La Commission des opérations de bourse,
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le décret n° 90-263 du 23 mars 1990 modifié relatif à la procédure d'injonctions et de sanctions administratives prononcées par la Commission des opérations de bourse et aux recours contre les décisions de cette commission qui relèvent de la compétence du juge judiciaire ;
Vu le règlement n° 98-07 de la Commission des opérations de bourse relatif à l'obligation d'information du public ;
Vu le règlement intérieur de la Commission des opérations de bourse ;
Vu la décision du président de la commission du 4 février 2000 désignant, à la demande du directeur général, M. Pierre Bonafé, membre de la commission, en qualité de rapporteur, chargé, après examen du dossier, de notifier, s'il y a lieu, les griefs à la personne mise en cause ;
Vu la notification des griefs du 14 février 2001 ;
Vu les observations écrites présentées le 12 avril 2001 par Me Catherine Léger pour le compte de M. Hardy ;
Vu la lettre de convocation du 5 octobre 2001 à laquelle a été annexé le rapport du rapporteur ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu au cours de la séance du 13 novembre 2001 M. Pierre Bonafé en son rapport ;
Me Catherine Léger et Me Eric Hemmerdinger en leurs observations, MM. Hardy, Cavrel, Mouilleron et Me Eric Hemmerdinger représentant M. Rodorigo ayant pris la parole en dernier faisant valoir qu'ils n'avaient pas d'observations complémentaires à formuler :
I. - FAITS ET PROCÉDURE
Le 1er février 2000, à l'occasion de la surveillance du réseau internet, le service de l'inspection de la Commission des opérations de bourse a relevé un e-mail très critique sur le forum Valtech du site gratuit d'information financière Boursorama.
A la suite de la diffusion de cet e-mail, le titre Valtech a perdu 14 % en deux jours, tandis que l'indice du nouveau marché gagnait 0,9 %.
Dans ces circonstances, le président de la Commission des opérations de bourse a décidé, le 4 février 2000, d'ouvrir une enquête sur le marché du titre Valtech et sur l'information diffusée sur la société à compter du 30 juin 1999.
Cette enquête a mis en évidence des manquements à la bonne information du public par la société Valtech à l'occasion de l'augmentation de capital réalisée en 1999.
Au cours du mois de novembre 1999, la société Valtech a procédé à une augmentation de capital par émission d'actions à raison d'une action nouvelle pour dix actions anciennes, sans droit préférentiel de souscription.
Les souscriptions étaient ouvertes du 10 au 17 novembre 1999 inclus, période pendant laquelle les anciens actionnaires disposaient d'un droit de priorité.
Le 8 novembre 1999, la Commission des opérations de bourse visait, sous le numéro 99-1381, la note d'information relative à cette opération.
Le paragraphe 2.2.8 de celle-ci précisait que :
« Les dirigeants fondateurs de Valtech, Jean-Yves Hardy, Olivier Cavrel, Eric Mouilleron, Frank Rodorigo et Martin Forsling, qui détiennent à ce jour 32,15 % du capital et 32,85 % des droits de vote de la société, ont fait connaître leur intention de ne pas souscrire à la présente augmentation de capital. »
Les investigations effectuées montrent que, malgré cette déclaration, les dirigeants ont souscrit 102 833 actions Valtech dans le cadre de cette augmentation de capital.
Ce changement par rapport à leurs intentions initiales n'a jamais été porté à la connaissance du public.
Au vu des résultats de l'enquête, le directeur général de la Commission des opérations de bourse a demandé au président de la commission, par lettre du 23 janvier 2001, de désigner parmi les membres de la commission un rapporteur chargé, après examen du dossier, de notifier, s'il y a lieu, les griefs à la ou aux personnes concernées. Le 24 janvier 2001, le président de la Commission des opérations de bourse a nommé M. Pierre Bonafé en qualité de rapporteur.
Ce dernier a notifié, le 14 février 2001, à M. Jean-Yves Hardy, président-directeur général et fondateur de la société, des griefs sur le fondement du règlement n° 98-07 de la Commission des opérations de bourse relatif à l'obligation d'information du public.
Dans ses observations du 12 avril 2001, M. Jean-Yves Hardy, représenté par Me Catherine Léger tend à montrer que les informations diffusées n'étaient pas trompeuses et n'ont pu avoir pour effet de porter atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs.
M. Hardy expose tout d'abord que le 8 novembre 1999, date à laquelle il signait la note d'information, il ne pouvait formuler aucune intention autre que celle annoncée.
Il estime qu'il ne pouvait, le 8 novembre 1999, c'est-à-dire le jour de la diffusion de la note d'opération, prendre l'initiative de déclarer de manière ferme que les dirigeants allaient souscrire à l'augmentation de capital.
En effet, même s'ils en avaient exprimé l'intention, une telle souscription ne pouvait intervenir sans l'obtention préalable d'un prêt bancaire et la mise à disposition effective des fonds, ce qui n'était pas acquis à cette date.
Le président-directeur général de la société précise avoir alors choisi indiquer au marché l'intention de ne pas souscrire des dirigeants fondateurs privilégiant ainsi le scénario le plus pessimiste et également le plus prudent à l'égard du marché.
Il indique que le prêt ne lui fut confirmé en son principe par la BNP que lors d'une rencontre en date du 16 novembre 1999, comme en atteste la lettre de la banque en date du 29 décembre 2000.
Les fonds ne furent effectivement mis à sa disposition que le 17 novembre 1999, c'est-à-dire l'ultime jour de la période de souscription.
