JORF n°0171 du 26 juillet 2023

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Mise en demeure de SNCF Réseau

Résumé En 2020, SNCF Réseau a été mis en demeure de mieux informer les candidats sur les changements de sillons. Des mesures spécifiques ont été demandées, mais certaines n'ont pas été respectées, entraînant une procédure de sanction en 2022.

Sommaire

  1. FAITS ET PROCÉDURE
    1.1. Les décisions de règlement de différend nos 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013
    1.2. Les plaintes reçues par l'Autorité concernant la méconnaissance par SNCF Réseau des décisions de règlement de différend nos 2013-016 à 2013-019
    1.3. La décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau
    1.4. Le suivi de l'exécution de la décision portant mise en demeure de SNCF Réseau
    1.5. L'ouverture d'une procédure de sanction et la communication de l'exposé des griefs
    1.6. La saisine de la Commission

  2. DISCUSSION
    2.1. Exposé du grief notifié à SNCF Réseau
    2.2. Cadre technique et juridique de l'allocation des capacités sur le réseau ferroviaire
    2.3. Observations des parties
    2.3.1. Première série d'observations écrites des parties
    2.3.2. Deuxième série d'observations écrites des parties
    2.3.3. Troisième série d'observations écrites des parties
    2.3.4. Quatrième série d'observations écrites de SNCF Réseau
    2.4. Appréciation de la Commission
    2.4.1. Sur la régularité de la saisine de la Commission
    2.4.2. Sur le manquement reproché
    2.5. Détermination de la sanction
    2.5.1. Rappel des règles applicables
    2.5.2. Appréciation du montant la sanction
    2.6. Conclusion sur le montant de la sanction prononcée

  3. Faits et procédure
    1.1. Les décisions de règlement de différend nos 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013

  4. Le 1er octobre 2013, l'Autorité a adopté les décisions nos 2013-016 à 2013-019 susvisées (ci-après les « décisions de règlement de différend »), portant sur les demandes formées respectivement par les sociétés Euro Cargo Rail (ECR, devenue, depuis le 15 septembre 2021, DB Cargo France), Régiorail, T3M et VFLI (devenue, depuis le 1er janvier 2021, Captrain France), candidats au sens de l'article L. 2122-11 du code des transports (2), dans le cadre de différends les opposant à Réseau Ferré de France (ci-après « RFF », devenu, depuis le 1er janvier 2015, SNCF Réseau).

  5. Ces différends portaient notamment sur les procédures de traitement des demandes de capacités d'infrastructure, les candidats s'estimant victimes d'un préjudice lié à l'accès au réseau ferroviaire du fait de certaines défaillances du système d'allocation des sillons de RFF.

  6. Dans ces décisions, l'Autorité a notamment enjoint au gestionnaire d'infrastructure :

- à compter de décembre 2013 et en dehors des cas d'urgence et de nécessité absolue prévus par l'article 25 du décret n° 2003-194, d'alerter les candidats en temps réel et de manière ciblée, en cas de modification ou de suppression d'un sillon-jour leur ayant été attribué de manière ferme, effectuée à l'initiative de RFF (article 5 des décisions) ;
- de respecter le délai de septembre 2014 annoncé au cours de l'instruction de ces procédures pour créer une alerte systématique et intelligible des candidats pour toute modification, suppression et affermissement de sillon-jour à partir de l'horaire de service 2015 (article 8 des décisions) ;
- d'informer de manière systématique, précise et intelligible les candidats des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pu leur être alloué (article 2 des décisions) ;
- de prendre en compte, dans ses réponses, toutes les tolérances exprimées par les candidats, qu'elles soient d'horaires ou d'itinéraires (article 4 des décisions) ;
- de proposer aux candidats une solution alternative en cas de suppression d'un de leurs sillons-jours attribués de manière ferme (article 6 des décisions).

1.2. Les plaintes reçues par l'Autorité concernant la méconnaissance par SNCF Réseau des décisions de règlement de différend nos 2013-016 à 2013-019

  1. Les 13 et 20 juin 2019, cinq candidats (ECR, Linéas, Régiorail, T3M et VFLI), estimant subir depuis plusieurs années les conséquences de la méconnaissance par le gestionnaire d'infrastructure de certaines injonctions prononcées par les décisions de règlement de différend, ont saisi l'Autorité d'une demande d'ouverture d'une procédure en manquement à l'encontre de SNCF Réseau en application de l'article L. 1264-7 du code des transports.
  2. Les entreprises plaignantes ont soutenu que SNCF Réseau méconnaissait :

- les articles 5 et 8 des décisions de règlement de différend, faute, d'une part, d'avoir alerté les candidats, à compter de décembre 2013, en temps réel et de manière ciblée, dès qu'elle modifiait ou supprimait, à son initiative, un sillon-jour ferme, d'autre part, d'avoir créé, à compter de septembre 2014, un outil informatique émettant une alerte systématique et intelligible pour toute modification, suppression et affermissement de sillon-jour ;
- l'article 2 des décisions des règlement de différend, en ne justifiant pas de manière systématique, précise et intelligible auprès des candidats des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu être attribué ;
- l'article 4 des décisions de règlement de différend, en ne prenant pas en compte systématiquement, dans ses réponses, les tolérances exprimées par les candidats lors des demandes de sillons ;
- l'article 6 des décisions de règlement de différend, en ne proposant pas systématiquement aux candidats une solution alternative en cas de suppression d'un sillon-jour attribué.

  1. Compte tenu de ces éléments, l'Autorité a informé SNCF Réseau, par courrier du directeur des affaires juridiques en date du 9 juillet 2019, de l'ouverture de l'instruction d'une procédure en manquement pour méconnaissance des décisions de règlement de différend.

1.3. La décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau

  1. Dans la décision de mise en demeure, l'Autorité a constaté que SNCF Réseau n'avait pas mis en œuvre les injonctions prononcées par les décisions de règlement de différend, rappelées aux points 3 et 5 de la présente décision, et l'a ainsi mise en demeure, sur le fondement des articles L. 1264-7 et L. 1264-8 du code des transports, de se conformer à ces décisions.
  2. L'Autorité a constaté que :

- les candidats n'étaient toujours pas alertés systématiquement et en temps réel des modifications ou suppressions de sillons-jours effectuées à l'initiative du gestionnaire d'infrastructure et que les informations présentes dans les outils mis en place par SNCF Réseau n'étaient pas toujours intelligibles quant aux causes de ces modifications et suppressions ;
- quand bien même l'obligation de justifier chaque refus d'attribution de sillon était désormais inscrite dans le référentiel interne de SNCF Réseau relatif au contrôle de la conformité technique et commerciale, les candidats n'étaient, en pratique, pas toujours informés des obstacles ayant causé un refus d'attribution ;
- le gestionnaire d'infrastructure ne prenait pas systématiquement en compte, dans ses réponses, les tolérances exprimées par les candidats ;
- si la recherche d'une solution alternative en cas de suppression d'un sillon-jour était une obligation inscrite dans le référentiel de SNCF Réseau intitulé « Procédure de construction de l'horaire de service », elle n'était, en pratique, pas toujours respectée, ce qui laissait aux demandeurs la charge de rechercher et proposer eux-mêmes des solutions alternatives.

  1. Compte tenu de ces éléments, l'Autorité, par sa décision n° 2020-035 du 28 mai 2020, a mis en demeure SNCF Réseau, dans un délai de trois mois à compter du 24 juin 2020, de :

- garantir que ses systèmes d'information envoient aux candidats une alerte systématique et intelligible pour toute modification, suppression et affermissement de sillon-jour (article 1er) ;
- garantir que les candidats soient informés de manière systématique, précise et intelligible des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu leur être alloué (article 2) ;
- prendre en compte, dans ses réponses, toutes les tolérances exprimées par les candidats, qu'elles soient d'horaires ou d'itinéraires, en justifiant les réponses hors tolérances (article 3) ;
- proposer aux candidats une solution alternative en cas de suppression d'un sillon-jour initialement attribué ferme (article 4).

