JORF n°0074 du 28 mars 2013

Décision du 6 février 2013

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 3 août 2012 sous le numéro 23-38-12, présentée, d'une part, par la société Sun Agri 1, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Cayenne sous le numéro 518 606 728, dont le siège social est situé Pk 34, route nationale 1, Savane Césarée, 97355 Macouria-Tonate, représentée par son gérant, M. Xavier LORIGNY, et, d'autre part, par la société Rev'Solaire, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Orléans sous le numéro 507 476 539, dont le siège social est situé 19, rue Bernard-Palissy, 45140 Saint-Jean-de-la-Ruelle, représentée par son président, M. Xavier LORIGNY, ayant pour avocat Me Benoît COUSSY, 4, rue de la Tour-des-Dames, 75009 Paris.

Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui les oppose à la société Electricité de France (ci-après désignée « EDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité de dix-neuf projets de centrale photovoltaïque.

Il ressort des pièces du dossier que la société Sun Agri 1 développe dix-neuf projets de centrale photovoltaïque, d'une puissance unitaire de production installée de 36 kVA, dénommé :

« Exploitation agricole de Mme Valérie LEIGNEL », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« SCEA Les Etoiles », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« SCEA Crique des Pères », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« Exploitation agricole de Mme Gabrielle NICOLAS », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« EARL Le Papayer », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« Exploitation agricole de M. Rodrigue ANTOINETTE », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« Exploitation agricole de M. Jean-Sébastien EUDE », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« Exploitation agricole de Mme Nathalie Le LIONNAIS », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« Ecuries de Fort Diamant », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« La Clé des Champs », sur le territoire de la commune de Macouria (Guyane) ;

« Maillet Forestal », sur le territoire de la commune de Montsinéry (Guyane) ;

« Exploitation agricole de Mme Chloée MAGNORE », sur le territoire de la commune de Montsinéry (Guyane) ;

« SCEA Benth », sur le territoire de la commune de Mana (Guyane) ;

« Exploitation agricole de M. Eric BENTH », sur le territoire de la commune de Mana (Guyane) ;

« Exploitation agricole de M. Serge CYRILLE », sur le territoire de la commune de Mana (Guyane) ;

« Exploitation agricole de M. Tobie SIONG », sur le territoire de la commune de Mana (Guyane) ;

« EARL Le Papayer », sur le territoire de la commune de Matoury (Guyane) ;

« Exploitation agricole de Mme Joana MENDES RAPOSO », sur le territoire de la commune de Sinnamary (Guyane) ;

« Entreprise MAILLET Odile », sur le territoire de la commune de Kourou (Guyane).

La société EDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de ces communes.

Le 29 novembre 2009, la société Sun Agri 1 a adressé des demandes de raccordement auprès de la société EDF pour les dix-neuf projets de centrale photovoltaïque.

Le 4 novembre 2010, la société Sun Agri 1 a signé les conditions particulières des contrats de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) pour les dix-neuf installations de production d'électricité.

Le 29 novembre 2010, la société Sun Agri 1 a communiqué à la société EDF un chèque d'acompte de 25 % pour le raccordement des installations de production.

Par un courrier du 8 février 2011, la société Sun Agri 1 a indiqué à la société EDF que le délai de raccordement des installations de production était fixé au 4 mai 2012 et que les conditions d'achat de l'électricité produite étaient fixées par le tarif « S06 » de l'arrêté du 10 juillet 2006. La société EDF a approuvé ce courrier, le 17 février 2011.

Des attestations de conformité aux prescriptions de sécurité en vigueur ont été visées par le Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (ci-après désigné le « Consuel ») pour les dix-neuf installations de production :

― le 19 avril 2012, pour les installations de production « Exploitation agricole de Mme Valérie LEIGNEL », « SCEA Crique des Pères », « Exploitation agricole de Mme Gabrielle NICOLAS » et « Exploitation agricole de Mme Nathalie Le LIONNAIS » ;

