JORF n°0297 du 24 décembre 2014

4.1. Une atteinte à la liberté d'entreprendre.
A titre liminaire, comme cela a été précédemment rappelé, la T2A et la création de la liste en sus ont permis de faciliter l'accès aux soins des malades mais ont également favorisé le développement de l'innovation.
Ainsi, le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2013 soulignait que ce dispositif « décrit à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale est prévu afin de garantir le financement des produits innovants et particulièrement onéreux, ce qui permet à la fois d'assurer la diffusion du progrès technique et de prendre en compte des profils de pathologie atypiques au regard de la classification en groupes homogènes de malade ».
Un équilibre avait été trouvé par le législateur entre la protection de la santé publique et notamment l'égal accès aux soins innovants, le droit à l'innovation, le développement de la recherche scientifique et la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.
Or, la disposition contestée revient sur cet équilibre en remettant en cause le principe même de la liste en sus et en constituant une désincitation à la recherche emportant ainsi une entrave à la liberté d'entreprendre, dans un domaine pourtant essentiel.
L'article vise à favoriser la prescription des produits intégrés dans les GHS et, à l'inverse, à pénaliser la prescription de spécialités thérapeutiques innovantes inscrites dans la liste en sus.
En conséquence, l'article affecte la rentabilité des laboratoires pharmaceutiques engagés dans la voie de l'innovation. En effet, les médicaments inscrits sur la liste en sus nécessitent un investissement important de la part de ces derniers. Inciter les médecins des établissements publics et privés à prescrire un médicament de la liste GHS au détriment de la liste en sus, sous peine d'une pénalité, met en cause les efforts de recherche de ces laboratoires, nuit à l'innovation et donc à l'amélioration de la santé.
4.2. Une atteinte non justifiée par l'intérêt général et non liée à des exigences constitutionnelles
L'atteinte à la liberté d'entreprendre n'est, en aucun cas, justifiée par l'intérêt général ou liée à des exigences constitutionnelles et notamment par la préservation de l'équilibre financier de la sécurité sociale (20).
Comme cela a été précisé, selon l'étude d'impact, l'article 63 permettra une diminution des dépenses de l'assurance maladie en réalisant une économie d'environ 35 millions d'euros en année pleine.
Or, cette estimation est surestimée au regard des effets pervers que la mesure pourrait avoir sur l'équilibre financier de la sécurité sociale (cf. supra).
Il ne peut donc être raisonnablement soutenu que l'atteinte à la liberté d'entreprendre serait justifiée par l'exigence constitutionnelle de l'équilibre financier de la sécurité sociale et encore moins que cette atteinte serait proportionnée au regard de la faible diminution des dépenses de l'assurance maladie que cela entraînerait.
En conséquence, votre conseil ne pourra que constater que le principe et la mise en œuvre de l'article déféré sont imprécis et insincères.
Cette imprécision est d'autant plus grave que l'article méconnaît directement le principe d'égal accès aux soins et aux traitements innovants et le droit à la protection de la santé en remettant en cause la liste en sus.
C'est la raison pour laquelle le Sénat s'est refusé à voter cette version de l'article, lors de la première et deuxième lecture, et a préféré mettre en place un dispositif expérimental de deux ans afin de convaincre les établissements de santé du bien-fondé du principe de la minoration et de préciser les modalités de calcul de manière claire et sans ambiguïté :
« En effet, la rédaction extrêmement complexe proposée par le projet de loi ne pourra se traduire qu'au prix de contraintes de gestion très fortes pour les hôpitaux. En outre, cet outil ne paraît pas adapté à l'activité de certains établissements, notamment ceux qui sont spécialisés en cancérologie, qui recourent davantage que d'autres aux produits innovants et onéreux de la liste en sus et pourraient donc se voir pénalisés par le mécanisme proposé. Enfin, il existe d'autres instruments législatifs de régulation des dépenses de la liste en sus qui n'ont pas encore été appliqués. Une expérimentation est donc nécessaire » (21).
« La mise en place d'un mécanisme aussi complexe demande cependant qu'un temps suffisamment long lui soit consacré. Le risque, c'est que l'article lui-même soit inapplicable. Plutôt que de l'imposer aux établissements, il paraît préférable de les convaincre de l'utilité de faire évoluer leurs comportements. L'expérimentation semble donc la meilleure solution » (22).
Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces points et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la fonction de contrôle de constitutionnalité de la loi que lui confère la Constitution.

(20) CC, 18 décembre 2001, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, n° 2001-453 DC. (21) Séance du 14 novembre 2014 au Sénat (compte rendu intégral des débats), citation de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. (22) Séance du 27 novembre 2014 au Sénat (compte rendu intégral des débats), citation de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales.