1.4. Le suivi de l'exécution de la décision portant mise en demeure de SNCF Réseau

  1. Aux termes du second alinéa de l'article L. 1264-8 du code des transports, « lorsque l'intéressé ne se conforme pas [à la mise en demeure prononcée par le collège de l'Autorité] dans le délai fixé (…), le collège de l'autorité peut décider de l'ouverture d'une procédure en sanction (…) ».
  2. Afin de déterminer, en l'espèce, si SNCF Réseau s'était conformée aux injonctions prononcées dans la décision de mise en demeure, l'Autorité a procédé au suivi de l'exécution de celle-ci à partir du 24 septembre 2020. Ce suivi s'est traduit en particulier par :

- l'envoi de plusieurs mesures d'instruction aux plaignantes, à d'autres candidats et à SNCF Réseau, entre la fin de l'année 2020 et le mois de septembre 2022 ;
- l'audition des plaignantes et de SNCF Réseau, respectivement les 25 mars et 4 avril 2022.

  1. Par ailleurs, dans deux courriers adressés au secrétaire général de l'Autorité, respectivement le 31 mai 2021 et le 29 avril 2022, SNCF Réseau a pris un certain nombre d'engagements relatifs aux injonctions prononcées par l'Autorité dans la décision de mise en demeure.

1.5. L'ouverture d'une procédure de sanction et la communication de l'exposé des griefs

  1. Par décision n° 2022-078 du 20 octobre 2022, l'Autorité s'est prononcée sur le point de savoir si la société SNCF Réseau s'était conformée aux quatre injonctions prononcées dans la décision de mise en demeure.
  2. Aux termes de cette décision, l'Autorité a décidé, s'agissant des injonctions prononcées aux articles 1er, 3 et 4 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau, de clore la procédure en manquement ouverte le 9 juillet 2019.
  3. Elle a, en revanche, décidé d'ouvrir une procédure de sanction à l'encontre de SNCF Réseau « pour le non-respect de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau » aux motifs notamment que :

- « Il ressort des données chiffrées communiquées par SNCF Réseau, lors de l'instruction du suivi de l'exécution de la décision de mise en demeure, que le taux de refus d'attribution de sillons-jours demandés dans le cadre d'une DS, “non ou mal justifiés” selon SNCF Réseau, était, pour l'HDS 2022, soit postérieurement à l'expiration du délai imparti à l'article 2 de la décision de mise en demeure, de 14,5 %, et donc que les candidats n'étaient toujours pas informés de manière systématique, précise et intelligible des raisons pour lesquelles un sillon-jour ne leur avait pas été attribué » (3) ;
- « (…) SNCF Réseau ne s'est pas conformée à l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision de mise en demeure dans le délai [que l'Autorité] avait fixé et considère, en conséquence, qu'il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 1264-8 du code des transports, d'ouvrir une procédure de sanction relative à ce manquement, de notifier le grief correspondant à SNCF Réseau et d'en saisir la commission des sanctions » (4).

  1. Par une annexe à la décision n° 2022-078 du 20 octobre 2022, portant exposé du grief relatif au non-respect par SNCF Réseau de l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau pour méconnaissance des décisions n° 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013, l'Autorité a précisé et notifié à SNCF Réseau le grief exposé aux points 87 à 90 de la décision du 20 octobre 2022.

1.6. La saisine de la Commission

  1. La Commission a été saisie, le 17 novembre 2022, du grief relatif au non-respect de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020.

  2. Discussion
    2.1. Exposé du grief notifié à SNCF Réseau

  3. Il résulte de l'exposé du grief relatif au non-respect, par SNCF Réseau, de l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau pour méconnaissance des décisions n° 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013, que :

