L'ordonnance assouplit les conditions d'ouverture de la sauvegarde et renforce les pouvoirs des dirigeants sur l'administration et la réorganisation de l'entreprise. Elle améliore aussi les conditions de préparation du plan de sauvegarde et modifie en profondeur les règles applicables à la constitution et au fonctionnement des comités de créanciers et de l'assemblée des obligataires. Enfin, elle précise et clarifie certaines règles, afin d'apporter une réponse aux difficultés rencontrées par les praticiens depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005.
II-1. L'assouplissement des conditions d'ouverture
de la sauvegarde
L'article 12 prévoit que la procédure de sauvegarde peut dorénavant être ouverte sur demande d'un débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter (art. L. 620-1).
Cette procédure demeure donc réservée aux débiteurs qui ne sont pas en cessation des paiements, afin de favoriser l'anticipation des difficultés et de préserver l'image de la sauvegarde par rapport à celle du redressement judiciaire. Il s'agit ainsi également de garantir que la sauvegarde ne sera pas utilisée pour se soustraire indûment aux règles de la libre concurrence.
En revanche, le débiteur n'aura désormais plus à démontrer que ces difficultés sont de nature à le conduire à la cessation des paiements, preuve souvent ardue à rapporter et dont la complexité s'accroît à mesure de la précocité de sa demande d'ouverture.
II-2. Le renforcement de l'attractivité de la sauvegarde
pour le dirigeant
L'ordonnance étend le rôle et les prérogatives du dirigeant au moment de l'ouverture et pendant la procédure de sauvegarde.
Ainsi, l'article 14 introduit la possibilité pour le débiteur qui demande l'ouverture d'une sauvegarde de proposer au tribunal la désignation de l'administrateur judiciaire de son choix (art. L. 621-4).
Les articles 14 et 21 lui permettent de procéder lui-même à l'inventaire de son patrimoine dans le délai fixé par le tribunal, sous réserve que celui-ci soit certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable (art. L. 621-4 et L. 622-6-1). Est toutefois maintenue, à l'article 21, l'obligation pour le juge-commissaire de désigner un officier public afin qu'il procède à cet inventaire, si le débiteur tarde à engager celui-ci ou à l'achever et n'a obtenu aucune prolongation de délai.
L'article 20 supprime par ailleurs l'obligation de réaliser une prisée, qui s'inscrit dans une perspective de cession de l'entreprise ou des actifs contraire à la finalité première de la sauvegarde (art. L. 622-6).
Les articles 22, 23 et 24 suppriment les hypothèses de compétences concurrentes entre le débiteur et l'administrateur judiciaire. Ainsi, au cours de la période d'observation, seul le débiteur pourra solliciter du juge-commissaire l'autorisation de procéder à des actes de disposition étrangers à la gestion courante de son entreprise (art. L. 622-7-II), proposer aux créanciers une substitution de garanties (art. L. 622-8) ou saisir le tribunal afin qu'il ordonne la cessation partielle de l'activité de l'entreprise (art. L. 622-10).
Les articles 52 et 56 confortent le rôle du débiteur dans l'élaboration du projet de réorganisation de l'entreprise. Il est ainsi affirmé qu'il lui revient, avec le concours de l'administrateur, de préparer le projet de plan de sauvegarde et de proposer celui-ci aux créanciers (art. L. 626-2 et L. 626-8).
L'article 166 étend les catégories de garants du débiteur pouvant se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts, de la suspension des poursuites et des dispositions du plan de sauvegarde. Ainsi, dans un plus grand nombre de cas, le dirigeant qui s'est porté garant du débiteur ou a obtenu une garantie de ses proches n'aura pas à craindre les répercussions de l'ouverture de la procédure sur sa situation personnelle (art. L. 622-28 et L. 626-11).
Enfin, l'article 53 abroge l'article L. 626-4 du code de commerce afin de supprimer la faculté pour le tribunal de subordonner l'adoption du plan de sauvegarde à l'éviction des dirigeants ou encore d'ordonner l'incessibilité ou la cession forcée de leurs titres. Désormais, le dirigeant est donc assuré de rester à la tête de son entreprise si un plan de sauvegarde est arrêté à l'issue de la période d'observation et ne risque plus une perte d'influence en tant qu'actionnaire ou associé.
