JORF n°16 du 20 janvier 2000

Aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. » Le huitième alinéa pose en outre le principe d'une participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail. C'est afin de donner un contenu plus concret aux objectifs constitutionnels ainsi énoncés qu'a été engagé un processus de réduction négociée du temps de travail.

La loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail est d'abord intervenue pour fixer une orientation, la réduction de la durée légale à 35 heures. Elle a retenu une méthode, la négociation. Elle a en outre institué des aides incitatives, sous forme d'exonérations de charges.

Les partenaires sociaux ont ainsi été appelés à définir eux-mêmes des solutions diversifiées pour mettre en place la réduc tion de la durée du travail, dans le cadre de nouvelles organisations du travail qui prennent en compte à la fois les besoins des entreprises et les aspirations des salariés en débouchant sur la création et la préservation d'emplois.

L'article 13 de la loi du 13 juin 1998 avait prévu l'intervention, après cette phase d'incitation et d'expérimentation à grande échelle, d'une seconde loi, afin de déterminer les conditions de la généralisation du processus, en s'inspirant du résultat des négociations. C'est ce que fait la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, qui rénove le droit de la durée du travail, notamment en fusionnant les régimes de modulation, en clarifiant le dispositif du temps partiel, en précisant le régime de la rupture du contrat de travail en cas d'accord collectif de réduction du temps de travail et en soulignant le lien entre la réduction du temps de travail et la formation.

Tel est l'objet du texte que le Parlement a adopté le 15 décembre 1999, et qui a été déféré au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs. Leurs recours invoquent de nombreux moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :

I. - Sur l'exercice de sa compétence par le législateur

A. - Plusieurs dispositions de la loi font l'objet de critiques émanant tant des députés que des sénateurs requérants et mettant en cause, à divers titres, l'exercice de sa compétence par le législateur.

Ainsi, le IV de l'article 1er relatif à l'obligation de négocier sur la durée du travail avant l'établissement d'un plan social serait entaché d'imprécision en faisant obligation aux employeurs, à défaut de conclusion d'un accord, d'avoir engagé « sérieusement et loyalement » des négociations à cette fin.

Les sénateurs, auteurs du second recours, soutiennent ensuite que les dispositions des articles 3, 4 et 11 relatives à la durée annuelle du travail aboutiraient à modifier implicitement, dans des conditions incompatibles avec les exigences de clarté de la loi, les règles relatives aux jours fériés qui sont obligatoirement chômés.

Les députés requérants estiment en outre qu'est insuffisamment définie la distinction, introduite par l'article 17 relatif aux formations, entre celles qui assurent l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois et celles qui ont trait au développement de leurs compétences.

De surcroît, les parlementaires requérants estiment que le législateur a insuffisamment exercé sa compétence en adoptant le dispositif d'allégement des cotisations patronales figurant à l'article 19. La saisine des députés soutient que le XV de cet article ne définit pas suffisamment la notion de compatibilité entre les durées et horaires de travail pratiqué dans l'entreprise et les limites définies au I du même article. De leur côté, les sénateurs font valoir que les différentes dispositions de l'article 19 qui font état d'emplois créés ou préservés ne précisent pas s'il s'agit de créations brutes ou nettes. Ils considèrent aussi que le I et le XI de l'article 19 dessaisissent le Parlement de son pouvoir budgétaire en laissant aux partenaires sociaux la possibilité de faire varier des dépenses publiques.

Enfin, les sénateurs, dans leur saisine, font valoir que le législateur a excédé ses pouvoirs à l'article 32, en enjoignant au Gouvernement de revaloriser le SMIC dans un délai maximum de cinq ans.

B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que le législateur a exercé sa compétence en conformité avec l'article 34 de la Constitution.

A titre liminaire, il convient d'observer que cette compétence se limite - qu'il s'agisse du droit du travail ou, pour les allégements de cotisations patronales, de celui de la sécurité sociale - à la détermination des seuls « principes fondamentaux ». Il ressort, à cet égard, de la décision no 98-401 DC du 10 juin 1998 qu'en ces matières la Constitution n'impose pas que le législateur fixe lui-même, dans les moindres détails, les règles dont il pose les principes. Non seulement la délimitation à laquelle procède l'article 34 laisse ainsi une large place à l'exercice du pouvoir réglementaire, mais, en outre, les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 conduisent également à ménager la possibilité, pour les partenaires sociaux, de déterminer eux-mêmes, par voie de négociation, certaines des règles relatives aux conditions de travail, et notamment à sa durée.

La décision précitée du 10 juin 1998 s'inscrit, à cet égard, dans le prolongement de la jurisprudence suivant laquelle la détermination des modalités concrètes de mise en oeuvre des principes constitutionnels, et notamment de celui qu'énonce le cinquième alinéa du Préambule, peut faire l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives (cf., par exemple, la décision no 96-383 DC du 6 novembre 1996).

De même faut-il rappeler que, contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants et à ce que connaissent d'autres systèmes juridiques, il n'est pas d'usage, en droit français, que le législateur fasse suivre chacun des termes qu'il emploie d'une définition précise : il appartient à tous ceux à qui la loi s'impose - et en dernière analyse aux juridictions, comme le leur prescrit le principe énoncé à l'article 4 du code civil - de l'appliquer en l'interprétant conformément aux règles jurisprudentielles qui gouvernent l'interprétation des textes législatifs.

Au regard de l'ensemble de ces principes, la loi n'encourt aucune des critiques qui lui sont adressées.

