Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Ivan FAUCHEUX et Jean-Laurent LASTELLE, commissaires.
L'arrêté du 12 mars 2019 pris en application de l'article L. 336-2 du code de l'énergie et portant modification de l'arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l'article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, pris sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), définit, d'une part, les conditions de vente dans lesquelles s'effectue l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) par les fournisseurs (Acheteurs) auprès d'EDF (Vendeur) et, d'autre part, les stipulations obligatoires de l'accord-cadre entre ces mêmes acteurs (ci-après " le modèle d'Accord-cadre ").
L'article 2 de l'arrêté du 28 avril 2011 précise que toute modification du modèle d'Accord-Cadre ne peut résulter que d'un arrêté pris sur proposition de la CRE.
- Contexte et objet
Le modèle d'Accord-cadre ARENH a été défini pour la première fois le 28 avril 2011, dans un arrêté pris sur proposition de la CRE, puis amendé en novembre 2011 afin de modifier à la baisse le niveau des garanties financières à apporter dans le cadre du mécanisme de l'ARENH.
Le démarrage du mécanisme de capacité, ainsi que les conditions de marché du deuxième semestre de l'année 2016, ont conduit la CRE à proposer, le 7 novembre 2016, des modifications au modèle d'Accord-cadre afin d'y inclure les modalités nécessaires à la cession des garanties de capacités que comprend l'ARENH, comme prévu par les articles L. 335-5 et R. 336-5 du code de l'énergie et, par ailleurs, d'encadrer les conditions de résiliation à l'initiative de l'acheteur. Le modèle d'accord-cadre correspondant a été publié par arrêté du 14 novembre 2016.
Compte tenu de l'incertitude pesant sur les liens entre les Etats de l'Union européenne et le Royaume-Uni et des éventuelles conséquences sur les volumes d'ARENH des fournisseurs situés au Royaume-Uni, la CRE a proposé, le 26 février 2019, des modifications du modèle d'accord-cadre afin d'assouplir les conditions de transfert et de cession de l'Accord-cadre. Le modèle d'accord-cadre correspondant a été publié par arrêté du 12 mars 2019. S'agissant des effets du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, la CRE note par ailleurs que, compte tenu de la définition actuellement en vigueur du garant figurant en annexe 1 du modèle d'Accord-cadre qui précise que le garant doit être domicilié dans l'Union européenne, en Suisse ou en Norvège, la garantie prévue par l'Accord-cadre ne pourra plus être fournie par un garant domicilié au Royaume-Uni en l'absence d'accord commercial entre l'Union européenne et cet Etat.
Au cours de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, des conflits d'interprétation sont apparus dans l'application des stipulations de l'Accord-cadre relatives à la force majeure. La CRE a ainsi lancé une consultation publique le 30 juillet 2020 qui s'est déroulée du 30 juillet 2020 au 15 septembre 2020 afin de recueillir la position des acteurs sur les modifications de l'Accord-cadre qu'elle envisageait de proposer afin de clarifier les stipulations applicables notamment en cas de survenance d'un événement de force majeure. La CRE a reçu 15 contributions en réponse à cette consultation publique, les contributions non confidentielles de ces réponses sont publiées sur le site de la CRE ( https://www.cre.fr/Documents/Consultations-publiques/proposition-de-modification-de-l-accord-cadre-arenh).
Dans ce contexte, au regard des réponses des acteurs à cette consultation publique, la CRE propose des évolutions à l'arrêté du 28 avril 2011 et au modèle d'Accord-cadre qui y est annexé.
- Modifications proposées par la CRE
Prenant en compte le retour d'expérience au cours de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 et les réponses à la consultation publique lancée le 30 juillet 2020, la CRE propose plusieurs évolutions.
2.1. Evolutions relatives à la force majeure
2.1.1. Modification de la définition de la force majeure
L'article 10 de l'Accord-cadre actuellement en vigueur stipule que " La force majeure désigne un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l'exécution des obligations des Parties dans des conditions économiques raisonnables. "
La CRE estimant que cette définition n'était pas suffisamment claire et source de conflits d'interprétation, a proposé de modifier la définition de la force majeure figurant à l'article 10 de l'Accord-cadre afin de la simplifier et de la rapprocher de la définition de la force majeure figurant à l'article 1218 du Code civil en supprimant de cette clause la référence aux " conditions économiques raisonnables ".
La majorité des répondants considère que la proposition de la CRE viendrait restreindre la possibilité pour les fournisseurs alternatifs d'activer la clause de force majeure ce qui déséquilibrerait le contrat au bénéfice d'EDF et serait contraire au principe d'équivalence prévu par la loi.