- « Il ressort […] des données chiffrées communiquées par SNCF Réseau, dans sa dernière réponse du 31 janvier 2022 à la question n° 15 de la mesure d'instruction n° 6 de l'Autorité, que, sur 161 362 sillons-jours ayant été demandés, pour l'HDS 2022, dans le cadre d'une DS, et s'étant vus opposer un refus d'attribution (hors réponses de type “Irrecevable”), 25 645 sillons-jours refusés sont considérés par SNCF Réseau comme ayant été, selon ses propres termes, “non ou mal justifiés”, conduisant à un taux de 15,89 % » et qu'« (…) en définitive : / - Parmi les réponses à l'état “Irréalisable” et à l'état “Traitée” contenant des états courants du type “Sillon-jour non attribué” (soit 161 362 sillons-jours au total), 18 040 sillons-jours ne comportaient pas de justification et 7 605 sillons-jours étaient insuffisamment justifiés, corroborant le taux de 15,89 % ressortant des données communiquées par SNCF Réseau en réponse à la mesure d'instruction n° 6 ; / - En prenant en compte l'ensemble des situations, 14,5 % des réponses amenant SNCF Réseau à ne pas donner une suite favorable à un demandeur de capacité présentaient, selon les propres termes du gestionnaire d'infrastructure, un défaut de justification » (points 9 et 12) ;
- SNCF Réseau n'a « été en mesure ni de chiffrer le nombre de cas où, à défaut de figurer dans le champ “Commentaire réponse commerciale” de l'outil GESICO, la justification de certains refus d'attribution avait pu être portée dans l'une des fiches de tracé du sillon correspondant, mises à la disposition des candidats via cet outil, ni, a fortiori, de fournir des éléments de preuve à l'appui d'un tel chiffrage » (point 17) ;
- « (…) les justifications de refus d'attribution de sillons-jours pouvant figurer dans des fiches de tracé - lesquelles n'ont pas, au demeurant, été quantifiées par SNCF Réseau - ne peuvent, en tout état de cause, pas être auditées et prises en compte dans le calcul du taux de justification des refus d'attribution de sillons-jours. Elle note au surplus que SNCF Réseau a fourni, dans sa réponse à la mesure d'instruction n° 7, des éléments de nature à induire en erreur sur la réalité du taux de justification des refus d'attribution des sillons-jours, en laissant entendre que ce second canal de transmission constituait un élément à prendre en compte pour le calcul de ce taux, ce qui revenait à reconnaître que sa réponse à la question n° 15 de la mesure d'instruction n° 6, qui ne mentionnait pas lesdites fiches, était incomplète » (point 19) ;
- « Il ressort ainsi des éléments qui précèdent que, selon les données chiffrées communiquées par SNCF Réseau lors de l'instruction du suivi de l'exécution de la décision de mise en demeure, le taux de refus de sillons-jours “non ou mal justifiés” était, pour l'horaire de service 2022, soit postérieurement à l'expiration du délai imparti à l'article 2 de la décision de mise en demeure, de 14,5 %, ce qui est significatif » (point 20) ;
- « (…) lors de son audition du 4 avril 2022, SNCF Réseau a admis qu'un taux de 100 % de réponses précises et intelligibles serait atteignable “à condition d'avoir plus de temps-agent disponible pour produire une réponse parfaitement motivée (et les contrôler)”. Elle a cependant indiqué qu'un tel taux ne pourrait pas être atteint pour l'HDS 2023, considérant que “cela prendra plusieurs années de pédagogie auprès des agents” » (point 21) ;
- « (…) outre que le manquement constaté par l'Autorité dans la décision de mise en demeure a persisté au-delà du délai imparti à SNCF Réseau à l'article 2 de cette décision, [les engagements pris par SNCF Réseau dans son courrier du 29 avril 2022] ne sont pas de nature à garantir que SNCF Réseau se conformera dans les plus brefs délais à l'injonction prononcée à cet article, elle-même procédant de décisions de règlement de différend datant de 2013 » (point 23).