1o C'est d'abord en vain que le recours des députés invoque la prétendue imprécision du caractère « loyal et sérieux » des négociations préalables à la présentation d'un plan social, mentionné au IV de l'article 1er.

Le législateur a entendu imposer au chef d'entreprise une obligation préalable de négocier sans que, bien évidemment, les parties soient tenues d'aboutir. En précisant que ces négociations doivent revêtir un caractère « loyal et sérieux », la loi entend donner au juge, s'il est saisi, la possibilité de faire échec à des comportements abusifs qui consisteraient à faire de cette obligation une simple formalité accomplie sans aucune volonté d'aboutir. Le caractère loyal et sérieux des négociations sera alors apprécié par le juge au vu du comportement adopté par le chef d'entreprise au cours des négociations et reflétant une volonté effective de recherche d'un accord (organisation et conduite des réunions, échange d'informations propres à éclairer et à faciliter la négociation).

On observera en outre que le code du travail fait déjà appel à des notions comparables, notamment à l'article L. 122-14-3 qui confie au juge le soin d'apprécier le « caractère réel et sérieux » des motifs invoqués par l'employeur en cas de licenciement. Au demeurant, l'exigence posée par le IV de l'article 1er peut se réclamer du principe énoncé à l'article 1134 du code civil, suivant lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Ce principe général du droit des contrats trouve également application en matière de négociation des conventions ou accords collectifs, compte tenu des spécificités des relations professionnelles.

Les conséquences d'une éventuelle méconnaissance de cette obligation de procédure n'ont pas été explicitement abordées par le législateur, alors qu'il avait prévu expressément la nullité de la procédure de plan social en cas d'absence en son sein d'un plan visant au reclassement de salariés, dans le cadre de l'article L. 321-4-1 du code du travail. On peut penser - sous réserve de l'interprétation souveraine qu'il appartiendra, le moment venu, à la Cour de cassation de donner du nouveau texte - qu'une action en référé fondée sur la méconnaissance de cette obligation préalable au plan social pourrait être introduite devant le juge compétent sur le terrain du trouble manifestement illicite, et conduire celui-ci à suspendre le cours de la procédure de plan social.

2o Le moyen relatif à l'incidence du seuil de 1 600 heures sur le chômage des jours fériés manque en fait.

On rappellera d'abord que l'article L. 222-1 du code du travail énumère les onze jours fériés légaux. Les règles concernant le chômage des jours fériés sont prévues par les conventions ou accords collectifs, de branche ou d'entreprise. L'article L. 222-5 impose seulement le chômage du 1er mai. Les autres jours fériés mentionnés à l'article L. 222-1 ne sont chômés que pour autant que les conventions collectives ou les usages d'entreprises le prévoient.

Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet de modifier ces règles. En effet, le seuil de 1 600 heures fixé par le nouvel article L. 212-8 introduit par l'article 8 constitue uniquement un seuil de déclenchement du régime des heures supplémentaires. La règle qu'il fixe est sans incidence aucune sur la situation des entreprises au regard du chômage des jours fériés.

Si aucune convention ou accord n'impose le chômage de ces jours, l'employeur conserve la faculté d'occuper son personnel pendant ces journées. Les heures travaillées pendant les jours fériés seront prises en compte pour calculer la durée annuelle travaillée par les salariés. Si le nombre d'heures travaillées dépasse au total 1 600 sur l'année, les heures accomplies au-delà de ce seuil seront soumises au régime des heures supplémentaires.

Il convient enfin de préciser que, dans le cadre hebdomadaire, les heures accomplies un jour férié sont prises en compte pour déterminer le nombre d'heures travaillées au cours d'une semaine donnée.

3o La notion d'« adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois » figurant à l'article 17 ne s'expose pas davantage aux critiques des requérants.

Cette notion renvoie en effet à la jurisprudence qui s'est développée dans le cadre du contentieux des licenciements pour motif économique. Par un arrêt en date du 25 février 1992, Société Expovit c./Dehaynain, la chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi posé le principe que « l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois ». La cour fait reposer ce principe sur l'obligation générale de loyauté dans l'exécution des contrats issue de l'article 1134 du code civil. Il s'ensuit que « la qualification contractuelle constitue la mesure de l'obligation de la formation patronale » (« Formation et adaptation dans la jurisprudence sociale », P. Gomez-Mustel, Droit social, 1999).

Relèvent ainsi de cette obligation les actions d'entretien et de perfectionnement des connaissances exigées par le poste (par exemple, l'emploi d'un nouveau logiciel) et, de manière plus générale, les actions de formation indispensables au maintien du salarié sur son poste de travail, compte tenu des modifications techniques affectant ou susceptibles d'affecter celui-ci. Le contenu de l'obligation mise à la charge de l'employeur est en effet apprécié par le juge au regard de l'objectif poursuivi : le maintien dans l'emploi occupé ou le reclassement du salarié, en cas de suppression de poste, sur un emploi compatible avec les capacités du salarié et ressortissant à sa qualification. En revanche, les actions de formation ayant pour objet l'acquisition d'une nouvelle qualification ou une promotion professionnelle ne relèvent en principe pas du devoir d'adaptation. Sont également exclues de son champ les actions de reconversion visant l'apprentissage d'un nouveau métier.

Le concept « d'adaptation », que le législateur a entendu inscrire dans le droit positif, permet ainsi de faire le partage entre les formations qui sont assimilées par la loi à du temps de travail effectif parce qu'elles découlent des obligations contractuelles de l'employeur à l'égard de ses salariés, et les autres types de formation qui dépassent le cadre de ces obligations.

