JORF n°0023 du 28 janvier 2025

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Compte rendu de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques - Exercice 2023

Résumé .

Délibéré par la Commission en sa séance du 19 décembre 2024

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP, ci-après « la Commission »), comme elle l'a fait pour chaque exercice depuis la publication des comptes des partis et groupements politiques pour 1990, présente, après avoir rappelé les obligations légales des partis et groupements politiques au regard de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique (I), des données générales qui ressortent de l'ensemble des comptes qui lui ont été déposés au titre de l'exercice 2023 (II), puis des données chiffrées principales concernant les 525 partis et groupements politiques ayant déposé des comptes certifiés (III), des données relatives aux partis et groupements politiques qui sont éligibles à l'aide publique (IV), enfin des indications sur la publication des comptes de chaque parti ou groupement politique (V).

I. - Les partis et groupements politiques et leurs obligations légales au regard de la loi du 11 mars 1988
A. - La définition du parti ou groupement politique

Ni la Constitution ni la loi n'ont défini précisément la notion de parti politique et groupement politique. L'article 4 de la Constitution dispose que « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage » et « se forment et exercent leur activité librement ». La loi du 11 mars 1988 se limite à reconnaître dans son article 7 que les partis politiques et groupements politiques « jouissent de la personnalité morale. Ils ont le droit d'ester en justice. Ils ont le droit d'acquérir à titre gratuit ou à titre onéreux des biens meubles ou immeubles : ils peuvent effectuer tous les actes conformes à leur mission et notamment créer et administrer des journaux et des instituts de formation conformément aux dispositions des lois en vigueur. »
Au sens de cette loi, est considérée comme parti politique ou groupement politique la personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique si elle est éligible à l'aide publique ou a régulièrement désigné un mandataire (articles 11 à 11-3 de la loi du 11 mars 1988). Un parti qui est éligible à l'aide publique parce qu'il en remplit les conditions (articles 8 et 9) doit lui-même, pour en bénéficier, désigner un mandataire. Le mandataire est soit une personne physique, soit une association de financement, nommément désignée par le parti ou groupement politique. L'ensemble des ressources du parti ou groupement politique sont recueillies par l'intermédiaire de son mandataire (article 11).
Il résulte de cette même loi que tout parti ou groupement politique doit déposer chaque année auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ses comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes (article 11-7). Le terme « parti politique » ou « parti » ou « groupement » est dans le présent avis utilisé pour désigner les entités visées à l'article 7 de la loi du 11 mars 1988.
Depuis 1988, l'Etat accorde chaque année une aide directe aux formations politiques au regard de leur représentativité. Le montant de l'aide publique affecté au financement des partis politiques est inscrit dans la loi de finances et fait l'objet chaque année d'une répartition par décret dont l'exécution est à la charge du ministre de l'intérieur. Ce montant est divisé en deux fractions égales :

- une première destinée au financement des partis en fonction de leurs résultats au premier tour des élections à l'Assemblée nationale (avec des dispositions particulières pour les partis présentant des candidats exclusivement en outre-mer) ;
- une seconde spécifiquement destinée au financement des partis représentés au Parlement.

L'aide attribuée à un parti politique bénéficiaire de la première fraction fait l'objet d'une modulation financière en cas de non-respect de la parité entre candidates et candidats. En outre, les voix des candidats déclarés inéligibles sont déduites pour le calcul du montant de cette première fraction.
La seconde fraction est attribuée aux partis politiques éligibles à la première fraction proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de chaque année, y être inscrits ou s'y rattacher. Un parlementaire élu dans une circonscription qui n'est pas comprise dans le territoire d'une ou plusieurs collectivités d'outre-mer ne peut pas se rattacher à un parti qui n'a présenté des candidats que dans une ou plusieurs collectivités d'outre-mer.
Le rattachement des parlementaires pour l'attribution de la seconde fraction de l'aide publique fait l'objet chaque année au mois de décembre d'une publication au Journal officiel de la République française par le bureau du Sénat et celui de l'Assemblée nationale.
Les comptes déposés au premier semestre 2024 au titre de l'exercice 2023 ont la particularité de concerner les partis éligibles à l'aide publique au titre des élections législatives de 2022 (soit 41 partis au titre de la XVIe législature) et la quasi-totalité de ceux éligibles au titre des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024 (soit 38 des 41 partis politiques éligibles à l'aide publique au titre de la XVIIe législature). En effet, si 14 partis éligibles à l'aide publique au titre des élections législatives de 2022 ont perdu cette éligibilité au titre des élections législatives anticipées de 2024 et que 14 autres devenaient éligibles dont 12 partis des outre-mer, seulement 3 partis politiques nouvellement éligibles à l'aide publique ne relevaient pas déjà de la loi du 11 mars 1988 en 2023.

B. - Les obligations légales des partis politiques et de leurs commissaires aux comptes relatives à l'établissement et la présentation de leurs comptes

En application de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988, les partis bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles 8 à 11-4 doivent :

- tenir une comptabilité selon un règlement établi par l'Autorité des normes comptables (ANC) ;
- tenir une comptabilité qui retrace tant les comptes du parti politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels ils détiennent la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ;
- tenir une comptabilité qui inclut les comptes des organisations territoriales du parti politique dans des conditions définies par décret ;
- arrêter leurs comptes chaque année ;
- les faire certifier par deux commissaires aux comptes si les ressources annuelles du parti dépassent 230 000 euros ou par un seul si elles sont inférieures ou égales à ce seuil ;
- transmettre, dans l'annexe de ces comptes, les montants et les conditions d'octroi des emprunts souscrits ou consentis par eux, l'identité des prêteurs ainsi que les flux financiers avec les candidats tenus d'établir un compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du code électoral ;
- déposer leurs comptes au plus tard le 30 juin de l'année suivante à la Commission qui les rend publics et assure leur publication au Journal officiel.

Les missions et pouvoirs de la Commission découlent de l'article 11-7 précité. Ils sont limités, en matière d'examen des comptes des partis politiques, au constat que les obligations légales prévues par la loi du 11 mars 1988 ne sont pas méconnues par ces partis.
L'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 ne prévoit pas le dépôt des comptes individuels de chaque entité intégrée dans les comptes d'ensemble des partis politiques. Dans le cadre de son examen la Commission peut cependant demander aux partis de lui transmettre les comptes individuels des organisations qui leur sont affiliées.
Depuis la loi n°2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, cette comptabilité doit respecter les prescriptions du règlement comptable de l'Autorité des normes comptables (ANC) n°2018-03 du 12 octobre 2018 relatif aux comptes d'ensemble des partis ou groupements politiques (ci-après dénommé règlement comptable) qui portent notamment sur l'établissement et la présentation des comptes d'ensemble. Ce texte homologué par arrêté du 26 décembre 2018 et publié au Journal officiel du 30 décembre 2018 a valeur réglementaire et s'applique aux comptes d'ensemble des partis ou groupements politiques afférents aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.
A la suite de l'homologation du nouveau règlement comptable, l'avis technique relatif à la mission des commissaires aux comptes dans les partis politiques entrant dans le champ d'application de la loi du 11 mars 1988 a été mis à jour par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes en mai 2019. Il porte notamment sur les missions et les aspects particuliers de l'audit mis en œuvre par les commissaires aux comptes dans le cadre de la certification des comptes d'ensemble des formations politiques.
Les commissaires aux comptes qui sont désignés par les partis politiques doivent, préalablement à l'acceptation de leur mission, vérifier qu'ils respectent le code de déontologie de la profession et notamment qu'il n'existe pas de situations susceptibles de remettre en cause leur indépendance ou apparence d'indépendance.
La mission des commissaires aux comptes est conforme à la mission légale telle que définie par les articles L. 823-9 à L. 823-18 du code de commerce. Leurs obligations de contrôle s'appliquent dans la limite des règles qui s'imposent aux formations politiques.
A ce titre, l'établissement d'un rapport de gestion ne saurait constituer une obligation pour les partis politiques ; ils peuvent toutefois en établir un de manière volontaire. La procédure des conventions et engagements réglementés et les dispositions relatives à la procédure d'alerte ne sont pas prévues par la loi du 11 mars 1988. Néanmoins, les commissaires aux comptes apprécient l'existence ou non d'une incertitude significative liée à des événements ou à des circonstances susceptibles de mettre en cause la capacité du parti politique à poursuivre son activité.
La loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés prévoit que « Les commissaires aux comptes sont déliés du secret professionnel à l'égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et du juge de l'élection. ».
Si au titre des comptes de l'exercice précédent, la Commission n'avait pas interrogé de commissaires aux comptes en invoquant la levée du secret professionnel, elle a eu à procéder de la sorte une fois au titre de l'exercice 2023 pour demander, en l'absence de réponse du parti à la demande de la Commission, la nature des honoraires du commissaire aux comptes afférents aux autres services que celui de la certification des comptes d'un montant important et renseignés comme tels dans l'annexe aux comptes.
Il ressort de l'avis du 28 novembre 2011 de la Haute autorité de l'audit (H2A) (1) que l'ensemble des normes d'exercice professionnel sont applicables aux commissaires aux comptes des partis politiques.
Il revient à la Commission de constater que n'ont pas respecté leurs obligations légales, les partis politiques qui ne déposent pas leurs comptes dans le délai fixé par la loi, qui déposent des comptes non certifiés ou qui font l'objet d'un refus ou d'une impossibilité de certification par les commissaires aux comptes, ainsi que tous les partis pour lesquels la Commission constate des comptes certifiés avec un périmètre comptable incomplet (par exemple, ceux dont le périmètre n'inclurait pas les organisations territoriales du parti). Est assimilable le cas de comptes certifiés déposés mais comportant une incohérence manifeste (2).
Le non-respect est également constaté pour les partis politiques qui ne se conformeraient pas aux obligations issues de la loi pour la confiance dans la vie politique en présentant :

- des comptes non établis et présentés conformément au règlement comptable ;
- des comptes dont l'annexe ne mentionnerait pas les montants et les conditions d'octroi des emprunts souscrits ou des prêts consentis, l'identité des prêteurs ainsi que les flux financiers avec les candidats tenus d'établir un compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du code électoral.

Le constat par la Commission du respect ou du non-respect des obligations légales détermine les partis politiques qui sont susceptibles de bénéficier ou non des dispositions de la loi du 11 mars 1988, à savoir :

- l'aide publique directe si le parti y est éligible ;
- le droit à la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations ;
- le droit de financer une campagne électorale ainsi qu'un autre parti politique ;
- la dispense du contrôle de la Cour des comptes (3).

