- Sur la sincérité des prévisions
et de la loi de financement
L'article 16 présente, par catégorie, les ressources prévisionnelles pour 2002 de l'ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et des organismes créés pour concourir à leur financement.
L'article 69 présente par catégorie les dépenses prévisionnelles.
L'article 71 fixe l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2002.
Or, la sincérité des prévisions inscrites à ces articles, et plus généralement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, s'avère douteuse. En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2002 est fondé sur des hypothèses de croissance et donc de ressources qui apparaissent clairement irréalistes au regard de la situation économique et sociale actuelle. Il en résulte une inadéquation entre les prévisions de dépenses et les prévisions de recettes qui lui sont affectées.
Le Gouvernement se fonde sur une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 %. Avant même les attentats du 11 septembre dernier et le nouveau climat d'incertitude qu'ils font peser sur l'économie mondiale, le taux de croissance moyen du PIB pour 2002, tel qu'il était évalué par la moyenne des instituts indépendants se situait à + 2,1 %. Depuis, le Fonds monétaire international a sensiblement corrigé à la baisse ces estimations et envisage une croissance en France pour 2002 de + 1,6 %.
Dans ce contexte, on peut également s'interroger sur le réalisme de la prévision de croissance de la masse salariale du secteur privé évaluée à 5 % par le Gouvernement. Sachant que l'évolution de la masse salariale réagit en règle générale avec un retard de six à huit mois par rapport à la conjoncture, ce délai correspondant au temps nécessaire pour les chefs d'entreprise pour prendre conscience du nouveau climat des affaires et ajuster leur politique d'embauche en conséquence.
Compte tenu de la dégradation continue pendant cinq mois consécutifs du marché du travail, on ne peut donc qu'être extrêmement dubitatif quant à la probabilité d'une croissance de + 5 % de la masse salariale du secteur privé en 2002. Or, l'on sait qu'un point de masse salariale représente 11 milliards de francs de recettes pour le seul régime général.
Dans le même temps, les dépenses sont sous-estimées. S'agissant de l'assurance maladie, le projet de loi prévoit une croissance des dépenses (ONDAM) de 3,9 % par rapport aux dépenses réalisées en 2001. Or, selon les propos du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de 2001 « l'hypothèse retenue en matière de dépenses d'assurances maladie est particulièrement ambitieuse. L'objectif de 3,9 % fixé pour 2002, qui inclut le financement de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux, correspond à un objectif inférieur pour les autres dépenses. Sa réalisation supposerait un freinage considérable par rapport à la tendance moyenne des deux dernières années, supérieure à 5 %. On rappelle que les objectifs fixés pour 2000 et 2001 ont été dépassés d'environ 2,5 milliards d'euros, soit 16 à 17 milliards de francs. »
L'irréalisme des prévisions économiques et de l'hypothèse de croissance de l'ONDAM conduit à mettre en doute la sincérité des comptes soumis à l'examen des parlementaires.
Dans le cadre du contrôle qu'il exerce sur la loi de finances, le juge constitutionnel a précisé dans la décision no 2000-448 DC que « leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » en ajoutant que « la sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminée par la loi de finances ».
Cette exigence de sincérité, ainsi constitutionnellement garantie, trouve à l'évidence matière à s'appliquer dans le domaine des lois de financement de la sécurité sociale, compte tenu de leur nature juridique comme de leurs conséquences économiques qui les rapprochent des lois de finances.
En l'espèce, la présente loi de financement ne répond pas à cette exigence constitutionnelle de sincérité, en ne tenant clairement pas compte dans ses prévisions des informations disponibles.
De ce fait, c'est l'objectif même de la réforme des méthodes d'examen et d'adoption des dispositions relatives au financement de la sécurité sociale (permettre une maîtrise des dépenses tout en garantissant la sincérité et la lisibilité de l'engagement social de la nation et l'effectivité du contrôle du Parlement) qui est remis en cause.
Pour toutes ces raisons, les articles 16, 69 et 71 de la présente loi de financement doivent être déclarés non conformes à la Constitution.
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