4o Les critères d'attribution et de suspension des aides ne sont entachés d'aucune imprécision.

On rappellera, à titre liminaire, qu'il appartenait seulement à la loi de poser le principe de l'allégement ainsi que la nature des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de cette aide. C'est donc au décret qu'il appartiendra de fournir les précisions que les requérants reprochent à la loi de ne pas comporter. Si l'on s'en tient, comme il se doit, aux exigences que l'article 34 faisait peser, sur ce point, sur le législateur, le texte contesté y satisfait pleinement. Il le fait, en particulier aux paragraphes XV et XVI de l'article 19 de la loi qui définissent les motifs de nature à justifier la suppression ou la suspension de l'allégement ainsi que la procédure applicable.

L'économie de l'ensemble de ces dispositions conduit à distinguer les motifs se rattachant, d'une part, aux conditions d'ouverture du bénéfice de l'allégement et, d'autre part, au respect des engagements figurant dans la convention ou l'accord et relatifs à la durée du travail et à l'emploi.

a) Sur les motifs se rapportant aux conditions d'ouverture du bénéfice de l'allégement :

Le bénéfice de l'allégement est ouvert sur la base d'une déclaration de l'employeur adressée aux organismes de recouvrement des cotisations sociales (XI de l'article 19) et non sur la base d'une convention conclue entre l'employeur et l'Etat.

Dans ces conditions, il est logique que le législateur ait prévu que le bénéfice de l'allégement puisse être supprimé lorsque l'entreprise en a bénéficié, alors même qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions fixées par la loi.

Tel est le cas lorsque le bénéfice de l'allégement a été obtenu sur la base d'une fausse déclaration ou d'une déclaration comportant des omissions (dernier alinéa du XV de l'article 19).

De même, sur le fondement du second alinéa du XVI de l'article 16, le bénéfice de l'allégement pourra être supprimé en cas de non-conformité de l'accord. Cette référence à la conformité de l'accord renvoie aux termes mêmes du II de l'article 19 et à l'intention claire du législateur. Le II de l'article 19 dispose en effet que le bénéfice de l'allégement est subordonné à la conclusion d'une convention ou d'un accord conclu dans les conditions prévues aux V (accord d'entreprise conclu avec un délégué syndical), VI (accord d'entreprise conclu avec un salarié mandaté), VII (accord conclu avec des délégués du personnel). Ce faisant, le législateur a entendu subordonner le bénéfice de l'allégement à la conclusion d'une convention ou d'un accord qui satisfasse aux conditions de droit commun de formation des accords collectifs mais également à des conditions spécifiques :

- en cas de conclusion d'un accord avec un délégué syndical, la loi subordonne le bénéfice de l'allégement au fait que l'accord soit signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, à défaut, approuvé par la majorité du personnel lors d'une consultation organisée à cet effet ;

- en cas de conclusion d'un accord d'entreprise par un salarié mandaté, cet accord doit, pour ouvrir droit à l'allégement, être approuvé par la majorité du personnel ;

- en cas de conclusion d'un accord avec des délégués du personnel, l'accord doit être approuvé par la majorité du personnel et validé par une commission paritaire pour ouvrir droit à l'allégement.

Si la convention ou l'accord n'a pas été conclu, approuvé ou validé conformément à ces dispositions, l'organisme de recouvrement des cotisations sociales, sur rapport du préfet ou, par délégation, du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, décidera de la suppression de l'allégement.

Ainsi, si la convention ou l'accord n'a pas été signé par une organisation syndicale majoritaire et qu'aucune consultation n'a été organisée, le bénéfice de l'allégement sera supprimé. Il en est de même lorsque la convention ou l'accord n'a pas été approuvé par la majorité du personnel ou, s'agissant des accords conclus avec les délégués du personnel, validés par une commission paritaire.

La suppression dans ces cas est justifiée dès lors que, ab initio, la convention ou l'accord ne satisfaisait pas aux conditions prévues aux paragraphes V, VI, VII et VIII. En revanche, la seule circonstance que ferait défaut dans l'accord l'une des clauses visées au 2 du III ou du 1 du IV n'est pas de nature à fonder une décision de suppression ou de suspension de l'allégement, l'absence desdites clauses pouvant être cependant invoquée devant le juge compétent au soutien d'une déclaration de nullité de l'accord, ce qui est sans incidence sur le droit à l'allégement.

b) Sur les motifs relatifs au non-respect des engagements souscrits dans l'accord en matière de durée du travail :

En premier lieu, la remise en cause de l'allégement peut provenir d'un non-respect des engagements souscrits en matière d'emploi. C'est ce que précise le troisième alinéa du III de l'article 19 qui énonce que l'allégement « est suspendu lorsque l'engagement en termes d'embauche prévu par l'accord n'est pas réalisé à compter de la réduction effective du temps de travail, sauf circonstances exceptionnelles ».

Cette disposition fonde un contrôle du respect des engagements prévus par la convention ou l'accord sans que l'administration puisse se faire juge de leur contenu, cette question relevant de l'appréciation des partenaires sociaux.

Il sera mis un terme à la suspension dès lors que l'entreprise aura procédé aux embauches prévues.