La perte de l'aide publique et celle du droit à la réduction d'impôt sont expressément prévues par l'article 11-7 précité, aux termes duquel : « Si la commission constate un manquement aux obligations prévues au présent article, elle peut priver, pour une durée maximale de trois ans, un parti ou groupement politique du bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de la présente loi et de la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations consentis à son profit, à compter de l'année suivante ».
Ces privations et leurs durées sont laissées à l'appréciation de la Commission depuis la loi n°2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats, qui est venue ajouter le terme « peut » dans la rédaction de l'article 11-7.
La faculté d'appréciation accordée à la Commission lui permet, dans le cadre d'un processus contradictoire et sous le contrôle du juge administratif, d'adapter sa décision au regard des explications avancées par les partis concernés ou de leur absence d'explication, et du motif retenu pour considérer qu'un parti politique n'a pas respecté ses obligations légales (absence de dépôt, dépôt hors délai, comptes non certifiés…).
Au regard des dispositions de l'article 11-9 de la loi du 11 mars 1988 ou si elle constate une irrégularité susceptible de constituer une infraction pénale, la Commission satisfait aux obligations qu'elle tient de l'article 40 du code de procédure pénale en informant le procureur de la République des délits dont elle acquiert la connaissance (voir infra). Elle doit également informer l'administration fiscale ou Tracfin (4) lorsqu'elle constate des faits susceptibles d'être en relation avec une infraction aux législations relevant de ces services.
Pour ce qui concerne la privation du droit de financer une campagne électorale ainsi qu'un autre parti politique, la jurisprudence administrative a précisé à plusieurs reprises que les partis politiques pour lesquels la Commission avait constaté le non-respect de leurs obligations légales se voyaient de fait privés de ce droit. Les partis politiques concernés pourront à nouveau financer la vie politique s'ils respectent les obligations prévues à l'article 11-7 précité au titre de l'exercice suivant.

II. - Données générales sur les comptes des partis politiques pour l'exercice 2023
A. - Le nombre de formations politiques concernées

Au total 594 formations ayant disposé pour l'année 2023 d'au moins un mandataire chargé de recueillir des fonds étaient tenues de déposer des comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes au plus tard le 1er juillet 2024 pour l'exercice 2023, le 30 juin étant un dimanche (5).
Parmi elles, 27 éligibles à l'aide publique au titre de la XVIe législature le sont toujours au titre de la XVIIe législature (voir I A). Pour les 15 partis métropolitains, seulement 2 sont nouvellement éligibles à l'aide publique, le parti Horizons et le parti UDR - Union des droites républicaines. Pour les 23 partis politiques ultramarins, 9 sont nouvellement éligibles à l'aide publique. Ces partis nouvellement éligibles à l'aide publique au titre des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024 bénéficieront de cette aide dans le courant de l'année 2025. Son versement apparaîtra dans leurs comptes de l'exercice 2025 déposés dans le 1er semestre de l'année 2026 auprès de la Commission.
Le nombre de partis politiques tenus de déposer des comptes devant la Commission semble se stabiliser autour de 600. Il était de 609 pour l'exercice 2022 et était passé de 571 à 588 formations entre 2020 et 2021.
Au titre de ce même exercice 2023, 59 formations politiques tenues de déposer des comptes à la Commission ne l'ont pas fait, soit 9,9 %. Entre les exercices 2016 et 2022, le pourcentage d'absence de dépôt des comptes a continuellement baissé en passant de 26 % à 10,3 %. L'évolution favorable constatée les années antérieures s'est donc poursuivie depuis la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique qui a instauré des sanctions pénales pour les dirigeants de partis politiques ne déposant pas les comptes du parti ou groupement qu'ils dirigent dans les conditions fixées à l'article 11-7.
Une grande majorité des cas d'absence de dépôt concerne des partis politiques en sommeil ou sans activité et n'ayant jamais procédé aux formalités de dissolution ou à leur publicité. Or, si un parti ne souhaite plus être soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 1988, il lui appartient de mettre fin aux fonctions de son mandataire ou de décider de sa dissolution et d'en informer sans délai la Commission. De trop nombreux partis politiques ne déposant plus leurs comptes ne mettent pas formellement fin aux fonctions de leur mandataire ou n'informent pas la Commission de leur dissolution.
535 partis politiques, soit 90,1 % des partis tenus de déposer des comptes, ont déposé des comptes pour l'exercice 2023.

B. - Le périmètre des comptes

La Commission porte une grande attention à l'exhaustivité du périmètre des comptes d'ensemble tel que prévu par l'article 11-7 précité.
Depuis l'exercice 2018, en application de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, cette comptabilité doit inclure les comptes des organisations territoriales du parti, dans des conditions définies par décret. Le décret n° 2017-1795 du 28 décembre 2017 pris pour l'application des articles 25 et 26 de cette loi énonce que « les organisations territoriales comprennent les organisations qui sont affiliées au parti ou groupement avec son accord ou à sa demande ou qui ont participé localement, au cours de l'année considérée, à son activité ou au financement d'une campagne ».
Afin de s'assurer de l'exhaustivité du périmètre, la Commission recherche toutes les entités qui pourraient avoir un lien économique ou politique avec le parti. Le périmètre peut en effet se composer non seulement d'organisations territoriales ou spécialisées à objet politique (fédérations, sections, etc.), mais également de sociétés ou associations diverses (SCI, associations de débats d'idées, instituts de formation, organes de presse, etc.).
Sur 535 comptes de l'exercice 2023 déposés, 488 partis (soit 91,3 %) n'ont comme seule entité intégrée à leur périmètre comptable que leur mandataire. 33 comptes mentionnent un nombre d'entités intégrées compris entre 2 et 99, soit 6,2 % des comptes déposés, et 13 comptes comportent un nombre d'entités compris entre 100 et 2 371, soit 2,5 % des comptes déposés.
En dehors du cas particulier du Parti communiste français, dont le périmètre s'avère de mieux en mieux maitrisé mais demeure non exhaustif, la Commission n'a pas constaté pour l'exercice 2023 que des périmètres comptables de partis seraient incomplets.
Elle constate néanmoins parfois une discordance entre le périmètre déclaré dans les comptes et l'organisation territoriale affichée sur les sites institutionnels des partis politiques. Il est à relever, d'une part, les partis politiques dont la communication politique fait état de l'existence de structures locales qui, dans les faits, n'ont pas d'existence concrète, et, d'autre part, le cas d'organisations territoriales politiques constituées en groupement de fait dont l'ensemble des dépenses et produits est pris en charge par le parti et son mandataire. Pour ce dernier exemple, certains partis considèrent ne pas devoir les faire figurer au périmètre de leur compte, leur intégration n'ayant aucune incidence sur leurs comptes d'ensemble. La Commission estime que l'absence de personnalité morale ou de compte bancaire ne constitue pas un critère pour déterminer si une organisation territoriale a vocation ou non à figurer dans le périmètre comptable d'un parti politique. Un groupement de fait affilié à un parti politique au sens du décret n° 90-606 du 9 juillet 1990, doit être considéré comme une organisation territoriale du parti devant être mentionnée à son périmètre comptable, même s'il ne dispose d'aucun compte bancaire et d'aucune ressource propre, et donc que son intégration n'aurait aucune incidence sur les comptes d'ensemble de ce dernier. En effet, la structure du périmètre ne dépend pas de l'autonomie financière d'une entité qui peut être amenée à évoluer d'une année sur l'autre. La connaissance de l'organisation et de l'environnement d'un parti politique dans son ensemble est un élément essentiel d'identification des risques auxquels il peut être exposé.

C. - L'importance de l'annexe aux comptes

Le règlement comptable rappelle l'importance de l'annexe qui est un élément constitutif des états financiers. Il est précisé que l'annexe doit comporter toute information de caractère significatif permettant aux utilisateurs des comptes d'ensemble de porter une appréciation sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'ensemble constitué par les entités comprises dans leur périmètre.
Ainsi, tous les partis devraient veiller à la qualité des informations attendues en annexe des comptes. À l'instar des comptes des exercices précédents, une grande partie des échanges avec les partis politiques a de nouveau porté sur des informations manquantes ou erronées en annexe des comptes.
Sur 272 processus contradictoires engagés quant aux comptes déposés, près d'un cinquième avaient notamment pour objet des informations absentes en annexe des comptes. Les informations absentes portaient aussi bien sur des aspects purement formels que d'autres substantiels, tels que les conditions d'octroi des prêts consentis ou des emprunts souscrits.
A titre d'illustration, la Commission a, au regard du règlement comptable, rappelé aux partis concernés l'obligation de mentionner en annexe : le référentiel comptable, les méthodes comptables retenues, le tableau des entités intégrées au périmètre des comptes d'ensemble et leur mode d'intégration, l'état des dettes, les modalités de comptabilisation retenues pour les dons et cotisations des personnes physiques qui précisent le fait générateur de la reconnaissance du produit, l'état des contributions financières octroyées par des partis ou groupements politiques, l'état des contributions et des prises en charge de frais de campagnes électorales, le montant total des honoraires du commissaire aux comptes.

D. - Le suivi des prêts aux candidats

La Commission avait indiqué, à l'occasion de l'examen des comptes de l'exercice 2022, les difficultés du rapprochement entre les comptes des partis politiques et les comptes de campagne des candidats à une élection. En l'absence d'élections législatives générales et d'élection présidentielle durant l'année 2023, l'examen a porté non plus sur la cohérence des flux financiers du parti vers les candidats soutenus mais sur le suivi du remboursement des prêts ayant bénéficié aux candidats et dont le terme arrive généralement à échéance l'année suivant l'élection.
Contrairement à un don ou une contribution définitive de parti politique, le prêt octroyé par le parti entre dans la composition de l'apport personnel du candidat à son compte de campagne, dont le montant permet d'arrêter celui du remboursement forfaitaire de l'Etat dont bénéficie le candidat. Les dispositions de l'article L. 52-11-1 du code électoral prévoient en effet que le remboursement forfaitaire maximal auquel peut prétendre un candidat est égal au moins élevé des trois montants suivants : 47,50 % du plafond des dépenses applicables, le montant des dépenses de caractère électoral remboursables et le montant de l'apport personnel retenu pour le calcul du remboursement. L'examen de l'annexe des comptes du parti permet de s'assurer que le prêt octroyé au candidat qui a bénéficié d'un remboursement de l'Etat à ce titre est bien remboursé au parti. A défaut, la Commission invite le parti à mettre tous les moyens juridiques en œuvre pour que le candidat respecte son obligation contractuelle.
En effet, sur le fondement d'un abus d'une qualité vraie, la Commission considère que le délit d'escroquerie serait susceptible d'être constitué, au préjudice de l'Etat, lorsqu'un candidat, ayant bénéficié du remboursement forfaitaire de ses dépenses de campagne, ne rembourse pas les emprunts qu'il a contractés, notamment auprès de partis politiques. En sa qualité de candidat éligible au remboursement de ses dépenses électorales à hauteur de tout ou partie de son apport personnel, en ce compris l'emprunt souscrit auprès d'un parti politique, le candidat qui ne rembourse pas cet emprunt peut être considéré comme ayant abusé de sa qualité vraie de candidat emprunteur auprès d'un parti, pour obtenir un remboursement qui ne lui était pas dû à hauteur de ce qu'il a perçu.
Au surplus, en ne remplissant pas son obligation de remboursement de l'emprunt souscrit en suite du remboursement de ses dépenses électorales, le candidat réalise une manœuvre frauduleuse à l'égard des services fiscaux, puisqu'il bénéficie d'un remboursement qui détermine ces services à l'exonérer d'imposition sur cette ressource, alors qu'en l'absence de cette manœuvre, ce remboursement constitue, pour la part afférente à l'emprunt non remboursé, un revenu imposable.
C'est pourquoi la Commission a interrogé tous les partis politiques pour lesquels elle a identifié des prêts à des candidats, non remboursés à l'échéance, et dont cette absence de remboursement n'était pas justifiée par une réformation effectuée par la Commission à l'occasion de l'examen du compte de campagne du candidat venant diminuer le montant du remboursement de l'Etat.
En réponse, les partis politiques interrogés ont indiqué les cas de figure suivants :

- le candidat a remboursé l'intégralité de son prêt en 2024 ;
- le candidat a effectué un recours contre la décision de la Commission arrêtant le montant du remboursement de l'Etat qui est pendant ;
- un rééchelonnement de la dette a été décidé ;
- le candidat connaît des difficultés financières ;
- le parti a initié une procédure de recouvrement ;
- le parti a relancé le candidat sans succès ;
- le parti n'a plus aucun contact avec le candidat concerné.

En l'absence de remboursement par les candidats concernés de leur emprunt contracté auprès des partis politiques, la Commission procédera, en conséquence, à des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Il appartiendra au procureur de la République concerné de donner les suites qui conviennent au regard des faits signalés.

E. - La mission des commissaires aux comptes

La Commission a rappelé l'importance de la mission des commissaires aux comptes (voir I B) dans le dispositif actuel prévu par la loi et qui porte sur la certification des comptes, le signalement des irrégularités et inexactitudes, la révélation des faits délictueux au procureur de la République et la mise en œuvre des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce rôle central conduit la Commission à s'assurer que leur mission, telle que définie par les textes et la doctrine professionnelle, est correctement appréhendée par la profession.
La mission du commissaire aux comptes requiert une indépendance totale vis-à-vis de l'entité contrôlée. La Commission peut être amenée ainsi à vérifier, notamment, que le commissaire aux comptes n'est pas titulaire d'un mandat électif national ou européen, qu'il n'est pas expert-comptable d'un nombre significatif de candidats présentés ou soutenus par le parti politique dont il certifie les comptes, qu'il n'a pas de liens politiques avec le parti politique dont il certifie les comptes.
Un autre point d'examen porte sur le montant des honoraires du commissaire aux comptes qui figurent en annexe des comptes et peuvent être ceux afférents à leur mission de certification ou également ceux afférents à d'autres services.
L'article 12 du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes prévoit ainsi que « (…) Le commissaire aux comptes ne peut accepter un niveau d'honoraires qui risque de compromettre la qualité de ses travaux. Une disproportion entre le montant des honoraires perçus et l'importance des diligences à accomplir affecte l'indépendance et l'objectivité du commissaire aux comptes. (…) »
Au titre de l'examen des comptes de l'exercice 2023, la Commission a constaté dans deux cas que des cabinets d'audit et d'expertise avaient certifié les comptes de partis politiques à titre gratuit. La Commission a rappelé aux personnes intéressées, en premier lieu, l'interdiction faite aux personnes morales de contribuer aux partis et groupements politiques « ni en consentant des dons, sous quelque forme que ce soit, à leurs associations de financement ou à leurs mandataires financiers, ni en leur fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » posée à l'article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, et en second lieu, que l'absence de rétribution d'un commissaire aux comptes était susceptible de traduire une atteinte à son indépendance et son objectivité dans l'accomplissement de sa mission.
Interrogé sur cette absence d'honoraires, le commissaire aux comptes a répondu dans le premier cas, que l'absence d'honoraires s'expliquait par des comptes sans patrimoine, produit et charge et il a présenté, pour pallier l'absence initiale d'honoraires, une facture adressée au parti et correspondant au temps passé pour l'émission du rapport. Dans le second cas, le parti a présenté, pour pallier l'absence initiale d'honoraires, une facture correspondant à l'exécution de sa mission de certification des comptes de l'exercice 2023 qui sera imputée sur l'exercice 2024.
Si la Commission constatait des dérives individuelles qui seraient de nature à remettre en cause l'indépendance du ou des commissaires aux comptes, elle en informerait la Haute autorité de l'audit (H2A).

F. - Synthèse de la conformité des dépôts

L'obligation faite aux partis par le législateur de déposer leurs comptes au plus tard le 1er juillet 2023 a été rappelée par la Commission dans sa circulaire du 5 avril 2024.
La Commission interroge, si nécessaire, dans le cadre d'un processus contradictoire, les partis politiques concernés, notamment sur les formalités de présentation et d'élaboration des comptes, sur la cohérence générale des comptes, sur la nature et l'origine des fonds perçus par le mandataire ainsi que leurs modalités de perception, sur la clarification du périmètre de certification et sur les informations devant figurer en annexe des comptes (flux financiers entre candidats et formations politiques, état des dettes, conditions d'octroi des prêts consentis et emprunts souscrits, etc.).
Au-delà du problème de l'annexe incomplète, les différents échanges avec les partis politiques ont eu pour objet une trentaine de thématiques dont le périmètre des comptes (24 cas), la mention ou le montant des honoraires des commissaires aux comptes (19 cas), les règles d'établissement et de présentation des comptes (16 cas), les prêts aux candidats (15 cas), la vérification des contributions financières entre partis politiques (15 cas), des divergences constatées entre les comptes du parti et les justificatifs de recettes du mandataire (14 cas), l'état des dettes fournisseurs (12 cas), l'origine des dévolutions de l'excédent de comptes de campagne (11 cas), les contributions aux candidats (8 cas), le rôle du mandataire (7 cas), la prise en charge de dépenses électorales (6 cas), les conditions d'octroi des emprunts (6 cas), des montants incohérents au sein du bilan ou du compte de résultat (6 cas).
Les 272 processus contradictoires ont entraîné le dépôt d'un compte corrigé dans 88 cas. Un troisième dépôt a été nécessaire dans 7 cas. Le nombre de dépôts de comptes corrigés a évolué ainsi depuis l'exercice 2018 :

TABLEAU N° 1
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DÉPÔTS DE COMPTES CORRIGÉS ENTRE 2018 ET 2023

| Exercice comptable | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | |------------------------------------------------------------------|------|------|------|------|------|------| | Nombre de comptes déposés | 445 | 501 | 499 | 515 | 546 | 535 | |Nombre de lettres envoyées par la Commission aux partis politiques| 307 | 361 | 260 | 260 | 297 | 272 | | Nombre de dépôts d'un compte corrigé | 111 | 91 | 82 | 99 | 95 | 88 | | Pourcentage de comptes corrigés déposés |24,9 %|18,2 %|16,4 %|19,2 %|17,4 %|16,4 %|

La Commission s'est prononcée sur le respect des obligations prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 en ses séances des 4 avril, 29 juillet, 9 septembre, 10 octobre, 5, 9 et 19 décembre 2024.
Sont publiés (6) sur le site internet de la Commission, les 535 comptes déposés. La liste des partis est jointe en annexe du présent avis.

  1. Comptes non déposés

59 comptes n'ont pas été déposés (soit 9,9 % des 594 formations tenues de déposer des comptes). Cette absence de dépôt a persisté après que la Commission a rappelé aux partis concernés leur obligation de déposer des comptes.

  1. Dépôts conformes

490 comptes conformes ont été déposés (soit 91,6 % des comptes déposés) dont :

- 456 comptes certifiés sans réserve ni observations du ou des commissaires aux comptes.

La norme d'exercice professionnel 700 relative au rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés énonce que « le commissaire aux comptes formule une certification sans réserve lorsque l'audit des comptes qu'il a mis en œuvre lui a permis d'obtenir l'assurance élevée, mais non absolue du fait des limites de l'audit, et qualifiée, par convention, d'assurance raisonnable que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportent pas d'anomalies significatives » ;

- 28 avec des observations.

Ces observations portent sur des sujets divers tels que l'existence d'une dette fournisseur apurée, un périmètre comptable modifié, la continuité d'activité, l'évaluation de biens immobiliers ou sur le fait que les comptes sont établis dans une optique liquidative ;

- 6 comptes certifiés avec réserve dont 3 avec, en outre, des observations.

Ces réserves sont de portée et de nature très variables. La norme d'exercice professionnel précitée énonce que
« le commissaire aux comptes formule une certification avec réserve pour désaccord : lorsqu'il a identifié au cours de son audit des comptes des anomalies significatives et que celles-ci n'ont pas été corrigées ; que les incidences sur les comptes des anomalies significatives sont clairement circonscrites et que la formulation de la réserve est suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause. Le commissaire aux comptes formule une certification avec réserve pour limitation : lorsqu'il n'a pas pu mettre en œuvre toutes les procédures d'audit nécessaires pour fonder son opinion sur les comptes ; que les incidences sur les comptes des limitations à ses travaux sont clairement circonscrites et que la formulation de la réserve est suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause ».

  1. Dépôts non conformes

45 comptes déposés ne sont pas conformes (soit 8,4 % des comptes déposés) dont :

- 32 comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes, déposés hors délai après le 1er juillet 2024, dont 2 avec observations et 1 avec réserve ;
- 3 comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes déposés hors délai et dont la présentation et l'établissement ne respectaient pas les dispositions du règlement comptable ;
- 9 comptes non certifiés par un ou deux commissaires aux comptes, parmi lesquels 1 déposé hors délai après le 1er juillet 2024, 1 dont la présentation et l'établissement ne respectaient pas les dispositions du règlement comptable ;
- 1 compte déposé hors délai pour lequel les commissaires aux comptes ont formulé une impossibilité de certifier les comptes.

Le commissaire aux comptes formule une impossibilité de certifier selon la norme d'exercice professionnel précitée : « D'une part, lorsqu'il n'a pas pu mettre en œuvre toutes les procédures d'audit nécessaires pour fonder son opinion sur les comptes, et que : soit les incidences sur les comptes des limitations à ses travaux ne peuvent être clairement circonscrites ; soit la formulation d'une réserve n'est pas suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause. D'autre part, lorsqu'il est dans l'impossibilité d'exprimer une opinion en raison de multiples incertitudes, dont les incidences sur les comptes ne peuvent être clairement circonscrites. »
Au total, sur les 535 comptes déposés, 10 comptes n'ont pas été certifiés, ce qui renvoie à 525 comptes dont les données comptables sont examinées au point III.

  1. Décisions de la Commission

En cas de constat par la Commission du non-respect des obligations légales d'un parti politique, elle peut prononcer, pour une durée maximale de trois ans, la perte du bénéfice de l'aide publique prévue aux articles 8 à 10 de la loi du 11 mars 1988 et la perte du droit à la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations encaissés à son profit. En outre, le parti ne peut plus financer une campagne électorale ou un autre parti politique à compter de la notification de la décision de la Commission constatant le non-respect de ses obligations légales jusqu'au prochain dépôt de ses comptes de l'exercice suivant.
Depuis sa séance du 29 septembre 2022, la Commission procède selon les lignes directrices suivantes. Pour le constat d'un premier manquement, elle retient des durées de privation du bénéfice de la réduction d'impôt, égales ou inférieures à un an, pour tous les cas de non-respect les plus courants (absence de dépôt des comptes, dépôt hors-délai, absence de certification des comptes et non-respect du règlement comptable). Pour le constat d'un deuxième ou troisième manquement sur plusieurs années consécutives, elle retient des durées de privation du bénéfice de la réduction d'impôt égales ou inférieures à trois ans. Ces durées, données à titre indicatif, n'ont pas pour vocation de répondre à l'ensemble des situations qui s'apprécient selon les caractéristiques particulières du parti et du manquement constaté. Il en est de même de la perte de l'aide publique qui prive le parti du versement annuel dont il aurait dû être bénéficiaire. Ainsi, les décisions de la Commission quant à la perte du droit à réduction d'impôt ou de l'aide publique sont prises à chaque fois au regard des circonstances de l'espèce.
Lorsque la Commission a constaté qu'un parti politique n'avait pas respecté ses obligations légales mais avait décidé de sa dissolution antérieurement à la date de sa décision, la perte du droit à réduction d'impôt étant devenue sans objet, elle ne s'est pas prononcée sur cette sanction.
Par ailleurs, l'article 25 de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a introduit à l'article 11-9 de la loi du 11 mars 1988 des dispositions créant des sanctions pénales encourues par les dirigeants de partis ou groupements politiques méconnaissant leurs obligations légales. Ainsi, « le fait pour un dirigeant de droit ou de fait d'un parti ou groupement politique de ne pas déposer les comptes du parti ou groupement qu'il dirige dans les conditions fixées à l'article 11-7 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende ».
Au surplus, la Commission peut considérer qu'un parti politique respecte ses obligations prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 tout en constatant une irrégularité susceptible de constituer une infraction pénale ou fiscale dont elle informe le procureur de la République ou les autorités compétentes.
A l'issue de l'instruction des comptes d'ensemble de l'exercice 2023, la Commission a décidé de transmettre aux procureurs de la République compétents des faits concernant 63 formations politiques.
Au titre des exercices précédents, la Commission avait effectué les signalements suivants :

TABLEAU N° 2
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE SIGNALEMENTS ENTRE 2018 ET 2023

| Exercice comptable | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | |----------------------------------------------------|------|------|------|------|------|------| | Nombre de partis devant déposer des comptes | 533 | 591 | 571 | 588 | 609 | 594 | |Nombre de signalements au procureur de la République| 79 | 78 | 69 | 70 | 66 | 63 | | Pourcentage |14,8 %|13,5 %|12,1 %|11,9 %|10,8 %|10,6 %|

Il est à noter que la Commission est parfois destinataire des comptes certifiés de partis politiques n'ayant pas ou jamais déposé leurs comptes au titre d'exercices précédents afin de régulariser leur situation à la demande du parquet pour mettre fin aux poursuites pénales engagées à l'encontre des dirigeants des formations politiques concernées.

III. - Données chiffrées principales concernant les 525 formations ayant déposé des comptes certifiés

La Commission rappelle qu'elle ne reçoit et donc ne publie que les comptes d'ensemble des partis politiques, alors que les retraitements comptables peuvent être nombreux entre les entités intégrées dans ces comptes d'ensemble. Les partis politiques peuvent, en effet, intégrer dans leurs comptes un grand nombre d'entités de natures différentes (organisations territoriales à objet politique, S.C.I., institut de formation, maison d'édition, imprimerie, etc : voir ci-dessus, II, B). De surcroît, cette intégration porte sur une multitude d'opérations selon des méthodes comptables qui peuvent varier d'un parti à l'autre (intégration des écritures, intégration globale, intégration directe, par palier). Enfin, les reversements de fonds entre partis politiques sont nombreux, parfois en cascade et peuvent porter sur des montants importants, ce qui entraîne un total des produits et/ou charges amplifié.
Toute analyse et a fortiori toute comparaison à partir de ces seules données doit donc être menée avec précaution. Dans cette limite, les développements qui suivent présentent l'évolution générale des charges, des produits et du résultat de l'exercice, la structure des produits et celle des charges, les prêts et les emprunts, et le financement des élections.

A. - Evolution générale des charges, des produits et du résultat

Il est rappelé qu'il s'agit d'une comptabilité d'engagement qui tient compte non seulement des produits reçus et des dépenses exécutées au cours de l'exercice, mais également des produits acquis et des charges nées au cours de l'exercice. L'évolution des charges et des produits entre 2018 et 2023 apparaît comme suit.

TABLEAU N° 3
SYNTHÈSE DE L'ÉVOLUTION DES CHARGES ET DES PRODUITS ENTRE 2018 ET 2023

(Montants en euros)

| | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | |------------------|-----------|-----------|-----------|-----------|-----------|-----------| |Total des produits|217 358 805|217 814 978|158 534 688|188 196 312|197 846 746|186 515 184| |Total des charges |165 113 152|204 695 198|141 368 631|170 221 391|213 109 604|175 481 454|

L'exercice 2021 qui précédait les échéances électorales des élections législatives et de l'élection présidentielle marquait une hausse des produits et des charges après l'année 2020 marquée par la crise sanitaire. L'exercice 2022 a confirmé cette hausse destinée à faire face aux dépenses de campagne. L'exercice 2023, sans élections présidentielle et législatives générales, enregistre une diminution des produits et des charges par rapport à l'exercice précédent.
En 2023, comme pour les exercices se situant entre deux exercices d'échéances électorales présidentielle et législatives (2018 à 2021), le montant des produits a excédé celui des charges à la différence de 2017 et 2022.
Sur 525 formations politiques :

- 229 formations ont connu un exercice déficitaire ;
- 290 un exercice excédentaire ;
- 6 un résultat d'exercice nul.

Parmi les comptes déficitaires, 173 partis ont un déficit qui ne dépasse pas 10 000 euros contre 179 au titre de l'exercice 2022. Le montant moyen des déficits est de 42 785 euros contre 84 609 euros au titre de l'exercice précédent.

B. - La structure des produits

Pour mener leurs activités, les partis recourent à différentes sources de financement qui, d'un point de vue comptable, constituent soit des produits d'exploitation soit des opérations bilancielles. Les premiers comprennent notamment les dons et cotisations, mais aussi l'aide publique, les contributions d'autres partis politiques et les recettes tirées des diverses activités. Les secondes comportent en particulier les cessions et acquisitions d'actifs ainsi que les emprunts et dettes auprès d'établissements de crédit et de personnes physiques.
Le montant total des dons de personnes physiques et des cotisations des adhérents et des élus représente en 2023, 66,14 millions d'euros perçus. Le décret d'attribution de l'aide publique prévoyait quant à lui pour 2023 un montant total de 66,48 millions d'euros dont 32,26 millions au titre de la première fraction et 34,22 millions au titre de la seconde fraction.
Les donateurs et cotisants peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % des sommes versées au mandataire d'un parti (y compris les contributions d'élus), ce qui constitue un financement indirect de la vie politique par l'Etat. Depuis la loi n°2011-1978 de finances rectificative pour 2011, les versements pris en compte pour le calcul du droit à la réduction d'impôt sont retenus dans la limite de 15 000 € par an et par foyer fiscal, dans la limite générale de 20 % du revenu imposable applicable à l'ensemble des dons.
Les cotisations et les dons ne peuvent excéder, hors contributions d'élus, 7 500 euros par personne et par an pour tous partis confondus. La Commission vérifie le respect de ces plafonds.
Le tableau ci-après indique la structure des produits des formations politiques ayant un total des produits supérieur à 5 000 euros au titre de l'exercice 2023 et précise pour chacun des postes les montants maximum et moyen.

TABLEAU N° 4
EXERCICE 2023 - STRUCTURE DES PRODUITS DES FORMATIONS POLITIQUES AYANT UN TOTAL DE PRODUITS SUPÉRIEUR À 5 000 EUROS (*)

(Montants en euros)

| Exercice 2023 | Totaux | % |Maximum (**)|Moyenne (**)| |----------------------------------------|-----------|-------|--------------|--------------| | Cotisations des adhérents |22 046 339 |11,8 % | 6 037 231 | 67 010 | | Contributions des élus |20 241 857 |10,9 % | 6 060 050 | 61 525 | |Financement public 2023 déclaré (***)|70 733 250 |38,0 % | 19 517 061 | 214 995 | | Dons de personnes physiques |23 608 324 |12,7 % | 4 584 129 | 71 758 | | Autres produits courants (****) |42 895 326 |23,0 % | NS | 130 381 | | Sous-total produits « courants » |179 525 096|96,4 % | 28 376 709 | 545 669 | | Produits financiers | 1 322 323 | 0,7 % | 402 204 | 4 019 | | Produits exceptionnels | 5 360 651 | 2,9 % | 1 996 640 | 16 294 | | Total des produits |186 208 070|100,0 %| NS | 565 982 |

(*) Seule est présentée la structure des produits des 329 partis ayant plus de 5 000 euros de produits. En effet, prendre en compte les 196 partis politiques ayant moins de 5 000 euros de produits rendrait la moyenne non significative.
(**) Les maximums présentés dans ce tableau représentent le maximum atteint sur le poste comptable considéré par un parti. Les moyennes sont établies à partir de la somme globale du poste considéré, divisée par les 329 partis pris en compte dans ce tableau. La mention « NS » signifie qu'il n'est pas significatif de présenter la donnée en cause.
(***) Les partis bénéficiaires de l'aide perçue en 2023 sont ceux éligibles au titre de la XVIe législature (élections législatives de 2022). Il existe un écart entre le montant inscrit dans le décret d'attribution de l'aide publique et le montant de financement public déclaré par les partis en raison notamment de certains financements publics autres que l'aide publique aux partis (par exemple l'aide à la presse), de versements non réalisés ou de partis déclarant avoir perçu l'aide publique alors qu'il s'agit de reversement de partis ayant perçu celle-ci.
(****) Les « Autres produits courants » regroupent les postes comptables « Autres aides publiques », « Dévolutions de l'excédent des comptes de campagne », « Dévolutions de partis ou groupements politiques », « Contributions d'autres formations », « Prestations de services (manifestations et colloques) », « Prestations de services aux candidats », « Ventes de marchandises, productions vendues (biens et services), production stockée et production immobilisée », « Produits des entités non significatives », « Reprise sur amortissements, dépréciations, provisions et transferts de charges » et « Autres produits ».


Historique des versions

Version 1

Délibéré par la Commission en sa séance du 19 décembre 2024

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP, ci-après « la Commission »), comme elle l'a fait pour chaque exercice depuis la publication des comptes des partis et groupements politiques pour 1990, présente, après avoir rappelé les obligations légales des partis et groupements politiques au regard de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique (I), des données générales qui ressortent de l'ensemble des comptes qui lui ont été déposés au titre de l'exercice 2023 (II), puis des données chiffrées principales concernant les 525 partis et groupements politiques ayant déposé des comptes certifiés (III), des données relatives aux partis et groupements politiques qui sont éligibles à l'aide publique (IV), enfin des indications sur la publication des comptes de chaque parti ou groupement politique (V).

I. - Les partis et groupements politiques et leurs obligations légales au regard de la loi du 11 mars 1988

A. - La définition du parti ou groupement politique

Ni la Constitution ni la loi n'ont défini précisément la notion de parti politique et groupement politique. L'article 4 de la Constitution dispose que « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage » et « se forment et exercent leur activité librement ». La loi du 11 mars 1988 se limite à reconnaître dans son article 7 que les partis politiques et groupements politiques « jouissent de la personnalité morale. Ils ont le droit d'ester en justice. Ils ont le droit d'acquérir à titre gratuit ou à titre onéreux des biens meubles ou immeubles : ils peuvent effectuer tous les actes conformes à leur mission et notamment créer et administrer des journaux et des instituts de formation conformément aux dispositions des lois en vigueur. »

Au sens de cette loi, est considérée comme parti politique ou groupement politique la personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique si elle est éligible à l'aide publique ou a régulièrement désigné un mandataire (articles 11 à 11-3 de la loi du 11 mars 1988). Un parti qui est éligible à l'aide publique parce qu'il en remplit les conditions (articles 8 et 9) doit lui-même, pour en bénéficier, désigner un mandataire. Le mandataire est soit une personne physique, soit une association de financement, nommément désignée par le parti ou groupement politique. L'ensemble des ressources du parti ou groupement politique sont recueillies par l'intermédiaire de son mandataire (article 11).

Il résulte de cette même loi que tout parti ou groupement politique doit déposer chaque année auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ses comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes (article 11-7). Le terme « parti politique » ou « parti » ou « groupement » est dans le présent avis utilisé pour désigner les entités visées à l'article 7 de la loi du 11 mars 1988.

Depuis 1988, l'Etat accorde chaque année une aide directe aux formations politiques au regard de leur représentativité. Le montant de l'aide publique affecté au financement des partis politiques est inscrit dans la loi de finances et fait l'objet chaque année d'une répartition par décret dont l'exécution est à la charge du ministre de l'intérieur. Ce montant est divisé en deux fractions égales :

- une première destinée au financement des partis en fonction de leurs résultats au premier tour des élections à l'Assemblée nationale (avec des dispositions particulières pour les partis présentant des candidats exclusivement en outre-mer) ;

- une seconde spécifiquement destinée au financement des partis représentés au Parlement.

L'aide attribuée à un parti politique bénéficiaire de la première fraction fait l'objet d'une modulation financière en cas de non-respect de la parité entre candidates et candidats. En outre, les voix des candidats déclarés inéligibles sont déduites pour le calcul du montant de cette première fraction.

La seconde fraction est attribuée aux partis politiques éligibles à la première fraction proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de chaque année, y être inscrits ou s'y rattacher. Un parlementaire élu dans une circonscription qui n'est pas comprise dans le territoire d'une ou plusieurs collectivités d'outre-mer ne peut pas se rattacher à un parti qui n'a présenté des candidats que dans une ou plusieurs collectivités d'outre-mer.

Le rattachement des parlementaires pour l'attribution de la seconde fraction de l'aide publique fait l'objet chaque année au mois de décembre d'une publication au Journal officiel de la République française par le bureau du Sénat et celui de l'Assemblée nationale.

Les comptes déposés au premier semestre 2024 au titre de l'exercice 2023 ont la particularité de concerner les partis éligibles à l'aide publique au titre des élections législatives de 2022 (soit 41 partis au titre de la XVIe législature) et la quasi-totalité de ceux éligibles au titre des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024 (soit 38 des 41 partis politiques éligibles à l'aide publique au titre de la XVIIe législature). En effet, si 14 partis éligibles à l'aide publique au titre des élections législatives de 2022 ont perdu cette éligibilité au titre des élections législatives anticipées de 2024 et que 14 autres devenaient éligibles dont 12 partis des outre-mer, seulement 3 partis politiques nouvellement éligibles à l'aide publique ne relevaient pas déjà de la loi du 11 mars 1988 en 2023.

B. - Les obligations légales des partis politiques et de leurs commissaires aux comptes relatives à l'établissement et la présentation de leurs comptes

En application de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988, les partis bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles 8 à 11-4 doivent :

- tenir une comptabilité selon un règlement établi par l'Autorité des normes comptables (ANC) ;

- tenir une comptabilité qui retrace tant les comptes du parti politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels ils détiennent la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ;

- tenir une comptabilité qui inclut les comptes des organisations territoriales du parti politique dans des conditions définies par décret ;

- arrêter leurs comptes chaque année ;

- les faire certifier par deux commissaires aux comptes si les ressources annuelles du parti dépassent 230 000 euros ou par un seul si elles sont inférieures ou égales à ce seuil ;

- transmettre, dans l'annexe de ces comptes, les montants et les conditions d'octroi des emprunts souscrits ou consentis par eux, l'identité des prêteurs ainsi que les flux financiers avec les candidats tenus d'établir un compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du code électoral ;

- déposer leurs comptes au plus tard le 30 juin de l'année suivante à la Commission qui les rend publics et assure leur publication au Journal officiel.

Les missions et pouvoirs de la Commission découlent de l'article 11-7 précité. Ils sont limités, en matière d'examen des comptes des partis politiques, au constat que les obligations légales prévues par la loi du 11 mars 1988 ne sont pas méconnues par ces partis.

L'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 ne prévoit pas le dépôt des comptes individuels de chaque entité intégrée dans les comptes d'ensemble des partis politiques. Dans le cadre de son examen la Commission peut cependant demander aux partis de lui transmettre les comptes individuels des organisations qui leur sont affiliées.

Depuis la loi n°2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, cette comptabilité doit respecter les prescriptions du règlement comptable de l'Autorité des normes comptables (ANC) n°2018-03 du 12 octobre 2018 relatif aux comptes d'ensemble des partis ou groupements politiques (ci-après dénommé règlement comptable) qui portent notamment sur l'établissement et la présentation des comptes d'ensemble. Ce texte homologué par arrêté du 26 décembre 2018 et publié au Journal officiel du 30 décembre 2018 a valeur réglementaire et s'applique aux comptes d'ensemble des partis ou groupements politiques afférents aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.

A la suite de l'homologation du nouveau règlement comptable, l'avis technique relatif à la mission des commissaires aux comptes dans les partis politiques entrant dans le champ d'application de la loi du 11 mars 1988 a été mis à jour par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes en mai 2019. Il porte notamment sur les missions et les aspects particuliers de l'audit mis en œuvre par les commissaires aux comptes dans le cadre de la certification des comptes d'ensemble des formations politiques.

Les commissaires aux comptes qui sont désignés par les partis politiques doivent, préalablement à l'acceptation de leur mission, vérifier qu'ils respectent le code de déontologie de la profession et notamment qu'il n'existe pas de situations susceptibles de remettre en cause leur indépendance ou apparence d'indépendance.

La mission des commissaires aux comptes est conforme à la mission légale telle que définie par les articles L. 823-9 à L. 823-18 du code de commerce. Leurs obligations de contrôle s'appliquent dans la limite des règles qui s'imposent aux formations politiques.

A ce titre, l'établissement d'un rapport de gestion ne saurait constituer une obligation pour les partis politiques ; ils peuvent toutefois en établir un de manière volontaire. La procédure des conventions et engagements réglementés et les dispositions relatives à la procédure d'alerte ne sont pas prévues par la loi du 11 mars 1988. Néanmoins, les commissaires aux comptes apprécient l'existence ou non d'une incertitude significative liée à des événements ou à des circonstances susceptibles de mettre en cause la capacité du parti politique à poursuivre son activité.

La loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés prévoit que « Les commissaires aux comptes sont déliés du secret professionnel à l'égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et du juge de l'élection. ».

Si au titre des comptes de l'exercice précédent, la Commission n'avait pas interrogé de commissaires aux comptes en invoquant la levée du secret professionnel, elle a eu à procéder de la sorte une fois au titre de l'exercice 2023 pour demander, en l'absence de réponse du parti à la demande de la Commission, la nature des honoraires du commissaire aux comptes afférents aux autres services que celui de la certification des comptes d'un montant important et renseignés comme tels dans l'annexe aux comptes.

Il ressort de l'avis du 28 novembre 2011 de la Haute autorité de l'audit (H2A) (1) que l'ensemble des normes d'exercice professionnel sont applicables aux commissaires aux comptes des partis politiques.

Il revient à la Commission de constater que n'ont pas respecté leurs obligations légales, les partis politiques qui ne déposent pas leurs comptes dans le délai fixé par la loi, qui déposent des comptes non certifiés ou qui font l'objet d'un refus ou d'une impossibilité de certification par les commissaires aux comptes, ainsi que tous les partis pour lesquels la Commission constate des comptes certifiés avec un périmètre comptable incomplet (par exemple, ceux dont le périmètre n'inclurait pas les organisations territoriales du parti). Est assimilable le cas de comptes certifiés déposés mais comportant une incohérence manifeste (2).

Le non-respect est également constaté pour les partis politiques qui ne se conformeraient pas aux obligations issues de la loi pour la confiance dans la vie politique en présentant :

- des comptes non établis et présentés conformément au règlement comptable ;

- des comptes dont l'annexe ne mentionnerait pas les montants et les conditions d'octroi des emprunts souscrits ou des prêts consentis, l'identité des prêteurs ainsi que les flux financiers avec les candidats tenus d'établir un compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du code électoral.

Le constat par la Commission du respect ou du non-respect des obligations légales détermine les partis politiques qui sont susceptibles de bénéficier ou non des dispositions de la loi du 11 mars 1988, à savoir :

- l'aide publique directe si le parti y est éligible ;

- le droit à la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations ;

- le droit de financer une campagne électorale ainsi qu'un autre parti politique ;

- la dispense du contrôle de la Cour des comptes (3).