― le 9 mai 2012, pour les installations de production « Exploitation agricole de M. Rodrigue ANTOINETTE », « Exploitation agricole de M. Jean-Sébastien EUDE », « La Clé des Champs », « Maillet Forestal », « Exploitation agricole de Mme Chloée MAGNORE », « SCEA Benth », « Exploitation agricole de M. Eric BENTH », « Exploitation agricole de Mme Joana MENDES RAPOSO » et « Entreprise MAILLET Odile » ;

― le 15 mai 2012, pour les installations de production « Exploitation agricole de M. Tobie SIONG » et « EARL Le Papayer » commune de Matoury ;

― le 21 mai 2012, pour les installations de production « SCEA Les Etoiles », « EARL Le Papayer » commune de Macouria, « Ecuries de Fort Diamant » et « Exploitation agricole de M. Serge CYRILLE ».

Le 28 juin 2012, le Consuel a indiqué à la société EDF qu'il était nécessaire de fournir de nouvelles attestations de conformité, car les installations de production n'étaient pas réalisées à 100 % comme indiqué dans un précédent courrier par la société EDF.

Le 5 juillet 2012, la société EDF a indiqué à la société Rev'Solaire, agissant pour le compte de la société Sun Agri 1, que les installations de production ne pouvaient plus bénéficier de l'obligation d'achat, puisqu'elles n'avaient pas pu être mises en service, ni achevées, dans les délais définis par l'article 4 du décret du 9 décembre 2010.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution des dix-neuf installations de production n'étaient pas satisfaisantes, les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui les oppose à la société EDF.

