JORF n°0152 du 3 juillet 2010

Rapport du

I. ― Liminaire

Quatre décrets fixaient le régime de contribution des éditeurs de services de télévision au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française :
― le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 applicable aux éditeurs de services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre en mode analogique (décret « production ») ;
― le décret n° 2001-1332 du 28 décembre 2001 applicable aux éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers (décret « chaînes cryptées ») ;
― le décret n° 2001-1333 du 28 décembre 2001 applicable aux éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique (décret « TNT ») ;
― le décret n° 2002-140 du 4 février 2002 applicable aux éditeurs de services de télévision distribués par câble ou diffusés par satellite (décret « câble-satellite-ADSL »).
A la fin de l'année 2007, le ministère de la culture et de la communication avait confié à MM. Kessler et Richard une mission de concertation avec les milieux professionnels du secteur de l'audiovisuel tendant à formuler une série de propositions de modifications de ces décrets en ce qui concerne la production audiovisuelle. Destinée à adapter et moderniser cette réglementation pour tenir compte de l'évolution récente du secteur audiovisuel avec l'apparition de nouveaux acteurs et de nouveaux supports de diffusion, ces propositions ont permis la conclusion à l'automne 2008 d'accords entre les éditeurs de services nationaux de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique et les représentants de la création audiovisuelle.
La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a apporté à la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication les modifications que cette évolution appelait.
Afin que la réforme ainsi entreprise puisse également bénéficier au secteur audiovisuel dans son ensemble, le ministère de la culture et de la communication avait confié à MM. Kessler et Richard une nouvelle mission de concertation s'agissant des relations entre les auteurs et producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, d'une part, et distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (câble, satellite, ADSL, etc.), d'autre part.
Les conséquences réglementaires des accords conclus par Canal +, France Télévisions, M6 et TF1 ont été intégrées par les modifications apportées au régime de contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique. C'est l'objet du décret n° 2009-1271 du 21 octobre 2009 modifiant le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 (décret « production ») et n° 2001-1332 du 28 décembre 2001 (décret « chaînes cryptées ») et en outre pour France Télévisions du décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant son nouveau cahier des charges.
Les modifications du régime applicable aux chaînes du câble, du satellite et de l'ADSL, à la suite des accords conclus en juillet 2009, ont été intégrées dans le décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 abrogeant le décret n° 2002-140 du 4 février 2002.
Pour les chaînes de la TNT, plusieurs accords ont été conclus avec les représentants de la création audiovisuelle à la fin de l'année 2009 et au début de l'année 2010.

II. ― Architecture du décret

Pour tenir compte de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique, la réforme proposée par le présent décret se traduit par l'édiction d'un régime unique applicable à l'ensemble des chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre. Le décret « chaînes cryptées » analogique perd en effet l'essentiel de son objet avec l'extinction de la diffusion analogique de Canal + au plus tard en décembre 2010 ; il en va de même pour le décret « production » à l'horizon de la fin 2011.
Le présent décret a donc pour vocation de régir les régimes de contribution à la production de l'ensemble des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, analogiques et numériques, nationaux et locaux, publics et privés, en métropole et outre-mer.
Il procède à l'intégration des dispositions applicables aux chaînes terrestres analogiques en clair et cryptées et des dispositions applicables aux chaînes de la TNT, en clair et cryptées. Par voie de conséquence, il porte abrogation des décrets « production », « chaînes cryptées » et « TNT » auxquels il se substitue.
Le présent décret est construit sur le modèle de l'architecture du décret « TNT » actuel qui repose sur les distinctions suivantes :
― dispositions applicables aux éditeurs de services de télévision diffusés en clair (titre Ier) et dispositions applicables aux éditeurs de services de télévision dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers (titre II) ;
― au sein du titre Ier : dispositions applicables à la contribution au développement de la production d'œuvres cinématographiques (chapitre Ier) et dispositions applicables à la contribution au développement de la production audiovisuelle (chapitre II) ;
― au sein du titre II : dispositions applicables aux éditeurs de services payants autres que de cinéma et de paiement à la séance (chapitre Ier), dispositions applicables aux éditeurs de services cinéma (chapitre II) et dispositions applicables aux éditeurs de services de paiement à la séance (chapitre III) ;
― au sein des chapitres Ier et II du titre II : dispositions applicables à la contribution au développement de la production d'œuvres cinématographiques (section 1) et dispositions applicables à la contribution au développement de la production audiovisuelle (section 2).

