JORF n°0174 du 30 juillet 2014

V. - La méconnaissance des articles 72 et 72-2 de la Constitution

En premier lieu, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement » dans les conditions fixées par la loi. Toutefois, les atteintes portées par la loi ne doivent pas apparaître comme « manifestement déséquilibrée[s] » au regard des objectifs recherchés (CC, n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, cons. 33).
Or, tel n'est pas le cas de la loi déférée.
En effet, si selon l'étude d'impact l'Etat lui-même éprouvera les plus grandes difficultés à supporter les conséquences financières annoncées, comment pourraient-elles l'être par des collectivités territoriales qui n'ont ni les moyens ni l'expérience de l'Etat pour gérer de tels enjeux ?
De même, si l'absorption de ces sommes par le budget de l'Etat « devra impérativement être compensée par des mesures d'économies de grande ampleur à très court terme, avec des répercussions significatives sur l'économie » (28), comment pourrait-il en aller autrement si les sommes devaient être absorbées par les collectivités territoriales ?
Ainsi, loin de rechercher à procéder à une conciliation équilibrée des différents principes et objectifs constitutionnels en jeu, la loi déférée se cantonne à transformer un risque financier « Etat et établissements de crédit » en un risque « collectivités territoriales ».
Dans ces circonstances, comment ne pas considérer que la loi déférée du fait de son caractère manifestement disproportionné ne rend pas platonique les principes de libre administration et de libre disposition de leurs ressources, garantis par la Constitution aux collectivités territoriales.
Certes, il existe bien le fonds de soutien aux collectivités territoriales. Toutefois, pour un risque évalué à plus de 10,6 milliards d'euros, le fonds de soutien est doté à hauteur de 100 millions d'euros par an sur quinze ans, soit un rapport de plus de un à sept entre les sommes supportées par les collectivités territoriales et celles dont elles peuvent disposer à titre d'aide.
En second lieu, en vertu de l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution « [t]out transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » (pour des exemples de mise en œuvre de ce principe, voir CC, n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, cons. 8 ; CC, n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, cons. 12).
Or, le transfert de la charge des sommes évoquées sur les collectivités territoriales évitera à l'Etat d'avoir à tenir les engagements qu'il a pris auprès de différents organes.
Il s'agit donc pour l'Etat de transférer la charge financière de ces engagements sur les collectivités territoriales. Ces dernières auraient donc dû se voir attribuer à ce titre des ressources d'un montant équivalent en vertu de l'article 72-2 de la Constitution.
Les députés auteurs de la saisine font donc valoir que, en l'espèce, la loi relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public est irrégulière en ce qu'elle méconnaît les exigences des articles 72 et 72-2 de la Constitution.

(28) Etude d'impact, p. 7.


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V. - La méconnaissance des articles 72 et 72-2 de la Constitution

En premier lieu, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement » dans les conditions fixées par la loi. Toutefois, les atteintes portées par la loi ne doivent pas apparaître comme « manifestement déséquilibrée[s] » au regard des objectifs recherchés (CC, n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, cons. 33).

Or, tel n'est pas le cas de la loi déférée.

En effet, si selon l'étude d'impact l'Etat lui-même éprouvera les plus grandes difficultés à supporter les conséquences financières annoncées, comment pourraient-elles l'être par des collectivités territoriales qui n'ont ni les moyens ni l'expérience de l'Etat pour gérer de tels enjeux ?

De même, si l'absorption de ces sommes par le budget de l'Etat « devra impérativement être compensée par des mesures d'économies de grande ampleur à très court terme, avec des répercussions significatives sur l'économie » (28), comment pourrait-il en aller autrement si les sommes devaient être absorbées par les collectivités territoriales ?

Ainsi, loin de rechercher à procéder à une conciliation équilibrée des différents principes et objectifs constitutionnels en jeu, la loi déférée se cantonne à transformer un risque financier « Etat et établissements de crédit » en un risque « collectivités territoriales ».

Dans ces circonstances, comment ne pas considérer que la loi déférée du fait de son caractère manifestement disproportionné ne rend pas platonique les principes de libre administration et de libre disposition de leurs ressources, garantis par la Constitution aux collectivités territoriales.

Certes, il existe bien le fonds de soutien aux collectivités territoriales. Toutefois, pour un risque évalué à plus de 10,6 milliards d'euros, le fonds de soutien est doté à hauteur de 100 millions d'euros par an sur quinze ans, soit un rapport de plus de un à sept entre les sommes supportées par les collectivités territoriales et celles dont elles peuvent disposer à titre d'aide.

En second lieu, en vertu de l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution « [t]out transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » (pour des exemples de mise en œuvre de ce principe, voir CC, n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, cons. 8 ; CC, n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, cons. 12).

Or, le transfert de la charge des sommes évoquées sur les collectivités territoriales évitera à l'Etat d'avoir à tenir les engagements qu'il a pris auprès de différents organes.

Il s'agit donc pour l'Etat de transférer la charge financière de ces engagements sur les collectivités territoriales. Ces dernières auraient donc dû se voir attribuer à ce titre des ressources d'un montant équivalent en vertu de l'article 72-2 de la Constitution.

Les députés auteurs de la saisine font donc valoir que, en l'espèce, la loi relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public est irrégulière en ce qu'elle méconnaît les exigences des articles 72 et 72-2 de la Constitution.

(28) Etude d'impact, p. 7.