JORF n°0297 du 24 décembre 2014

  1. En ce qui concerne le non-respect du principe d'égalité

Le Gouvernement soutient que « le législateur a retenu un critère objectif et rationnel en fondant cette modulation sur les ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants et sur le nombre d'enfants à charge ».
Au contraire, les députés signataires soutiennent que, d'après les chiffres communiqués par le Gouvernement, cette mesure est gravement discriminatoire au détriment des familles nombreuses :

- pour les familles de deux enfants, la division par deux des allocations familiales intervient à un seuil correspondant à un niveau de vie de 2 400 € par « unité de consommation » (2) ;

- pour les familles de six enfants, la division par deux des allocations familiales intervient à un seuil correspondant à un niveau de vie nettement plus faible, de 1 777 € par « unité de consommation ».

Des familles disposant du même niveau de vie sont dans des situations comparables ; dès lors, celles qui verraient leurs allocations divisées par 2 du fait d'un plus grand nombre d'enfants seraient victimes de discrimination.
Le Gouvernement affirme que le législateur « a pris soin d'éviter l'apparition d'effets de seuil ».
Les députés signataires veulent attirer l'attention du Conseil constitutionnel sur le caractère « plus que confiscatoire » du système envisagé : ce mécanisme de lissage fait totalement abstraction des prélèvements sur les salaires ; au final, un euro de salaire en plus se traduira par ~ 1,2 € de ressource en moins : une réduction des allocations d'un montant supérieur à l'augmentation des revenus nets d'impôt n'est-elle pas plutôt assimilable à une privation de propriété ? Quel impact cela peut-il avoir sur le dynamisme de ces forces vives ?
Justification des allocations familiales par des considérations d'utilité publique :
Les allocations familiales peuvent s'analyser comme une subvention à une œuvre reconnue d'utilité publique, à savoir l'éducation des enfants (indispensable à la pérennité du système de protection social et des régimes de retraite par répartition). A défaut d'utilité publique, les allocations familiales ne seraient clairement plus justifiées, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une aide réservée aux plus nécessiteux.
En revanche, dès lors que l'utilité publique est admise, et n'est pas remise en cause par le législateur, il n'y a pas de justification au fait de réduire la subvention accordée en fonction des ressources des parents, ce qui contrevient au principe d'égalité des citoyens face à la loi. En effet, l'utilité publique du service rendu à la collectivité n'est pas moindre lorsque les parents gagnent plus de 6 000 euros !
A ces égards, les députés signataires soutiennent que l'article 85 contrevient au principe d'égalité.

(2) Méthode INSEE d'évaluation du niveau de vie.


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Version 1

2. En ce qui concerne le non-respect du principe d'égalité

Le Gouvernement soutient que « le législateur a retenu un critère objectif et rationnel en fondant cette modulation sur les ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants et sur le nombre d'enfants à charge ».

Au contraire, les députés signataires soutiennent que, d'après les chiffres communiqués par le Gouvernement, cette mesure est gravement discriminatoire au détriment des familles nombreuses :

- pour les familles de deux enfants, la division par deux des allocations familiales intervient à un seuil correspondant à un niveau de vie de 2 400 € par « unité de consommation » (2) ;

- pour les familles de six enfants, la division par deux des allocations familiales intervient à un seuil correspondant à un niveau de vie nettement plus faible, de 1 777 € par « unité de consommation ».

Des familles disposant du même niveau de vie sont dans des situations comparables ; dès lors, celles qui verraient leurs allocations divisées par 2 du fait d'un plus grand nombre d'enfants seraient victimes de discrimination.

Le Gouvernement affirme que le législateur « a pris soin d'éviter l'apparition d'effets de seuil ».

Les députés signataires veulent attirer l'attention du Conseil constitutionnel sur le caractère « plus que confiscatoire » du système envisagé : ce mécanisme de lissage fait totalement abstraction des prélèvements sur les salaires ; au final, un euro de salaire en plus se traduira par ~ 1,2 € de ressource en moins : une réduction des allocations d'un montant supérieur à l'augmentation des revenus nets d'impôt n'est-elle pas plutôt assimilable à une privation de propriété ? Quel impact cela peut-il avoir sur le dynamisme de ces forces vives ?

Justification des allocations familiales par des considérations d'utilité publique :

Les allocations familiales peuvent s'analyser comme une subvention à une œuvre reconnue d'utilité publique, à savoir l'éducation des enfants (indispensable à la pérennité du système de protection social et des régimes de retraite par répartition). A défaut d'utilité publique, les allocations familiales ne seraient clairement plus justifiées, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une aide réservée aux plus nécessiteux.

En revanche, dès lors que l'utilité publique est admise, et n'est pas remise en cause par le législateur, il n'y a pas de justification au fait de réduire la subvention accordée en fonction des ressources des parents, ce qui contrevient au principe d'égalité des citoyens face à la loi. En effet, l'utilité publique du service rendu à la collectivité n'est pas moindre lorsque les parents gagnent plus de 6 000 euros !

A ces égards, les députés signataires soutiennent que l'article 85 contrevient au principe d'égalité.

(2) Méthode INSEE d'évaluation du niveau de vie.