(SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2015)
RÉPLIQUE AUX OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT
Article 85
- En ce qui concerne le non-respect des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946
Les députés signataires soutiennent que dans la conception globale du système, à la fois social et fiscal, la limite au-delà de laquelle l'Etat ne répond plus à ses obligations issues des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 est bien dépassée :
Le graphique ci-dessous indique la perte de pouvoir d'achat liée :
- aux récentes baisses du plafond des effets du quotient familial ;
- à la modulation des allocations familiales telle que proposée dans le PLFSS 2015.
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du JO
nº 0297 du 24/12/2014, texte nº 6
Le PLFSS 2015 entraîne une perte de pouvoir d'achat très significative, et fortement croissante en fonction du nombre d'enfants, y compris pour les familles situées autour du niveau de vie moyen établi selon l'INSEE (l'exemple ci-dessus est à « niveau de vie moyen + 20 % », et il fait apparaître des baisses de l'ordre de 10 % des ressources de ces familles) ; ces réformes sont bien au seul préjudice de ceux qui élèvent les enfants.
Le Gouvernement mentionne le mécanisme du quotient familial comme une « aide » aux familles qui lui permettrait de satisfaire aux dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
Le quotient familial est un mécanisme inhérent au système d'imposition progressif en vigueur, et destiné à mesurer la capacité contributive du foyer fiscal afin de garantir le respect du principe d'égalité face à l'impôt défini à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Depuis les baisses successives du plafond des effets du quotient familial, à « revenu par part fiscale » équivalent, le taux d'imposition des familles est désormais jusqu'à deux fois plus élevé que celui des couples sans enfants ; plus généralement, à niveau de vie équivalent (évalué selon les méthodologies de l'OCDE et de l'INSEE), les familles avec enfants sont maintenant imposées de l'ordre de 30 % plus fortement que les familles sans enfants (1).
Le Gouvernement évoque aussi les prestations relatives aux modes de garde des enfants en bas âge.
En ce qui concerne la « Prestation partagée d'éducation de l'enfant » instaurée par la loi du 4 août 2014, les députés signataires font remarquer que cette loi va le plus souvent se traduire en réalité par une réduction de ce « congé parental » (les familles, qui ne sauront pas organiser le partage de ce congé entre les deux parents, devront renoncer au congé parental du second parent).
Les députés signataires souhaitent aussi attirer l'attention du Gouvernement sur le cas des familles avec de plus grands enfants, d'autant que ceux-ci représentent une charge particulièrement lourde (cf. études INSEE) ; car si certains ménages bénéficient effectivement des modalités de garde d'enfants, ce n'est pas « le cas en pratique pour 88 % des familles qui sont concernées par le niveau le plus élevé de la modulation des allocations familiales », contrairement à ses « observations ».
Les députés signataires maintiennent que l'article 85 pose véritablement un problème de proportionnalité au regard de l'objectif recherché d'« aides aux familles ».
Dans le système actuel, une famille de quatre enfants ayant 7 000 € de revenus mensuels cotise autant qu'elle reçoit d'allocations ; et pratiquement toutes les familles concernées par cette mesure sont en réalité déjà « contributrices ».
L'article 85 du PLFSS aurait pour effet d'augmenter très lourdement les contributions de ces familles à une politique qui a perdu son caractère « familial » (cf. annexe 1).
Il convient de souligner que la baisse brutale des ressources, qui peut aussi être considérée comme une rupture unilatérale de contrat (cf. § 4), peut faire plonger certaines familles dans de graves difficultés financières, en particulier dans le cas où elles ont tenu compte de ces ressources pour financer des emprunts à long terme (pour leur logement, par exemple).
(1) Cf. annexe 2 ci-après ; il convient par ailleurs de rappeler que l'abaissement du plafond avait été décidé en 2012 en contrepartie de l'engagement du maintien de l'universalité des allocations familiales ; le Gouvernement semble donc mal fondé maintenant à justifier la modulation par l'existence du quotient familial.
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