M. Hardy fait valoir ensuite qu'il n'était pas informé de ce qu'il aurait dû diffuser un communiqué pour indiquer qu'il participait en définitive à la souscription.
Il soutient qu'en tout état de cause, il y avait impossibilité matérielle le 17 novembre 1999 à publier un tel communiqué, cette date correspondant au dernier jour du délai de souscription. Ce changement par rapport aux intentions initialement exprimées ne pouvait donc, compte tenu de sa date, être porté à la connaissance du public, en application de l'article 8 du règlement n° 98-07 de la Commission des opérations de bourse.
M. Hardy fait enfin valoir qu'existe en principe une faculté de souscription prioritaire au profit des anciens actionnaires, ce qui doit permettre à ces derniers de changer d'avis et de souscrire.
Il considère donc qu'il a normalement usé d'un droit institué au profit de l'ensemble des actionnaires.
En outre, le changement, pour être intervenu le dernier jour de la souscription, a été dénué d'incidences.
M. Hardy estime, en conséquence, ne pas avoir porté atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts.
II. - DÉCISION
Considérant que, selon les articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier, la Commission des opérations de bourse peut sanctionner les pratiques contraires à ses règlements lorsque celles-ci ont notamment pour effet de porter atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts et de procurer un avantage qui n'aurait pas été obtenu dans le cadre normal du marché ;
Considérant que l'article 5 du règlement n° 98-07 relatif à l'obligation d'information du public énonce que « lorsqu'une personne a été amenée à faire état publiquement de ses intentions et que, par la suite, ces dernières ne sont plus conformes à sa déclaration initiale, elle est tenue de porter immédiatement à la connaissance du public ses nouvelles intentions ».
Considérant que l'article 8 du règlement n° 98-07 relatif à l'obligation d'information du public énonce que « toute information visée aux articles 4 à 7 doit être portée à la connaissance du public sous la forme d'un communiqué dont l'auteur s'assure de la diffusion effective et intégrale et que la Commission des opérations de bourse doit recevoir au plus tard au moment de sa publication ».
Considérant que le comportement de M. Hardy doit être examiné au regard des textes qui viennent d'être rappelés ;
Considérant que le prospectus d'augmentation de capital de la société, visé par la Commission des opérations de bourse le 8 novembre 1999 sous le numéro 99-1381, mentionnait que M. Hardy, comme les autres dirigeants, n'avait pas l'intention de souscrire à cette augmentation de capital ;
Considérant, en l'espèce, que M. Hardy avait, dès avant cette déclaration, entamé des démarches auprès de l'agence BNP Le Parvis-La Défense afin d'obtenir un prêt bancaire, avant l'augmentation de capital votée par l'assemblée générale du 5 novembre 1999, avec l'intention de souscrire à ladite augmentation ;
Considérant que M. Hardy, ayant le 16 novembre 1999 obtenu de la BNP un accord de principe pour un prêt d'un montant de 13 119 140 F, a souscrit le 17 novembre 1999, jour de la clôture de l'opération, à l'augmentation de capital, alors qu'il aurait dû s'abstenir de souscrire compte tenu de l'information, non démentie, figurant dans le prospectus visé par la COB, selon laquelle il n'avait pas l'intention de souscrire ; qu'il lui appartenait de s'ouvrir de cette difficulté auprès des services de la commission et d'indiquer, à tout le moins, dans le prospectus, l'éventualité de sa souscription à l'augmentation de capital pour le cas où il obtiendrait le déblocage du prêt sollicité ;
Considérant que si M. Hardy soutient que la société de bourse Oddo-Pinatton, conseil de la société Valtech, ne lui a donné aucune indication en ce sens, cette circonstance n'est pas de nature à exonérer M. Hardy de la responsabilité découlant de la méconnaissance de ses obligations ; que, tout au plus, cette situation lui permettrait de mettre en cause la qualité du conseil qui lui a été donné ;
Considérant que, de ce fait, M. Hardy a violé l'obligation posée par l'article 5 du règlement COB n° 98-07 et a porté atteinte au principe d'égalité d'information et de traitement des investisseurs énoncé à l'article L. 621-14 du code monétaire et financier ;
Considérant que M. Hardy a faussé le fonctionnement du marché en donnant à penser aux investisseurs institutionnels que la quotité de titres qui était susceptible de leur être attribuée était plus importante que ce qu'elle a finalement été en fonction de la souscription des dirigeants ;
Considérant qu'en tout état de cause, en ne s'abstenant pas d'exercer ses droits de souscription alors qu'il n'avait pas modifié les termes de sa déclaration au marché, M. Hardy a contribué à réduire la quotité finalement attribuée aux investisseurs institutionnels et s'est ainsi rendu coupable du manquement aux dispositions de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier ;
Considérant que, compte tenu de sa qualité de président de la société et de signataire du prospectus, il sera fait une juste application du principe de proportionnalité en fixant à 40 000 euros le montant de la sanction pécuniaire ;
Par ces motifs et après en avoir délibéré, en présence de M. Jacques Delmas-Marsalet, président de la séance, de Mme Christine Thin et de MM. Jean-Paul Redouin, Jean-François Lepetit, Antoine Bracchi, Christophe Viellard, Bernard Esambert, membres de la Commission des opérations de bourse,
Décide de :
- prononcer une sanction pécuniaire de 40 000 euros à l'encontre de M. Jean-Yves Hardy ;
- publier la présente décision au Bulletin mensuel de la Commission des opérations de bourse ainsi qu'au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 13 novembre 2001.
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