JORF n°0031 du 6 février 2015

DÉLIBÉRATION n°14/241 AC du

Séance du 19 décembre 2014

L'an deux mille quatorze et le dix-neuf décembre, l'Assemblée de Corse, régulièrement convoquée, s'est réunie au nombre prescrit par la loi, dans le lieu habituel de ses séances, sous la présidence de M. Dominique BUCCHINI, président de l'Assemblée de Corse.

Etaient présents :

Mmes et MM. ANGELINI Jean-Christophe, BARTOLI Marie-France, BASTELICA Etienne, BENEDETTI Paul-Félix, BIANCUCCI Jean, BUCCHINI Dominique, CASTELLANI Pascaline, COLONNA Christine, DONSIMONI-CALENDINI Simone, FEDERICI Balthazar, FERRI-PISANI Rosy, FRANCESCHI Valérie, GIOVANNINI Fabienne, GRIMALDI Stéphanie, LUCIANI Xavier, MARTELLI Benoîte, MOSCONI François, NICOLAI Marc-Antoine, NIVAGGIONI Nadine, ORSINI Antoine, ORSUCCI Jean-Charles, RISTERUCCI Josette, RUGGERI Nathalie, SANTONI-BRUNELLI Marie-Antoinette, SIMEONI Gilles, SIMONPIETRI Agnès, TATTI François, VANNI Hyacinthe.

Etaient absents et avaient donné pouvoir :

Mme BIANCARELLI Viviane à M. BUCCHINI Dominique.

Mme CASALTA Laetitia à M. NICOLAI Marc-Antoine.

M. CASTELLANI Michel à M. SIMEONI Gilles.

M. CASTELLI Yannick à M. TATTI François.

M. CHAUBON Pierre à M. ORSINI Antoine.

Mme FEDI Marie-Jeanne à Mme RISTERUCCI Josette.

M. FRANCISCI Marcel à Mme RUGGERI Nathalie.

Mme HOUDEMER Marie-Paule à Mme DONSIMONI-CALENDINI Simone.

Mme LACAVE Mattea à M. VANNI Hyacinthe.

M. LUCCIONI Jean-Baptiste à M. BASTELICA Etienne.

Mme NIELLINI Annonciade à M. MOSCONI François.

M. POLI Jean-Marie à Mme COLONNA Christine.

M. de ROCCA SERRA Camille à Mme SANTONI-BRUNELLI Marie-Antoinette.

M. SANTINI Ange à Mme GRIMALDI Stéphanie.

M. STEFANI Michel à Mme CASTELLANI Pascaline.

M. SUZZONI Etienne à Mme FRANCESCHI Valérie.

M. TALAMONI Jean-Guy à M. ORSUCCI Jean-Charles

Mme VALENTINI Marie-Hélène à Mme BARTOLI Marie-France.

Etaient absents :

Mmes et MM. BEDU-PASQUALAGGI Diane, GIACOMETTI Josepha, MILANI Jean-Louis, NATALI Anne-Marie, SINDALI Antoine.

L'Assemblée de Corse,

Vu le code général des collectivités territoriales, titre II, livre IV, IVe partie ;

Vu la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;

Vu la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ;

Vu la délibération n° 09/214 AC de l'Assemblée de Corse du 12 novembre 2009 sollicitant une adaptation législative ayant pour objet l'instauration d'une taxe forfaitaire de mouillage pour tout navire de plaisance mouillant à l'ancre dans les parties non interdites du périmètre de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio ;

Vu la délibération n° 11/160 AC de l'Assemblée de Corse du 30 juin 2011 portant définition de la politique régionale du foncier et de l'habitat ;

Vu la délibération n° 11/161 AC de l'Assemblée de Corse du 30 juin 2011 prise au titre de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales et portant proposition de modification de dispositions législatives du code général des impôts et du code général des collectivités territoriales relatives à la situation juridique du patrimoine immobilier et au régime fiscal applicable aux mutations à titre gratuit comportant des biens et droits immobiliers situés en Corse ;