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Dans ses observations, les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire soutiennent que le comité de règlement des différends est compétent, le différend ne portant pas sur les tarifs de rachat, mais sur une difficulté liée au raccordement au réseau public de distribution d'électricité.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire indiquent que les dix-neuf demandes de raccordement ont toutes été qualifiées, car jugées complètes par la société EDF. Elles soutiennent que la société EDF indique avoir reconnu, dans un courrier contresigné en date du 17 mars 2011, que les dix-neuf contrats de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) avaient été signés le 2 novembre 2010 et réceptionnés le 29 novembre 2010 avec le chèque d'acompte correspondant.
Elles soutiennent que si les dix-neuf installations de production ne sont pas en service, c'est du fait exclusif de la société EDF qui n'a pas fait le nécessaire pour procéder aux extensions et renforcement des réseaux électriques.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire considèrent que le décret du 9 décembre 2010, d'une part, ne saurait s'appliquer à une demande de CRAE qui, de par sa nature, échappe aux dispositions du moratoire et, d'autre part, n'édicte pas de suspension d'exécution des contrats de raccordement que sont les CRAE, contrairement à ce que sous-entend la société EDF dans son courrier du 5 juillet 2012.
Elles indiquent que les dispositions de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 ne sont pas opposables au producteur qui a notifié à la société EDF les dix-neuf CRAE signés ainsi que le chèque d'acompte avant l'entrée en vigueur, le 10 décembre 2010, de ce même décret.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire considèrent que la société EDF ne peut valablement invoquer le décret du 9 décembre 2010 pour refuser d'exécuter les dix-neuf CRAE acceptés.
Elles soutiennent que le délai de dix-huit mois prévu par l'article 4 du décret du 9 décembre 2010 n'a effectivement jamais couru et que la procédure devant le comité de règlement des différends suspend le cours d'un éventuel délai.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire sollicitent que le délai qui serait imparti à la société EDF pour exécuter les travaux nécessaires au raccordement des installations de production, et aux sociétés requérantes pour mettre en service ces installations, soit fixé en tenant compte, d'une part, du délai raisonnable pour raccorder une installation de production et, d'autre part, de la durée de la procédure devant le comité de céans.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
― de dire les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire recevables en leur demande ;
― d'ordonner à la société EDF d'exécuter les contrats de raccordement passés avec la société Sun Agri 1 ;
― de fixer le délai imparti à la société EDF pour exécuter les travaux nécessaires aux raccordements des dix-neuf installations de production de la société Sun Agri 1 ;
― de fixer le délai imparti à la société EDF pour mettre en service ces installations de production.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 14 septembre 2012, présentées par la société Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par son directeur juridique France, M. Oliviers SACHS, ayant pour avocats Me Emmanuel GUILLAUME et Me Simon DABOUSSY, cabinet Baker & McKenzie, 1, rue Paul-Baudry, 75008 Paris.
La société EDF considère que les projets de la société Sun Agri 1 rentraient dans le champ de l'exception de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 à sa date d'entrée en vigueur mais qu'elle en a ensuite perdu le bénéfice en n'achevant pas ses installations de production dans les délais impartis par la réglementation, comme cela ressort du courrier en date du 28 juin 2012 du Consuel.
Elle soutient qu'il appartenait à la société Sun Agri 1 d'achever ses installations de production dans les dix-huit mois suivant la signature des CRAE, soit avant le 4 mai 2012, pour échapper à la suspension de l'obligation d'achat prévue par l'article 1er du décret du 9 décembre 2010.
La société EDF indique que si elle doit avoir raccordé une installation de production au réseau public pour qu'elle puisse être mise en service, le gestionnaire du réseau n'intervient aucunement à l'opération de construction de l'installation de production, dont l'achèvement dans le délai imparti relève de la seule responsabilité du producteur.
Elle considère que, lorsque qu'elle adresse une proposition de CRAE à un producteur, elle formule bien une proposition technique et financière de raccordement, au sens de l'article 3 du décret du 9 décembre 2010.
La société EDF soutient que les projets de la société Sun Agri 1 ont perdu le bénéfice de la dérogation à la suspension prévue par le décret du 9 décembre 2010, du fait de son manque de diligence à achever ses installations de production dans le délai maximum prescrit de dix-huit mois.
Elle indique que les conventions de raccordement ne sont que l'accessoire nécessaire et préalable des contrats d'obligation d'achat et, en l'absence de ces derniers, elles deviennent sans objet. Elle considère, donc, que les conventions de raccordement demandées par la société Sun Agri 1 sont devenues sans objet dans la mesure où les projets en cause ne bénéficient plus du bénéfice de l'obligation d'achat et où, de plus, l'article 5 du décret du 9 décembre 2010 impose au producteur de faire une nouvelle demande de raccordement.
La société EDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter la demande des sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 2 octobre 2012, présentées par les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire soutiennent que le courrier du Consuel, en date du 28 juin 2012, est contestable, qu'il doit être écarté des débats et que les attestations de conformité validées par le Consuel font foi. Elles soutiennent, notamment, qu'aucun contrôle sur site n'a été effectué par le Consuel dans le délai de vingt jours à compter de la réception du dossier complet par la délégation régionale et que ce courrier ne vise aucunement les dix-neuf installations de production concernées par le présent différend.
Elles considèrent que le décret du 9 décembre 2010 n'édicte pas de suspension d'exécution des contrats de raccordement, contrairement à ce que prétend la société EDF. Elles indiquent que les CRAE qui sont consécutifs aux propositions de raccordement sont de véritables contrats et non de simple propositions de raccordement. Elles en déduisent, donc, que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne sont pas opposables au producteur qui a notifié à la société EDF les CRAE signés avec le chèque d'acompte, avant l'entrée en vigueur de ce décret.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire soutiennent que, s'il est vrai que l'éligibilité à un tarif d'achat dépend parfois de la complétude du dossier de raccordement, pour autant, le contrat de raccordement ne dépend jamais du contrat d'achat. Elles ajoutent qu'un producteur peut très bien obtenir un contrat de raccordement sans obligation d'achat et revendre l'électricité produite sur le marché de l'électricité.
Elles considèrent que la validité des dix-neuf CRAE est incontestable et que toute tentative d'interpréter le décret du 9 décembre 2010 comme fondement pour ne pas les exécuter devra être systématiquement écartée.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire persistent donc de plus fort dans leurs précédentes conclusions.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 23 octobre 2012, présentées par la société EDF.
La société EDF indique, en premier lieu, que l'indépendance et l'impartialité du Consuel, association reconnue comme établissement d'utilité publique par le décret du 29 septembre 2004, ne sauraient être mises en cause.
Elle soutient, donc, qu'il résulte des informations transmises par le Consuel, le 28 juin 2012, que les installations de la société Sun Agri 1, à la date du 4 mai 2012, n'étaient pas achevées dans les délais impartis par le décret moratoire du 9 décembre 2010.
La société EDF considère que les contrats de raccordement sont toujours intrinsèquement liés aux contrats d'achat, en ce qu'ils constituent un préalable nécessaire et indispensable au bénéfice de l'obligation d'achat. Elle en déduit que les conventions de raccordement étant devenues sans objet dans la mesure où les projets ne bénéficient plus de l'obligation d'achat, elles ne sauraient être exécutées.
Elle indique que, si l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 ne s'applique pas aux sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire, le moratoire s'imposait à elles et il appartient à ces sociétés de déposer de nouvelles demandes complètes de raccordement pour bénéficier de l'obligation d'achat conformément à l'article 5 de ce décret.
La société EDF persiste donc dans ses précédentes conclusions.