En second lieu, la remise en cause peut provenir du non-respect des engagements souscrits en matière de durée du travail. C'est ainsi que le XV de l'article 19 dispose : « Il l'allégement est suspendu lorsque les durées et les horaires de travail pratiqués dans l'entreprise sont incompatibles avec les limites définies au I. Il est par ailleurs suspendu pour le salarié ayant effectué un nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent mentionné au premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail. »

Aux termes du I de l'article 19 : « I. - Les entreprises qui appliquent un accord collectif fixant la durée collective du travail au plus soit à 35 heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année et s'engagent dans ce cadre à créer ou à préserver des emplois bénéficient d'un allégement de cotisations sociales défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale. »

Il ressort de ces dispositions que les critères sur lesquels l'organisme chargé du recouvrement des cotisations sociales doit se fonder pour suspendre le bénéfice de l'allégement sont de deux ordres :

Le premier a trait aux durées et horaires de travail collectifs pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement.

L'entreprise ayant conclu un accord fixant la durée du travail dans les limites fixées au I de l'article 19 doit prendre les mesures de nature à assurer le respect de ces limites, notamment en termes d'organisation. Le respect de cette obligation de résultat doit s'apprécier en confrontant la ou les durées du travail fixées dans l'accord et les durées et les horaires collectifs de travail « pratiqués » effectivement dans l'entreprise ou l'établissement. Ces durées et ces horaires doivent être compatibles avec les limites précitées. Tel n'est pas le cas lorsque les durées du travail collectives habituellement pratiquées sont manifestement contraires aux termes de la convention ou l'accord de travail. Le décret en Conseil d'Etat prévu au XVII de l'article 19 précisera que la notion d'incompatibilité doit s'apprécier dans ce sens.

Dans cette hypothèse, le bénéfice de l'allégement sera suspendu pour tous les salariés occupés selon les durées collectives en cause.

Le second critère a trait aux durées du travail des salariés pris individuellement.

Le deuxième alinéa du XV pose le principe que l'allégement doit être suspendu pour le salarié ayant effectué un nombre d'heures dépassant le contingent prévu au premier alinéa de l'article L. 212-5-1 (130 heures par an).

Il en effet possible que dans une entreprise certains salariés, affectés à des tâches précises, de maintenance des installations par exemple, effectuent un nombre d'heures supplémentaires tel que le contingent au-delà duquel se déclenche le repos compensateur (à 100 % dans les entreprises occupant plus de 11 salariés et de 50 % dans les autres) soit dépassé. Dans ce cas, l'allégement doit être suspendu pour ces salariés.

Il résulte des termes de la loi que le non-respect des engagements souscrits dans l'accord, autres que ceux se rapportant aux embauches et à la durée du travail, n'est pas de nature à fonder une décision de suspension ou de suppression. Il appartient en effet, dans une telle hypothèse, aux organisations syndicales signataires de décider, le cas échéant, de dénoncer l'accord conclu. Le quatrième alinéa du XV de l'article 19 précise les conséquences d'une telle décision, qui est susceptible d'entraîner la suppression du bénéfice de l'allégement si, à l'expiration d'un délai de douze mois, aucun accord n'a été conclu et si l'autorité administrative constate que la durée collective dépasse les limites fixées au I de l'article 19.

Enfin, la loi définit de manière précise la procédure à laquelle sont soumises les décisions de suspension ou de suppression de l'allégement. Préalablement à ces décisions, l'autorité administrative - le préfet ou, par délégation, le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - sera tenue d'établir un rapport. Sur ce point, on peut indiquer qu'il est envisagé de préciser, dans le décret, que l'employeur devra être informé par écrit des motifs de la décision envisagée au moins soixante jours avant que la décision de suspension ou de suppression n'intervienne. Au demeurant, et comme le Conseil constitutionnel vient de le rappeler dans sa décision no 99-424 DC du 29 décembre 1999, le respect des droits de la défense se serait, en tout état de cause, imposé à l'autorité administrative dans le silence de la loi.

c) Enfin, on saisit mal la portée utile du moyen tiré d'un prétendu dessaisissement du pouvoir budgétaire du Parlement. D'une part, en effet, le mécanisme d'aide repose, comme on l'a vu, sur un allégement de cotisations sociales, de sorte que sa mise en oeuvre n'a aucune incidence directe sur le budget de l'Etat. D'autre part, et en tout état de cause, il est de la nature même d'un régime d'aide dont le bénéfice est subordonné à certaines conditions prévues par la loi de se traduire ensuite par un coût plus ou moins important, suivant le nombre des candidats qui satisferont à ces conditions.

Si les requérants paraissent contester l'absence d'implication des pouvoirs publics ou de leurs représentants en amont de la conclusion des accords ouvrant droit à l'aide, il faut souligner qu'aucun principe constitutionnel ne fait obstacle à ce que des aides soient attribuées sur la base de déclarations dont la vérification est ensuite réalisée par les services compétents.

5o Quant au moyen tiré de ce que le Parlement aurait, à l'inverse, excédé ses pouvoirs en posant, au V de l'article 32, des règles relatives à la revalorisation du SMIC dans les cinq ans, il n'est pas davantage fondé.

S'il est clair, en effet, que le législateur peut se borner, au titre des principes fondamentaux du droit du travail, à fixer le principe d'un salaire minimum et à laisser au Gouvernement le soin d'en fixer le montant, il lui est également loisible d'encadrer davantage l'exercice de ce pouvoir pour une période déterminée. Rien n'interdisait donc au Parlement de décider, afin d'assurer l'équilibre du mécanisme de garantie prévu à l'article 32, que celle-ci deviendra sans objet avant le 1er janvier 2005, notamment par l'effet des mesures de revalorisation du SMIC.

Au demeurant, l'encadrement voulu par le législateur laisse au Gouvernement une marge de manoeuvre quant à l'échéancier des décisions de revalorisation du SMIC, propre à assurer la réalisation, d'ici à 2005, de l'objectif qui lui est assigné.


