I. - Sur la non-conformité à la Constitution des dispositions
relatives au « droit à un logement décent »
Le texte définit dans son article 187 une obligation nouvelle pour le bailleur de délivrer au preneur la chose louée « et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent ». Cet objectif est également énoncé au II de l'article 140 du projet de loi (art. L. 301-1 du code de la construction et de l'habitation) à propos de l'aide au logement : « Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir. »
La constitutionnalité des références à la « décence » doit être appréciée au regard de la question plus générale du « droit au logement », laquelle a déjà fait l'objet d'une jurisprudence significative de la part du Conseil constitutionnel (décision no 94-359 DC du 10 janvier 1995, Rec. 176, portant sur la loi relative à la diversité de l'habitat, décision no 98-403 DC du 29 juillet 1998, Rec. 276, rendue à propos de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions). Or, les dispositions du texte relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, notamment son article 187, se révèlent non conformes aux exigences fixées par la jurisprudence constitutionnelle, qui a précisé le sens et les limites de la portée de l'objectif de valeur constitutionnel relatif à la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent ainsi que la nécessité de sa conciliation avec les autres principes à valeur constitutionnelle. En ne précisant pas suffisamment dans le texte de la loi les critères de la « décence » du logement, le législateur porte au nom de l'objectif des atteintes excessives aux autres principes de valeur constitutionnelle, en méconnaissance de la jurisprudence constitutionnelle (1). Cette carence du dispositif constitue un cas d'incompétence négative du législateur, en méconnaissance de la répartition constitutionnelle entre le domaine de la loi et celui du règlement, du principe d'égalité et du niveau de garantie exigé par la jurisprudence du conseil dans la mise en oeuvre tant des objectifs que des principes à valeur constitutionnelle (2). Par là, il est porté une atteinte excessive et infondée à la fois au droit de propriété et à la liberté individuelle (3).
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