  1. Il appartient par conséquent à la Commission de rechercher si le grief ainsi notifié à SNCF Réseau est caractérisé.

2.2. Cadre technique et juridique de l'allocation des capacités sur le réseau ferroviaire

  1. Le réseau ferré national constitue une infrastructure dont la gestion est confiée en monopole à SNCF Réseau (5).
  2. Cette infrastructure dispose, indépendamment des travaux de modernisation dont elle fait l'objet, d'une capacité intrinsèque maximale d'utilisation, conditionnée notamment par (i) le nombre de voies, (ii) la vitesse maximale d'exploitation et (iii) le système d'espacement des circulations.
  3. Ces contraintes, conjuguées à l'expression multiple des besoins exprimés, d'une part, par les candidats, en termes de circulations, et d'autre part par SNCF Réseau, en sa qualité de gestionnaire d'infrastructure, notamment aux fins d'opérer les travaux de maintenance, rendent nécessaire la partition capacitaire de l'infrastructure selon (i) un lieu d'origine vers un (ii) lieu d'arrivée, (iii) une périodicité de circulation, et (iv) un parcours défini par une heure de départ, une heure d'arrivée et des points horaires de passage conditionnant la vitesse de circulation.
  4. Cette partition de la capacité ainsi obtenue est dénommée « sillon » (6). Le plus souvent, le sillon s'applique à plusieurs jours de circulation. Pour un jour de circulation pris isolément, il est dénommé « sillon-jour » (7). Le sillon matérialise donc le droit d'accès au réseau ferroviaire et correspond, en réponse à la demande de capacité initialement exprimée par le candidat, à un ensemble de capacités allouées par SNCF Réseau, pour une période donnée, selon la capacité réelle disponible du réseau.
  5. Pour un sillon donné, l'ensemble de la phase de commande, de suivi d'attribution et d'adaptation opérationnelle est dénommé « vie du sillon » (ci-après « VDS »).
  6. L'encadrement juridique de l'accès au réseau ferroviaire résulte en premier lieu de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 modifiée établissant un espace ferroviaire unique européen (ci-après la « directive 2012/34/UE »). Celle-ci prévoit, d'une part, que les entreprises ferroviaires disposent d'un « droit d'accès, à des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes, à l'infrastructure ferroviaire » (8), et d'autre part, que le système de répartition des capacités (9) de cette infrastructure permette à son gestionnaire de « commercialiser les capacités de l'infrastructure disponibles et d'en faire une utilisation effective et optimale » (10).
  7. Par ailleurs, la directive précise à son chapitre IV les principes et procédures applicables à la répartition des capacités. Elle prévoit, pour assurer un accès transparent et non discriminatoire au réseau ferroviaire, l'établissement et la publication par le gestionnaire de l'infrastructure, d'un document de référence du réseau (ci-après « DRR »), exposant les caractéristiques de l'infrastructure mise à disposition des entreprises ferroviaires et les informations précisant les conditions d'accès à celle-ci (11).
  8. La directive 2012/34/UE a, s'agissant des conditions d'accès au réseau ferré national, dont SNCF Réseau est gestionnaire d'infrastructure, été transposée en droit national en particulier par les dispositions législatives du code des transports consacrées aux « règles générales d'accès au réseau » (12) ainsi que par le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferroviaire. Les règles d'allocation des capacités et le DRR sont notamment régis par les articles L. 2122-4-1 et L. 2122-5 du code des transports et par les articles 16-2 et suivants du décret n° 2003-194 précité.
  9. L'article 18 dudit décret dispose notamment que lorsqu'il répartit les capacités d'infrastructure, le gestionnaire d'infrastructure « a) Définit et évalue les capacités disponibles (…) ; / c) Attribue aux candidats, selon les modalités définies aux articles suivants, chaque sillon correspondant à la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné entre deux points du réseau pendant une période de temps donnée (…) ».
  10. Aux termes de l'article 17 de ce même décret, le DRR comprend notamment un chapitre « sur les principes et les critères de répartition des capacités d'infrastructure. Ce chapitre expose les grandes caractéristiques des capacités d'infrastructure mises à la disposition des entreprises ferroviaires et précise les restrictions éventuelles qui en limitent l'utilisation, notamment les contraintes prévisibles imposées par l'entretien du réseau. Il précise également les procédures et délais relatifs à la répartition des capacités. Il contient les critères spécifiques applicables à cette répartition, et notamment : / a) Les procédures d'introduction par les candidats des demandes de capacités auprès du gestionnaire d'infrastructure ; / b) Les exigences auxquelles les candidats doivent satisfaire ; / c) Les délais applicables aux procédures de demande et de répartition, les procédures à suivre pour demander des informations sur la programmation et les procédures de programmation des travaux d'entretien prévus et imprévus ; / d) Les principes régissant le processus de coordination et le système de règlement des litiges mis à disposition dans le cadre de ce processus ; / e) Les procédures à suivre et les critères à appliquer lorsque l'infrastructure est saturée ; / f) Des détails sur les restrictions imposées à l'utilisation des infrastructures ; / g) Les règles concernant la prise en compte des niveaux antérieurs d'utilisation des capacités pour déterminer les priorités lors du processus de répartition (…) ».
  11. Pratiquement, le DRR prévoit (13) que l'élaboration de l'horaire de service (ci-après « HDS ») (14) s'organise autour de quatre étapes successives - pour lesquelles « A » désigne l'année civile de référence de l'HDS - et dont seules les deux dernières concernent la présente décision :

- de A-6 à avril A-2 : une phase dite de « structuration de la capacité du graphique (15) » ;
- de mai A-2 à mi-décembre A-2 : une phase dite de « pré-construction du graphique » ;
- de mi-décembre A-2 à mi-septembre A-1 : une phase dite de « construction » de l'HDS ;
- de mi-septembre A-1 à mi-décembre A : une phase dite « d'adaptation » de l'HDS.

