Les faits :
Il ressort des pièces du dossier soumis à la Commission de régulation de l'énergie que la société des Produits du maïs, devenue depuis la société Cerestar France, a conclu le 15 octobre 1986 une convention de raccordement au réseau d'alimentation générale (RAG) pour son usine située sur le territoire de la commune de Haubourdin (Nord).
Afin de réaliser ce raccordement, il a été nécessaire d'installer, depuis le poste de transformation EDF 225/90 kV de « La Pierrette », une liaison souterraine constituée de 3 câbles unipolaires d'une longueur de 2 300 mètres. Un poste de livraison et de transformation, dénommé « Ilot », comprenant un sectionneur de ligne, une cellule d'arrivée munie d'un disjoncteur et un transformateur, a été également installé sur les terrains de la société Cerestar France.
Aux termes de l'article 3 de la convention de raccordement de 1986, la limite de propriété des ouvrages d'Electricité de France dans le nouveau poste « Ilot » a été fixée « sur les sorties des têtes de câbles 90 kV à l'arrivée dans le poste de réception et de transformation, y compris les boîtes d'extrémité ».
A la fin des années 1990, la société Cerestar France a conclu un contrat d'achat de vapeur avec la société Flandres Energies, en vue de l'installation et l'exploitation sur ses terrains d'une usine de cogénération.
La puissance de l'installation étant supérieure à 40 MW, la société Flandres Energies a bénéficié, le 3 décembre 1998, d'une dérogation de la DRIRE Nord - Pas-de-Calais pour le raccordement de la centrale de production au résau électrique 90 kV (au lieu de 225 kV). Pour réaliser ce raccordement, un jeu de barres 90 kV, financé par la société Flandres Energies, a été construit par RTE après une décision de la DRIRE Nord - Pas-de-Calais, du 1er février 2000, portant approbation et autorisation d'exécution et précisant que l'ouvrage projeté serait incorporé dans la concession du RAG (partie en trait épais du schéma présenté ci-dessous).
Compte tenu de cette nouvelle configuration, RTE a adressé à la société Cerestar France un projet de convention de raccordement, en date du 2 octobre 2000, qui modifie notamment la limite de propriété, en stipulant que « les ouvrages de raccordement [...] feront partie de la concession du RAG jusqu'à la limite de propriété. Celle-ci sera située : - en HTB : au poste d'ILOT sur les bornes de raccordement amont des sectionneurs têtes de ligne 90 kV de la cellule CERESTAR (les plages de raccordement de ces bornes étant la propriété de CERESTAR, les cosses de raccordement vers le jeu de barres étant propriété de RTE [...] ». La société Cerestar France a refusé de signer cette nouvelle convention de raccordement.
Une consigne d'exploitation et un contrat de mise à disposition de l'énergie électrique (MADE), prenant en compte la nouvelle limite de propriété, ont néanmoins été signés respectivement les 22 juin et 8 novembre 2000 par la société Cerestar France.
En novembre 2002, la société Cerestar France a refusé de signer le contrat d'accès au réseau de transport (CART), qui lui était proposé par RTE.
A partir du mois de novembre 2003, elle a décidé de ne pas régler l'intégralité des factures d'accès au réseau et a déduit de ces factures l'énergie injectée par l'usine de cogénération.
Malgré deux mises en demeure adressées par RTE à la société Cerestar France, les 12 janvier et 25 février 2004, celle-ci ne s'est pas acquittée du solde des factures en cause.
Sur le respect du contradictoire :
Aux termes de l'article 13 du règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie, « si le délai le permet, l'échange entre les parties se poursuit jusqu'à la date d'envoi des convocations de la commission qui délibérera sur la demande ».
Il résulte de ces dispositions que la procédure d'instruction écrite des demandes de règlement de différend s'achève à la date d'envoi des convocations à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie, au cours de laquelle le débat contradictoire se poursuit oralement.
Les pièces produites au dossier après le 17 mai 2004, date d'envoi des convocations à la séance de la Commission de régulation de l'énergie, doivent, dès lors, être écartées.
Sur la compétence de la Commission de régulation de l'énergie :
Aux termes de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, « en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] lié à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés [...] à l'article 23 de la présente loi [...], la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties. [...] Sa décision est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend ».