Vu les délibérations n° 12/100 AC de l'Assemblée de Corse du 5 juillet 2012 prise au titre de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales et portant proposition de prorogation à titre conservatoire de dispositions du code général des impôts relatives au régime fiscal applicable aux successions comportant des biens et droits immobiliers situés en Corse et de modification du code général des collectivités territoriales, et n° 13/105 AC de l'Assemblée de Corse du 7 février 2013 consécutive à la censure par le Conseil constitutionnel de dispositions législatives visant à proroger le régime fiscal applicable aux successions comportant des biens et droits immobiliers situés en Corse ;

Vu la délibération n° 12/101 AC de l'Assemblée de Corse du 5 juillet 2012 approuvant les propositions relatives au maintien d'un régime fiscal dérogatoire applicable à la Corse en matière de tabacs ;

Vu la délibération n° 12/128 AC de l'Assemblée de Corse du 6 juillet 2012 portant adoption d'une motion relative à la mise à l'étude d'une taxe de contribution participative à la gestion des espaces naturels sensibles de Corse ;

Vu la délibération n° 14/127 AC de l'Assemblée de Corse du 18 juillet 2014 portant adoption d'une motion relative à la prise en compte de la spécificité fiscale corse dans la définition du montant de la contribution de la CTC au redressement des finances publiques ;

Vu la délibération n° 14/188 AC de l'Assemblée de Corse du 1er novembre 2014 adoptant le rapport relatif au projet de plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et les dispositions qu'il contient ;

Sur rapport de la commission des finances, de la planification, des affaires européennes et de la coopération,
Considérant que l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales lui donne compétence pour présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives en vigueur ou en cours d'élaboration concernant notamment les compétences, l'organisation et le fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse ;
Considérant l'étendue des compétences qui lui ont déjà été attribuées par le législateur dans le cadre de son statut spécifique, notamment dans les domaines du développement économique, du foncier, de l'environnement et du tourisme, et qui ont vocation à être encore renforcées dans le cadre de la réforme institutionnelle nationale en cours ;
Considérant de manière générale que la collectivité territoriale de Corse doit pour les exercer pleinement, d'une part, continuer de bénéficier de certains avantages dérogatoires que lui a consentis le législateur en raison de sa situation particulière, et, d'autre part, disposer de moyens financiers adéquats, sécurisés et dynamiques sur le long terme que la structure actuelle de ses recettes ne lui garantit pas ;
Considérant à cet égard que la politique nationale d'assainissement des finances publiques aura un impact d'autant plus important sur l'équilibre budgétaire de la collectivité territoriale de Corse qu'elle est largement plus dépendante des dotations de l'Etat que l'ensemble des autres régions métropolitaines ;
Considérant de manière plus particulière que, dans les domaines du foncier et de l'immobilier, la Corse est confrontée à une situation de désordre foncier qui se doit d'être normalisée et à un important phénomène de spéculation qui complexifie l'accès au logement et dont la maîtrise nécessite la mise en œuvre de moyens juridiques et financiers appropriés ;
Considérant que, dans les domaines environnemental et touristique, la Corse est confrontée à un phénomène de sur-fréquentation non maîtrisée de ses espaces naturels qui est de nature à compromettre la qualité de sa biodiversité et d'altérer irréversiblement son capital naturel ;
Considérant que, dans ces domaines, il relève de la responsabilité de la Collectivité territoriale de Corse de définir et mettre en œuvre les stratégies et les outils régulateurs qui s'imposent et de mener les actions nécessaires aussi bien à la maîtrise du foncier qu'à la préservation et la valorisation de son patrimoine naturel, facteur essentiel de son attractivité ;
Considérant que, pour ce faire, la collectivité territoriale de Corse doit bénéficier de ressources supplémentaires dédiées à ces secteurs ;
Considérant qu'un des objectifs majeurs du Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) est d'engager une politique volontariste de reconquête des espaces ruraux et intérieurs qui subissent le cumul de l'ensemble des contraintes identifiées par l'Union européenne (îles, zones de montagne, zones peu peuplées). Afin de lutter contre ces handicaps et « promouvoir le développement économique et social de ces territoires », des dispositifs fiscaux adaptés sont un des principaux moyens pour y parvenir. Ainsi il est clairement demandé dans le Plan montagne et dans le livret II du PADDUC la mise en place de « dispositifs sectoriels financiers différenciés en faveur des projets situés dans ces espaces contraints » ;
Considérant la nécessité pour les entreprises corses de pouvoir continuer à bénéficier des mesures incitatives en faveur de la croissance et de l'emploi, actuellement en vigueur ;
Considérant la nécessité de donner à la Corse un cadre fiscal de référence pérenne ;
Considérant que le levier fiscal constitue un outil essentiel pour la réalisation de ces objectifs,
Après avoir délibéré :

Article 1

Prend acte du rapport de la commission des finances, de la planification, des affaires européennes et de la coopération, tel qu'il figure en annexe de la présente délibération (1).