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Version 1

Aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. » Le huitième alinéa pose en outre le principe d'une participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail. C'est afin de donner un contenu plus concret aux objectifs constitutionnels ainsi énoncés qu'a été engagé un processus de réduction négociée du temps de travail.

La loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail est d'abord intervenue pour fixer une orientation, la réduction de la durée légale à 35 heures. Elle a retenu une méthode, la négociation. Elle a en outre institué des aides incitatives, sous forme d'exonérations de charges.

Les partenaires sociaux ont ainsi été appelés à définir eux-mêmes des solutions diversifiées pour mettre en place la réduc tion de la durée du travail, dans le cadre de nouvelles organisations du travail qui prennent en compte à la fois les besoins des entreprises et les aspirations des salariés en débouchant sur la création et la préservation d'emplois.

L'article 13 de la loi du 13 juin 1998 avait prévu l'intervention, après cette phase d'incitation et d'expérimentation à grande échelle, d'une seconde loi, afin de déterminer les conditions de la généralisation du processus, en s'inspirant du résultat des négociations. C'est ce que fait la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, qui rénove le droit de la durée du travail, notamment en fusionnant les régimes de modulation, en clarifiant le dispositif du temps partiel, en précisant le régime de la rupture du contrat de travail en cas d'accord collectif de réduction du temps de travail et en soulignant le lien entre la réduction du temps de travail et la formation.

Tel est l'objet du texte que le Parlement a adopté le 15 décembre 1999, et qui a été déféré au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs. Leurs recours invoquent de nombreux moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :

I. - Sur l'exercice de sa compétence par le législateur

A. - Plusieurs dispositions de la loi font l'objet de critiques émanant tant des députés que des sénateurs requérants et mettant en cause, à divers titres, l'exercice de sa compétence par le législateur.

Ainsi, le IV de l'article 1er relatif à l'obligation de négocier sur la durée du travail avant l'établissement d'un plan social serait entaché d'imprécision en faisant obligation aux employeurs, à défaut de conclusion d'un accord, d'avoir engagé « sérieusement et loyalement » des négociations à cette fin.

Les sénateurs, auteurs du second recours, soutiennent ensuite que les dispositions des articles 3, 4 et 11 relatives à la durée annuelle du travail aboutiraient à modifier implicitement, dans des conditions incompatibles avec les exigences de clarté de la loi, les règles relatives aux jours fériés qui sont obligatoirement chômés.

Les députés requérants estiment en outre qu'est insuffisamment définie la distinction, introduite par l'article 17 relatif aux formations, entre celles qui assurent l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois et celles qui ont trait au développement de leurs compétences.

De surcroît, les parlementaires requérants estiment que le législateur a insuffisamment exercé sa compétence en adoptant le dispositif d'allégement des cotisations patronales figurant à l'article 19. La saisine des députés soutient que le XV de cet article ne définit pas suffisamment la notion de compatibilité entre les durées et horaires de travail pratiqué dans l'entreprise et les limites définies au I du même article. De leur côté, les sénateurs font valoir que les différentes dispositions de l'article 19 qui font état d'emplois créés ou préservés ne précisent pas s'il s'agit de créations brutes ou nettes. Ils considèrent aussi que le I et le XI de l'article 19 dessaisissent le Parlement de son pouvoir budgétaire en laissant aux partenaires sociaux la possibilité de faire varier des dépenses publiques.

Enfin, les sénateurs, dans leur saisine, font valoir que le législateur a excédé ses pouvoirs à l'article 32, en enjoignant au Gouvernement de revaloriser le SMIC dans un délai maximum de cinq ans.

B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que le législateur a exercé sa compétence en conformité avec l'article 34 de la Constitution.

A titre liminaire, il convient d'observer que cette compétence se limite - qu'il s'agisse du droit du travail ou, pour les allégements de cotisations patronales, de celui de la sécurité sociale - à la détermination des seuls « principes fondamentaux ». Il ressort, à cet égard, de la décision no 98-401 DC du 10 juin 1998 qu'en ces matières la Constitution n'impose pas que le législateur fixe lui-même, dans les moindres détails, les règles dont il pose les principes. Non seulement la délimitation à laquelle procède l'article 34 laisse ainsi une large place à l'exercice du pouvoir réglementaire, mais, en outre, les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 conduisent également à ménager la possibilité, pour les partenaires sociaux, de déterminer eux-mêmes, par voie de négociation, certaines des règles relatives aux conditions de travail, et notamment à sa durée.

La décision précitée du 10 juin 1998 s'inscrit, à cet égard, dans le prolongement de la jurisprudence suivant laquelle la détermination des modalités concrètes de mise en oeuvre des principes constitutionnels, et notamment de celui qu'énonce le cinquième alinéa du Préambule, peut faire l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives (cf., par exemple, la décision no 96-383 DC du 6 novembre 1996).

De même faut-il rappeler que, contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants et à ce que connaissent d'autres systèmes juridiques, il n'est pas d'usage, en droit français, que le législateur fasse suivre chacun des termes qu'il emploie d'une définition précise : il appartient à tous ceux à qui la loi s'impose - et en dernière analyse aux juridictions, comme le leur prescrit le principe énoncé à l'article 4 du code civil - de l'appliquer en l'interprétant conformément aux règles jurisprudentielles qui gouvernent l'interprétation des textes législatifs.

Au regard de l'ensemble de ces principes, la loi n'encourt aucune des critiques qui lui sont adressées.