Historique des versions

Version 1

4.1. Une atteinte à la liberté d'entreprendre.

A titre liminaire, comme cela a été précédemment rappelé, la T2A et la création de la liste en sus ont permis de faciliter l'accès aux soins des malades mais ont également favorisé le développement de l'innovation.

Ainsi, le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2013 soulignait que ce dispositif « décrit à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale est prévu afin de garantir le financement des produits innovants et particulièrement onéreux, ce qui permet à la fois d'assurer la diffusion du progrès technique et de prendre en compte des profils de pathologie atypiques au regard de la classification en groupes homogènes de malade ».

Un équilibre avait été trouvé par le législateur entre la protection de la santé publique et notamment l'égal accès aux soins innovants, le droit à l'innovation, le développement de la recherche scientifique et la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.

Or, la disposition contestée revient sur cet équilibre en remettant en cause le principe même de la liste en sus et en constituant une désincitation à la recherche emportant ainsi une entrave à la liberté d'entreprendre, dans un domaine pourtant essentiel.

L'article vise à favoriser la prescription des produits intégrés dans les GHS et, à l'inverse, à pénaliser la prescription de spécialités thérapeutiques innovantes inscrites dans la liste en sus.

En conséquence, l'article affecte la rentabilité des laboratoires pharmaceutiques engagés dans la voie de l'innovation. En effet, les médicaments inscrits sur la liste en sus nécessitent un investissement important de la part de ces derniers. Inciter les médecins des établissements publics et privés à prescrire un médicament de la liste GHS au détriment de la liste en sus, sous peine d'une pénalité, met en cause les efforts de recherche de ces laboratoires, nuit à l'innovation et donc à l'amélioration de la santé.

4.2. Une atteinte non justifiée par l'intérêt général et non liée à des exigences constitutionnelles

L'atteinte à la liberté d'entreprendre n'est, en aucun cas, justifiée par l'intérêt général ou liée à des exigences constitutionnelles et notamment par la préservation de l'équilibre financier de la sécurité sociale (20).

Comme cela a été précisé, selon l'étude d'impact, l'article 63 permettra une diminution des dépenses de l'assurance maladie en réalisant une économie d'environ 35 millions d'euros en année pleine.

Or, cette estimation est surestimée au regard des effets pervers que la mesure pourrait avoir sur l'équilibre financier de la sécurité sociale (cf. supra).

Il ne peut donc être raisonnablement soutenu que l'atteinte à la liberté d'entreprendre serait justifiée par l'exigence constitutionnelle de l'équilibre financier de la sécurité sociale et encore moins que cette atteinte serait proportionnée au regard de la faible diminution des dépenses de l'assurance maladie que cela entraînerait.

En conséquence, votre conseil ne pourra que constater que le principe et la mise en œuvre de l'article déféré sont imprécis et insincères.

Cette imprécision est d'autant plus grave que l'article méconnaît directement le principe d'égal accès aux soins et aux traitements innovants et le droit à la protection de la santé en remettant en cause la liste en sus.

C'est la raison pour laquelle le Sénat s'est refusé à voter cette version de l'article, lors de la première et deuxième lecture, et a préféré mettre en place un dispositif expérimental de deux ans afin de convaincre les établissements de santé du bien-fondé du principe de la minoration et de préciser les modalités de calcul de manière claire et sans ambiguïté :

« En effet, la rédaction extrêmement complexe proposée par le projet de loi ne pourra se traduire qu'au prix de contraintes de gestion très fortes pour les hôpitaux. En outre, cet outil ne paraît pas adapté à l'activité de certains établissements, notamment ceux qui sont spécialisés en cancérologie, qui recourent davantage que d'autres aux produits innovants et onéreux de la liste en sus et pourraient donc se voir pénalisés par le mécanisme proposé. Enfin, il existe d'autres instruments législatifs de régulation des dépenses de la liste en sus qui n'ont pas encore été appliqués. Une expérimentation est donc nécessaire » (21).

« La mise en place d'un mécanisme aussi complexe demande cependant qu'un temps suffisamment long lui soit consacré. Le risque, c'est que l'article lui-même soit inapplicable. Plutôt que de l'imposer aux établissements, il paraît préférable de les convaincre de l'utilité de faire évoluer leurs comportements. L'expérimentation semble donc la meilleure solution » (22).

Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces points et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la fonction de contrôle de constitutionnalité de la loi que lui confère la Constitution.

(20) CC, 18 décembre 2001, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, n° 2001-453 DC. (21) Séance du 14 novembre 2014 au Sénat (compte rendu intégral des débats), citation de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. (22) Séance du 27 novembre 2014 au Sénat (compte rendu intégral des débats), citation de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales.