbanisme dans le cadre de l'obtention de l'autorisation d'exploiter « ne saurait en rien démontrer qu'EDF-SEI aurait dû faire entrer le projet Espérance de Saint-François en file d'attente à compter de la réception du document d'urbanisme que lui a transmis la société JUWI ».
La société EDF réfute la lecture que la société JUWI fait de l'article 9 du décret du 19 novembre 2009. Elle estime que ces dispositions ne visent pas des installations de production photovoltaïque soumises précédemment aux règles d'urbanisme, mais « permet d'exonérer de cette nouvelle réglementation des projets relativement avancés à [sa] date d'entrée en vigueur ».
Elle indique que l'entrée en file d'attente de trois projets photovoltaïques, La Gavaudière, Mon Repos et Grand Café, de la société JUWI sur le fondement de documents d'urbanisme « relève d'une erreur [de ses] services ».
La société EDF estime infondée la demande de JUWI de lui communiquer la situation de la file d'attente hors prise en compte des projets entrés sur le fondement du titre d'exploitation, dans la mesure où l'autorisation d'exploiter permettait l'entrée en file d'attente pour les projets photovoltaïques au sol.
Elle considère que le coût et le délai de raccordement annoncés dans la proposition technique et financière communiquée à la société JUWI résultent de la solution de raccordement de référence qui é été définie lors de l'étude de raccordement. En particulier, pour ce qui concerne les travaux d'adaptation du tronçon HTA de 1 750 mètres, l'étude de raccordement « démontre sans ambiguïté qu'avant raccordement de l'installation de production, le tronçon n'est pas en contrainte (238 A pour 284 A) et qu'après raccordement, le tronçon passe en contrainte de transit (298 A pour 284 A) ».
La société EDF indique que l'éventualité de limitations d'injection dépend de la réalisation d'autres projets en file d'attente de raccordement. Dans ces conditions, elle estime ne pas pouvoir « anticiper les développements nécessaires à la levée de contraintes potentielles HTB, dans la mesure où seule une partie de ces projets se concrétisera ». Elle considère que l'apurement à venir de la file d'attente et l'élaboration des schémas régionaux des énergies renouvelables instaurés par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement font porter des « incertitudes trop nombreuses pour que le gestionnaire du réseau de distribution envisage un renforcement du réseau HTB ».
Elle affirme ne pas être « en mesure de renseigner davantage la société exposante [sur le délai de renforcement du réseau HTB] dans la mesure où la nature des mesures de renforcement ne peut pas encore être déterminée en raison des très fortes incertitudes qui pèsent sur le développement des énergies renouvelables dans le secteur concerné ».
La société EDF affirme n'être pas non plus en mesure de transmettre à la société JUWI d'évaluation des heures d'effacement ni, par voie de conséquence, d'études de scénarios alternatifs de raccordement mettant en œuvre, notamment, des automates de délestage.
Elle ajoute qu'elle « ne saurait être tenu[e] d'indemniser les producteurs raccordés à son réseau en raison des indisponibilités liées au seuil de 30 % ».
La société EDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de rejeter la demande de la société JUWI comme non fondée.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 18 mai 2010, présentées par la société JUWI.
La société JUWI indique qu'en application de l'article L. 210-6 du code de commerce, les fondateurs de la SNC PV L'Espérance sont « légalement admis à former tous actes au nom et pour compte » de cette société en cours de constitution.
Elle soutient qu'un projet de centrale photovoltaïque au sol comprend plusieurs constructions et ouvrages qui ne peuvent être dissociés et nécessairement des panneaux solaires et des postes électriques, ces derniers étant soumis à une formalité d'urbanisme.
La société JUWI indique que les postes électriques nécessaires à la production d'électricité et à son injection sur le réseau sont indissociables des panneaux solaires.
Elle soutient que la société EDF n'a jamais demandé, pour son projet photovoltaïque, la production d'une copie de la déclaration préalable et que le recours déposé a été rejeté par le tribunal administratif par ordonnance en date du 25 août 2009.
La société JUWI persiste dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 28 mai 2010, présentées par la société EDF.
