Les tenants du nouveau dispositif invoquent une exception au droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle inscrite à l'article 15.3 a) de la directive de 2005 selon lequel « Les Etats membres peuvent prévoir dans leur droit national que l'assistance judiciaire et/ou la représentation gratuites sont accordées uniquement (...) dans le cadre des procédures devant une cour ou un tribunal prévues au chapitre V et à l'exclusion de tout autre recours juridictionnel ou administratif prévu dans le droit national, y compris le réexamen d'un recours faisant suite à un recours juridictionnel ou administratif ».
Il s'agit là aux yeux des requérants d'une erreur de droit manifeste. En effet, le législateur a confondu le « réexamen d'un recours » tel qu'il figure à l'article 15.3 a) de la directive, et la procédure de réexamen française, alors que cette dernière correspond en réalité à ce que la directive intitule en son article 32 une « demande ultérieure ». Une telle demande selon l'article 32.3 n'est en effet recevable que si « de nouveaux éléments ou de nouvelles données se rapportant à l'examen visant à déterminer si le demandeur d'asile remplit les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE sont apparus ou ont été présentés par le demandeur ». Or, cette exigence de présenter des éléments nouveaux est identique à celle fixée par la jurisprudence du Conseil d'Etat qui conditionne le réexamen d'un refus de l'OFPRA ou de la CNDA à l'existence de faits nouveaux. Ainsi un réexamen « ne peut être examiné au fond (..) que si l'intéressé invoque des faits intervenus postérieurement à la première décision juridictionnelle ou dont il est établi qu'il n'a pu en avoir connaissance que postérieurement à cette décision, et susceptibles, s'ils sont établis, de justifier les craintes de persécutions qu'il déclare éprouver » (arrêt du 28 avril 2000, n° 192701).
Or conformément à l'article 39.1 c) de la directive de 2005, qui figure dans son chapitre V, auquel renvoie précisément l'article 1.5.3 a) précité, le droit à un recours effectif s'applique à « une décision de ne pas poursuivre l'examen de la demande ultérieure en vertu des articles 32 et 34 ». En d'autres termes, le bénéfice de l'aide juridictionnelle doit être accordé dans le cadre des demandes ultérieures au sens du droit communautaire, qui correspondent aux demandes de réexamen du droit d'asile français.
Parce que l'article 95 méconnaît ainsi manifestement, à la fois le droit à un recours effectif, et la directive de 2005, il appelle votre censure.
Sur l'article 98
Cet article permet le recours à la visioconférence pour les audiences devant la Cour nationale du droit d'asile. C'est la première fois qu'est introduit le recours à la visioconférence en matière d'asile. Niant la spécificité de ces audiences et du droit d'asile plus globalement ― protégé par les conventions internationales et ne devant en rien être lié à la gestion des flux migratoires ― cet article a pour objectif une « meilleure gestion » et une « réduction de stocks de dossier ».
Cette disposition a pour résultat une violation manifeste du principe d'égalité devant la loi. En effet, l'exigence du consentement de l'intéressé pour le recours à la visioconférence devant la CNDA a été limitée aux seuls étrangers se trouvant en France métropolitaine. De ce fait, les demandeurs d'asile présents en outre-mer ne bénéficieront pas des mêmes droits que les demandeurs en France métropolitaine dans la mesure où ils ne pourront pas refuser le recours à la visioconférence pour leur audience devant la CNDA.
Les arguments selon lesquels le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général ne peuvent être ici évoqués. En effet, il est indispensable, dans ces deux cas, que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit (n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, cons. 13), fait non établi en l'espèce, l'objet de la loi étant de permettre le recours à la visioconférence en matière d'asile, et non de contraindre à ce recours.
En outre, bien que vous ayez jugé constitutionnel le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle en matière de droits des étrangers, c'était après avoir précisé que le « déroulement de [ces] audiences est subordonné au consentement de l'étranger » (n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 82). L'article 98 prévoit expressément, quant à lui, que le recours à la visioconférence pourra se faire sans le consentement de l'étranger présent en France non métropolitaine. De plus, rien ne précise que l'étranger est dûment informé dans une langue qu'il comprend. Les garanties d'un procès juste et équitable, protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789, ne semblent donc pas réunies. Le Gouvernement devrait partager ce point de vue puisque le garde des sceaux, dans une réponse du 22 juin 2010 à une question parlementaire (n° 70778) affirmait « qu'en l'état des dispositions du code de l'entrée et séjour des étrangers et du droit d'asile (art. L. 552-12) et d'une décision du Conseil constitutionnel en date du 20 novembre 2003, la décision du juge, prise sur une proposition de l'autorité administrative, de tenir l'audience en visioconférence n'est possible qu'à la seule condition que l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne soit pas opposé à cette mesure. La réflexion sur le développement l'utilisation de la visioconférence dans ce domaine doit s'inscrire au regard des principes que le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler et des dispositions la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelées par la Cour européenne par une décision en date du 5 octobre 2006 ».
Cette rupture d'égalité et ce manquement au droit à un procès équitable appellent votre censure.
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Pour tous ces motifs, les requérants vous invitent à prononcer la censure de l'ensemble de ces dispositions, ainsi que de toutes celles que vous relèveriez d'office.
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