Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance, prise sur le fondement de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 30 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, a pour objet de mettre fin au régime des conservateurs des hypothèques, qui exercent la mission de publicité foncière depuis la Révolution française.
La publicité foncière, qui est une mission de service public ayant pour finalité de porter à la connaissance de tous, en les rendant opposables, les droits exercés individuellement sur les immeubles, continuera bien évidemment d'être assurée par la direction générale des finances publiques, selon des modalités plus conformes au statut général des fonctionnaires, notamment en matière de rémunérations.
En effet, aujourd'hui, le conservateur des hypothèques perçoit des « salaires » des usagers à l'occasion de l'accomplissement des formalités, qui financent directement sa rémunération et le fonctionnement du service de la publicité foncière.
En contrepartie de ce régime de rémunération atypique, il assume une responsabilité civile personnelle qui peut être mise en jeu jusqu'à l'expiration d'un délai de dix ans suivant la cessation de ses fonctions. Pour couvrir cette responsabilité, le conservateur doit fournir un cautionnement en application d'une loi du 21 ventôse an VII.
Dans son rapport annuel 2008, la Cour des comptes a relevé « l'anachronisme grandissant du statut des conservateurs des hypothèques » et souhaité sa modification.
Pour donner suite à ces préconisations, l'article 30 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires pour :
― instituer à compter du 1er janvier 2013 une taxe au profit de l'Etat due par les usagers du service de la publicité foncière, aux mêmes conditions d'assiette, de tarif, de contrôle et de recouvrement que le salaire du conservateur des hypothèques prévu par l'article 879 du code général des impôts qu'elle remplace ;
― substituer, à compter du 1er janvier 2013 et sans remettre en cause le service rendu à l'usager, la responsabilité de l'Etat à celle des conservateurs des hypothèques tant dans l'exécution du service public de la publicité foncière que dans les obligations en résultant et des droits et biens qui les garantissent.
Le titre Ier organise le transfert à l'Etat de la responsabilité dans l'exécution de la mission de publicité foncière à compter du 1er janvier 2013.
A cette fin, le chapitre Ier contient les dispositions modifiant le code civil.
L'article 1er de l'ordonnance modifie l'intitulé de la section 3 du chapitre IV du titre II du livre IV du code civil pour y supprimer la référence à la responsabilité des conservateurs des hypothèques.
L'article 2 modifie l'article 2449 du code civil. Il détermine les conditions dans lesquelles les services chargés de la publicité foncière, qui se substitueront aux conservations des hypothèques, sont tenus de délivrer à toute personne qui le requiert copie ou extraits des documents qui y ont été déposés et du fichier immobilier.
L'article 3 de l'ordonnance fixe à l'article 2450 du code civil la responsabilité civile de l'Etat dans l'exécution de la mission de publicité foncière exercée par chaque service chargé de la publicité foncière.
Afin de ne pas remettre en cause la qualité du service rendu à l'usager, cet article :
1° Maintient le principe d'une mise en jeu de la responsabilité devant les juridictions judiciaires ;
2° Fixe un régime de responsabilité de l'Etat similaire à celui des conservateurs des hypothèques, sans pouvoir être strictement identique. La responsabilité du conservateur ne pourra plus être mise en cause à l'expiration d'un délai de dix ans après la cessation de ses fonctions. A compter du 1er janvier 2013, l'action en responsabilité de l'Etat est exercée devant le juge judiciaire et, sous peine de forclusion, dans le délai de dix ans suivant le jour où la faute a été commise.
L'article 4 introduit les dispositions de coordination nécessaires aux articles 2451 à 2453 et 2457 du code civil.
Le chapitre II, composé de l'article 5, introduit les dispositions de coordination que le transfert de responsabilité rend nécessaire dans les textes non codifiés.
Le titre II contient les dispositions relatives à la « contribution de sécurité immobilière ».
Son chapitre Ier modifie le code général des impôts.
Conformément à l'habilitation du législateur, l'article 6 du projet institue la taxe, dénommée contribution de sécurité immobilière, qui se substitue au « salaire du conservateur » et dont le principe est posé par la nouvelle rédaction de l'article 878 du code général des impôts. Il modifie également les articles 879 à 881 du même code.
L'article 7 insère les articles 881 A à 881 N qui fixent le tarif dû à raison de l'ensemble des formalités civiles requises : publication d'actes, inscriptions de sûretés, mentions en marge, délivrance de copies de documents et d'extraits du fichier immobilier.
Il est observé que :
― l'Etat est exonéré de la contribution pour les formalités de publicité foncière qu'il requiert à son profit dès lors que la recette budgétaire est affectée au budget général ;
― la contribution est due à raison des formalités intéressant les immeubles situés dans le ressort territorial des services de la publicité foncière : France métropolitaine (à l'exclusion de ceux situés dans les départements d'Alsace et de la Moselle relevant des dispositions de la loi du 1er juin 1924 relative au livre foncier), Corse, départements d'outre-mer, mais aussi Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'article 8 contient les dispositions de coordination liées à la substitution de la contribution de sécurité immobilière au salaire du conservateur dans le code général des impôts.