La société EDF soutient que la société JUWI n'apporte pas la preuve que la SNC PV L'Espérance serait en cours de constitution ni qu'elle en serait l'un des « fondateurs ».
Elle indique que les « centrales photovoltaïques au sol n'étaient pas visées par le code de l'urbanisme avant l'entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009 » et que la requérante « n'apporte aucun argument juridique » au soutien de la définition qu'elle défend de l'installation de production.
La société EDF soutient que la « procédure de traitement en cause » s'applique exclusivement aux installations de production d'électricité. Or, EDF considère que le poste de raccordement « n'est pas un composant de l'installation de production d'électricité » et qu'il s'agit d'« un ouvrage de raccordement » qui n'est pas nécessaire pour produire de l'électricité. EDF en déduit que le projet porté par la société JUWI ne pouvait pas être placé en file d'attente de raccordement à la réception du récépissé de dépôt de déclaration préalable qui concernait le poste de raccordement.
Elle indique que le « projet porté par la société JUWI ne saurait en tout état de cause prétendre entrer en file d'attente sur le fondement du récépissé de dépôt de déclaration préalable » dès lors que l'article 4.9 de la procédure de traitement alors en vigueur demandait pour l'entrée en file d'attente des installations soumises à déclaration de travaux la transmission d'une copie de cette déclaration.
La société EDF persiste, en conséquence, dans ses précédentes conclusions.
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Vu la mesure d'instruction du 31 mai 2010 par laquelle le rapporteur, chargé de l'instruction du dossier, a demandé à la société JUWI de lui communiquer un extrait de K bis de la société en relation avec Electricité de France lors de la demande d'étude de faisabilité, puis d'étude détaillée en 2008 et, sil ne s'agit pas de la même société, un extrait K bis de la société ayant introduit la demande de règlement du différend, d'une part, et la copie de la déclaration de travaux relative aux ouvrages électriques pour le projet d'installation photovoltaïque de Saint-François, d'autre part ;
Vu la lettre, enregistrée le 2 juin 2010, par laquelle la société JUWI a communiqué un extrait K bis la concernant, la copie de déclaration de travaux faite le 28 septembre 2008 et la copie d'un procès-verbal d'huissier en date du 24 mars 2009, constatant l'affichage de la déclaration de travaux.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, notamment son article 38 ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 15 avril 2010 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 02-38-10 ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme ;
Vu le décret n° 2007-1280 du 28 août 2007 relatif à la consistance des ouvrages de branchement et d'extension des raccordements aux réseaux publics d'électricité ;
Vu l'arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'électricité en basse tension ou en moyenne tension d'une installation de production d'énergie électrique ;
Vu la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 11 juin 2009, portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en œuvre.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 4 juin 2010, en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
Mme Christine LE BIHAN-GRAF, directeur général, M. Olivier BEATRIX, directeur juridique ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur et M. Mathieu CACCIALI et M. Nicolas STAKOWSKI, rapporteurs adjoints ;
Le représentant de la société JUWI, maître Paul ELFASSI ;
Les représentants de la société EDF, assistés de Me Emmanuel GUILLAUME et de Me Simon DABOUSSY.
Après avoir entendu :
― les rapports de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Paul ELFASSI, pour la société JUWI : la société JUWI persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Emmanuel GUILLAUME, pour la société EDF ; la société EDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 4 juin 2010, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés.
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Les faits :
Il ressort des pièces du dossier que la société JUWI développe, pour le compte de la SNC PV l'Espérance un projet de centrale photovoltaïque au sol, pour une puissance de production installée de 2,085 MW, situé sur le territoire de la commune de Saint-François (Guadeloupe). Electricité de France (EDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 20 mai 2008, la société JUWI a demandé à la direction des systèmes énergétiques insulaires (SEI) de la société EDF des études de faisabilité pour le raccordement au réseau public de distribution d'électricité de trois projets photovoltaïques, d'une puissance unitaire de 1 MW, 2 MW et 3 MW.