1o C'est d'abord en vain que le recours des députés invoque la prétendue imprécision du caractère « loyal et sérieux » des négociations préalables à la présentation d'un plan social, mentionné au IV de l'article 1er.

Le législateur a entendu imposer au chef d'entreprise une obligation préalable de négocier sans que, bien évidemment, les parties soient tenues d'aboutir. En précisant que ces négociations doivent revêtir un caractère « loyal et sérieux », la loi entend donner au juge, s'il est saisi, la possibilité de faire échec à des comportements abusifs qui consisteraient à faire de cette obligation une simple formalité accomplie sans aucune volonté d'aboutir. Le caractère loyal et sérieux des négociations sera alors apprécié par le juge au vu du comportement adopté par le chef d'entreprise au cours des négociations et reflétant une volonté effective de recherche d'un accord (organisation et conduite des réunions, échange d'informations propres à éclairer et à faciliter la négociation).

On observera en outre que le code du travail fait déjà appel à des notions comparables, notamment à l'article L. 122-14-3 qui confie au juge le soin d'apprécier le « caractère réel et sérieux » des motifs invoqués par l'employeur en cas de licenciement. Au demeurant, l'exigence posée par le IV de l'article 1er peut se réclamer du principe énoncé à l'article 1134 du code civil, suivant lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Ce principe général du droit des contrats trouve également application en matière de négociation des conventions ou accords collectifs, compte tenu des spécificités des relations professionnelles.

Les conséquences d'une éventuelle méconnaissance de cette obligation de procédure n'ont pas été explicitement abordées par le législateur, alors qu'il avait prévu expressément la nullité de la procédure de plan social en cas d'absence en son sein d'un plan visant au reclassement de salariés, dans le cadre de l'article L. 321-4-1 du code du travail. On peut penser - sous réserve de l'interprétation souveraine qu'il appartiendra, le moment venu, à la Cour de cassation de donner du nouveau texte - qu'une action en référé fondée sur la méconnaissance de cette obligation préalable au plan social pourrait être introduite devant le juge compétent sur le terrain du trouble manifestement illicite, et conduire celui-ci à suspendre le cours de la procédure de plan social.

2o Le moyen relatif à l'incidence du seuil de 1 600 heures sur le chômage des jours fériés manque en fait.

On rappellera d'abord que l'article L. 222-1 du code du travail énumère les onze jours fériés légaux. Les règles concernant le chômage des jours fériés sont prévues par les conventions ou accords collectifs, de branche ou d'entreprise. L'article L. 222-5 impose seulement le chômage du 1er mai. Les autres jours fériés mentionnés à l'article L. 222-1 ne sont chômés que pour autant que les conventions collectives ou les usages d'entreprises le prévoient.

Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet de modifier ces règles. En effet, le seuil de 1 600 heures fixé par le nouvel article L. 212-8 introduit par l'article 8 constitue uniquement un seuil de déclenchement du régime des heures supplémentaires. La règle qu'il fixe est sans incidence aucune sur la situation des entreprises au regard du chômage des jours fériés.

Si aucune convention ou accord n'impose le chômage de ces jours, l'employeur conserve la faculté d'occuper son personnel pendant ces journées. Les heures travaillées pendant les jours fériés seront prises en compte pour calculer la durée annuelle travaillée par les salariés. Si le nombre d'heures travaillées dépasse au total 1 600 sur l'année, les heures accomplies au-delà de ce seuil seront soumises au régime des heures supplémentaires.

Il convient enfin de préciser que, dans le cadre hebdomadaire, les heures accomplies un jour férié sont prises en compte pour déterminer le nombre d'heures travaillées au cours d'une semaine donnée.

3o La notion d'« adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois » figurant à l'article 17 ne s'expose pas davantage aux critiques des requérants.

Cette notion renvoie en effet à la jurisprudence qui s'est développée dans le cadre du contentieux des licenciements pour motif économique. Par un arrêt en date du 25 février 1992, Société Expovit c./Dehaynain, la chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi posé le principe que « l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois ». La cour fait reposer ce principe sur l'obligation générale de loyauté dans l'exécution des contrats issue de l'article 1134 du code civil. Il s'ensuit que « la qualification contractuelle constitue la mesure de l'obligation de la formation patronale » (« Formation et adaptation dans la jurisprudence sociale », P. Gomez-Mustel, Droit social, 1999).

Relèvent ainsi de cette obligation les actions d'entretien et de perfectionnement des connaissances exigées par le poste (par exemple, l'emploi d'un nouveau logiciel) et, de manière plus générale, les actions de formation indispensables au maintien du salarié sur son poste de travail, compte tenu des modifications techniques affectant ou susceptibles d'affecter celui-ci. Le contenu de l'obligation mise à la charge de l'employeur est en effet apprécié par le juge au regard de l'objectif poursuivi : le maintien dans l'emploi occupé ou le reclassement du salarié, en cas de suppression de poste, sur un emploi compatible avec les capacités du salarié et ressortissant à sa qualification. En revanche, les actions de formation ayant pour objet l'acquisition d'une nouvelle qualification ou une promotion professionnelle ne relèvent en principe pas du devoir d'adaptation. Sont également exclues de son champ les actions de reconversion visant l'apprentissage d'un nouveau métier.

Le concept « d'adaptation », que le législateur a entendu inscrire dans le droit positif, permet ainsi de faire le partage entre les formations qui sont assimilées par la loi à du temps de travail effectif parce qu'elles découlent des obligations contractuelles de l'employeur à l'égard de ses salariés, et les autres types de formation qui dépassent le cadre de ces obligations.