Le chapitre II, composé de l'article 9, contient les dispositions de coordination liées à la substitution de la contribution de sécurité immobilière au salaire du conservateur dans les autres codes.
Le chapitre III, composé de l'article 10, contient les dispositions de coordination liées à la substitution de la contribution de sécurité immobilière au salaire du conservateur dans les textes non codifiés.
Le titre III contient les dispositions de coordination rendues nécessaires par le transfert à l'Etat des missions de publicité foncière pour lesquelles il engage sa responsabilité civile.
A cette fin, le chapitre Ier porte les modifications des dispositions du code civil.
L'article 11 contient les dispositions de coordination des articles contenus dans les livres Ier, III et IV du code civil.
L'article 12 modifie les dispositions du livre V relatives à Mayotte.
En application des dispositions de l'ordonnance n° 2005-870 du 28 juillet 2005 portant adaptation de diverses dispositions relatives à la propriété immobilière à Mayotte et modifiant le livre IV du code civil, et du décret n° 2008-1086 du 23 octobre 2008 pris pour son application, le conservateur de la propriété immobilière de Mayotte est chargé :
― des suites à donner aux requêtes en immatriculation des immeubles et de la formalité de celles-ci au livre foncier ;
― de l'inscription des droits réels immobiliers sur le livre foncier ;
― de la conservation des actes et plans relatifs aux immeubles immatriculés et de la communication au public des renseignements s'y rapportant ;
― de l'élaboration des documents relatifs au régime de la propriété immobilière.
Pour l'accomplissement de ces missions, le décret du 23 octobre 2008 précité prévoit l'acquittement par les usagers de frais.
La responsabilité du conservateur de la propriété immobilière dans l'accomplissement des formalités de publicité foncière est assimilée à celle du conservateur des hypothèques en application du 8° de l'article 2490 du code civil. A ce titre, il est civilement responsable sur ses deniers propres envers les usagers de l'exécution de cette mission suivant le même régime que les conservateurs des hypothèques.
L'Etat assure le pilotage de la mission de publicité foncière à Mayotte, la collectivité départementale n'ayant pas de compétence législative propre dans ce domaine.
C'est pourquoi l'article 12 propose la substitution dans le code civil de l'Etat au conservateur de la propriété immobilière en assimilant ce dernier au service chargé de la publicité foncière pour la lecture dudit code.
Le chapitre II, composé de l'article 13, contient les dispositions de coordination nécessaires des textes intéressant les conservateurs et conservations des hypothèques dans les autres codes.
Le chapitre III, composé de l'article 14, contient les dispositions de coordination nécessaires des textes intéressant les conservateurs et conservations des hypothèques dans les textes non codifiés.
Le titre IV comporte les dispositions transitoires et finales.
L'article 15 abroge les dispositions devenues inutiles :
― celles des articles 2455 et 2456 du code civil relatives aux sanctions particulières encourues par les conservateurs des hypothèques en cas de manquement à leurs obligations ;
― celles relatives au salaire du conservateur codifiées au code général des impôts ;
― celles de la loi du 21 ventôse an VII relatives à la subdélégation de la mission de publicité foncière aux conservateurs des hypothèques, à la prestation de serment des conservateurs et à leur intérim.
L'article 16 cite expressément les dispositions de l'ordonnance non contenues dans le code civil qui sont applicables à Mayotte. A cet égard, les frais dus actuellement par les usagers au conservateur ne sont pas assimilés au salaire du conservateur ; ils demeurent donc inchangés.
L'article 17 exclut le conservateur des registres du cinéma et de l'image animée du champ d'application de l'ordonnance, sa situation ne relevant pas du périmètre de l'habilitation donnée par le législateur.
Cette disposition est rendue nécessaire dans la mesure où le code du cinéma et de l'image animée assimile le régime de responsabilité de ce conservateur à celui du conservateur des hypothèques. Il fait à cet égard référence à des dispositions que l'ordonnance modifie.
L'article 18 fixe au 1er janvier 2013 l'entrée en vigueur de l'ordonnance.
Il substitue à cette date la responsabilité de l'Etat à celle des conservateurs des hypothèques à raison des missions exercées par ceux-ci jusqu'au 31 décembre 2012.
Les conservateurs cessent leurs fonctions à cette date par l'effet de la présente ordonnance. La responsabilité de l'Etat pourra alors être mise en cause à raison des fautes commises par les conservateurs avant le 1er janvier 2013, jusqu'au 31 décembre 2022. L'Etat se substituera également aux conservateurs pour les contentieux en cours au 1er janvier 2013.
Corrélativement, l'Etat est substitué aux conservateurs des hypothèques dans les biens et droits qui forment le cautionnement qu'ils sont tenus aujourd'hui de constituer pour garantir leur responsabilité civile en application de la loi du 21 ventôse an VII.
Par ailleurs, l'article 18 organise également la perception au profit de l'Etat, à compter du 1er janvier 2013, du salaire du conservateur des hypothèques non encore recouvré à cette date :
― sur les formalités inscrites en débet avant cette date ;
― mentionné sur un avis de mise en recouvrement.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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