Article 2

Approuve la proposition d'augmentation du droit de francisation et de navigation en Corse de 70 % à 90 % du taux continental avec la création d'un abattement :

- de 20 % pour les temps de présence ou les « touchers » dans les ports de Corse entre 3 et 120 jours ;
- de 40 % pour les temps de présence ou les « touchers » dans les ports de Corse supérieurs à 120 jours.

Article 3

Approuve la proposition d'aménagement du régime de recouvrement et de perception de la taxe sur les transports.

Article 4

Approuve la proposition de transfert à la CTC de la part départementale de la taxe d'aménagement en fonction de l'issue de la réforme institutionnelle en cours.

Approuve la proposition de création d'une taxe forfaitaire régionale sur les résidences secondaires à usage locatif saisonnier.

Article 6

Approuve, dans le même esprit, la proposition d'extension de la majoration de la taxe d'habitation applicable à certaines résidences secondaires, telle qu'elle est prévue par le PLFR 2014, en précisant qu'elle s'appliquerait aux communes de Corse de plus de 3 500 habitants, confrontées à de graves problèmes de logement et plus particulièrement à celles où le taux INSEE de résidences secondaires est supérieur à 50 %.

Article 7

Approuve la proposition de création d'une taxe de développement durable - applicable aux passagers et aux véhicules embarquant à destination de la Corse par un moyen de transport public aérien ou maritime, inspirée des principes et dispositions des articles L. 321-11 et L. 321-12 du code de l'environnement, ainsi que ses éventuelles mesures substitutives.

Article 8

Approuve la proposition de création d'un droit d'accès aux aires marines protégées de Corse applicable aux navires de plaisance, disant que cette mesure et celle de l'article 7 visent notamment l'objectif de promouvoir une « citoyenneté environnementale », de préserver notre biodiversité et à terme de réguler la fréquentation dans les sites les plus fragiles.

Article 9

En matière de fiscalité des successions :
Réaffirme la demande formulée dans sa délibération initiale du 30 juin 2011 visant à faire bénéficier la collectivité territoriale de Corse d'un transfert de compétence qui lui permette de fixer, en l'adaptant à la situation particulière de la Corse, et dans les limites fixées par la loi, le régime (taux, tarifs, tranches, exonérations…) des droits de mutation à titre gratuit auxquels sont soumis les biens et droits immobiliers situés en Corse ; ce transfert nécessitant à la lumière des censures du Conseil constitutionnel une révision de la Constitution.
Propose au Gouvernement que, dans l'attente de cette révision, lui soit conférée dans le cadre d'une expérimentation législative la compétence pour fixer, dans les conditions et les limites déterminées par la loi, l'assiette et les taux d'une taxe additionnelle dont elle percevrait la totalité du produit et qui viendrait en complément de l'exonération des droits de succession de l'Etat sur les immeubles situés en Corse. Cette taxe additionnelle pourrait ainsi à l'origine être appliquée sur une fraction de la valeur des biens immeubles situés en Corse au moins égale à 10 % et être conçue pour épargner les patrimoines de niveau moyen et modeste ; l'Assemblée de Corse pourrait ensuite remonter ce niveau initial de 10 % de manière progressive dans le cadre de la loi qui pourrait le cas échéant prévoir à une échéance déterminée un nouveau minimum d'assiette taxable ainsi, éventuellement, qu'un maximum.