4o Les critères d'attribution et de suspension des aides ne sont entachés d'aucune imprécision.

On rappellera, à titre liminaire, qu'il appartenait seulement à la loi de poser le principe de l'allégement ainsi que la nature des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de cette aide. C'est donc au décret qu'il appartiendra de fournir les précisions que les requérants reprochent à la loi de ne pas comporter. Si l'on s'en tient, comme il se doit, aux exigences que l'article 34 faisait peser, sur ce point, sur le législateur, le texte contesté y satisfait pleinement. Il le fait, en particulier aux paragraphes XV et XVI de l'article 19 de la loi qui définissent les motifs de nature à justifier la suppression ou la suspension de l'allégement ainsi que la procédure applicable.

L'économie de l'ensemble de ces dispositions conduit à distinguer les motifs se rattachant, d'une part, aux conditions d'ouverture du bénéfice de l'allégement et, d'autre part, au respect des engagements figurant dans la convention ou l'accord et relatifs à la durée du travail et à l'emploi.

a) Sur les motifs se rapportant aux conditions d'ouverture du bénéfice de l'allégement :

Le bénéfice de l'allégement est ouvert sur la base d'une déclaration de l'employeur adressée aux organismes de recouvrement des cotisations sociales (XI de l'article 19) et non sur la base d'une convention conclue entre l'employeur et l'Etat.

Dans ces conditions, il est logique que le législateur ait prévu que le bénéfice de l'allégement puisse être supprimé lorsque l'entreprise en a bénéficié, alors même qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions fixées par la loi.

Tel est le cas lorsque le bénéfice de l'allégement a été obtenu sur la base d'une fausse déclaration ou d'une déclaration comportant des omissions (dernier alinéa du XV de l'article 19).

De même, sur le fondement du second alinéa du XVI de l'article 16, le bénéfice de l'allégement pourra être supprimé en cas de non-conformité de l'accord. Cette référence à la conformité de l'accord renvoie aux termes mêmes du II de l'article 19 et à l'intention claire du législateur. Le II de l'article 19 dispose en effet que le bénéfice de l'allégement est subordonné à la conclusion d'une convention ou d'un accord conclu dans les conditions prévues aux V (accord d'entreprise conclu avec un délégué syndical), VI (accord d'entreprise conclu avec un salarié mandaté), VII (accord conclu avec des délégués du personnel). Ce faisant, le législateur a entendu subordonner le bénéfice de l'allégement à la conclusion d'une convention ou d'un accord qui satisfasse aux conditions de droit commun de formation des accords collectifs mais également à des conditions spécifiques :

- en cas de conclusion d'un accord avec un délégué syndical, la loi subordonne le bénéfice de l'allégement au fait que l'accord soit signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, à défaut, approuvé par la majorité du personnel lors d'une consultation organisée à cet effet ;

- en cas de conclusion d'un accord d'entreprise par un salarié mandaté, cet accord doit, pour ouvrir droit à l'allégement, être approuvé par la majorité du personnel ;

- en cas de conclusion d'un accord avec des délégués du personnel, l'accord doit être approuvé par la majorité du personnel et validé par une commission paritaire pour ouvrir droit à l'allégement.

Si la convention ou l'accord n'a pas été conclu, approuvé ou validé conformément à ces dispositions, l'organisme de recouvrement des cotisations sociales, sur rapport du préfet ou, par délégation, du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, décidera de la suppression de l'allégement.

Ainsi, si la convention ou l'accord n'a pas été signé par une organisation syndicale majoritaire et qu'aucune consultation n'a été organisée, le bénéfice de l'allégement sera supprimé. Il en est de même lorsque la convention ou l'accord n'a pas été approuvé par la majorité du personnel ou, s'agissant des accords conclus avec les délégués du personnel, validés par une commission paritaire.

La suppression dans ces cas est justifiée dès lors que, ab initio, la convention ou l'accord ne satisfaisait pas aux conditions prévues aux paragraphes V, VI, VII et VIII. En revanche, la seule circonstance que ferait défaut dans l'accord l'une des clauses visées au 2 du III ou du 1 du IV n'est pas de nature à fonder une décision de suppression ou de suspension de l'allégement, l'absence desdites clauses pouvant être cependant invoquée devant le juge compétent au soutien d'une déclaration de nullité de l'accord, ce qui est sans incidence sur le droit à l'allégement.

b) Sur les motifs relatifs au non-respect des engagements souscrits dans l'accord en matière de durée du travail :

En premier lieu, la remise en cause de l'allégement peut provenir d'un non-respect des engagements souscrits en matière d'emploi. C'est ce que précise le troisième alinéa du III de l'article 19 qui énonce que l'allégement « est suspendu lorsque l'engagement en termes d'embauche prévu par l'accord n'est pas réalisé à compter de la réduction effective du temps de travail, sauf circonstances exceptionnelles ».

Cette disposition fonde un contrôle du respect des engagements prévus par la convention ou l'accord sans que l'administration puisse se faire juge de leur contenu, cette question relevant de l'appréciation des partenaires sociaux.

Il sera mis un terme à la suspension dès lors que l'entreprise aura procédé aux embauches prévues.