La perte de l'aide publique et celle du droit à la réduction d'impôt sont expressément prévues par l'article 11-7 précité, aux termes duquel : « Si la commission constate un manquement aux obligations prévues au présent article, elle peut priver, pour une durée maximale de trois ans, un parti ou groupement politique du bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de la présente loi et de la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations consentis à son profit, à compter de l'année suivante ».

Ces privations et leurs durées sont laissées à l'appréciation de la Commission depuis la loi n°2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats, qui est venue ajouter le terme « peut » dans la rédaction de l'article 11-7.

La faculté d'appréciation accordée à la Commission lui permet, dans le cadre d'un processus contradictoire et sous le contrôle du juge administratif, d'adapter sa décision au regard des explications avancées par les partis concernés ou de leur absence d'explication, et du motif retenu pour considérer qu'un parti politique n'a pas respecté ses obligations légales (absence de dépôt, dépôt hors délai, comptes non certifiés…).

Au regard des dispositions de l'article 11-9 de la loi du 11 mars 1988 ou si elle constate une irrégularité susceptible de constituer une infraction pénale, la Commission satisfait aux obligations qu'elle tient de l'article 40 du code de procédure pénale en informant le procureur de la République des délits dont elle acquiert la connaissance (voir infra). Elle doit également informer l'administration fiscale ou Tracfin (4) lorsqu'elle constate des faits susceptibles d'être en relation avec une infraction aux législations relevant de ces services.

Pour ce qui concerne la privation du droit de financer une campagne électorale ainsi qu'un autre parti politique, la jurisprudence administrative a précisé à plusieurs reprises que les partis politiques pour lesquels la Commission avait constaté le non-respect de leurs obligations légales se voyaient de fait privés de ce droit. Les partis politiques concernés pourront à nouveau financer la vie politique s'ils respectent les obligations prévues à l'article 11-7 précité au titre de l'exercice suivant.

II. - Données générales sur les comptes des partis politiques pour l'exercice 2023

A. - Le nombre de formations politiques concernées

Au total 594 formations ayant disposé pour l'année 2023 d'au moins un mandataire chargé de recueillir des fonds étaient tenues de déposer des comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes au plus tard le 1er juillet 2024 pour l'exercice 2023, le 30 juin étant un dimanche (5).

Parmi elles, 27 éligibles à l'aide publique au titre de la XVIe législature le sont toujours au titre de la XVIIe législature (voir I A). Pour les 15 partis métropolitains, seulement 2 sont nouvellement éligibles à l'aide publique, le parti Horizons et le parti UDR - Union des droites républicaines. Pour les 23 partis politiques ultramarins, 9 sont nouvellement éligibles à l'aide publique. Ces partis nouvellement éligibles à l'aide publique au titre des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024 bénéficieront de cette aide dans le courant de l'année 2025. Son versement apparaîtra dans leurs comptes de l'exercice 2025 déposés dans le 1er semestre de l'année 2026 auprès de la Commission.

Le nombre de partis politiques tenus de déposer des comptes devant la Commission semble se stabiliser autour de 600. Il était de 609 pour l'exercice 2022 et était passé de 571 à 588 formations entre 2020 et 2021.

Au titre de ce même exercice 2023, 59 formations politiques tenues de déposer des comptes à la Commission ne l'ont pas fait, soit 9,9 %. Entre les exercices 2016 et 2022, le pourcentage d'absence de dépôt des comptes a continuellement baissé en passant de 26 % à 10,3 %. L'évolution favorable constatée les années antérieures s'est donc poursuivie depuis la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique qui a instauré des sanctions pénales pour les dirigeants de partis politiques ne déposant pas les comptes du parti ou groupement qu'ils dirigent dans les conditions fixées à l'article 11-7.

Une grande majorité des cas d'absence de dépôt concerne des partis politiques en sommeil ou sans activité et n'ayant jamais procédé aux formalités de dissolution ou à leur publicité. Or, si un parti ne souhaite plus être soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 1988, il lui appartient de mettre fin aux fonctions de son mandataire ou de décider de sa dissolution et d'en informer sans délai la Commission. De trop nombreux partis politiques ne déposant plus leurs comptes ne mettent pas formellement fin aux fonctions de leur mandataire ou n'informent pas la Commission de leur dissolution.

535 partis politiques, soit 90,1 % des partis tenus de déposer des comptes, ont déposé des comptes pour l'exercice 2023.

B. - Le périmètre des comptes

La Commission porte une grande attention à l'exhaustivité du périmètre des comptes d'ensemble tel que prévu par l'article 11-7 précité.

Depuis l'exercice 2018, en application de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, cette comptabilité doit inclure les comptes des organisations territoriales du parti, dans des conditions définies par décret. Le décret n° 2017-1795 du 28 décembre 2017 pris pour l'application des articles 25 et 26 de cette loi énonce que « les organisations territoriales comprennent les organisations qui sont affiliées au parti ou groupement avec son accord ou à sa demande ou qui ont participé localement, au cours de l'année considérée, à son activité ou au financement d'une campagne ».

Afin de s'assurer de l'exhaustivité du périmètre, la Commission recherche toutes les entités qui pourraient avoir un lien économique ou politique avec le parti. Le périmètre peut en effet se composer non seulement d'organisations territoriales ou spécialisées à objet politique (fédérations, sections, etc.), mais également de sociétés ou associations diverses (SCI, associations de débats d'idées, instituts de formation, organes de presse, etc.).

Sur 535 comptes de l'exercice 2023 déposés, 488 partis (soit 91,3 %) n'ont comme seule entité intégrée à leur périmètre comptable que leur mandataire. 33 comptes mentionnent un nombre d'entités intégrées compris entre 2 et 99, soit 6,2 % des comptes déposés, et 13 comptes comportent un nombre d'entités compris entre 100 et 2 371, soit 2,5 % des comptes déposés.

En dehors du cas particulier du Parti communiste français, dont le périmètre s'avère de mieux en mieux maitrisé mais demeure non exhaustif, la Commission n'a pas constaté pour l'exercice 2023 que des périmètres comptables de partis seraient incomplets.

Elle constate néanmoins parfois une discordance entre le périmètre déclaré dans les comptes et l'organisation territoriale affichée sur les sites institutionnels des partis politiques. Il est à relever, d'une part, les partis politiques dont la communication politique fait état de l'existence de structures locales qui, dans les faits, n'ont pas d'existence concrète, et, d'autre part, le cas d'organisations territoriales politiques constituées en groupement de fait dont l'ensemble des dépenses et produits est pris en charge par le parti et son mandataire. Pour ce dernier exemple, certains partis considèrent ne pas devoir les faire figurer au périmètre de leur compte, leur intégration n'ayant aucune incidence sur leurs comptes d'ensemble. La Commission estime que l'absence de personnalité morale ou de compte bancaire ne constitue pas un critère pour déterminer si une organisation territoriale a vocation ou non à figurer dans le périmètre comptable d'un parti politique. Un groupement de fait affilié à un parti politique au sens du décret n° 90-606 du 9 juillet 1990, doit être considéré comme une organisation territoriale du parti devant être mentionnée à son périmètre comptable, même s'il ne dispose d'aucun compte bancaire et d'aucune ressource propre, et donc que son intégration n'aurait aucune incidence sur les comptes d'ensemble de ce dernier. En effet, la structure du périmètre ne dépend pas de l'autonomie financière d'une entité qui peut être amenée à évoluer d'une année sur l'autre. La connaissance de l'organisation et de l'environnement d'un parti politique dans son ensemble est un élément essentiel d'identification des risques auxquels il peut être exposé.

C. - L'importance de l'annexe aux comptes

Le règlement comptable rappelle l'importance de l'annexe qui est un élément constitutif des états financiers. Il est précisé que l'annexe doit comporter toute information de caractère significatif permettant aux utilisateurs des comptes d'ensemble de porter une appréciation sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'ensemble constitué par les entités comprises dans leur périmètre.

Ainsi, tous les partis devraient veiller à la qualité des informations attendues en annexe des comptes. À l'instar des comptes des exercices précédents, une grande partie des échanges avec les partis politiques a de nouveau porté sur des informations manquantes ou erronées en annexe des comptes.

Sur 272 processus contradictoires engagés quant aux comptes déposés, près d'un cinquième avaient notamment pour objet des informations absentes en annexe des comptes. Les informations absentes portaient aussi bien sur des aspects purement formels que d'autres substantiels, tels que les conditions d'octroi des prêts consentis ou des emprunts souscrits.

A titre d'illustration, la Commission a, au regard du règlement comptable, rappelé aux partis concernés l'obligation de mentionner en annexe : le référentiel comptable, les méthodes comptables retenues, le tableau des entités intégrées au périmètre des comptes d'ensemble et leur mode d'intégration, l'état des dettes, les modalités de comptabilisation retenues pour les dons et cotisations des personnes physiques qui précisent le fait générateur de la reconnaissance du produit, l'état des contributions financières octroyées par des partis ou groupements politiques, l'état des contributions et des prises en charge de frais de campagnes électorales, le montant total des honoraires du commissaire aux comptes.

D. - Le suivi des prêts aux candidats

La Commission avait indiqué, à l'occasion de l'examen des comptes de l'exercice 2022, les difficultés du rapprochement entre les comptes des partis politiques et les comptes de campagne des candidats à une élection. En l'absence d'élections législatives générales et d'élection présidentielle durant l'année 2023, l'examen a porté non plus sur la cohérence des flux financiers du parti vers les candidats soutenus mais sur le suivi du remboursement des prêts ayant bénéficié aux candidats et dont le terme arrive généralement à échéance l'année suivant l'élection.

Contrairement à un don ou une contribution définitive de parti politique, le prêt octroyé par le parti entre dans la composition de l'apport personnel du candidat à son compte de campagne, dont le montant permet d'arrêter celui du remboursement forfaitaire de l'Etat dont bénéficie le candidat. Les dispositions de l'article L. 52-11-1 du code électoral prévoient en effet que le remboursement forfaitaire maximal auquel peut prétendre un candidat est égal au moins élevé des trois montants suivants : 47,50 % du plafond des dépenses applicables, le montant des dépenses de caractère électoral remboursables et le montant de l'apport personnel retenu pour le calcul du remboursement. L'examen de l'annexe des comptes du parti permet de s'assurer que le prêt octroyé au candidat qui a bénéficié d'un remboursement de l'Etat à ce titre est bien remboursé au parti. A défaut, la Commission invite le parti à mettre tous les moyens juridiques en œuvre pour que le candidat respecte son obligation contractuelle.