Le 2 juillet 2008, la société EDF a communiqué à la société JUWI les résultats des études de faisabilité. L'étude pour le raccordement d'un site de production d'une puissance de 1,5 MW mentionnait une puissance cumulée en file d'attente de 0,138 MW et ne faisait apparaître aucune contrainte sur le réseau HTB.
Le 11 décembre 2008, la société JUWI a demandé à la société EDF une étude détaillée pour le raccordement de son projet au réseau public de distribution d'électricité, pour une puissance de 2,085 MW.
Un « récépissé de dépôt d'une déclaration préalable à des travaux ou aménagements non soumis à permis » délivré par la mairie de Saint-François était joint à cette demande.
Le 18 décembre 2008, la société EDF a accusé réception de cette demande d'étude et a indiqué que le projet ne pouvait être « enregistré dans la file d'attente » dès lors que manquait le courrier de la direction de la demande et des marchés énergétiques (DIDEME) accusant réception de la demande de l'autorisation d'exploiter.
Le 13 janvier 2009, la société JUWI a demandé à la société EDF une proposition technique et financière, en lieu et place de l'étude détaillée, pour son projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune de Saint-François. Cette demande était accompagnée du récépissé de la déclaration relatif à l'autorisation d'exploiter délivrée par la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Le 29 janvier 2009, la société EDF a accusé réception de cette demande.
Le 13 mai 2009, la société JUWI a transmis une nouvelle fois à la société EDF le « récépissé de dépôt d'une déclaration préalable à des travaux ou aménagements non soumis à permis » accompagné d'un certificat de non-recours délivré par le tribunal administratif de Basse-Terre.
Le 19 mai 2009, la société EDF a communiqué à la société JUWI une proposition technique et financière pour le raccordement du projet photovoltaïque « Centrale PV de L'Espérance » sur le réseau public de distribution par une liaison souterraine en HTA de 1 800 mètres, raccordée sur le départ « Desvarieux » du poste source « Saint-François ».
Cette proposition technique et financière évalue le montant des travaux de raccordement à 307 314,66 € HT et prévoit une durée de dix mois pour leur réalisation. La société EDF a indiqué :
― que le renforcement de 1 750 mètres de réseau souterrain existant en HTA était nécessaire ;
― que des limitations de production, estimées de façon « déterministe », à environ 900 heures par an étaient nécessaires pour ne pas dépasser le seuil de 30 % prévu à l'article 22 de l'arrêté du 23 avril 2008 (1) ;
― que des travaux de renforcement du réseau 63 kV étaient indispensables pour que l'installation de production puisse fonctionner à tout moment à sa puissance maximale ;
― que la puissance cumulée des projets existants dans la file d'attente était de 29,393 MW.
Le 20 août 2009, la société JUWI a signé, avec réserves, la proposition technique et financière transmise par la société EDF et a versé l'acompte demandé, le 19 mai 2009. Dans ses réserves, elle indique que le « revirement de doctrine opéré par EDF [...] quant au titre nécessaire à l'entrée dans la file d'attente des projets photovoltaïques [...] l'a conduite à retarder sa demande de PTF et, par suite, le raccordement de son projet au réseau », qu'en conséquence « elle doit supporter des coûts et des délais importants qui lui paraissent [...] injustifiés » et demande « que lui soient communiqués un certain nombre d'éléments indispensables à l'appréciation de la solution de raccordement objet de la PTF ».
Le 21 septembre 2009, la société EDF a indiqué à la société JUWI que les installations de production photovoltaïques au sol n'étaient pas soumises à l'obtention d'un titre d'urbanisme et qu'elle avait appliqué les principes de l'article 4.9 de la procédure de traitement des demandes de raccordement.
Le 27 janvier 2010, la société EDF a demandé à la société JUWI la fourniture du document d'urbanisme pour les installations de production relatives à six projets photovoltaïques, dont celui de la SNC PV L'Espérance, conformément à l'avenant à la procédure de traitement des demandes de raccordement modifié à la suite de l'entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009.
Estimant que la solution de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'était pas satisfaisante, la société JUWI a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société EDF.
(1) Lorsque la somme des puissances injectées par les installations de production éoliennes et photovoltaïques dépassera 30 % de la puissance active transitant sur le réseau.
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