JORF n°292 du 16 décembre 2005

TITRE Ier : DISPOSITIONS RELATIVES AUX IMMEUBLES INSALUBRES

Ce titre traite de l'hygiène dans l'habitat, des locaux, installations, immeubles ou îlots insalubres et porte modification des articles du code de la santé publique y afférents.

Article 1er

Cet article complète en matière d'habitat l'article L. 1311-4 qui concerne le danger ponctuel imminent dû au non-respect des règles d'hygiène. Il prévoit la réalisation d'office des mesures prescrites notamment par le maire et la récupération de la créance.
Si la personne redevable de l'obligation de respecter les mesures d'hygiène ne peut être identifiée, les mesures effectuées d'office seront à la charge de l'Etat.

Article 2

Cet article est relatif aux mesures administratives permettant de mettre fin à l'insalubrité de locaux, installations impropres à l'habitation ou immeubles, groupes d'immeubles insalubres, totalement ou partiellement. D'une part, il clarifie l'organisation des articles du code de la santé publique relatifs à l'insalubrité des locaux ou immeubles tout en en modifiant la numérotation et, d'autre part, il précise les dispositions applicables pour faciliter les travaux de sortie d'insalubrité et intervenir en cas d'urgence. Il harmonise les dispositions applicables dans toutes les procédures (droit des occupants, réalisation de travaux d'office, récupération des créances, notamment).
La logique de cette réorganisation est de traiter dans les premiers articles, réécrits, les situations « ponctuelles », installations impropres à l'habitation, inhabitables par nature, locaux inadaptés, ou mis à disposition dans des conditions conduisant manifestement à leur suroccupation, qui justifient des procédures rapides et simples. Sont ensuite développées les deux procédures de déclaration d'insalubrité qui correspondent à des réalités différentes et dont la procédure est plus formalisée : périmètre délimité par arrêté du préfet, procédure d'insalubrité sur un immeuble ou groupe d'immeubles, avec l'introduction, dans cette dernière, de mesures d'urgence.
Le I est une mesure de coordination qui annonce la nouvelle organisation des articles, en déplaçant l'article L. 1331-25 qui devient l'article L. 1331-17 et abroge l'article L. 1331-32.
Le II est relatif aux locaux inhabitables par nature. Il insère un nouvel article L. 1331-22 qui reprend et complète l'ancien article L. 1337-3, alors inclus dans les dispositions pénales, sans en modifier le dispositif. Il étend la liste actuelle des locaux ne pouvant être mis à disposition aux fins d'habitation à tous les locaux impropres par nature à l'habitation.
Le préfet met en demeure la personne qui a mis ces locaux à disposition aux fins d'habitation d'y mettre fin dans le délai qu'il fixe.
Les différentes conséquences de droit liées au droit des occupants sont précisées (harmonisation avec les dispositions existantes).
L'incrimination pénale est reportée dans les nouvelles dispositions pénales, qui font l'objet de l'article 3.
Le III est relatif aux locaux dont les conditions d'usage ou la suroccupation ne sont pas compatibles avec la salubrité et qui peuvent donner lieu à injonction ou mise en demeure par le préfet, après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques.
Les deux articles insérés, le L. 1331-23 et le L. 1331-24, sont des réécritures actualisées de l'article L. 1331-24.
Le champ d'application du L. 1331-23 nouveau porte sur les locaux mis à disposition dans des conditions aboutissant manifestement à surpeuplement. Cette disposition vise des « marchands de sommeil » qui louent des locaux en suroccupation et en toute connaissance de cause. Elle ne vise pas les logements dont la suroccupation est le fait des occupants, dont le propriétaire ne peut être tenu pour responsable.
L'article L. 1331-24 nouveau traite de locaux qui peuvent être dangereux pour les occupants en raison de l'utilisation qui en est faite. Ces locaux ne sont pas en eux-mêmes impropres à l'habitation, contrairement à ceux qui sont visés par l'article L. 1331-22. Aussi des injonctions du préfet peuvent permettre de mettre fin aux dangers constatés, notamment par une remise en état des lieux.
Sont étendues à ces articles les mesures existant dans les autres articles du code de la santé publique, relatives, en particulier, à la récupération des créances publiques et au droit des occupants.
Le IV codifie à l'article L. 1331-25 nouveau l'ancien article L. 1331-23 relatif aux périmètres insalubres. Le régime de cette déclaration d'insalubrité, dont le champ n'est pas modifié, est aligné sur celui de la déclaration régie par l'article suivant L. 1331-26, dans un but d'harmonisation.
Le V est relatif à l'article L. 1331-26, qui pose les principes de l'initiative et de l'engagement de la procédure de déclaration de l'insalubrité des immeubles et groupes d'immeubles.