  1. Le processus proprement dit d'allocation des sillons, dans le cadre duquel les demandeurs de capacités peuvent formuler leurs commandes, commence à compter de mi-décembre A-2, concomitamment à la publication du DRR (16) de l'année A.
  2. A partir de cette étape, les demandeurs peuvent formuler des commandes de sillons tout au long de l'avancée du processus et ce jusqu'au jour de la circulation envisagée au cours de l'HDS (17). Ces demandes sont intitulées et traitées différemment en fonction du moment où elles sont émises. Le DRR précise ainsi le calendrier dans lequel SNCF Réseau apporte des réponses aux demandes exprimées (18) :

- lors de la première phase du processus d'allocation des sillons, se déroulant entre mi-décembre A-2 et mi-avril A-1, les candidats formulent une première catégorie de demandes de sillons, intitulées « demandes au service » (ci-après « DS ») auxquelles SNCF Réseau répond en publiant le projet d'HDS en juillet A-1 ;
- entre mi-avril et mi-septembre A-1 les candidats formulent une deuxième catégorie de demandes de sillons appelées « demandes tardives au service » (ci-après « DTS ») auxquelles SNCF Réseau répond avant mi-novembre A-1 (19) ;
- entre mi-septembre et J-8 de la circulation projetée, les candidats formulent une troisième catégorie de demandes de sillons appelées « demandes au service en adaptation » (ci-après « DSA ») auxquelles SNCF Réseau répond sous 30 jours ;
- entre J-7 et J les candidats formulent une quatrième catégorie de demandes de sillons appelées « demandes de sillon de dernière minute » (ci-après DSDM) auxquelles SNCF Réseau répond sous 7 jours calendaires (20).

  1. Le traitement des demandes est donc priorisé selon le type de demande, les DS étant traitées avant les DTS (21), lesquelles sont elles-mêmes traitées avant les DSA et les DSDM. En d'autres termes, plus la demande est tardive, plus la capacité résiduelle du réseau se réduit pour, éventuellement, devenir nulle selon les axes ou les horaires demandés.
  2. Enfin, SNCF Réseau met en œuvre cette procédure au moyen de plusieurs systèmes d'information (ci-après « SI »). Les commandes de sillons sont formulées par les candidats dans le SI dénommé « GESICO ». Le traitement et les réponses apportées sont gérés par les horairistes de SNCF Réseau et apparaissent dans ce même SI.
  3. Les réponses commerciales apportées par SNCF Réseau dans GESICO aux commandes de sillons sont constituées :

- d'un état global caractérisant le traitement de la demande (22) :
- les réponses à l'état « irréalisable » désignent le refus global de la demande de sillon, pour un motif lié à une capacité résiduelle insuffisante, du fait de conflits avec des travaux ou d'autres sillons ;
- les réponses à l'état « irrecevable » désignent le refus global de la demande de sillon pour un motif lié au caractère incohérent ou insuffisamment précis de la demande, ou à sa non-conformité avec les règles du DRR ;
- les réponses à l'état « traité » désignent une acceptation de la demande, bien que la réponse puisse être adaptée par l'horairiste par des variantes et avoir des trous de régime (23) sur certains sillons-jours de la demande de sillon ;
- d'un commentaire général ainsi que de l'indication (i) des jours de circulation attribués et des fiches de tracé associées, (ii) des jours pour lesquels une étude reste nécessaire et prévue (24) et (iii) des jours pour lesquels aucun sillon n'a pu être attribué.

2.3. Observations des parties

  1. Les sociétés SNCF Réseau, Captrain France, T3M et DB Cargo France ont produit plusieurs observations écrites devant la Commission. Les sociétés Linéas et Régiorail n'ont formulé aucune observation.