II-3. L'amélioration des conditions de réorganisation
de l'entreprise
L'ordonnance entend faciliter la poursuite de l'activité au cours de la période d'observation et la préparation du plan de sauvegarde, notamment en aménageant les effets de certaines sûretés. Elle améliore par ailleurs les règles de fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d'obligataires, afin de prendre en considération les enseignements de la pratique et l'apparition de nouveaux acteurs du financement des entreprises. Enfin, elle s'attache à favoriser une réorganisation pérenne après l'arrêté du plan de sauvegarde.
Ainsi, l'article 32 précise qu'aucune cession ou transfert de biens ou de droits présents dans un patrimoine fiduciaire ne peut intervenir au profit du créancier du seul fait de l'ouverture de la sauvegarde, du non-paiement d'une créance antérieure à cette ouverture ou de l'arrêté du plan de sauvegarde, dès lors que ces biens ou droits font l'objet d'une convention de mise à disposition (art. L. 622-23-1).
L'article 22 complète le I de l'article L. 622-7 du code de commerce afin de préciser que le créancier bénéficiant d'un gage sans dépossession, désormais titulaire du droit de rétention conféré par l'article 2286 (4°) du code civil, ne peut opposer celui-ci pendant la période d'observation et pendant l'exécution du plan de sauvegarde, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession d'activité. Il est ainsi permis au débiteur de continuer à faire usage du bien gagé, ce qui apparaît de nature à favoriser le maintien de l'exploitation. Celui-ci pourra, par exemple, utiliser les stocks grevés d'un gage sans dépossession soumis aux dispositions des articles L. 527-1 et suivants du code de commerce. Le titulaire d'un tel gage tient en effet son droit de rétention de l'article 2286 (4°) du code civil. En revanche, cette disposition n'affectera pas les droits de rétention institués par des textes spéciaux.
Toujours en vue de faciliter la poursuite de l'activité, l'article 22 étend la possibilité de payer des créances antérieures au jugement d'ouverture, sur autorisation du juge-commissaire et sous certaines conditions, aux hypothèses où ce paiement permettra d'obtenir le retour de biens et droits remis en gage ou transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, ou encore de lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail (art. L. 622-7).
L'article 24 introduit une innovation importante en permettant au tribunal, à la seule initiative du débiteur, de convertir la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, si l'adoption d'un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduisait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements (art. L. 622-10). Cette hypothèse de conversion sera très utile lorsque la cession totale de l'entreprise apparaîtra au débiteur comme la seule possibilité de poursuivre l'activité. En effet, cette cession pourra être envisagée sans que le débiteur soit contraint de demander la clôture de la procédure de sauvegarde, puis d'attendre la survenue de la cessation des paiements pour bénéficier de l'ouverture d'un redressement judiciaire. Une telle discontinuité entre les procédures était préjudiciable tant au débiteur qu'aux créanciers.
L'article 27 procède à la réécriture de l'article L. 622-13 du code de commerce, relatif à la poursuite et aux modalités de résiliation des contrats en cours au jour de l'ouverture de la sauvegarde, afin d'en améliorer la lisibilité. Il ouvre également à l'administrateur la possibilité de demander au juge-commissaire qu'il prononce la résiliation d'un contrat en cours si la sauvegarde du débiteur le requiert et si cette rupture ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts de son cocontractant (art. L. 622-13-IV).
Le contrat de fiducie est expressément exclu du champ d'application de l'article L. 622-13. En revanche, la convention de mise à disposition d'un bien transféré dans un patrimoine fiduciaire par le débiteur relève des règles applicables à la poursuite des contrats en cours. Il en résulte notamment que l'ouverture de la sauvegarde ne pourra avoir pour effet de mettre fin à cette convention.