Est insérée dans cet article, dont l'écriture est inchangée, la définition de la notion d'insalubrité irrémédiable.
La qualification juridique du remédiable ou de l'irrémédiable est souvent difficile et source de contentieux, contentieux parfois d'interprétation délicate. Afin d'assurer une meilleure sécurité juridique des actes, cet article définit de façon claire l'irremédiabilité, qui est une notion juridique et non technique, en prenant comme références l'impossibilité technique de réaliser les travaux nécessaires pour résorber l'insalubrité du bâtiment concerné, ou leur coût, lorsque celui-ci est plus onéreux que celui de la reconstruction du bâtiment. Aucune référence à des considérations de valeur vénale ou de revenus locatifs n'est prise en compte dans cette définition. Cette disposition implique que le caractère irrémédiable du bâtiment s'apprécie pour l'ensemble de celui-ci. Il convient en effet d'éviter que des parties différentes d'un même bâtiment puissent être déclarées, les unes insalubres remédiables et les autres, insalubres irrémédiables.
En termes de politique publique, cela conduit à encourager la réalisation de travaux de réhabilitation, à préciser les obligations de propriétaires qui parfois laissent se dégrader leur bien tout en bénéficiant d'une importante rentabilité locative. Cela conduit aussi à permettre le maintien dans les lieux des occupants, ou leur retour, et à éviter le relogement systématique, toujours difficile, lorsqu'il n'est pas justifié. Enfin, cette clarification permet de mieux circonscrire le champ de l'expropriation dérogatoire de droit commun, en application de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, qui fait l'objet du titre IV ci-après.
Conformément au 6° de l'article 122 de la loi de programmation pour la cohésion sociale, le VI institue, à l'article L. 1331-26-1 nouveau, un dispositif destiné à faciliter le traitement d'urgence des situations d'insalubrité.
Ce mécanisme ne constitue pas une procédure nouvelle, mais s'inscrit dans celle qui est poursuivie en application des articles L. 1331-26 et suivants. Cette dernière présente un caractère partiellement contradictoire, protectrice des droits du propriétaire, impose des délais précis, et peut être relativement longue à mettre en oeuvre avant d'aboutir à l'arrêté d'insalubrité, ce qui ne permet pas d'agir en urgence, d'intervenir pour garantir des conditions d'hygiène et de sécurité minimales aux occupants, ni leurs droits d'occupation. Pour ces raisons, il est prévu un mécanisme d'intervention d'urgence, analogue à ce que peut être le péril imminent en matière d'immeubles menaçant ruine, préalable à l'examen de la situation par la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques.
Cet article autorise le préfet, saisi par le rapport motivé du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou du directeur du service communal d'hygiène et de santé, à mettre en demeure un propriétaire de procéder aux mesures indispensables pour assurer les conditions minimales d'hygiène ou de sécurité de l'habitat dans un délai qu'il fixe, sans préjuger de la poursuite de la procédure de déclaration d'insalubrité des articles L. 1331-26 et suivants.
Si les travaux d'urgence n'ont pas été réalisés ou si des mesures complémentaires sont nécessaires pour résorber l'insalubrité, l'arrêté sera pris par le préfet après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques ; si les travaux effectués par le propriétaire, notamment ceux qu'il aurait effectués en sus des mesures d'urgence prescrites, ont mis fin à toute insalubrité, le préfet en prendra acte et la procédure ne sera pas poursuivie.
Le VII réécrit l'article L. 1331-28 relatif aux déclarations d'insalubrité remédiable et irrémédiable et précise leurs principaux effets.
Le I de cet article concerne la déclaration d'insalubrité irrémédiable. Le délai maximum de prise d'effet de l'interdiction définitive d'habiter passe de six mois à un an. Ce nouveau délai doit permettre d'assurer effectivement un relogement, tenant compte des difficultés locales et sociales, le délai de six mois s'étant souvent avéré trop court, ce qui a entraîné le maintien d'occupants sans droit ni titre dans des locaux interdits définitivement à l'habitation.
Un nouvel alinéa précise que le préfet peut prescrire les mesures nécessaires pour empêcher toute utilisation des locaux déclarés insalubres irrémédiables. Il prévoit aussi, et c'est une novation importante, que le maire, au nom de l'Etat, peut, en cas de nécessité, les décider, que celles-ci aient été préalablement prescrites ou non ; dans tous les cas, l'exécution d'office est prévue. Cette mesure permet aux maires de procéder d'urgence aux mesures indispensables, notamment pour prévenir le squat, y compris sur des immeubles vacants déclarés insalubres depuis longtemps.