Il résulte des dispositions précitées que la Commission de régulation de l'énergie est compétente pour préciser les conditions techniques et financières de règlement du différend lié à l'accès au réseau public d'électricité, opposant un utilisateur à un gestionnaire du réseau.
Le présent différend, qui oppose RTE à la société Cerestar France, porte sur la tarification de l'accès au réseau de la société Cerestar France et sur la conclusion entre cette société et RTE d'un contrat d'accès au réseau public de transport. La Commission de régulation de l'énergie est donc compétente pour statuer sur ce différend.
Sur les conclusions de Réseau de transport d'électricité tendant au paiement du solde des factures :
Réseau de transport d'électricité demande, en l'état de ses dernières écritures, que la Commission de régulation de l'énergie constate que la société Cerestar France est redevable, au titre des prestations de transport d'électricité, de la somme de 245 046,66 euros, correspondant au solde des factures pour la période d'octobre 2003 à mars 2004. Il considère, en effet, que la tarification de l'accès au réseau public de transport de la société Cerestar France doit s'effectuer au point de raccordement de ses installations, situé en aval du jeu de barres 90 kV construit pour le raccordement de la centrale de cogénération de la société Flandres Energies.
La société Cerestar France conteste cette demande en soutenant qu'elle est propriétaire du jeu de barres 90 kV par lequel est raccordée la centrale de cogénération et que son point de raccordement au réseau est donc situé en amont de ce jeu de barres. Elle considère que cette situation lui permet de déduire physiquement de son soutirage l'énergie injectée par la centrale de cogénération.
En ce qui concerne la détermination du point de raccordement :
En vertu de la section 3 du chapitre II de l'annexe du décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002, « la tarification de l'utilisation des réseaux publics s'effectue par point physique de raccordement ». Il convient, dès lors, pour définir le tarif applicable, de déterminer le point de raccordement.
En application de l'article 4 de la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, les ouvrages du réseau d'alimentation générale en énergie électrique sont réputés constituer la propriété d'Electricité de France depuis que la concession de ce réseau lui a été accordée. En vertu de l'article 8.4 du cahier des charges du RAG, les ouvrages de raccordement « situés à l'amont de la limite de propriété définie dans le contrat de fourniture ou d'achat feront partie intégrante du réseau du concessionnaire » et « les modalités techniques et financières [...] seront précisées dans chaque cas par une convention passée entre le concessionnaire et le client ou le producteur autonome ».
Il est constant que les ouvrages de raccordement sont constitués de conducteurs de liaison (ligne aérienne, câble souterrain ou jeu de barres de liaison) et, normalement, d'une cellule disjoncteur à chaque extrémité.
En l'espèce, pour raccorder la centrale de cogénération de la société Flandres Energies, les parties ont choisi de réaliser un nouveau jeu de barres 90 kV et de déplacer et renforcer celui existant dans les installations de la société Cerestar France.
Ce choix a eu pour effet de raccorder la société Cerestar France et la société Flandres Energies sur le même ouvrage de raccordement, à savoir le jeu de barres 90 kV, mais chacune en un point de raccordement différent.
Il résulte de cette nouvelle configuration que l'ensemble des ouvrages de raccordement réalisés ou renforcés ont été nécessairement intégrés au RAG en application des dispositions précitées et que, par suite, tant le point de raccordement de la société Cerestar France que celui de la société Flandres Energies se trouvent situés en aval du jeu de barres. La modification des limites de propriété qui est également résultée de cette nouvelle configuration aurait dû être formalisée par la conclusion, par RTE et la société Cerestar France, d'un avenant à la convention de raccordement du 15 octobre 1986.
C'est donc à tort que la société Cerestar France se prévaut des limites de propriété fixées par la convention de raccordement du 15 octobre 1986, dont l'article 9 prévoit, d'ailleurs, qu'elle doit être modifiée par voie d'avenant en cas de changement dans la consistance du raccordement.
Au surplus, il ressort des pièces du dossier que la société Cerestar France a, à plusieurs occasions, signé des documents dans lesquels les ouvrages de raccordement étaient considérés comme intégrés dans le réseau public de transport.
Tel est notamment le cas de l'article 2 des conditions particulières du contrat de mise à disposition d'énergie électrique (MADE) du 8 novembre 2000, aux termes duquel « le point de livraison et la limite de propriété sont situés au poste d'ILOT, sur les bornes amont des sectionneurs têtes de ligne 90 kV de la cellule CERESTAR (les plages de raccordement de ces bornes étant la propriété de CERESTAR, les cosses de raccordement vers le jeu de barres étant la propriété du RTE) ». Il résulte, en effet, de ces stipulations que le point de livraison est le point de raccordement, qui correspond à la limite de propriété entre les installations de la société Cerestar France et le réseau public de transport.
La conclusion de ce contrat confirme l'accord exprimé par la société Cerestar France lors des réunions préalables au raccordement de la centrale de cogénération de la société Flandres Energies, ainsi que lors de la signature de sa nouvelle consigne d'exploitation le 22 juin 2000.
Dès lors que l'intégration des ouvrages de raccordement au réseau public de transport d'électricité résulte d'une exacte application de l'article 8.4 du cahier des charges du RAG, la société Cerestar France ne saurait utilement invoquer l'application différente de ces dispositions, qui aurait été faite, par RTE, à d'autres utilisateurs du réseau se trouvant dans une situation identique à la sienne. Au demeurant, ses allégations ne sont étayées par aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
La société Cerestar France ne peut pas plus utilement se prévaloir d'une modification à venir, de surcroît purement hypothétique, de ses relations contractuelles avec la société exploitant la centrale de cogénération.
Contrairement à ce que soutient la société Cerestar France, la présente décision n'a pas pour objet de statuer sur la propriété des ouvrages de raccordement au regard des articles 552 et 553 du code civil, et la Commission de régulation de l'énergie ne méconnaît pas sa compétence en indiquant, pour déterminer le point de raccordement au réseau de transport, ce que doit être la consistance du réseau public de transport en application de l'article 8.4 du cahier des charges du RAG.
La société Cerestar France ne saurait utilement invoquer les dispositions du décret n° 2003-588 du 27 juin 2003, qui ne concernent que les installations devant faire l'objet d'un premier raccordement au réseau public de transport ou qui font l'objet de modifications importantes de leurs caractéristiques électriques.
En ce qui concerne le tarif applicable :
En vertu des dispositions de la section 1 du chapitre II de l'annexe du décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002, l'énergie à prendre en compte pour la tarification de l'accès aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité est celle « correspondant au flux physique soutiré du réseau mesuré par les appareils de comptage installés par les gestionnaires de réseaux ».
Dès lors que le jeu de barres sur lequel l'installation de cogénération de la société Flandres Energies a été raccordée fait partie intégrante du réseau public de transport, il ne saurait être contesté que RTE assure l'acheminement de l'énergie électrique jusqu'au point de raccordement de la société Cerestar France, situé en aval du jeu de barres 90 kV.
Il ressort, en outre, des pièces du dossier que, à la suite du raccordement de l'installation de cogénération, les dispositifs de comptage n'ont pas été déplacés et sont toujours situés en aval du sectionneur de ligne, et donc du jeu de barres 90 kV renforcé par RTE.
Il suit de là que la facturation établie par RTE, qui prend en compte l'énergie correspondant au flux physique soutiré au point de raccordement de la société Cerestar France, mesuré par les dispositifs de comptage et qui demeure sans rapport avec la distance parcourue, est conforme au tarif d'utilisation du réseau public de transport issu des dispositions combinées des décrets n° 2001-365 du 26 avril 2001 et n° 2002-1014 du 19 juillet 2002.
En application des décrets précités, et en vertu du principe de la tarification en fonction des flux physiques, la société Cerestar France n'est pas fondée, contrairement à ce qu'elle soutient, à soustraire de ses factures la part correspondant à l'énergie injectée sur le jeu de barres 90 kV du réseau public de transport par l'installation de cogénération de la société Flandres Energies.
Il résulte de tout ce qui précède que la société Cerestar France est redevable à RTE de la somme de 245 046,66 euros, correspondant au solde des factures afférentes aux prestations de transport d'électricité d'octobre 2003 à mars 2004 inclus.
Sur les conclusions de Réseau de transport d'électricité tendant à ce que la Commission de régulation de l'énergie enjoigne à la société Cerestar France de signer un contrat d'accès au réseau public de transport :
En vertu des dispositions de l'article 23 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, « un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux [...]. A cet effet, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux ».