Deux répondants sont favorables à la proposition mais souhaitent néanmoins que les dispositions de l'article L.336-3 soient modifiées afin qu'EDF ne puisse plus suspendre l'exécution de l'accord-cadre en cas de circonstances exceptionnelles affectant les centrales nucléaires afin de garantir un certain équilibre entre les parties.
La CRE considère que la définition actuelle s'éloigne à la fois de la définition du code civil et mais aussi des standards d'approvisionnement prévus par l'" EFET " (European Federation of Energy Traders) et donc des usages de la profession. De plus, cette rédaction parait incohérente avec l'engagement ferme souscrit par le fournisseur d'acheter les quantités totales de produit d'ARENH qui lui seront cédées conformément aux dispositions de l'article R.336-10 du code de l'énergie.
Enfin, la multiplication des contentieux sur cette question a démontré que cette rédaction non rattachable aux pratiques usuelles de la force majeure était source de conflits d'interprétation.
Pour le bon fonctionnement du marché, la CRE considère qu'un retour à une définition plus communément admise permettra de limiter à l'avenir tout litige d'interprétation, les parties pouvant se référer à la jurisprudence classique de la force majeure.
2.1.2. Précision des modalités opérationnelles applicables en cas d'invocation du bénéfice de la force majeure
L'article 10 de l'Accord-cadre actuellement en vigueur stipule que " La Partie souhaitant invoquer le bénéfice de la force majeure devra, dès connaissance de la survenance de l'événement de force majeure, informer l'autre Partie, la CDC et la CRE, par lettre recommandée avec accusé de réception, de l'apparition de cet événement et, dans la mesure du possible, leur faire part d'une estimation, à titre indicatif, de l'étendue et de la durée probable de cet événement ".
Au regard du retour d'expérience au cours de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, la CRE considère qu'il est nécessaire de préciser les modalités opérationnelles applicables lorsqu'une partie à l'accord-cadre invoque le bénéfice de la force majeure.
La CRE propose ainsi de préciser les modalités de notification en cas d'invocation du bénéfice de la force majeure en permettant la notification, au choix de la partie qui l'invoque, par courrier électronique ou par lettre recommandée avec accusé de réception. Conformément à la suggestion d'un acteur, les adresses pour les différentes notifications devront être précisées à l'article 17.1 de l'Accord-cadre.
La majorité des répondants sont favorables ou ne s'opposent pas à cette proposition. Deux répondants souhaitent néanmoins que les envois de lettre recommandée avec accusés de réception restent le mode principal de déclaration de la force majeure pour des raisons sécuritaires en termes d'opposabilité. La CRE estime que cet assouplissement des modalités de notification est nécessaire compte tenu de l'urgence liée à la situation de force majeure. Conformément à la suggestion d'un acteur, la partie invoquant le bénéfice de la force majeure devra informer " simultanément " l'ensemble des parties.
La CRE propose également d'encadrer le délai dans lequel la partie souhaitant invoquer le bénéfice de la force majeure devra informer l'autre partie, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la CRE de la cessation de l'événement de force majeure. Compte tenu de l'urgence liée à ce type de situation, la CRE propose de fixer ce délai à deux jours ouvrés.
2.1.3. Clarification des effets de l'invocation du bénéfice de la force majeure
L'article 13.1 de l'Accord-cadre actuellement en vigueur stipule que " la suspension prend effet dès la survenance de l'événement de force majeure et entraîne de plein droit l'interruption de la Cession annuelle d'électricité et de garanties de capacité. La Partie invoquant la force majeure doit la notifier à la CRE, à la CDC et à l'autre Partie dans les conditions définies à l'article 10 du présent accord-cadre. ".
La CRE estime qu'il est nécessaire de clarifier les effets de l'invocation de la force majeure par l'une des parties.
Par conséquent, la CRE propose de préciser que la suspension de l'exécution des obligations de l'accord-cadre prend effet le deuxième jour ouvré suivant la réception par la CRE de la notification de l'apparition d'un événement de force majeure. De même, la CRE propose de préciser que la reprise de l'exécution des obligations de l'Accord-cadre prendra effet le deuxième jour ouvré suivant la réception par la CRE de la notification de la cessation de l'événement de force majeure. La CRE propose également de préciser que la CRE notifiera aux parties par courrier électronique confirmé par lettre recommandée avec accusé de réception la mise en œuvre effective de cette suspension et en informe RTE et la CDC.
Par ailleurs, la CRE propose de clarifier la signification du caractère de " plein droit " de la suspension consécutive à l'invocation du bénéfice de la force majeure en précisant à l'article 13.1 de l'Accord-cadre que cette clause s'appliquera même dans l'hypothèse où l'une des parties contesterait l'existence de l'événement de force majeure. Dans une telle situation, la partie contestante pourra saisir le juge.
