JORF n°0260 du 7 novembre 2021

CDHX2132838X

Assemblée plénière du 28 octobre 2021 Adoptée à 40 voix pour, 2 abstentions

  1. Depuis 2014, un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée s'est vu confier la tâche, par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, d' " élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour réglementer, dans le cadre du droit international des droits de l'homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises " (1). Ce groupe de travail est en train de tenir sa septième session de négociations, du 25 au 29 octobre 2021 (2).

  2. Un long chemin a été parcouru depuis le lancement de ce processus, dont les prémices remontent à des initiatives au sein des Nations unies dès les années 1970 visant à responsabiliser les entreprises en matière de droits de l'Homme (3). Le processus engagé par le groupe de travail intergouvernemental, piloté par l'Equateur, a rencontré de nombreuses résistances, notamment de la part de l'Union européenne (UE) (4) et de ses Etats membres, y compris de la France (5). Depuis, de nombreux facteurs ont contribué à surmonter certaines de ces résistances, grâce notamment à une forte mobilisation de différentes parties prenantes pour l'adoption d'un traité (6), dont la société civile (7), des élus européens, français et du monde entier (8), des syndicats (9) ou des institutions nationales des droits de l'Homme (INDH) (10). La multiplication de législations nationales relatives au devoir de vigilance (11), la France ayant été pionnière (12), couplée à l'existence de nombreux instruments internationaux et régionaux dans le domaine (13), renforce également le besoin d'adopter un cadre commun fixé au niveau international, de même qu'est progressivement reconnue la nécessité de réguler la mondialisation (14). Par ailleurs, la crise sanitaire liée à la covid-19 a à la fois exposé les vulnérabilités dans les chaînes d'approvisionnement mondiales et révélé la plus grande résilience des entreprises responsables et respectueuses des droits de l'Homme (15). En outre, les évolutions des versions du projet d'instrument juridiquement contraignant successivement publiées par le groupe de travail intergouvernemental depuis 2018 (16) ont également contribué à surmonter certaines difficultés. Le projet d'instrument a ainsi évolué, tant sur la forme que sur le fond et pris en compte certaines des revendications exprimées par l'UE et par différentes parties. L'implication constructive des différentes parties prenantes lors des sessions de négociation et par le biais de consultations largement ouvertes menées par le groupe de travail a été déterminante. Si subsistent des divergences quant à la forme exacte que devrait prendre le projet d'instrument juridiquement contraignant, un consensus a progressivement émergé sur la reconnaissance de la complémentarité entre hard et soft law et sur la nécessité de combler les lacunes persistantes par l'adoption d'un tel instrument au niveau international pour renforcer la prévention des violations des droits de l'Homme commises dans le contexte des activités d'entreprises et améliorer l'accès à la justice et à la réparation.

  3. La CNCDH, qui suit les négociations de près, a eu l'occasion de souligner les améliorations progressives et les lacunes persistantes (17) de ces différentes versions du projet de traité. Elle salue la publication du troisième projet révisé d'instrument juridiquement contraignant le 17 août 2021 qui, dans l'ensemble, apporte peu de modifications par rapport au second projet révisé de 2020, illustrant que le projet de texte semble se stabiliser (18). La CNCDH souhaite ainsi formuler les brèves observations suivantes à propos du contenu du projet de traité.

  4. S'agissant, dans un premier temps, du champ d'application du traité et de son articulation avec les instruments internationaux existants, la CNCDH a salué les modifications apportées au projet de traité contribuant à une plus grande cohérence et à une meilleure articulation avec le droit international positif (19). Elle accueille également à nouveau avec satisfaction l'élargissement à toutes les entreprises, et plus uniquement aux activités des entreprises transnationales, et l'inclusion expresse des entreprises publiques. De nombreuses parties prenantes, dont l'Union européenne, appelaient également cet élargissement de leurs vœux, afin de couvrir toutes les entreprises de manière non discriminatoire - tout en prévoyant une adaptation pour les petites et moyennes entreprises (20) - et être à même d'assurer une concurrence plus loyale. Cet élargissement est confirmé dans le troisième projet révisé, qui apporte des précisions permettant une meilleure inclusion des entreprises publiques (21). La CNCDH réitère toutefois sa recommandation de définir plus précisément la responsabilité de l'Etat en tant qu'acteur économique, notamment dans ses activités touchant à la commande publique (22).