En effet, sur le fondement d'un abus d'une qualité vraie, la Commission considère que le délit d'escroquerie serait susceptible d'être constitué, au préjudice de l'Etat, lorsqu'un candidat, ayant bénéficié du remboursement forfaitaire de ses dépenses de campagne, ne rembourse pas les emprunts qu'il a contractés, notamment auprès de partis politiques. En sa qualité de candidat éligible au remboursement de ses dépenses électorales à hauteur de tout ou partie de son apport personnel, en ce compris l'emprunt souscrit auprès d'un parti politique, le candidat qui ne rembourse pas cet emprunt peut être considéré comme ayant abusé de sa qualité vraie de candidat emprunteur auprès d'un parti, pour obtenir un remboursement qui ne lui était pas dû à hauteur de ce qu'il a perçu.

Au surplus, en ne remplissant pas son obligation de remboursement de l'emprunt souscrit en suite du remboursement de ses dépenses électorales, le candidat réalise une manœuvre frauduleuse à l'égard des services fiscaux, puisqu'il bénéficie d'un remboursement qui détermine ces services à l'exonérer d'imposition sur cette ressource, alors qu'en l'absence de cette manœuvre, ce remboursement constitue, pour la part afférente à l'emprunt non remboursé, un revenu imposable.

C'est pourquoi la Commission a interrogé tous les partis politiques pour lesquels elle a identifié des prêts à des candidats, non remboursés à l'échéance, et dont cette absence de remboursement n'était pas justifiée par une réformation effectuée par la Commission à l'occasion de l'examen du compte de campagne du candidat venant diminuer le montant du remboursement de l'Etat.

En réponse, les partis politiques interrogés ont indiqué les cas de figure suivants :

- le candidat a remboursé l'intégralité de son prêt en 2024 ;

- le candidat a effectué un recours contre la décision de la Commission arrêtant le montant du remboursement de l'Etat qui est pendant ;

- un rééchelonnement de la dette a été décidé ;

- le candidat connaît des difficultés financières ;

- le parti a initié une procédure de recouvrement ;

- le parti a relancé le candidat sans succès ;

- le parti n'a plus aucun contact avec le candidat concerné.

En l'absence de remboursement par les candidats concernés de leur emprunt contracté auprès des partis politiques, la Commission procédera, en conséquence, à des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Il appartiendra au procureur de la République concerné de donner les suites qui conviennent au regard des faits signalés.

E. - La mission des commissaires aux comptes

La Commission a rappelé l'importance de la mission des commissaires aux comptes (voir I B) dans le dispositif actuel prévu par la loi et qui porte sur la certification des comptes, le signalement des irrégularités et inexactitudes, la révélation des faits délictueux au procureur de la République et la mise en œuvre des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce rôle central conduit la Commission à s'assurer que leur mission, telle que définie par les textes et la doctrine professionnelle, est correctement appréhendée par la profession.

La mission du commissaire aux comptes requiert une indépendance totale vis-à-vis de l'entité contrôlée. La Commission peut être amenée ainsi à vérifier, notamment, que le commissaire aux comptes n'est pas titulaire d'un mandat électif national ou européen, qu'il n'est pas expert-comptable d'un nombre significatif de candidats présentés ou soutenus par le parti politique dont il certifie les comptes, qu'il n'a pas de liens politiques avec le parti politique dont il certifie les comptes.

Un autre point d'examen porte sur le montant des honoraires du commissaire aux comptes qui figurent en annexe des comptes et peuvent être ceux afférents à leur mission de certification ou également ceux afférents à d'autres services.

L'article 12 du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes prévoit ainsi que « (…) Le commissaire aux comptes ne peut accepter un niveau d'honoraires qui risque de compromettre la qualité de ses travaux. Une disproportion entre le montant des honoraires perçus et l'importance des diligences à accomplir affecte l'indépendance et l'objectivité du commissaire aux comptes. (…) »

Au titre de l'examen des comptes de l'exercice 2023, la Commission a constaté dans deux cas que des cabinets d'audit et d'expertise avaient certifié les comptes de partis politiques à titre gratuit. La Commission a rappelé aux personnes intéressées, en premier lieu, l'interdiction faite aux personnes morales de contribuer aux partis et groupements politiques « ni en consentant des dons, sous quelque forme que ce soit, à leurs associations de financement ou à leurs mandataires financiers, ni en leur fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » posée à l'article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, et en second lieu, que l'absence de rétribution d'un commissaire aux comptes était susceptible de traduire une atteinte à son indépendance et son objectivité dans l'accomplissement de sa mission.

Interrogé sur cette absence d'honoraires, le commissaire aux comptes a répondu dans le premier cas, que l'absence d'honoraires s'expliquait par des comptes sans patrimoine, produit et charge et il a présenté, pour pallier l'absence initiale d'honoraires, une facture adressée au parti et correspondant au temps passé pour l'émission du rapport. Dans le second cas, le parti a présenté, pour pallier l'absence initiale d'honoraires, une facture correspondant à l'exécution de sa mission de certification des comptes de l'exercice 2023 qui sera imputée sur l'exercice 2024.

Si la Commission constatait des dérives individuelles qui seraient de nature à remettre en cause l'indépendance du ou des commissaires aux comptes, elle en informerait la Haute autorité de l'audit (H2A).

F. - Synthèse de la conformité des dépôts

L'obligation faite aux partis par le législateur de déposer leurs comptes au plus tard le 1er juillet 2023 a été rappelée par la Commission dans sa circulaire du 5 avril 2024.

La Commission interroge, si nécessaire, dans le cadre d'un processus contradictoire, les partis politiques concernés, notamment sur les formalités de présentation et d'élaboration des comptes, sur la cohérence générale des comptes, sur la nature et l'origine des fonds perçus par le mandataire ainsi que leurs modalités de perception, sur la clarification du périmètre de certification et sur les informations devant figurer en annexe des comptes (flux financiers entre candidats et formations politiques, état des dettes, conditions d'octroi des prêts consentis et emprunts souscrits, etc.).

Au-delà du problème de l'annexe incomplète, les différents échanges avec les partis politiques ont eu pour objet une trentaine de thématiques dont le périmètre des comptes (24 cas), la mention ou le montant des honoraires des commissaires aux comptes (19 cas), les règles d'établissement et de présentation des comptes (16 cas), les prêts aux candidats (15 cas), la vérification des contributions financières entre partis politiques (15 cas), des divergences constatées entre les comptes du parti et les justificatifs de recettes du mandataire (14 cas), l'état des dettes fournisseurs (12 cas), l'origine des dévolutions de l'excédent de comptes de campagne (11 cas), les contributions aux candidats (8 cas), le rôle du mandataire (7 cas), la prise en charge de dépenses électorales (6 cas), les conditions d'octroi des emprunts (6 cas), des montants incohérents au sein du bilan ou du compte de résultat (6 cas).

Les 272 processus contradictoires ont entraîné le dépôt d'un compte corrigé dans 88 cas. Un troisième dépôt a été nécessaire dans 7 cas. Le nombre de dépôts de comptes corrigés a évolué ainsi depuis l'exercice 2018 :

TABLEAU N° 1

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DÉPÔTS DE COMPTES CORRIGÉS ENTRE 2018 ET 2023

Exercice comptable

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Nombre de comptes déposés

445

501

499

515

546

535

Nombre de lettres envoyées par la Commission aux partis politiques

307

361

260

260

297

272

Nombre de dépôts d'un compte corrigé

111

91

82

99

95

88

Pourcentage de comptes corrigés déposés

24,9 %

18,2 %

16,4 %

19,2 %

17,4 %

16,4 %

La Commission s'est prononcée sur le respect des obligations prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 en ses séances des 4 avril, 29 juillet, 9 septembre, 10 octobre, 5, 9 et 19 décembre 2024.

Sont publiés (6) sur le site internet de la Commission, les 535 comptes déposés. La liste des partis est jointe en annexe du présent avis.

1. Comptes non déposés

59 comptes n'ont pas été déposés (soit 9,9 % des 594 formations tenues de déposer des comptes). Cette absence de dépôt a persisté après que la Commission a rappelé aux partis concernés leur obligation de déposer des comptes.

2. Dépôts conformes

490 comptes conformes ont été déposés (soit 91,6 % des comptes déposés) dont :

- 456 comptes certifiés sans réserve ni observations du ou des commissaires aux comptes.

La norme d'exercice professionnel 700 relative au rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés énonce que « le commissaire aux comptes formule une certification sans réserve lorsque l'audit des comptes qu'il a mis en œuvre lui a permis d'obtenir l'assurance élevée, mais non absolue du fait des limites de l'audit, et qualifiée, par convention, d'assurance raisonnable que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportent pas d'anomalies significatives » ;

- 28 avec des observations.

Ces observations portent sur des sujets divers tels que l'existence d'une dette fournisseur apurée, un périmètre comptable modifié, la continuité d'activité, l'évaluation de biens immobiliers ou sur le fait que les comptes sont établis dans une optique liquidative ;

- 6 comptes certifiés avec réserve dont 3 avec, en outre, des observations.

Ces réserves sont de portée et de nature très variables. La norme d'exercice professionnel précitée énonce que

« le commissaire aux comptes formule une certification avec réserve pour désaccord : lorsqu'il a identifié au cours de son audit des comptes des anomalies significatives et que celles-ci n'ont pas été corrigées ; que les incidences sur les comptes des anomalies significatives sont clairement circonscrites et que la formulation de la réserve est suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause. Le commissaire aux comptes formule une certification avec réserve pour limitation : lorsqu'il n'a pas pu mettre en œuvre toutes les procédures d'audit nécessaires pour fonder son opinion sur les comptes ; que les incidences sur les comptes des limitations à ses travaux sont clairement circonscrites et que la formulation de la réserve est suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause ».

3. Dépôts non conformes

45 comptes déposés ne sont pas conformes (soit 8,4 % des comptes déposés) dont :

- 32 comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes, déposés hors délai après le 1er juillet 2024, dont 2 avec observations et 1 avec réserve ;

- 3 comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes déposés hors délai et dont la présentation et l'établissement ne respectaient pas les dispositions du règlement comptable ;

- 9 comptes non certifiés par un ou deux commissaires aux comptes, parmi lesquels 1 déposé hors délai après le 1er juillet 2024, 1 dont la présentation et l'établissement ne respectaient pas les dispositions du règlement comptable ;

- 1 compte déposé hors délai pour lequel les commissaires aux comptes ont formulé une impossibilité de certifier les comptes.

Le commissaire aux comptes formule une impossibilité de certifier selon la norme d'exercice professionnel précitée : « D'une part, lorsqu'il n'a pas pu mettre en œuvre toutes les procédures d'audit nécessaires pour fonder son opinion sur les comptes, et que : soit les incidences sur les comptes des limitations à ses travaux ne peuvent être clairement circonscrites ; soit la formulation d'une réserve n'est pas suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause. D'autre part, lorsqu'il est dans l'impossibilité d'exprimer une opinion en raison de multiples incertitudes, dont les incidences sur les comptes ne peuvent être clairement circonscrites. »

Au total, sur les 535 comptes déposés, 10 comptes n'ont pas été certifiés, ce qui renvoie à 525 comptes dont les données comptables sont examinées au point III.

