JORF n°299 du 26 décembre 2001

  1. Sur le principe de l'intelligibilité de la loi

et de la sécurité juridique

La présente loi de financement met en place un certain nombre de circuits financiers de transferts de dépenses et de recettes au sein même des branches de la sécurité sociale et des fonds concourant à son financement, mais également entre ces branches et fonds d'une part et le budget général de l'Etat d'autre part.

La Cour des comptes a ainsi souligné cette complexité dans son rapport relatif à la sécurité sociale de septembre 2001 : « Les flux de financement croisés, les dettes à recouvrer qui en résultent, les règles hétérogènes de facturation des services rendus par l'Etat à la sécurité sociale et par la sécurité sociale à l'Etat, l'existence de fonds à vocations très disparates, multiples, financés de façon diverse et variable d'une année sur l'autre, l'existence de structures à part, qui ne sont ni dans l'Etat ni dans la sécurité sociale, mais qui jouent un grand rôle comme la CADES, tout tend à rendre la situation incompréhensible... »

Dans sa décision no 99-421 DC du 16 décembre 1999, le juge constitutionnel a consacré le principe de la lisibilité et de l'intelligibilité de la loi en rappelant que celle-ci relève de la sécurité juridique. A cette occasion, il est rappelé que ce principe qui exige la clarté dans l'expression démocratique l'exige aussi dans la rédaction de la loi et la détermination des principes qu'elle entend poser.

S'agissant des lois de financement et des montages financiers, la décision no 2000-437 DC du 19 décembre 2000 a considéré que la complexité des circuits de financements ne constituait pas en soi un motif d'inconstitutionnalité, à partir du moment où les nouvelles règles de financement étaient définies avec une précision suffisante.

En l'occurrence, la transparence et la lisibilité des comptes ne sauraient être atteints que s'il était possible de définir la nature des recettes affectées notamment aux fonds et d'assurer leur stabilité dans le temps.

Or tel n'est pas le cas du fonds de réserve des retraites dont une partie du financement est retracée dans l'article 67 de la présente loi de financement.

En l'occurrence, l'article 67 modifie la répartition du prélèvement social de 2 % assis sur les revenus financiers : la part de ce prélèvement affecté au fonds de réserve passe à 65 % (au lieu de 50 %) tandis que celle affectée à la CNAVTS passe de 30 à 15 %, le reste étant affecté au fonds de solidarité vieillesse.

Or, la nature et la pérennité des ressources alimentant le fonds de réserve des retraites est douteuse. En effet, l'annonce mardi 16 octobre de la réduction drastique du prix de vente des licences UMTS (divisé par 8, passant de 32,5 milliards de francs à 4 milliards) a fortement compromis l'équilibre du fonds de réserve qui était censé bénéficier en 2002 de la totalité du produit de ces recettes.

Pour combler ce manque à gagner, le Gouvernement a annoncé que cette perte de ressources serait « compensée par le versement de recettes de privatisation », en l'occurrence celle des autoroutes du sud de la France, inscrite dans la loi de finances.

Mais la capacité du fonds de réserve des retraites à bénéficier de cette ressource paraît également douteuse dans la mesure où dans le même temps le Gouvernement a annoncé qu'une partie des recettes (prévisionnelles) tirées de la privatisation des autoroutes du Sud de la France allait être affectée au développement du ferroutage.

Dans ces conditions, l'alimentation même du fonds de réserve des retraites paraît fragilisée et pose la question de la crédibilité même de l'article 67 de la loi de financement.

Il apparaît dès lors que l'article 67 ne satisfait pas à l'exigence constitutionnelle défini par la décision no 2000-437 DC du 19 décembre 2000. Pour cette raison, il doit être déclaré non conforme à la Constitution.


Historique des versions

Version 1

3. Sur le principe de l'intelligibilité de la loi

et de la sécurité juridique

La présente loi de financement met en place un certain nombre de circuits financiers de transferts de dépenses et de recettes au sein même des branches de la sécurité sociale et des fonds concourant à son financement, mais également entre ces branches et fonds d'une part et le budget général de l'Etat d'autre part.

La Cour des comptes a ainsi souligné cette complexité dans son rapport relatif à la sécurité sociale de septembre 2001 : « Les flux de financement croisés, les dettes à recouvrer qui en résultent, les règles hétérogènes de facturation des services rendus par l'Etat à la sécurité sociale et par la sécurité sociale à l'Etat, l'existence de fonds à vocations très disparates, multiples, financés de façon diverse et variable d'une année sur l'autre, l'existence de structures à part, qui ne sont ni dans l'Etat ni dans la sécurité sociale, mais qui jouent un grand rôle comme la CADES, tout tend à rendre la situation incompréhensible... »

Dans sa décision no 99-421 DC du 16 décembre 1999, le juge constitutionnel a consacré le principe de la lisibilité et de l'intelligibilité de la loi en rappelant que celle-ci relève de la sécurité juridique. A cette occasion, il est rappelé que ce principe qui exige la clarté dans l'expression démocratique l'exige aussi dans la rédaction de la loi et la détermination des principes qu'elle entend poser.

S'agissant des lois de financement et des montages financiers, la décision no 2000-437 DC du 19 décembre 2000 a considéré que la complexité des circuits de financements ne constituait pas en soi un motif d'inconstitutionnalité, à partir du moment où les nouvelles règles de financement étaient définies avec une précision suffisante.

En l'occurrence, la transparence et la lisibilité des comptes ne sauraient être atteints que s'il était possible de définir la nature des recettes affectées notamment aux fonds et d'assurer leur stabilité dans le temps.

Or tel n'est pas le cas du fonds de réserve des retraites dont une partie du financement est retracée dans l'article 67 de la présente loi de financement.

En l'occurrence, l'article 67 modifie la répartition du prélèvement social de 2 % assis sur les revenus financiers : la part de ce prélèvement affecté au fonds de réserve passe à 65 % (au lieu de 50 %) tandis que celle affectée à la CNAVTS passe de 30 à 15 %, le reste étant affecté au fonds de solidarité vieillesse.

Or, la nature et la pérennité des ressources alimentant le fonds de réserve des retraites est douteuse. En effet, l'annonce mardi 16 octobre de la réduction drastique du prix de vente des licences UMTS (divisé par 8, passant de 32,5 milliards de francs à 4 milliards) a fortement compromis l'équilibre du fonds de réserve qui était censé bénéficier en 2002 de la totalité du produit de ces recettes.

Pour combler ce manque à gagner, le Gouvernement a annoncé que cette perte de ressources serait « compensée par le versement de recettes de privatisation », en l'occurrence celle des autoroutes du sud de la France, inscrite dans la loi de finances.

Mais la capacité du fonds de réserve des retraites à bénéficier de cette ressource paraît également douteuse dans la mesure où dans le même temps le Gouvernement a annoncé qu'une partie des recettes (prévisionnelles) tirées de la privatisation des autoroutes du Sud de la France allait être affectée au développement du ferroutage.

Dans ces conditions, l'alimentation même du fonds de réserve des retraites paraît fragilisée et pose la question de la crédibilité même de l'article 67 de la loi de financement.

Il apparaît dès lors que l'article 67 ne satisfait pas à l'exigence constitutionnelle défini par la décision no 2000-437 DC du 19 décembre 2000. Pour cette raison, il doit être déclaré non conforme à la Constitution.