En second lieu, la remise en cause peut provenir du non-respect des engagements souscrits en matière de durée du travail. C'est ainsi que le XV de l'article 19 dispose : « Il l'allégement est suspendu lorsque les durées et les horaires de travail pratiqués dans l'entreprise sont incompatibles avec les limites définies au I. Il est par ailleurs suspendu pour le salarié ayant effectué un nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent mentionné au premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail. »

Aux termes du I de l'article 19 : « I. - Les entreprises qui appliquent un accord collectif fixant la durée collective du travail au plus soit à 35 heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année et s'engagent dans ce cadre à créer ou à préserver des emplois bénéficient d'un allégement de cotisations sociales défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale. »

Il ressort de ces dispositions que les critères sur lesquels l'organisme chargé du recouvrement des cotisations sociales doit se fonder pour suspendre le bénéfice de l'allégement sont de deux ordres :

Le premier a trait aux durées et horaires de travail collectifs pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement.

L'entreprise ayant conclu un accord fixant la durée du travail dans les limites fixées au I de l'article 19 doit prendre les mesures de nature à assurer le respect de ces limites, notamment en termes d'organisation. Le respect de cette obligation de résultat doit s'apprécier en confrontant la ou les durées du travail fixées dans l'accord et les durées et les horaires collectifs de travail « pratiqués » effectivement dans l'entreprise ou l'établissement. Ces durées et ces horaires doivent être compatibles avec les limites précitées. Tel n'est pas le cas lorsque les durées du travail collectives habituellement pratiquées sont manifestement contraires aux termes de la convention ou l'accord de travail. Le décret en Conseil d'Etat prévu au XVII de l'article 19 précisera que la notion d'incompatibilité doit s'apprécier dans ce sens.

Dans cette hypothèse, le bénéfice de l'allégement sera suspendu pour tous les salariés occupés selon les durées collectives en cause.

Le second critère a trait aux durées du travail des salariés pris individuellement.

Le deuxième alinéa du XV pose le principe que l'allégement doit être suspendu pour le salarié ayant effectué un nombre d'heures dépassant le contingent prévu au premier alinéa de l'article L. 212-5-1 (130 heures par an).

Il en effet possible que dans une entreprise certains salariés, affectés à des tâches précises, de maintenance des installations par exemple, effectuent un nombre d'heures supplémentaires tel que le contingent au-delà duquel se déclenche le repos compensateur (à 100 % dans les entreprises occupant plus de 11 salariés et de 50 % dans les autres) soit dépassé. Dans ce cas, l'allégement doit être suspendu pour ces salariés.

Il résulte des termes de la loi que le non-respect des engagements souscrits dans l'accord, autres que ceux se rapportant aux embauches et à la durée du travail, n'est pas de nature à fonder une décision de suspension ou de suppression. Il appartient en effet, dans une telle hypothèse, aux organisations syndicales signataires de décider, le cas échéant, de dénoncer l'accord conclu. Le quatrième alinéa du XV de l'article 19 précise les conséquences d'une telle décision, qui est susceptible d'entraîner la suppression du bénéfice de l'allégement si, à l'expiration d'un délai de douze mois, aucun accord n'a été conclu et si l'autorité administrative constate que la durée collective dépasse les limites fixées au I de l'article 19.

Enfin, la loi définit de manière précise la procédure à laquelle sont soumises les décisions de suspension ou de suppression de l'allégement. Préalablement à ces décisions, l'autorité administrative - le préfet ou, par délégation, le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - sera tenue d'établir un rapport. Sur ce point, on peut indiquer qu'il est envisagé de préciser, dans le décret, que l'employeur devra être informé par écrit des motifs de la décision envisagée au moins soixante jours avant que la décision de suspension ou de suppression n'intervienne. Au demeurant, et comme le Conseil constitutionnel vient de le rappeler dans sa décision no 99-424 DC du 29 décembre 1999, le respect des droits de la défense se serait, en tout état de cause, imposé à l'autorité administrative dans le silence de la loi.

c) Enfin, on saisit mal la portée utile du moyen tiré d'un prétendu dessaisissement du pouvoir budgétaire du Parlement. D'une part, en effet, le mécanisme d'aide repose, comme on l'a vu, sur un allégement de cotisations sociales, de sorte que sa mise en oeuvre n'a aucune incidence directe sur le budget de l'Etat. D'autre part, et en tout état de cause, il est de la nature même d'un régime d'aide dont le bénéfice est subordonné à certaines conditions prévues par la loi de se traduire ensuite par un coût plus ou moins important, suivant le nombre des candidats qui satisferont à ces conditions.

Si les requérants paraissent contester l'absence d'implication des pouvoirs publics ou de leurs représentants en amont de la conclusion des accords ouvrant droit à l'aide, il faut souligner qu'aucun principe constitutionnel ne fait obstacle à ce que des aides soient attribuées sur la base de déclarations dont la vérification est ensuite réalisée par les services compétents.

5o Quant au moyen tiré de ce que le Parlement aurait, à l'inverse, excédé ses pouvoirs en posant, au V de l'article 32, des règles relatives à la revalorisation du SMIC dans les cinq ans, il n'est pas davantage fondé.

S'il est clair, en effet, que le législateur peut se borner, au titre des principes fondamentaux du droit du travail, à fixer le principe d'un salaire minimum et à laisser au Gouvernement le soin d'en fixer le montant, il lui est également loisible d'encadrer davantage l'exercice de ce pouvoir pour une période déterminée. Rien n'interdisait donc au Parlement de décider, afin d'assurer l'équilibre du mécanisme de garantie prévu à l'article 32, que celle-ci deviendra sans objet avant le 1er janvier 2005, notamment par l'effet des mesures de revalorisation du SMIC.

Au demeurant, l'encadrement voulu par le législateur laisse au Gouvernement une marge de manoeuvre quant à l'échéancier des décisions de revalorisation du SMIC, propre à assurer la réalisation, d'ici à 2005, de l'objectif qui lui est assigné.