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Vu les observations en triplique, enregistrées le 21 novembre 2012, présentées par les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire estiment que si la demande faite par la société EDF à la délégation régionale du Consuel s'analyse comme une réclamation, celle-ci doit être régulièrement écartée par le Consuel, car seul l'utilisateur ou le maître d'ouvrage peut introduire une réclamation.
Elles indiquent que, dès lors que la société EDF n'entre ni dans la catégorie de l'utilisateur ni celle de maître d'ouvrage, la société EDF est irrecevable à faire des réclamations auprès du Consuel.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire soutiennent que la réponse apportée par le Consuel à la société EDF n'a aucune incidence sur les attestations de conformité délivrées.
Elles demandent que le courrier du Consuel, en date du 28 juin 2012, produit par la société EDF soit écarté en ce qu'il contient trop d'imprécisions et trop de contradictions pour être valablement retenu.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire considèrent que l'indivisibilité des contrats de raccordement et d'achat ne porte que sur la formation du contrat d'achat qui nait, depuis le 12 janvier 2010, à l'occasion de la demande complète du contrat de raccordement et non de l'exécution dudit contrat de raccordement qui, quoi qu'il en soit, est autonome et doit être exécuté.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire persistent donc dans leurs précédentes conclusions.

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Vu les observations complémentaires, enregistrées le 27 décembre 2012, présentées par la société EDF.
La société EDF soutient qu'au regard du courrier du Consuel, en date du 28 juin 2012, les installations de production, non réalisées dans le délai imparti, ne bénéficient plus de l'obligation d'achat et que les conventions de raccordement sont devenues sans objet.
Elle considère que l'indivisibilité des contrats de raccordement et des contrats d'achat vaut tant au stade de leur formation que de leur exécution pour la simple raison que le raccordement et la vente sont deux facettes indissociables d'une même opération.
La société EDF persiste donc dans ses précédentes conclusions.

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Vu la mesure d'instruction du 23 janvier 2013 par laquelle le rapporteur, chargé de l'instruction du dossier, a demandé à la société EDF les documents indiquant les délais de raccordement convenus avec les producteurs et les échanges de courrier entre le Consuel et la société EDF, mentionnés dans le courrier du Consuel en date du 28 juin 2012.
Vu la télécopie, enregistrée le 24 janvier 2013, par laquelle la société EDF a communiqué un courrier adressé par la société EDF au Consuel, le 31 mai 2012.
La société EDF a également indiqué que la maîtrise d'ouvrage des travaux de raccordement des installations de production avait été déléguée aux producteurs sur le fondement des dispositions de l'article L. 342-2 du code de l'énergie.

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Vu la seconde mesure d'instruction du 25 janvier 2013 par laquelle le rapporteur a demandé aux sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire les propositions de raccordement adressées par la société EDF aux producteurs et mentionnées dans les conditions particulières des contrats de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE).
Vu la télécopie, enregistrée le 28 janvier 2013, par laquelle les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire ont indiqué ne pas être en possession de proposition de raccordement stricto sensu puisque les CRAE ont été validés tels quels à la demande de la société EDF, qui a décidé par la suite de communiquer des devis postérieurement à la validation des CRAE.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire ont également indiqué que les travaux de raccordement au réseau public de distribution des installations de production incombent exclusivement à la société EDF comme en témoigne le devis du 17 janvier 2011.

