IV. - La méconnaissance du principe d'égalité
Les requérants souhaitent attirer l'attention du Conseil sur le fait que les articles 1er à 3 de la loi méconnaissent le principe d'égalité tel que garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Selon une formulation éprouvée, le Conseil constitutionnel considère que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » (CC, n° 2013-686 DC du 23 janvier 2014, cons. 9).
Or, ces principes n'ont pas été, au cas d'espèce, respectés par la loi de validation.
En premier lieu, le législateur a méconnu le principe d'égalité devant la loi au motif que seules les collectivités territoriales et certains établissements publics sont éligibles au fonds de soutien prévu par le I de l'article 92 précité. Or, la validation législative prévue par les articles 1er à 3 s'applique à l'ensemble des personnes morales de droit public.
Le lien entre le fonds de soutien et les mesures de validation prévues aux articles 1er à 3 est renforcé par le fait que l'article 92-I impose une contrepartie rigoureuse aux collectivités sollicitant l'aide du fonds. En effet, il prévoit que le bénéfice de l'aide au titre d'un contrat de prêt souscrit auprès d'un établissement de crédit est subordonné à la conclusion d'une transaction, au sens de l'article 2044 du code civil, portant sur les contrats de prêt pour lesquels l'aide du fonds est sollicitée. Ainsi, une collectivité sollicitant une subvention pour un emprunt structuré devra, pour bénéficier de l'aide, renoncer à contester devant les juridictions civiles les contrats de prêt, dès lors qu'ils entrent dans les catégories prises en charge par le fonds.
Les requérants font donc valoir que les articles 1er à 3 méconnaissent ainsi le principe d'égalité puisque l'ensemble des personnes morales de droit public visées par ces dispositions ne pourront se prévaloir de l'éligibilité au fonds instauré par l'article 92 de la loi de finances pour 2014, fonds dont il est pourtant la contrepartie.
En second lieu, le Conseil estime que la méconnaissance de la « capacité contributive [d'une personne] (…) est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques » (CC, n° 2013-684 DC du 29 décembre 2013, cons. 33 ; dans le même sens, CC, n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons. 73).
Par ailleurs, l'objet de la loi est de prévenir les « risques considérables sur les finances publiques et leur impact sur l'économie ainsi que la perturbation du financement des collectivités locales », qui découlent de la jurisprudence des juridictions judiciaires en matière de TEG (26).
Ainsi, l'objet de la loi déférée est de définir les conditions dans lesquelles un risque de portée nationale, car de nature à affecter le financement de l'ensemble des personnes morales de droit public et même l'économie, issu de la jurisprudence des juridictions de l'ordre judiciaire peut être traité. Or, s'il s'agit d'un enjeu national, car ayant vocation à toucher toutes les collectivités territoriales, il doit être assumé par les différentes parties intéressées, à savoir l'Etat, les personnes morales de droit public et les établissements de crédit.
Dans ce contexte, s'il appartient au législateur de répartir, pour des motifs impérieux d'intérêt général, la charge du risque financier, cette répartition ne doit pas méconnaître la capacité contributrice des personnes morales de droit public sous peine de méconnaître le principe d'égalité.
En l'espèce, la limite de la capacité contributive des personnes morales de droit public est gravement méconnue.
En effet, loin de rechercher à établir la balance des intérêts et des capacités contributives en jeu, la loi se cantonne à transférer purement et simplement le risque, qui repose aujourd'hui sur l'Etat et les établissements de crédit, aux personnes morales de droit public.
Les travaux parlementaires sont sur ce point éclairant.
Tout d'abord, l'Etat justifie le recours à la loi de validation par le fait qu'elle lui permettra d'éviter d'avoir à « recapitaliser SFIL-CAFFIL à hauteur des pertes potentielles », conformément aux engagements qu'il a pris « auprès de la Commission européenne et de l'ACPR » (27).
Ensuite, aucun élément de l'étude d'impact ne précise les conséquences que pourrait avoir sur les collectivités territoriales le transfert intégral de ce risque ni même en quoi le transfert de ce risque améliore son profil global.
De même, aucune des options énoncées dans l'étude d'impact n'envisage une répartition du risque financier entre les parties prenantes alors que certaines des parties intéressées ont une réserve de capacité contributrice non négligeable.
En conséquence, il appartient à votre Conseil de prononcer l'inconstitutionnalité des articles ler à 3 de la loi déférée.
(26) Etude d'impact, p. 8. (27) Etude d'impact, p. 5.
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