L'article 34 ajoute un nouvel alinéa à l'article L. 622-26 afin de prévoir que les créances non déclarées sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan de sauvegarde et à son issue, si les engagements mentionnés dans le jugement arrêtant le plan ont été respectés. Cette mesure doit permettre de favoriser la pérennité de la réorganisation du débiteur une fois le plan exécuté. Pendant l'exécution du plan, cette mesure bénéficiera également aux personnes physiques coobligées et à celles ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Ces personnes pouvant se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde à l'égard des créanciers qui y sont soumis, il aurait été incohérent de permettre qu'elles soient poursuivies par des créanciers ayant omis de déclarer leurs créances.
Afin d'accélérer la détermination de la consistance réelle du patrimoine du débiteur, les articles 41 et 42 unifient le point de départ du délai des revendications en supprimant son report pour les biens faisant l'objet d'un contrat en cours au jour de l'ouverture de la procédure. Le droit à restitution d'un tel bien, s'il est invoqué dans le délai ainsi imparti et reconnu, ne pourra être mis en œuvre qu'à la fin du contrat (art. L. 624-9 et L. 624-10-1).
L'article 51 écarte la mise en œuvre des droits de préemption institués par le code rural ou le code de l'urbanisme en cas de cession d'une ou de plusieurs activités prévue par le plan de sauvegarde, ce qui est de nature à favoriser les offres de reprises (art. L. 626-1).
Enfin, l'article 63 aménage les conséquences des incidents survenant au cours de l'exécution du plan de sauvegarde (art. L. 626-27). Il conforte le monopole du commissaire à l'exécution du plan pour procéder au recouvrement des dividendes impayés. En cas de cessation des paiements, il supprime l'obligation pour le tribunal de prononcer la liquidation judiciaire. Désormais, un redressement judiciaire pourra être ouvert, si les conditions en sont réunies, c'est-à-dire si le redressement du débiteur est possible malgré la cessation des paiements.
II-4. Les nouvelles règles applicables à la constitution
et au fonctionnement des comités de créanciers
L'ordonnance tire les conséquences des difficultés rencontrées dans la pratique et réforme donc en profondeur les règles de constitution et de fonctionnement des comités de créanciers, ainsi que celles de l'assemblée des obligataires (art. L. 626-30 à L. 626-34-1).
L'article 65 réécrit entièrement l'article L. 626-30 du code de commerce relatif à la composition des comités de créanciers. Il élargit le comité des établissements de crédit aux établissements assimilés, dont la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, intégrera certains investisseurs dont le rôle avait été précédemment négligé.
Afin de prendre en compte le développement du marché secondaire de la dette et la circulation des créances, sont désormais explicitement inclus dans ce comité les créanciers titulaires de créances initialement détenues, selon les cas, par un établissement de crédit ou assimilé, ou par un fournisseur.
La composition du comité des principaux fournisseurs est elle aussi élargie par l'abaissement du seuil de participation de 5 % à 3 % du total des créances des fournisseurs.
L'article 66 complète ce dispositif en précisant que la participation aux comités de créanciers est un accessoire de la créance, qui est transmis de plein droit à ses titulaires successifs, de sorte que la composition des comités pourra être adaptée en fonction des transferts de créances intervenus après le jugement d'ouverture (art. L. 626-30-1).
S'agissant des règles de fonctionnement des comités, le calendrier fixé pour conduire les opérations, qui s'est parfois avéré inadapté à la conduite des négociations en raison de sa rigidité, a été supprimé. Sous réserve du maintien d'un délai de réflexion minimum entre la transmission des propositions du débiteur et le vote, il est désormais seulement prévu que les comités de créanciers doivent adopter un projet de plan dans les six mois de l'ouverture de la procédure (article 70 modifiant l'article L. 626-34).
A l'article 66, les modalités de vote des comités sont également améliorées par la suppression de la règle de la majorité par tête, ce qui limitera le risque de fraude par subdivision des créances. La majorité des deux tiers sera désormais calculée à partir du seul montant des créances et en ne prenant en compte que les votes exprimés (art. L. 626-30-2).
En outre, cet article introduit plusieurs mesures destinées à favoriser l'adoption d'un projet de plan de sauvegarde et à permettre une restructuration financière durable.
Ainsi, il sera désormais permis à tout créancier membre d'un comité de faire des propositions de plan au débiteur et à l'administrateur.
De plus, il est explicitement affirmé que le projet de plan soumis aux comités de créanciers pourra prévoir des conversions de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital, cette possibilité étant toutefois limitée aux sociétés par actions dont tous les actionnaires ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. Cette mesure permettra une recapitalisation tout en associant plus étroitement les créanciers au sauvetage de l'entreprise. Enfin, il pourra être décidé un traitement différencié entre les créanciers si des différences de situation le justifient.
Par ailleurs, les articles 65, 66 et 69 réservent un traitement particulier aux créanciers bénéficiaires d'une fiducie constituée à titre de garantie par le débiteur. Leur participation aux comités sera en effet déterminée et, le cas échéant, leurs droits de vote calculés, en considération des seules créances non garanties dont ils seront éventuellement titulaires. Pour ce qui est de leurs créances garanties, ils seront consultés selon les modalités applicables aux créanciers ne faisant pas partie des comités de créanciers, auxquels le tribunal ne peut imposer que des délais de paiement sur une durée maximale de dix ans.
S'agissant des obligataires, l'article 68 réécrit l'article L. 626-32 du code de commerce afin de permettre la réunion d'une seule assemblée ayant pour objet de délibérer à la majorité des deux tiers du montant des créances sur le projet de plan adopté par les comités de créanciers, peu important le nombre d'émissions obligataires concernées et le lieu de ces émissions (France ou étranger). En outre, il autorise les conversions de créances obligataires en capital dans les mêmes conditions que celles prévues pour les comités de créanciers et un traitement différencié si les différences de situation le justifient.
Enfin, afin d'éviter que l'exercice des recours ne retarde excessivement le processus d'adoption du plan, l'article 71 prévoit, d'une part, que les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires seront tranchées dans le jugement statuant sur l'arrêté du plan et, d'autre part, que les créanciers ne pourront contester que les décisions adoptées par le comité ou l'assemblée dont ils sont membres (art. L. 626-34-1).
II-5. Amélioration des règles applicables à la sauvegarde
L'ordonnance apporte des précisions dont la pratique, depuis trois ans, a révélé la nécessité et qui doivent permettre de lever certaines incertitudes concernant le déroulement de la procédure de sauvegarde.
Ainsi, l'article 28 clarifie les conditions de poursuite et de résiliation du bail des immeubles affectés à l'activité du débiteur afin de dissiper les ambiguïtés concernant la combinaison de ces règles avec celles applicables aux autres contrats en cours (art. L. 622-14).
L'article 29 simplifie le régime applicable aux créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure en réintégrant parmi les créances privilégiées celles qui sont nées en raison d'une prestation fournie au débiteur personne physique pour ses besoins personnels. Il clarifie en outre le rang du privilège des frais de justice (art. L. 622-17).
L'article 43 clarifie le champ d'application du régime des revendications et y inclut de manière explicite les biens meubles transférés dans une fiducie dont le débiteur a conservé l'usage ou la jouissance en qualité de constituant (art. L. 624-16).
L'article 54 dissipe toute ambiguïté quant à l'applicabilité aux créanciers publics des modalités de consultation prévues pour les créanciers privés lorsque les propositions du débiteur portent exclusivement sur des délais de paiement (art. L. 626-5).
Les articles 36, 37, 55, 56 et 57 parachèvent la distinction faite par la loi du 26 juillet 2005 précitée entre la phase de diagnostic, qui conduit à l'établissement du bilan économique et social, et l'élaboration du projet de plan. En outre, ils tirent les conséquences de la nouvelle répartition des compétences entre le débiteur et l'administrateur, en adaptant les règles applicables à l'établissement et à la communication du bilan économique et social et du projet de plan.
L'article 61 précise qu'il est mis fin à la procédure de sauvegarde ou de redressement lorsque la mission de l'administrateur et du mandataire judiciaire est achevée, ce dont il résulte qu'elle ne se poursuit pas au-delà, jusqu'à la fin du plan.
Les articles 73 et 74 précisent l'étendue des obligations et prérogatives du débiteur en l'absence de désignation d'un administrateur.
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