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 72-1120 du 14 décembre 1972 modifié relatif au contrôle et à l'attestation de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité en vigueur ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu l'arrêté du 17 octobre 1973 portant application du décret n° 72-1120 du 14 décembre 1972, relatif au contrôle et à l'attestation de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité en vigueur ;
Vu l'arrêté du 17 octobre 1973 modifié portant agrément d'un organisme pour exercer le contrôle de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité en vigueur ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 3 août 2012 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 23-38-12 ;
Vu la décision du 1er octobre 2012 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de différend introduite par les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 28 janvier 2013, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Pierre-François RACINE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur adjoint ;
Les représentants des sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire, assistés de Me Benoît COUSSY ;
Les représentants de la société EDF, assistés de Me Simon DABOUSSY.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Benoît COUSSY pour les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire ; les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire persistent dans leurs moyens et conclusions ;
― les observations de Me Simon DABOUSSY pour la société EDF ; la société EDF indique avoir envoyé les devis de raccordement postérieurement à la validation des contrats de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) ; elle indique que la maîtrise d'ouvrage des travaux de raccordement a été déléguée à la Société de travaux électriques Guyane (STEG) ; la société EDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 6 février 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur la recevabilité de la demande des sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire :
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire demandent au comité de règlement des différends et des sanctions de dire les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire recevables en leur demande.
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire soutiennent que le comité de règlement des différends est compétent, le différend portant non sur les tarifs de rachat mais sur une difficulté liée au raccordement au réseau public de distribution d'électricité.
L'article L. 134-19 du code de l'énergie dispose que le « comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] sur l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 [...], la saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties [...] ».
Il n'est pas contesté que dix-neuf CRAE ont été signés par la société Sun Agri 1 le 4 novembre 2010 et qu'il existe un différend portant sur le raccordement des installations de production au réseau public d'électricité lequel relève de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions.
Sur l'application du décret du 9 décembre 2010 :
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire demandent au comité de règlement des différends et des sanctions d'ordonner à la société EDF d'exécuter les contrats de raccordement passés avec la société Sun Agri 1.
L'article 1er du décret du 9 décembre 2010 dispose que l'« obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».
L'article 3 du même décret du 9 décembre 2010 prévoit que les « dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».
L'article 4 du même décret dispose que le « bénéfice de l'obligation d'achat au titre de l'article 3 est subordonné à la mise en service de l'installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ou, lorsque cette notification est antérieure de plus de neuf mois à la date d'entrée en vigueur du présent décret, à la mise en service de l'installation dans les neuf mois suivant cette date ».

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Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la société Sun Agri 1 entendait bénéficier de l'obligation d'achat pour les dix-neuf installations de production et, d'autre part, que les CRAE établis par la société EDF ont été réceptionnés signés, avec chèque d'acompte le 29 novembre 2010, mais qu'à la date d'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010, ces installations de production n'étaient pas raccordées au réseau public de distribution et les contrats d'achat n'étaient pas signés.
En conséquence, les dix-neuf projets, d'une part, entraient dans le champ d'application du décret du 9 décembre 2010 mais, d'autre part, bénéficiaient des dispositions de son article 3 : la circonstance que ces dix-neuf projets, en raison de leurs caractéristiques techniques et de la procédure de raccordement appliquée par la société EDF, aient donné lieu directement à des CRAE et non au préalable à des propositions techniques et financières est indifférente, dans la mesure où un projet de CRAE contient les éléments d'une proposition technique et financière.
Il en résulte que l'article 4 du décret du 9 décembre 2010 est applicable, en raison de ses termes mêmes, aux dix-neuf projets.
En l'espèce, compte tenu de la date susmentionnée de notification de l'acceptation des CRAE, la mise en service des installations de production de la société Sun Agri 1 devait intervenir dans le délai de dix-huit mois suivant le 29 novembre 2010, soit au plus tard le 30 mai 2012.
Sur l'exécution des contrats de raccordement passés avec la société Sun Agri 1 et sur le délai d'exécution des travaux nécessaires aux raccordements et à la mise en service des installations de production de la société Sun Agri 1 :
Les sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire demandent au comité de règlement des différends et des sanctions :
― de fixer le délai imparti à la société EDF pour exécuter les travaux nécessaires aux raccordements des dix-neuf installations de production de la société Sun Agri 1 ;
― de fixer le délai imparti à la société EDF pour mettre en service ces installations de production.
L'article 1er du décret du 14 décembre 1972 dispose que « doit faire l'objet, préalablement à sa mise sous tension par un distributeur d'électricité, d'une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité imposées par les règlements en vigueur pour le type d'installation considérée : [...]
― toute installation de production d'électricité d'une puissance inférieure à 250 kilovoltampères raccordée au réseau public de distribution d'électricité et requérant une modification de l'installation intérieure d'électricité [...] ».
L'article 2 du même décret du 14 décembre 1972 prévoit que l'« attestation de conformité est obligatoirement soumise, par son auteur, au visa d'un des organismes visés à l'article 4 ci-après. Cet organisme fait procéder ou procède au contrôle des installations qu'il estime nécessaire, le cas échéant sur la base d'un échantillon statistique des installations considérées dans les conditions approuvées par le ministre chargé de l'électricité et doit subordonner son visa à l'élimination des défauts de l'installation constatés au cours de ce contrôle ».
L'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 1973 pris en application du décret du 14 décembre 1972 prévoit que les « organismes habilités à délivrer les formules d'attestation de conformité doivent, dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de l'attestation de conformité :
Soit apposer leur visa sur l'attestation et la renvoyer à celui qui l'a établie ;
Soit signaler à ce dernier les non-conformités présentées par les installations électriques faisant l'objet de l'attestation ».
Au titre de cet arrêté, le Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (Consuel) est agréé pour exercer le contrôle de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes en vigueur.
Il ressort des pièces du dossier que le Consuel a visé, les 19 avril, 9, 15 et 21 mai 2012, des attestations de conformité aux prescriptions de sécurité en vigueur pour les dix-neuf installations de production.
En réponse à un courrier de la société EDF daté du 31 mai 2012 faisant état des constatations d'un de ses agents selon lequel les installations de production de la société Sun Agri 1 n'auraient pas été achevées, le Consuel a demandé, le jour même, à la société EDF « de ne pas considérer les trente-six attestations que vous détenez concernant [l'installateur Rev'Solaire] ». Par lettre en date du 28 juin 2012, le Consuel a confirmé à la société EDF qu'il était nécessaire que de nouvelles attestations de conformité soient fournies.
Quels que soient les motifs pour lesquels le Consuel a estimé devoir remettre en cause le visa qu'il avait apposé sur les trente-six attestations de conformité remises par la société Rev'Solaire, il lui appartenait de faire application de l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 1973 précité, c'est-à-dire en l'espèce de signaler à l'auteur des attestations la non-conformité des installations électriques, dans le délai maximum de quinze jours, à compter de la réception de celles-ci.
Or, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le Consuel aurait accompli cette formalité substantielle.
En conséquence, les visas apposés les 19 avril, 9, 15 et 21 mai 2012 doivent être réputés valides et les dix-neuf installations de production doivent être réputées achevées avant l'expiration du délai de dix-huit mois prévu à l'article 4 du décret du 9 décembre 2010.
Il appartiendra donc à la société EDF d'exécuter les travaux de raccordement dans le délai que le contrat de raccordement prévoit et, en tout état de cause, dans un délai de six mois courant à partir de la notification de la présente décision, sous réserve de s'assurer avant toute mise en service que les installations de production de la société Sun Agri 1 respectent les prescriptions de sécurité applicables.

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Décide :

Article 1

La société Electricité de France exécutera les dix-neuf contrats de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE).

Article 2

Il appartiendra à la société Electricité de France d'exécuter les travaux de raccordement dans le délai que le contrat de raccordement prévoit et, en tout état de cause, dans un délai de six mois courant à partir de la notification de la présente décision, sous réserve de s'assurer avant toute mise en service que les installations de production de la société Sun Agri 1 respectent les prescriptions de sécurité applicables.

Article 3

La présente décision sera notifiée aux sociétés Sun Agri 1 et Rev'Solaire et à la société Electricité de France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 6 février 2013.

Pour le comité de règlement

des différends et des sanctions :

Le président,

P.-F. Racine