4. Décisions de la Commission

En cas de constat par la Commission du non-respect des obligations légales d'un parti politique, elle peut prononcer, pour une durée maximale de trois ans, la perte du bénéfice de l'aide publique prévue aux articles 8 à 10 de la loi du 11 mars 1988 et la perte du droit à la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations encaissés à son profit. En outre, le parti ne peut plus financer une campagne électorale ou un autre parti politique à compter de la notification de la décision de la Commission constatant le non-respect de ses obligations légales jusqu'au prochain dépôt de ses comptes de l'exercice suivant.

Depuis sa séance du 29 septembre 2022, la Commission procède selon les lignes directrices suivantes. Pour le constat d'un premier manquement, elle retient des durées de privation du bénéfice de la réduction d'impôt, égales ou inférieures à un an, pour tous les cas de non-respect les plus courants (absence de dépôt des comptes, dépôt hors-délai, absence de certification des comptes et non-respect du règlement comptable). Pour le constat d'un deuxième ou troisième manquement sur plusieurs années consécutives, elle retient des durées de privation du bénéfice de la réduction d'impôt égales ou inférieures à trois ans. Ces durées, données à titre indicatif, n'ont pas pour vocation de répondre à l'ensemble des situations qui s'apprécient selon les caractéristiques particulières du parti et du manquement constaté. Il en est de même de la perte de l'aide publique qui prive le parti du versement annuel dont il aurait dû être bénéficiaire. Ainsi, les décisions de la Commission quant à la perte du droit à réduction d'impôt ou de l'aide publique sont prises à chaque fois au regard des circonstances de l'espèce.

Lorsque la Commission a constaté qu'un parti politique n'avait pas respecté ses obligations légales mais avait décidé de sa dissolution antérieurement à la date de sa décision, la perte du droit à réduction d'impôt étant devenue sans objet, elle ne s'est pas prononcée sur cette sanction.

Par ailleurs, l'article 25 de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a introduit à l'article 11-9 de la loi du 11 mars 1988 des dispositions créant des sanctions pénales encourues par les dirigeants de partis ou groupements politiques méconnaissant leurs obligations légales. Ainsi, « le fait pour un dirigeant de droit ou de fait d'un parti ou groupement politique de ne pas déposer les comptes du parti ou groupement qu'il dirige dans les conditions fixées à l'article 11-7 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende ».

Au surplus, la Commission peut considérer qu'un parti politique respecte ses obligations prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 tout en constatant une irrégularité susceptible de constituer une infraction pénale ou fiscale dont elle informe le procureur de la République ou les autorités compétentes.

A l'issue de l'instruction des comptes d'ensemble de l'exercice 2023, la Commission a décidé de transmettre aux procureurs de la République compétents des faits concernant 63 formations politiques.

Au titre des exercices précédents, la Commission avait effectué les signalements suivants :

TABLEAU N° 2

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE SIGNALEMENTS ENTRE 2018 ET 2023

Exercice comptable

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Nombre de partis devant déposer des comptes

533

591

571

588

609

594

Nombre de signalements au procureur de la République

79

78

69

70

66

63

Pourcentage

14,8 %

13,5 %

12,1 %

11,9 %

10,8 %

10,6 %

Il est à noter que la Commission est parfois destinataire des comptes certifiés de partis politiques n'ayant pas ou jamais déposé leurs comptes au titre d'exercices précédents afin de régulariser leur situation à la demande du parquet pour mettre fin aux poursuites pénales engagées à l'encontre des dirigeants des formations politiques concernées.

III. - Données chiffrées principales concernant les 525 formations ayant déposé des comptes certifiés

La Commission rappelle qu'elle ne reçoit et donc ne publie que les comptes d'ensemble des partis politiques, alors que les retraitements comptables peuvent être nombreux entre les entités intégrées dans ces comptes d'ensemble. Les partis politiques peuvent, en effet, intégrer dans leurs comptes un grand nombre d'entités de natures différentes (organisations territoriales à objet politique, S.C.I., institut de formation, maison d'édition, imprimerie, etc : voir ci-dessus, II, B). De surcroît, cette intégration porte sur une multitude d'opérations selon des méthodes comptables qui peuvent varier d'un parti à l'autre (intégration des écritures, intégration globale, intégration directe, par palier). Enfin, les reversements de fonds entre partis politiques sont nombreux, parfois en cascade et peuvent porter sur des montants importants, ce qui entraîne un total des produits et/ou charges amplifié.

Toute analyse et a fortiori toute comparaison à partir de ces seules données doit donc être menée avec précaution. Dans cette limite, les développements qui suivent présentent l'évolution générale des charges, des produits et du résultat de l'exercice, la structure des produits et celle des charges, les prêts et les emprunts, et le financement des élections.

A. - Evolution générale des charges, des produits et du résultat

Il est rappelé qu'il s'agit d'une comptabilité d'engagement qui tient compte non seulement des produits reçus et des dépenses exécutées au cours de l'exercice, mais également des produits acquis et des charges nées au cours de l'exercice. L'évolution des charges et des produits entre 2018 et 2023 apparaît comme suit.

TABLEAU N° 3

SYNTHÈSE DE L'ÉVOLUTION DES CHARGES ET DES PRODUITS ENTRE 2018 ET 2023

(Montants en euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Total des produits

217 358 805

217 814 978

158 534 688

188 196 312

197 846 746

186 515 184

Total des charges

165 113 152

204 695 198

141 368 631

170 221 391

213 109 604

175 481 454

L'exercice 2021 qui précédait les échéances électorales des élections législatives et de l'élection présidentielle marquait une hausse des produits et des charges après l'année 2020 marquée par la crise sanitaire. L'exercice 2022 a confirmé cette hausse destinée à faire face aux dépenses de campagne. L'exercice 2023, sans élections présidentielle et législatives générales, enregistre une diminution des produits et des charges par rapport à l'exercice précédent.

En 2023, comme pour les exercices se situant entre deux exercices d'échéances électorales présidentielle et législatives (2018 à 2021), le montant des produits a excédé celui des charges à la différence de 2017 et 2022.

Sur 525 formations politiques :

- 229 formations ont connu un exercice déficitaire ;

- 290 un exercice excédentaire ;

- 6 un résultat d'exercice nul.

Parmi les comptes déficitaires, 173 partis ont un déficit qui ne dépasse pas 10 000 euros contre 179 au titre de l'exercice 2022. Le montant moyen des déficits est de 42 785 euros contre 84 609 euros au titre de l'exercice précédent.

B. - La structure des produits

Pour mener leurs activités, les partis recourent à différentes sources de financement qui, d'un point de vue comptable, constituent soit des produits d'exploitation soit des opérations bilancielles. Les premiers comprennent notamment les dons et cotisations, mais aussi l'aide publique, les contributions d'autres partis politiques et les recettes tirées des diverses activités. Les secondes comportent en particulier les cessions et acquisitions d'actifs ainsi que les emprunts et dettes auprès d'établissements de crédit et de personnes physiques.

Le montant total des dons de personnes physiques et des cotisations des adhérents et des élus représente en 2023, 66,14 millions d'euros perçus. Le décret d'attribution de l'aide publique prévoyait quant à lui pour 2023 un montant total de 66,48 millions d'euros dont 32,26 millions au titre de la première fraction et 34,22 millions au titre de la seconde fraction.

Les donateurs et cotisants peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % des sommes versées au mandataire d'un parti (y compris les contributions d'élus), ce qui constitue un financement indirect de la vie politique par l'Etat. Depuis la loi n°2011-1978 de finances rectificative pour 2011, les versements pris en compte pour le calcul du droit à la réduction d'impôt sont retenus dans la limite de 15 000 € par an et par foyer fiscal, dans la limite générale de 20 % du revenu imposable applicable à l'ensemble des dons.

Les cotisations et les dons ne peuvent excéder, hors contributions d'élus, 7 500 euros par personne et par an pour tous partis confondus. La Commission vérifie le respect de ces plafonds.

Le tableau ci-après indique la structure des produits des formations politiques ayant un total des produits supérieur à 5 000 euros au titre de l'exercice 2023 et précise pour chacun des postes les montants maximum et moyen.

TABLEAU N° 4

EXERCICE 2023 - STRUCTURE DES PRODUITS DES FORMATIONS POLITIQUES AYANT UN TOTAL DE PRODUITS SUPÉRIEUR À 5 000 EUROS (*)

(Montants en euros)

Exercice 2023

Totaux

%

Maximum (**)

Moyenne (**)

Cotisations des adhérents

22 046 339

11,8 %

6 037 231

67 010

Contributions des élus

20 241 857

10,9 %

6 060 050

61 525

Financement public 2023 déclaré (***)

70 733 250

38,0 %

19 517 061

214 995

Dons de personnes physiques

23 608 324

12,7 %

4 584 129

71 758

Autres produits courants (****)

42 895 326

23,0 %

NS

130 381

Sous-total produits « courants »

179 525 096

96,4 %

28 376 709

545 669

Produits financiers

1 322 323

0,7 %

402 204

4 019

Produits exceptionnels

5 360 651

2,9 %

1 996 640

16 294

Total des produits

186 208 070

100,0 %

NS

565 982

(*) Seule est présentée la structure des produits des 329 partis ayant plus de 5 000 euros de produits. En effet, prendre en compte les 196 partis politiques ayant moins de 5 000 euros de produits rendrait la moyenne non significative.

(**) Les maximums présentés dans ce tableau représentent le maximum atteint sur le poste comptable considéré par un parti. Les moyennes sont établies à partir de la somme globale du poste considéré, divisée par les 329 partis pris en compte dans ce tableau. La mention « NS » signifie qu'il n'est pas significatif de présenter la donnée en cause.

(***) Les partis bénéficiaires de l'aide perçue en 2023 sont ceux éligibles au titre de la XVIe législature (élections législatives de 2022). Il existe un écart entre le montant inscrit dans le décret d'attribution de l'aide publique et le montant de financement public déclaré par les partis en raison notamment de certains financements publics autres que l'aide publique aux partis (par exemple l'aide à la presse), de versements non réalisés ou de partis déclarant avoir perçu l'aide publique alors qu'il s'agit de reversement de partis ayant perçu celle-ci.

(****) Les « Autres produits courants » regroupent les postes comptables « Autres aides publiques », « Dévolutions de l'excédent des comptes de campagne », « Dévolutions de partis ou groupements politiques », « Contributions d'autres formations », « Prestations de services (manifestations et colloques) », « Prestations de services aux candidats », « Ventes de marchandises, productions vendues (biens et services), production stockée et production immobilisée », « Produits des entités non significatives », « Reprise sur amortissements, dépréciations, provisions et transferts de charges » et « Autres produits ».