  5. Les droits de l'Homme couverts par le projet de traité ont également été mieux définis pour inclure tous les droits de l'Homme et libertés fondamentales internationalement reconnus (23), y compris par le droit international coutumier et viser notamment le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable, alors que la résolution 48/13 du Conseil des droits de l'Homme vient de consacrer sa reconnaissance internationale (24). De plus, tout en rappelant l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'Homme, le projet de traité renforce la reconnaissance de l'impact différencié des activités des entreprises à l'égard de certains groupes de personnes, souvent affectés de manière disproportionnée (25), et intègre une perspective de genre (26), visant ainsi à contribuer à une égalité matérielle et non uniquement formelle (27).

  6. S'agissant dans un second temps du contenu de l'obligation de vigilance et du régime de responsabilité qui y est associé en cas de non-respect, la CNCDH a accueilli avec satisfaction le rôle central accordé à l'obligation de vigilance, dont les contours ont petit à petit été précisés, quoique certaines modifications aient dû être accueillies avec réserve (28). A cet égard, la CNCDH réitère ses préoccupations quant à la terminologie employée par endroits pour définir le contenu de l'obligation de vigilance. En particulier, elle regrette les références à l' " atténuation des violations (29) des droits de l'Homme ", encore plus nombreuses dans le troisième projet révisé (30). La CNCDH recommande à nouveau que les obligations de vigilance comprennent tant les mesures propres à identifier et atténuer les risques (31) que celles visant à prévenir les violations des droits de l'Homme, conformément à l'Observation générale n° 24 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (32).

  7. Par ailleurs, des efforts ont été faits pour renforcer les règles de transparence (33). Le troisième projet révisé précise notamment que les Etats doivent imposer aux entreprises non seulement d'identifier, d'évaluer les violations des droits de l'Homme, réelles ou potentielles, qui peuvent résulter de leurs activités ou relations d'affaires, mais aussi de rendre cette identification et cette évaluation publiques ; de même, elles doivent être tenues de publier les évaluations d'impact auxquelles elles procèdent (34). La CNCDH recommande toutefois à nouveau que l'accès à l'information (35), fondamental pour la prévention et l'accès aux voies de recours et à la réparation, soit renforcé, notamment en prévoyant qu'il doit être assuré par l'Etat et les entreprises à toutes les étapes du lancement d'un projet économique et que dans le cadre d'une procédure, les documents internes à même de faire la lumière sur les causes d'un dommage ainsi que les processus décisionnels puissent être accessibles aux victimes et à leurs représentants (36). Des précisions ont cependant été apportées concernant la mise à disposition d'informations aux victimes dans les langues pertinentes (37) et sous formes accessibles pour les adultes et les enfants, y compris les personnes handicapées (38).

  8. Dans un troisième temps, la CNCDH a accueilli avec satisfaction le renforcement de la protection des victimes et de l'accès aux voies de recours au cours des versions successives du projet de traité, accentuant la visibilité du troisième pilier des Principes directeurs des Nations unies (39). Elle salue la référence expresse aux organisations syndicales ajoutée dans le troisième projet révisé (article 6§4 c), qui permet de mettre en exergue le rôle essentiel qu'elles jouent pour la promotion et la protection des droits de l'Homme dans le contexte des activités d'entreprises (40). La CNCDH recommande d'élargir l'article 6 à l'ensemble des défenseurs des droits, afin de reconnaître, aux côtés de l'obligation des Etats d'adopter des mesures pour leur garantir un environnement sûr et propice (article 5§2), leur rôle primordial pour la prévention effective des violations des droits de l'Homme commises dans le contexte d'activités d'entreprises et de clarifier qu'ils relèvent des parties prenantes pertinentes que les entreprises doivent consulter (41).

  9. Le projet de traité détaille également les mesures que les Etats doivent prendre pour fournir une assistance juridique adéquate et efficace aux victimes tout au long de la procédure judiciaire (42), qui favorise le respect effectif de leurs droits, notamment face aux stratégies dissuasives adoptées à l'encontre de victimes ou de leurs défenseurs (43). Pour favoriser l'égalité des armes, le troisième projet révisé mentionne la nécessité de lever les obstacles juridiques à l'engagement de poursuites judiciaires, tels que le forum non conveniens (44), et de prendre en compte les obstacles spécifiques rencontrés par des personnes ou groupes de personnes vulnérables ou marginalisées dans l'accès aux voies de recours (45). L'article 9 relatif à la compétence juridictionnelle est également élargi dans le troisième projet révisé, favorisant l'accès à la justice (46). En outre, la CNCDH accueille avec satisfaction la suppression, qu'elle recommandait, de l'exigence d'un lien " étroit " ou " suffisamment étroit " des dispositions relatives à l'exception de connexité (article 9§4) et au for de nécessité (article 9§5) (47). Des précisions sont également apportées à la notion de forum de nécessité, l'article 9§5 énonçant trois hypothèses de lien de connexion suffisant avec l'Etat partie concerné pouvant faire jouer le for de nécessité (48). La CNCDH recommande que cette disposition soit formulée de manière à ce que la liste de ces hypothèses ne soit pas limitative (49).