Le II de ce même article assure la coordination avec les dispositions du code de la santé publique relatives à la lutte contre la présence de plomb issues de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique : les mesures nécessaires pour remédier à l'insalubrité comprennent, en tant que de besoin, les travaux nécessaires pour supprimer l'accessibilité au plomb. Cette disposition dispense de superposer deux procédures distinctes, l'une au titre de l'insalubrité, l'autre au titre du plomb et permet de faire engager d'éventuels travaux d'office, notamment palliatifs au titre du plomb, tout en assurant un traitement complet de l'immeuble concerné.
Le même II précise le contenu des mesures appropriées pour mettre fin à l'insalubrité. Aucun texte ne définit la nature des travaux pouvant être imposés au propriétaire lorsque l'insalubrité est qualifiée de remédiable : ceci concerne, en particulier, la nature des équipements sanitaires ou, plus largement, des éléments permettant l'usage d'habitation, pouvant être prévus par l'arrêté d'insalubrité. Outre d'être salubre après travaux, un logement devrait aussi comporter les éléments conformes à l'usage d'habitation, tels que sanitaires, salle d'eau, chauffage et coin cuisine, de façon à assurer les conditions d'hygiène et de sécurité de l'habitat, équipements définis par référence à ceux qui sont prévus dans le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Il s'agit, ainsi, d'éviter la situation où un logement pourrait être « juridiquement » salubre sans disposer des équipements relevant de la décence. Une telle situation avait pour conséquence de laisser un bailleur relouer un logement non décent, alors que la loi lui impose, par ailleurs, de louer un logement décent. Cela conduisait aussi le locataire qui réintègre son logement après travaux à devoir saisir le juge d'instance pour obtenir l'installation d'équipements de base manquants, ce qui introduisait une complication procédurale difficilement compréhensible et s'analysait concrètement comme une atteinte au droit du locataire à bénéficier d'un logement décent, droit reconnu comme étant de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel.
Aussi, pour des raisons de lisibilité juridique, politique et sociale, il est précisé que les mesures prescrites pour résorber l'insalubrité remédiable d'un logement peuvent inclure, en tant que de besoin, des équipements correspondant à la décence du logement, sans pour autant transférer à l'autorité administrative et au juge administratif le contrôle de l'ensemble de la décence, qui relève du juge judiciaire, compétent pour connaître des rapports locatifs.
Le III du même article complète le contenu des arrêtés d'insalubrité, en cas d'interdiction définitive ou provisoire d'habiter. La disposition prévoit d'inclure dans l'arrêté le délai dans lequel le propriétaire doit avoir fait connaître au préfet l'offre précise de relogement ou d'hébergement qu'il a faite à l'occupant ; sans cela, les pouvoirs publics sont dans l'incapacité pratique d'assurer le relogement des occupants avant l'expiration du délai d'interdiction d'habiter, sauf à risquer un contentieux avec le propriétaire ou laisser les occupants sans droit ni titre.
Le VIII renvoie à l'article L. 1331-28-1, relatif aux formalités de publicité, au régime particulier de la publicité foncière dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin.
Le IX est relatif aux articles L. 1331-28-2 à L. 1331-31, qui sont partiellement réécrits.
L'article L. 1331-28-2 nouveau est relatif aux droits des occupants.
Au I il renvoie aux dispositions prévues aux articles L. 521-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation en matière de droit au relogement et au droit des baux (ancien article L. 1331-31).
Le II élargit aux nouvelles mesures d'urgence (article L. 1331-26-1) les règles définies à l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation en matière de bail d'habitation. Il précise, en outre, que les locaux vacants ne peuvent être ni loués ni mis à disposition pour quelque usage que ce soit dans un immeuble déclaré insalubre, sans que soit prévue une interdiction d'habiter.
Le III a pour objet de conditionner explicitement la possibilité pour le préfet, en cas de défaillance du propriétaire, de demander l'expulsion des occupants d'un immeuble frappé d'un arrêté d'interdiction d'habiter, dont le délai imparti pour le départ de ces derniers est arrivé à échéance, à l'existence effective d'une offre d'hébergement ou de relogement.
L'article L. 1331-28-3 nouveau est relatif à la levée des arrêtés d'insalubrité lorsque les travaux prescrits ont été réalisés ou que les travaux effectués ont mis fin à toute insalubrité, lorsque celle-ci était qualifiée d'irrémédiable : en effet, rien ne s'oppose à ce qu'un propriétaire réalise de tels travaux. Cet article reprend des dispositions existantes avec de légères modifications rédactionnelles.
L'arrêté de mainlevée d'insalubrité est notifié, affiché et transmis dans les conditions prévues à l'article L. 1331-28-1.
L'article L. 1331-29 nouveau est relatif à la réalisation des travaux d'office, lorsque le propriétaire est défaillant.
Le I de cet article permet à l'autorité administrative, c'est-à-dire le préfet ou le maire agissant au nom de l'Etat, de réaliser d'office des travaux urgents pour la santé et la sécurité des occupants dans des logements déclarés insalubres irrémédiables et toujours occupés, avant relogement.
En cas de démolition prescrite par l'arrêté et non exécutée, celle-ci ne pourra être exécutée d'office par l'autorité administrative qu'après autorisation par ordonnance du juge judiciaire statuant en la forme des référés. Le régime de la démolition est ainsi clarifié.
Lorsque l'insalubrité est remédiable, le II de cet article rappelle que si, après mise en demeure dont le délai est réduit à un mois, le propriétaire n'a pas exécuté les travaux, ceux-ci seront réalisés d'office par l'autorité administrative, c'est-à-dire par le préfet ou le maire agissant au nom de l'Etat. La mention selon laquelle, en cas de difficulté, le juge des référés devait être saisi avant engagement de travaux d'office a été supprimée car superflue, s'agissant d'une disposition de procédure de portée générale prévue au code de procédure civile.
Le III ouvre la possibilité pour l'Etat de ne se substituer qu'aux seuls copropriétaires défaillants lorsque les travaux prescrits dans l'arrêté portent sur les parties communes d'un immeuble en copropriété. Cette disposition nouvelle a pour objet de faciliter les travaux de sortie d'insalubrité dans ces immeubles, souvent bloqués par un ou peu de copropriétaires. Cette proposition permet de limiter le montant des travaux effectués d'office - et donc des fonds publics avancés - et d'intervenir dans un processus privé de décision - celui de la copropriété - ce qui permet d'accélérer les travaux, de responsabiliser le syndicat de copropriétaires et de ne pas pénaliser les copropriétaires de bonne foi. Dans ce cas, l'Etat est subrogé dans les droits et actions du syndicat à concurrence des sommes par lui versées et bénéficiera, notamment, du privilège immobilier spécial dont bénéficie le syndicat à l'encontre du copropriétaire défaillant, à titre de garantie de la créance.
L'article L. 1331-30 nouveau est relatif au régime juridique des travaux d'office et aux créances.
Le I rappelle que les travaux exécutés d'office par l'autorité administrative en lieu et place du propriétaire défaillant sont réalisés pour le compte de ce dernier et à ses frais.
Il étend également aux travaux de sortie d'insalubrité les dispositions de l'article L. 1334-4, prévues en matière de prévention des risques liés à la présence de plomb, aux termes desquelles le régime financier des travaux exécutés d'office dans des locaux squattés est précisé. Ces dispositions permettent aux propriétaires qui bénéficient d'un jugement d'expulsion, non exécuté, à l'encontre d'occupants entrés par voie de fait, de demander au tribunal administratif que tout ou partie des travaux exécutés d'office soit mis à la charge de l'Etat. Pour éviter tout enrichissement sans cause, cette exemption viendra en déduction de l'indemnité à laquelle le propriétaire peut prétendre au titre du préjudice financier né de la décision portant refus de prêter le concours de la force publique.
En II sont reprises des dispositions existantes relatives aux créances des collectivités publiques.
L'article L. 1331-31 nouveau, en son 1°, reprend la disposition de l'article L. 1331-32, abrogé, et prévoit, en son 2°, les conditions d'application par décret en Conseil d'Etat, en tant que de besoin pour l'application des textes nouveaux issus de l'ordonnance.

Article 3

Cet article est relatif aux sanctions pénales en matière d'insalubrité qui sont réorganisées, complétées et précisées.
Les articles 1337-2 et 1337-3 sont abrogés par le I.
Le II réécrit un article 1337-4, qui définit les incriminations pénales en matière d'insalubrité ; les sanctions pénales applicables sont harmonisées avec les dispositions actuelles du code pénal ; elles intéressent tant les personnes physiques que les personnes morales.
Les peines complémentaires sont précisées.
La coordination est assurée avec les dispositions prévues à l'article L. 651-10 du code de la construction et de l'habitation, lorsque les poursuites concernent des exploitants de fonds de commerce.