III. ― Modifications apportées par le décret
A. ― Services de télévision diffusés en clair

  1. Le chapitre Ier du titre Ier fixe le régime de contribution au développement de la production d'œuvres cinématographiques des services diffusés en clair (articles 1er à 6).
    A l'exception de l'intégration des dépenses d'adaptation des œuvres aux personnes aveugles ou malvoyantes, ce régime est inchangé par rapport à celui issu du décret « production » et du décret « TNT » dont il constitue la reprise. Les professionnels n'ont en effet pas souhaité modifier les dispositions qui leur sont applicables sur ce point.
  2. Le chapitre II fixe le régime de contribution au développement de la production d'œuvres audiovisuelles (articles 7 à 19).
    Ce régime est modifié afin de mettre en œuvre les accords conclus par des éditeurs de services de télévision et les organisations professionnelles des auteurs et des producteurs audiovisuels.
    En outre, ce décret réunit les dispositions applicables aux éditeurs de services de télévision préalablement diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique (TF1, France Télévisions, M6) et les nouvelles chaînes de la TNT (Direct 8, NRJ12, W9, etc.). L'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 permettant de moduler les obligations pour tenir compte, notamment, du développement de la TNT, le décret recourt parfois ici à une distinction sur les ressources annuelles des entreprises.
    Ainsi, les éditeurs de services dont le chiffre d'affaires annuel net est inférieur à 350 millions d'euros ne sont tenus de consacrer une part de ce chiffre d'affaires à la production audiovisuelle que lorsqu'ils réservent annuellement au moins 20 % de leur temps de diffusion à de telles œuvres audiovisuelles (article 7), à l'instar de ce que prévoit le décret n° 2001-1333 pour les chaînes de la TNT.
    L'article 8 permet aux éditeurs dont le chiffre d'affaires est inférieur à 200 millions d'euros de déduire de leur chiffre d'affaires les recettes d'échanges marchandises, c'est-à-dire les recettes provenant des activités de promotion effectuées sur le service de l'éditeur dont le paiement intervient par compensation dans le cadre d'un échange de biens ou de services. Cette déduction est limitée suivant le chiffre d'affaires de l'éditeur à 5 % ou 10 %.
    Trois régimes de contribution sont instaurés : le régime général fixé au moins à 15 % du chiffre d'affaires de l'éditeur, le régime des chaînes musicales (fondé sur une définition légèrement élargie) qui bénéficient d'un taux réduit fixé à 8 % et le régime entièrement patrimonial fixé à 12,5 %. La part patrimoniale des deux premiers régimes est fixée respectivement à 10,5 % et 7,5 % du chiffre d'affaires (article 9). Il convenait en effet, par application de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, que la contribution à la production audiovisuelle portât, entièrement ou de manière significative, sur la production d'œuvres patrimoniales énumérées par la loi.
    Au sein du régime général et spécifiquement pour les nouvelles chaînes de la TNT, l'article 10 organise une montée en charge tant de l'obligation globale que de la part patrimoniale, tenant compte pour cette dernière de l'importance du chiffre d'affaires de la chaîne.
    L'article 11 fixe un plafond de dépenses dans les œuvres européennes qui ne sont pas d'expression originale française en fonction du chiffre d'affaires de l'éditeur.
    La liste des dépenses qui peuvent être prises en compte au titre de l'obligation est élargie. Pourront dorénavant être incluses les dépenses d'adaptation aux personnes aveugles ou malvoyantes des œuvres prises en compte au titre de l'obligation, celles liées au financement de la formation des auteurs ou de festivals consacrés à des œuvres audiovisuelles ainsi qu'à la promotion de ces œuvres (article 12).
    Afin de donner une plus grande souplesse à ce dispositif, le décret renvoie aux conventions conclues avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel le soin de reprendre les dispositions des accords professionnels relatifs à l'étendue des droits cédés. En outre et en tant que de besoin, la convention pourra apporter un certain nombre de précisions, parmi lesquelles la mutualisation de la contribution d'un éditeur avec celle de ses autres services, le report d'une part de l'obligation sur l'exercice suivant, l'inclusion des dépenses dans des émissions de plateau décomptées pour la moitié de leur montant (article 14).
    Une part de la contribution audiovisuelle et de la contribution patrimoniale, fixée en fonction du chiffre d'affaires de l'éditeur, doit être réservée à la production indépendante selon des critères d'indépendance largement rénovés par rapport au dispositif actuel et qui ont été introduits au nouvel article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986.
    Le fait que l'éditeur de services ne puisse détenir de parts de producteur dans l'œuvre indépendante ne lui interdit cependant pas, lorsqu'il finance une part substantielle de son coût total, de percevoir des recettes sur les exploitations successives de cette œuvre. En termes capitalistiques, une œuvre sera regardée comme indépendante lorsque l'éditeur de services ou la ou les personnes le contrôlant, au sens du 2° de l'article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986, ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 15 % du capital social ou des droits de vote de l'entreprise de production (article 15).
    Comme auparavant, l'article 17 ouvre à toute future chaîne de la TNT la possibilité d'une montée en charge sur sept ans de sa contribution à la production, dans des conditions fixées par la convention ou le cahier des charges.
    Enfin, en vue de faciliter le développement des services dits de « télévision de rattrapage », qui permettent de proposer au public une nouvelle exposition des programmes dans un certain délai après leur première diffusion, l'article 19 assimile ces services aux services de télévision dont ils sont issus. Les pré-achats et achats de droits de diffusion devront toutefois faire l'objet d'une identification contractuelle spécifique.