Article 10

En matière de fiscalité sur les tabacs :
Propose au Gouvernement de diligenter toutes négociations utiles avec les autorités communautaires afin d'obtenir :

- dans un premier temps et dans l'attente de l'ouverture des travaux relatifs à la révision de la directive « fiscale » européenne n° 2010/12/UE du 16 février 2010 concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés, une mesure conservatoire permettant de maintenir au 1er janvier 2015 le niveau actuel de fiscalité applicable à la Corse, à savoir 50 % sur les cigarettes et 30 % sur les tabacs manufacturés à rouler ;
- dans un deuxième temps, une révision en 2015 de ladite directive dans le sens d'une acceptation de la prorogation d'un régime dérogatoire transitoire applicable aux cigarettes et autres tabacs manufacturés mis à la vente en Corse jusqu'au 31 décembre 2020, avec les effets suivants :
- report jusqu'au 1er janvier 2020 de l'entrée en vigueur des dispositions de la directive fixant les taux applicables aux cigarettes et aux tabacs manufacturés à rouler respectivement à 57 % et 35 % contre 50 % et 30 % à ce jour ;
- report jusqu'au 31 décembre 2020 de l'alignement total des dispositions fiscales applicables à la Corse sur celles applicables sur le continent, à savoir l'application d'un taux de 64,25 % pour les cigarettes et 58,57 % pour les tabacs à rouler.

Article 11

Approuve la proposition relative au transfert à la collectivité territoriale de Corse d'une partie du produit de la TVA perçue en Corse, en substitution de la dotation générale de décentralisation et de la dotation générale de fonctionnement.

Article 12

Approuve la proposition de demander à l'Etat, dont c'est la compétence exclusive, d'étudier la mise en œuvre d'une « zone franche montagne » adaptée aux contraintes spécifiques de la Corse.
Les zones éligibles correspondraient à la typologie définie par le plan montagne du PADDUC. Dans ces zones différenciées, seraient prises des mesures fiscales telles que :

- l'exonération partielle et plafonnée des impôts sur le revenu et les sociétés ;
- l'exonération dégressive de la CFE et de la CVAE ;
- l'augmentation du taux du crédit d'impôt sur les investissements en Corse,

ainsi que des mesures sociales comme l'exonération des charges sociales patronales de sécurité sociale ainsi que celles des travailleurs indépendants.

Article 13

Approuve la proposition visant à maintenir pour les entreprises corses les mesures fiscales dont elles bénéficiaient jusqu'à ce jour, et notamment :
- demander que le taux du crédit d'impôt sur investissement corse reste à hauteur de 20 % au-delà du 31 décembre 2014 ;
- proroger la durée du dispositif jusqu'au 31 décembre 2020, afin de donner de la visibilité aux chefs d'entreprises ;
- élargir le périmètre éligible à tous les investissements qui seront réalisés dans les activités d'avenir (investissements numériques principalement) ;
- permettre de considérer ce crédit comme une créance en germe, afin d'inclure le crédit d'impôt sur investissement corse dans le plan de financement initial des investissements à réaliser ;
- instaurer un dispositif de préfinancement par BPI-France du crédit d'impôt sur investissement corse, au même titre que le crédit d'impôt compétitivité emploi.

Article 14

Approuve la proposition visant à prolonger l'application des dispositions de l'article 239 sexies D du code général des impôts aux opérations de crédit-bail immobilier conclues jusqu'au 31 décembre 2021 au lieu du 31 décembre 2014.

Article 15

Demande au Gouvernement de bien vouloir mettre à l'étude, examiner et prendre en compte l'ensemble des propositions fiscales valant réforme fiscale territoriale en faveur de la Corse.

Article 16

Donne mandat au président du conseil exécutif de Corse pour intégrer ces propositions au volet fiscal des discussions engagées avec le Gouvernement dans le cadre de la future réforme institutionnelle.

Article 17

Donne mandat au président du conseil exécutif de Corse pour agir par tous moyens, en liaison avec le président de la commission des finances, de la planification, des affaires européennes et de la coopération, pour assurer le suivi de ces propositions et veiller à leur examen attentif par les services du Gouvernement.

Article 18

La présente délibération fera l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs de la collectivité territoriale de Corse.

Fait à Ajaccio, le 19 décembre 2014.

Le président de l'Assemblée de Corse,

D. Bucchini

(1) Le rapport est consultable au recueil des actes administratifs de la collectivité territoriale de Corse.