En réponse à la consultation publique lancée par la CRE, certains répondants ont suggéré de modifier la clause de force majeure afin de permettre une suspension partielle de l'exécution des obligations de l'Accord-cadre, par exemple en cas de baisse partielle de la consommation.
La CRE reconnait que cette demande de suspension partielle pourrait apparaitre, dans certaines circonstances exceptionnelles, comme proportionnée. Cependant une telle clause génèrerait des difficultés d'encadrement de ses critères d'activation et en conséquence des difficultés d'interprétation. En outre, elle modifierait fondamentalement l'équilibre du contrat ARENH en faisant supporter au vendeur tout ou partie du risque portant sur les volumes consommés par les clients d'un fournisseur. Pour ces raisons, la CRE ne souhaite pas proposer ce type de clause et maintient la stipulation selon laquelle la suspension entraîne l'interruption de la Cession annuelle d'électricité et de garanties de capacité. La CRE rappelle toutefois que l'article 19 de l'Accord-cadre permet aux parties, en cas de litige dans l'exécution du contrat, de rechercher un accord amiable.
2.2. Evolutions relatives aux modalités de résiliation
L'article 13.2.2 de l'Accord-cadre actuellement en vigueur donne la possibilité à l'Acheteur de résilier l'Accord cadre en cas de modification défavorable de la réglementation relative à l'ARENH.
Il est prévu que :
" L'Acheteur a la faculté de résilier l'accord-cadre dans les cas suivants :
A. - En cas de modification du prix prévu à l'article L. 337-13 du code de l'énergie strictement supérieure à 2 % ;
B. - En cas de modification substantielle de l'accord-cadre ;
C. - En cas d'évolution de la réglementation relative à l'ARENH autre que visée aux points A et B, affectant substantiellement et défavorablement l'équilibre de ses conditions d'approvisionnement. "
La CRE estime que la rédaction actuelle de cette clause pourrait permettre à un Acheteur de résilier de manière anticipée l'Accord-cadre en cours d'année de livraison alors que les modifications de la réglementation relative à l'ARENH ne porteraient que sur les années ultérieures.
La CRE propose donc de limiter cette faculté de résiliation anticipée en cas de modification défavorable de la réglementation liée à l'ARENH aux seules modifications susceptibles d'affecter la période de livraison en cours ou, conformément à la suggestion de plusieurs acteurs, la période de livraison à venir lorsque l'Acheteur s'est engagée à prendre livraison des volumes d'ARENH.
En outre, à la suite de la suggestion d'un acteur, la CRE propose également de raccourcir le délai de préavis au terme duquel prend effet la résiliation, de 60 jours à 30 jours à compter de la notification effective de la résiliation.
Décision de la CRE
L'article 2 de l'arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l'article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité précise que toute modification du modèle d'Accord-Cadre ne peut résulter que d'un arrêté pris sur proposition de la CRE.
Les conflits d'interprétation apparus dans l'application des stipulations de l'Accord-cadre ARENH relatives à la force majeure au cours de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 rendent nécessaire de clarifier les stipulations de l'Accord-cadre applicables en cas d'invocation par l'une des parties du bénéfice de la force majeure.
La CRE propose ainsi :
- de modifier la définition de l'événement de force majeure figurant à l'article 10 de l'Accord-cadre afin de la simplifier et de la rapprocher de la définition de la force majeure figurant à l'article 1218 du code civil en supprimant de cette clause la référence aux " conditions économiques raisonnables " ;
- de préciser les modalités opérationnelles applicables lorsqu'une partie à l'Accord-cadre invoque le bénéfice de la force majeure. Sont ainsi précisées les modalités de notification en cas d'invocation du bénéfice de la force majeure ainsi que le délai dans lequel la partie ayant invoqué la force majeure doit informer les parties de la cessation de l'événement de force majeure ;
- de préciser les effets de l'invocation du bénéfice de la force majeure en spécifiant les délais dans lesquels prendront effet la suspension de l'exécution des obligations de l'Accord-cadre et sa reprise, et en clarifiant la signification du caractère de " plein droit " de l'interruption consécutive à l'invocation du bénéfice de la force majeure.
La CRE propose par ailleurs de clarifier les conditions de mise en œuvre de la résiliation anticipée à l'initiative de l'Acheteur en limitant cette faculté aux seules modifications susceptibles d'affecter la période de livraison en cours ou la période de livraison à venir lorsque l'Acheteur s'est engagé à prendre livraison des volumes d'ARENH.
La CRE propose par conséquent au ministre chargé de l'énergie le projet d'arrêté figurant en annexe de la présente délibération.
La présente délibération est publiée sur le site Internet de la CRE et est transmise à la ministre de la transition écologique.
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