B. ― Services de télévision dont le financement fait appel
à une rémunération de la part des usagers

  1. Services autres que de cinéma et de paiement à la séance

A la différence du décret n° 2001-1333 qui appliquait aux chaînes payantes autres que de cinéma et de paiement à la séance (TF6 et Paris Première notamment) le régime des chaînes en clair, le présent décret, reprenant les termes de l'accord conclu entre les auteurs et les producteurs audiovisuels et les chaînes en cause de la TNT, les soumet à un régime proche de celui du câble-satellite, dans la mesure où, encore aujourd'hui, ces chaînes tirent l'essentiel de leurs ressources des sommes versées par les distributeurs du câble, du satellite et de l'ADSL.
Ainsi, afin de tenir compte de l'économie encore fragile de ces services ― cinq ans après le lancement de la TNT, leur nombre d'abonnés étant en effet encore très faible ― les articles 23 à 32 fixent le régime suivant :
― l'éditeur doit consacrer au moins 15 % de ces ressources à la production d'œuvres audiovisuelles, dont au moins 8,5 % à des œuvres dites « patrimoniales » (article 25), ces taux devant être atteints au terme d'une montée en charge tenant notamment compte du nombre d'abonnés en TNT au service (article 26) ;
― la convention conclue avec le CSA pourra, en tenant compte des accords professionnels, fixer un certain nombre de précisions, parmi lesquelles l'inclusion des dépenses dans des émissions de plateau décomptées pour 50 % de leur montant (4° de l'article 29) ;
― la convention pourra en outre fixer, lorsque l'éditeur de services en fait la demande au plus tard le 1er juillet de l'exercice en cours, le taux de la contribution à un niveau inférieur à 15 %, sans pouvoir descendre, sauf exception, au-dessous de 12 %. La convention fixe alors les modalités de décompte des dépenses dans des émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau et des dépenses dans les œuvres audiovisuelles autres que patrimoniales (5° de l'article 29) ;
― la part de la contribution à la production indépendante est fixée à 75 % de l'obligation globale et de l'obligation patrimoniale, la définition de la production indépendante étant fondée sur les mêmes critères que ceux prévus au titre Ier (article 30).

  1. Services de cinéma

La section 1 du chapitre II du titre II (articles 35 à 38) fixe le régime de contribution à la production cinématographique des éditeurs de services de cinéma.
Afin de distinguer les chaînes qui s'autodistribuent (Canal +) et les chaînes distribuées par des tiers (TPS Star), deux assiettes sont fixées : une assiette dite « distributeur » fondée sur les recettes d'abonnement avec des taux fixés à 12,5 % et 9,5 % et une assiette dite « éditeur », plus restreinte, fondée sur les redevances versées par les distributeurs avec des taux plus élevés (26 % et 22 % ou 21 % et 17 %).
Par rapport au régime antérieur, trois modifications issues des derniers accords interprofessionnels sont apportées à ces dispositions : l'inclusion des dépenses d'adaptation des œuvres aux personnes aveugles ou malvoyantes ; une augmentation d'un demi-point de la contribution cinématographique fondée sur l'assiette « distributeur » ; l'inclusion pour Canal + de ses dépenses d'acquisition des droits d'exploitation sur le service de télévision de rattrapage dans son obligation de contribution.
La section 2 (articles 39 à 45) fixe le nouveau régime de contribution à la production audiovisuelle des services de cinéma. Ce régime intègre les modifications du décret « chaînes cryptées » pour tenir compte de l'accord conclu par Canal + et modifie le régime de contribution des autres chaînes cinéma dans les mêmes proportions (contribution entièrement patrimoniale fixée à 4,8 % et part indépendante fixée à 4,2 %).
A l'instar des services non cinéma, le décret renvoie aux conventions conclues avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel le soin de reprendre les dispositions des accords professionnels relatifs à l'étendue des droits cédés. En outre et en tant que de besoin, les conventions pourront apporter un certain nombre de précisions (article 43), parmi lesquelles la mutualisation de la contribution d'un éditeur avec celle de ses autres services ou le report d'une part de l'obligation sur l'exercice suivant.

C. ― Dispositions diverses, transitoires et finales

Le titre III du décret apporte plusieurs dispositions diverses, transitoires et finales.
L'article 48 tire les conséquences, au sein du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 relatif à la publicité, au parrainage et au télé-achat, de la disposition insérée au 6° de l'article 27 de la loi de 1986 par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, en matière de niveau sonore des écrans publicitaires.
Celles des dispositions du décret « TNT » qui touchaient au régime de diffusion des œuvres et au régime publicitaire sont intégrées par les articles 49 et 51 dans les décrets régissant ces matières, sans modification au fond (décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 ; décret n° 92-280 du 27 mars 1992).
L'article 50 assouplit la grille de diffusion des œuvres cinématographiques applicable à certains services de cinéma de premières diffusions, traduisant les derniers accords intervenus avec les professionnels du cinéma.
Le décret est enfin rendu applicable dans les collectivités d'outre-mer par l'article 54, à l'exception des dispositions faisant référence à un décret qui n'y est pas applicable.
Tel est l'objet du présent décret que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.