  10. La CNCDH regrette, enfin, que les travaux préparatoires relatifs aux mécanismes de suivi, pourtant essentiels pour favoriser la mise en œuvre du traité, afin que celle-ci ne repose pas uniquement sur la volonté et/ou capacité des Etats, n'aient pas avancé (50). Hormis ces dispositions sur les mécanismes de suivi, le projet a beaucoup évolué depuis la version dite " zero " de 2018 et a pris en compte certaines revendications clés exprimées par l'Union européenne (51) et par d'autres parties prenantes. La CNCDH considère que seule une implication substantielle et constructive dans le processus de négociation permettra de consolider les améliorations apportées au projet de traité et de combler les faiblesses qui subsistent. Ainsi, la CNCDH souhaite formuler les recommandations suivantes en vue des prochaines sessions de négociation pour l'adoption d'un instrument juridiquement contraignant qui, d'une part, réponde aux attentes légitimes des victimes de violations des droits de l'Homme dans le contexte des activités d'entreprises, en renforçant la protection et le respect des droits de l'Homme ainsi que l'accès aux voies de recours (52) et, d'autre part, renforce la sécurité juridique et la concurrence loyale en harmonisant les obligations dans ce domaine (level playing field) (53).

  11. Seul un effort collectif (54) permettra d'atteindre l'adoption d'un instrument international juridiquement contraignant remplissant ces objectifs. Une implication substantielle de l'Union européenne - et de ses Etats membres -, eu égard à son influence dans l'économie globale et au nombre d'Etats hôtes de grandes entreprises transnationales en son sein, dont la France, est fondamentale, pour contribuer à générer la force de traction nécessaire et à trouver un terrain d'entente commun. A l'heure où de nombreux travaux sont engagés par l'Union européenne sur la thématique entreprises et droits de l'Homme, en particulier sur la gouvernance d'entreprise durable, incluant un volet sur le devoir de diligence et la responsabilité des entreprises (55), la CNCDH recommande à la France de mobiliser ses partenaires européens pour créer, sans tarder, une véritable dynamique européenne au sein du processus de négociation d'un projet d'instrument international juridiquement contraignant. Les deux processus devraient en effet être menés de manière parallèle, s'enrichir mutuellement (56) et être portés avec ambition (57).

  12. Plus précisément, la CNCDH encourage la France à saisir l'opportunité de sa prochaine présidence du Conseil de l'Union européenne pour continuer de jouer un rôle moteur dans le domaine (58) en mobilisant ses partenaires européens :

- pour élaborer, dès maintenant, une véritable stratégie commune pour les négociations d'un instrument international juridiquement contraignant, en consultant l'ensemble des parties prenantes ;

- et pour que le Conseil confie sans tarder un mandat ambitieux à la Commission européenne pour négocier au nom de l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne lors des prochaines sessions.

(1) Conseil des droits de l'Homme, Résolution A/HRC/RES/26/9, 26 juin 2014, §1.

(2) Voir : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/WGTransCorp/Session7/Pages/Session7.aspx.

(3) La résolution A/RES/3202 (S-VI) de l'Assemblée générale, " Programme d'action concernant l'instauration d'un nouvel ordre économique international " invite à " formuler, adopter et appliquer un code international de conduite pour les sociétés transnationales " ; projet qui sera toutefois abandonné, de même que le projet de normes de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'Homme (CNCDH, La responsabilité des entreprises en matière de droits de l'homme. Nouveaux enjeux, nouveaux rôles, Etude, Volume I, La Documentation française, Paris, 2009, p. 132, p. 408).

(4) Les Etats de l'UE membres du Conseil des droits de l'Homme ont voté contre la résolution 26/9 adoptée à 20 voix contre 14, avec 13 abstentions. L'UE a longtemps réservé sa position et été critique à l'égard de la manière dont le processus était conduit. Depuis la 5e session, elle n'a plus remis en cause le processus, mais son implication est restée limitée, notamment du fait de l'absence de mandat de négociation.

(5) La France a voté contre la résolution 26/9. Depuis, sans rompre avec la position de l'UE, elle a participé aux sessions de négociation dans une démarche constructive, en essayant de mobiliser ses partenaires européens pour qu'ils s'impliquent également sur les questions substantielles et pas que procédurales.

(6) Si la forme exacte de l'instrument juridiquement contraignant (pacte, convention, traité, etc.) sera déterminée au cours des négociations, il est communément désigné par le terme de " traité ".

(7) Voir, parmi d'autres : https://bindingtreaty.org/financial-times-the-call-of-peoples-representatives-worldwide-advertisement/.

(8) Voir notamment la pétition adressée au Président de la République en octobre 2017 par près de 250 parlementaires français) ; l'appel de 22 maires français d'octobre 2020 ; la liste de soutien au traité d'élus et autorités locales du monde entier) ; l'appel de centaines de parlementaires du monde entier ; ou l'appel de 75 parlementaires européens de juillet 2020 pour que l'UE adopte un mandat de négociation.

(9)Voir par exemple les commentaires de la Confédération syndicale internationale du 8 octobre 2020 et du 25 octobre 2021.

(10) Les déclarations adoptées par les réseaux européen, mondial et francophone des INDH depuis 2018 sont disponibles sur le site du groupe de travail intergouvernemental.

(11) Voir les recensements disponibles sous https://www.business-humanrights.org/en/big-issues/mandatory-due-diligence/national-regional-developments-on-mhrdd/.

(12) Loi française n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.

(13) Parmi lesquels : Conseil des droits de l'Homme, Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, 21 mars 2011, A/HRC/17/31 ; Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales ; Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT ; Norme ISO 26 000 établissant les lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale des entreprises ; Pacte mondial des Nations unies.

(14) Voir en ce sens la déclaration de l'UE lors de la 4e session qui insiste sur la nécessité de maîtriser la mondialisation (les déclarations de l'UE lors des sessions du groupe de travail intergouvernemental sont disponibles sous https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/WGTransCorp/Pages/IGWGOnTNC.aspx).

(15) Voir en ce sens la déclaration de l'UE lors de la 6e session.

(16) Les différentes versions du projet d'instrument de 2018, de 2019, de 2020 et de 2021 sont disponibles sous https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/WGTransCorp/Pages/IGWGOnTNC.aspx.

(17) CNCDH, Déclaration sur l'adoption d'un instrument international contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 5 octobre 2018, JORF n° 238 du 14 octobre 2018, texte n° 100 ; CNCDH, Avis sur le projet d'instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 15 octobre 2019, JORF n° 244 du 19 octobre 2019, texte n° 86 ; CNCDH, Avis de suivi sur le projet d'instrument juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 15 octobre 2020, JORF n° 260 du 25 octobre 2020, texte n° 64.

(18) Une comparaison, non officielle, entre le second et le troisième projet révisé est disponible sous https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGTransCorp/Session6/igwg-comparing-third-and-second-revised-drafts.pdf.

(19) Meilleure intégration des Principes directeurs des Nations unies, mention des accords de commerce et d'investissement, références plus nombreuses au droit international coutumier, aux conventions de l'OIT pertinentes, à la déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, etc.

(20) Voir en particulier l'article 6§5 du troisième projet révisé.

(21) La mention des activités des entreprises " à but lucratif " (for profit) a ainsi été supprimée à l'article 1§3, comme le recommandait la CNCDH (CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, recommandation (ci-après reco.) n° 2). De même, la définition des " relations d'affaires " (business relationship) mentionne expressément les entités étatiques et non étatiques (article 1§5).

(22) Conformément au principe 4 des Principes directeurs (CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, reco. n° 2). De même, l'UE indique souhaiter des clarifications supplémentaires sur l'alignement du projet de traité avec ces Principes s'agissant du nexus Etat-entreprises (déclaration de l'UE, 6e session, op. cit.).

(23) Elle réitère toutefois ses observations relatives à la référence sélective à " tout traité fondamental relatif aux droits de l'Homme ", à la mention inutile " auxquels un Etat est partie " s'agissant des conventions fondamentales de l'OIT ainsi qu'à l'absence de référence au droit international coutumier à l'article 14 (CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, notes 16 et 17).

(24) Conseil des droits de l'Homme, Résolution 48/13 du 8 octobre 2021, Droit à un environnement propre, sain et durable, A/HRC/RES/48/13. Le troisième projet révisé vient ainsi préciser ce qui était entendu par droits environnementaux dans le second projet révisé, répondant à une demande de clarification exprimée notamment par l'UE lors de la sixième session de négociation. De même, les enjeux climatiques et de santé sont mieux intégrés (préambule al. 10 ; article 6§4 a) et e)). Sur ces questions, voir : CNCDH, Avis " Urgence climatique et droits de l'Homme ", Assemblée plénière du 27 mai 2021, JORF n° 130 du 6 juin 2021, texte n° 46. Le troisième projet révisé inclut également la santé (voir à ce propos, CNCDH, Avis sur la santé publique et la coopération internationale dans le contexte de la covid-19, Assemblée plénière du 15 octobre 2020, JORF n° 260 du 25 octobre 2020, texte n° 66).

(25) Le troisième projet révisé ajoute les personnes d'ascendance africaine et les personnes âgées aux groupes déjà mentionnés dans le second projet révisé (préambule al. 13, article 6§4 c), article 16§4). L'inclusion de telles dispositions faisait partie des propositions exprimées par l'Union européenne lors de la 4e session.

(26) Les références à la perspective de genre, déjà soulignées par l'UE comme faisant partie des améliorations dans la précédente version (déclaration de l'UE, 5e session, op. cit.) ont été renforcées dans le troisième projet révisé, avec notamment la mention du cadre pour la prise en compte des questions de genre applicable aux Principes directeurs (préambule al. 14). Voir également les articles 4§2 c) et e), 6§4 b), 8§4, 15§1 b) et 16§3.

(27) La reconnaissance de cet impact différencié et l'intégration d'une perspective de genre faisaient partie des améliorations soulignées par la CNCDH (CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, §12).

(28) La CNCDH invitait à apporter des précisions supplémentaires quant au contenu du devoir de vigilance, afin de reprendre toutes les dimensions développées par les Principes directeurs et d'améliorer sa définition (CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, §§10 et s., reco. n° 8).

(29) La CNCDH rappelle qu'elle recommande de n'employer que le terme de " violation " et non également celui d' " atteinte " (CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, §7, reco. n° 5).

(30) En particulier, les précisions apportées à l'art. 6§3 b) quant aux mesures que les Etats doivent imposer aux entreprises pour qu'elles respectent leur obligation de vigilance, au lieu de clarifier son contenu, s'éloignent du droit positif et obscurcissent la distinction faite par les Principes directeurs entre les mesures que l'entreprise doit adopter s'agissant des violations des droits de l'Homme qu'elle cause de celles auxquelles elle contribue.

(31) CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, §10, reco. n° 8. L'art. 16§3 du troisième projet révisé fait pourtant référence à l'atténuation des risques (et non des violations).

(32) L'Observation générale n° 24 sur les obligations des Etats en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises vient ainsi clarifier, de même que la loi française sur le devoir de vigilance, ces deux dimensions de l'obligation de vigilance contenues dans le principe 15 des Principes directeurs des Nations unies, en distinguant le fait de " détecter les risques de violations " et " d'atténuer ces risques " de celui de " prévenir la violation des droits garantis par le Pacte " (E/C.12/GC/24, 10 août 2017, §16).

(33) Voir à ce propos le principe 21 des Principes directeurs des Nations unies, op. cit.

(34) Art. 6§3 a) et art. 6§4 du troisième projet révisé. Ce dernier ajoute également que l'Etat doit agir, " d'une manière transparente ", pour s'assurer que les politiques et législations qu'il adopte ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux ou autres intérêts particuliers des entreprises (art. 6§8).

(35) Art. 4§2 f), 7§2, 7§3 a) et 12§3 du troisième projet révisé.

(36) CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, reco. n° 14.

(37) La CNCDH regrette toutefois, une nouvelle fois, l'absence de traduction du troisième projet révisé dans les six langues officielles des Nations unies (CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020).

(38) Art. 7§3 a) du troisième projet révisé.

(39) CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, §§17 et s.

(40) CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, §19, reco. n° 13.

(41) CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, note 23.

(42) Art. 7§3 du troisième projet révisé.

(43) CNCDH, Avis sur le projet d'instrument…, op. cit., 2019, §14.

(44) Art. 7§3 d) et 9§3 du troisième projet révisé. La précision apportée à l'art. 9§3 selon laquelle ce sont les juridictions investies d'une compétence sur le fondement de l'art. 9§1 et §2 qui doivent éviter d'imposer de tels obstacles vient répondre à une interrogation exprimée notamment par l'UE (déclaration UE, 6e session, op. cit.).

(45) Voir l'art. 15§7 ou 7§1, ainsi que l'al. 13 du préambule du troisième projet révisé qui visent notamment les femmes, les enfants, les personnes handicapées, les peuples indigènes, les migrants, les réfugiés, les déplacés internes.

(46) Le troisième projet révisé réintroduit par exemple le titre de compétence des tribunaux du lieu du domicile de la victime, qui avait été supprimé dans le second projet révisé de 2020 (CNCDH, Avis de suivi…, op. cit., 2020, §24).

(47) Conformément à la recommandation n° 17 de la CNCDH dans son avis de suivi précité du 15 octobre 2020. Le for (ou forum) de nécessité vise à éviter les dénis de justice en conférant, sous certaines conditions, une compétence aux juridictions de l'Etat du for lorsqu'aucun autre tribunal n'est disponible. Toutefois, la question d'une pluralité des défendeurs reste toujours absente du projet.

(48) L'art. 9§5 énonce que les tribunaux devraient être compétents pour les plaintes contre les personnes morales ou physiques qui ne sont pas domiciliées dans l'Etat du for si aucun autre for effectif pouvant garantir une procédure judiciaire équitable n'est disponible et qu'il existe un lien suffisant de connexion avec l'Etat partie concerné, qui peut découler des trois hypothèses suivantes : la présence du plaignant sur le territoire du for (a), la présence d'actifs (b) ou d'une activité substantielle (c) du défendeur.

(49) La mention " notamment " ou " en particulier " pourrait ainsi être introduite à l'art. 9§5, comme le font les Lignes directrices de Sofia sur les meilleures pratiques en matières d'actions civiles pour violation des droits de l'homme, annexées à la résolution 2/2012, de l'Association de droit international (art. 2.3), dont il semble s'inspirer.

(50) Voir les préoccupations exprimées à propos de l'articulation entre le projet d'instrument et de Protocole optionnel par la CNCDH dans sa déclaration du 2 octobre 2018, réitérées dans son avis du 15 octobre 2019, précités.

(51) En particulier, ont été prises en compte les préoccupations principales de l'UE relative au champ d'application du traité et à sa cohérence et complémentarité avec les Principes directeurs des Nations unies (le troisième projet révisé reconnaît d'ailleurs expressément leur contribution et rôle complémentaire (préambule, al. 16).

(52) Le rapport du Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises publié à l'occasion du dixième anniversaire des Principes directeurs constate ainsi que " bon nombre des obstacles à l'accès aux mécanismes judiciaires et non judiciaires (.), sinon la plupart, sont encore présents " (A/HRC/47/39, 22 avril 2021, §93). Dans le même sens, voir la contribution d'ENNHRI publiée dans ce cadre.

(53) Ces éléments sont mentionnés comme faisant partie de la valeur ajoutée d'un traité dans les déclarations de l'UE lors des sessions de négociation, op. cit.

(54) Voir en ce sens la déclaration de l'UE lors de la 4e session, op. cit.

(55) Voir la résolution du Parlement européen du 10 mars 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises (2020/2129(INL)).

(56) Voir en ce sens l'avis de la Plateforme Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), La RSE, un enjeu européen. Contribution aux travaux de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, octobre 2021, qui mentionne le fait d'œuvrer pour la poursuite des négociations sur le traité comme un des moyens de promouvoir une vision européenne, équilibrée et exigeante de la RSE (reco. n° 3).

(57) Voir l'annonce d'une directive de l'UE par Didier Reynders, commissaire européen à la justice, le 30 avril 2020, disponible sous https://responsiblebusinessconduct.eu/wp/2020/04/30/speech-by-commissioner-reynders-in-rbc-webinar-on-due-diligence/.

(58) Ce rôle moteur s'illustre par la mobilisation de la France sur la thématique " entreprises et droits de l'Homme " aux niveaux national, européen et international (voir les exemples mentionnés dans la déclaration de la CNCDH de 2018, op. cit.), ainsi que par son engagement auprès de ses partenaires européens pour une implication plus substantielle dans le processus de négociation (comme elle l'a fait par exemple en s'adressant, avec plusieurs Etats européens affinitaires, au COHOM (groupe droits de l'Homme du Conseil de l'UE) pour demander à ce que soit confié un mandat de négociation à l'UE.