Il résulte de ces dispositions que la conclusion d'un contrat est une condition d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, à laquelle doit satisfaire tout utilisateur des réseaux.
En l'espèce, à l'échéance du contrat de mise à disposition d'énergie électrique (MADE) du 8 novembre 2000, prolongé par un avenant du 4 décembre 2001, RTE a transmis en novembre 2002 à la société Cerestar France un projet de contrat d'accès au réseau public de transport (CART) conforme à la réglementation en vigueur, prenant en compte notamment des modifications intervenues dans la consistance de son raccordement.
La société Cerestar France, devant la Commission de régulation de l'énergie, n'invoque aucun motif autre que le fait qu'il prévoit l'intégration au RAG des ouvrages de raccordement pour refuser de signer le contrat d'accès au réseau public de transport. Ce motif ne peut pas légalement fonder un tel refus, alors qu'il a été démontré que cette intégration au RAG résulte bien de l'application de l'article 8.4 du cahier des charges du RAG.
Dès lors, faute d'invoquer un motif légitime de refus, la société Cerestar France ne saurait légalement refuser de signer le projet de contrat qui lui a été soumis, sans se placer dans une situation irrégulière au regard des dispositions de l'article 23 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000. Il lui appartient donc de signer le contrat d'accès au réseau public de transport proposé par RTE, avec effet à la date du 1er novembre 2002, correspondant au terme du contrat de mise à disposition d'énergie électrique (MADE).
Sur les conclusions de Réseau de transport d'électricité tendant à ce que la Commission de régulation de l'énergie décide la suspension de l'accès au réseau public de transport de la société Cerestar France :
Si la société Cerestar France persistait à refuser, sans justification valable, de signer son contrat d'accès au réseau public de transport, elle se trouverait dans une situation irrégulière au regard des dispositions de l'article 23 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, ainsi que cela a été dit précédemment. RTE serait alors fondé à tirer les conséquences de droit d'une telle situation.
Par suite, la Commmission de régulation de l'énergie ne peut qu'écarter les conclusions de RTE tendant à ce qu'elle décide la suspension de l'accès au réseau que RTE peut décider lui-même.
Sur la demande de pénalités contractuelles :
En vertu de la présente décision, la société Cerestar France est tenue de signer le contrat d'accès au réseau public de transport (CART) qui lui a été transmis par Réseau de transport d'électricité le 22 novembre 2002, avec prise d'effet au 1er novembre 2002.
L'article 9.2.5 des conditions générales du contrat d'accès au réseau public de transport (CART) qui a été adressé à la société Cerestar France le 22 novembre 2002 prévoit que, « à défaut de paiement intégral dans le délai prévu pour leur règlement, les sommes dues sont majorées de plein droit, et sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure, de pénalités égales à une fois et demie le taux d'intérêt légal en vigueur à la date d'émission de la facture, appliqué au montant de la créance (montant de la facture TTC hors minoration prévue à l'article 9.2.4 b). Cet intérêt est calculé à partir de la date d'échéance jusqu'à la date de paiement effectif de la facture. Toutefois, ces pénalités ne peuvent être inférieures à un minimum de perception fixé à 100 euros hors taxes. »
En conséquence, le règlement par la société Cerestar France du solde des factures afférentes aux prestations de transport d'électricité d'octobre 2003 à mars 2004 sera assorti des pénalités contractuelles de retard, qui sont égales à une fois et demie le taux d'intérêt légal en vigueur à la date de leur émission.
Sur la demande de dommages et intérêts de Réseau de transport d'électricité :
RTE n'a pas repris dans ses observations en réplique du 3 mai 2004 ses conclusions initiales tendant à ce que la société Cerestar France soit condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts. Lors de l'audience du 25 mai 2004 devant la Commission de régulation de l'énergie, il a indiqué renoncer à sa demande de dommages et intérêts. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conditions.
Sur le surplus des conclusions de Réseau de transport d'électricité :
Il n'appartient pas à la Commission de régulation de l'énergie, lorsqu'elle est saisie sur le fondement de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, de condamner au paiement des intérêts au taux légal sur le fondement des dispositions de l'article 1153-1 du code civil, qui ne concernent que les intérêts dus en cas de condamnation par un jugement,
Décide :
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