2.3.1. Première série d'observations écrites des parties

a. Observations n° 1 de SNCF Réseau

  1. La société SNCF Réseau demande sa mise hors de cause.
  2. Elle relève à titre liminaire que, alors qu'en application de l'article L. 1264-7 1° du code des transports, seul le non-respect d'une décision de règlement de différend dans les délais requis est passible d'une sanction, le collège de l'Autorité a quant à lui fondé son grief sur le non-respect de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau.
  3. Elle soutient également que le grief n'est pas fondé en faisant valoir, en premier lieu, qu'elle a mis en œuvre un ensemble complet de mesures à l'effet de se conformer à l'injonction qui lui a été adressée (i) en inscrivant l'obligation de justification systématique, précis et intelligible des refus d'octroi de sillons-jours dans les référentiels-métiers des agents en charge de la production horaire ; (ii) en rappelant, lors de la réunion de lancement de la construction de l'horaire de service annuel, la nécessité d'apporter une justification systématique, intelligible et précise des refus d'attribution des sillons-jours ; (iii) en renforçant la formation, initiale et continue, des horairistes, quant à l'exigence de justifier les refus d'allocation de sillons ; et (iv) en mettant en œuvre des actions de management de la qualité, notamment par la mise en place d'un programme de contrôle systématique des réponses saisies dans GESICO.
  4. En deuxième lieu, la société SNCF Réseau soutient satisfaire à l'obligation d'une information systématique, précise et intelligible des candidats sur les motifs de refus d'allocation de sillons.
  5. Premièrement, elle fait valoir que l'injonction formulée par l'Autorité dans ses décisions de règlement de différend du 1er octobre 2013 laissait toute liberté à SNCF Réseau pour déterminer les moyens de parvenir à l'amélioration de l'information des candidats, et notamment n'imposait pas de recourir à un canal d'information unique. Elle ajoute que, par cette injonction, elle était tenue d'atteindre un objectif d'information des candidats, mais était libre de déterminer les modalités selon lesquelles cet objectif serait atteint.
  6. Deuxièmement, SNCF Réseau soutient : (i) que les motifs de refus d'allocation de sillons figurent, par principe, en commentaire de la réponse commerciale sur la plateforme GESICO ; (ii) que, rapportés aux nombre total de sillons demandés pour l'HDS 2022, les sillons ayant fait l'objet d'un refus d'attribution insuffisamment justifié dans le champ « commentaire » de GESICO, ne représentent que 0,4 % des sillons-jours commandés ; (iii) et que cette part a encore diminué pour l'HDS 2023, pour ne représenter plus que 0,1 % du nombre de sillons-jours commandés.
  7. Troisièmement, SNCF Réseau fait valoir que les motifs de refus d'allocation de sillons-jours figurent, à tout le moins, pour les « trous de régime », dans les fiches de tracé sur GESICO et, par conséquent, que l'absence de réponse commerciale ou son insuffisance n'implique pas un défaut de justification d'un refus d'allocation de sillon. Elle ajoute que (i) les informations contenues dans les fiches de tracé peuvent également être consultées par les candidats sur l'outil SIPH en consultation ; (ii) l'utilisation des fiches de tracé n'a rien de « malaisée » pour les candidats ; (iii) la plupart des demandes de services ne comporte qu'un nombre extrêmement faible de fiches de tracé. Elle précise également que (i) l'essentiel des sillons-jours dont le refus a été insuffisamment justifié dans la réponse commerciale ont donné lieu à des fiches de tracés ; (ii) sur un échantillon de 100 fiches de tracé, 82 d'entre elles comportent une information précise et intelligible des motifs de refus ; (iii) la majorité des sillons-jours non-attribués et insuffisamment justifiés dans champ « commentaire » de la réponse commerciale a finalement été retracée et attribuée, ce qui prouve que les candidats ont été en mesure d'adapter leur demande pour recevoir une réponse favorable.
  8. Elle en conclut que c'est à tort que le collège de l'Autorité s'est fondée sur le taux de 14,5 % de réponses non ou mal justifiées pour l'HDS 2022 pour considérer que SNCF Réseau ne s'était pas conformée à l'injonction prononcée, d'une part parce que ce taux ne représente qu'un nombre marginal (0,4 %) des sillons-jours commandés en construction pour l'HDS 2022, d'autre part, parce que ce taux ignore les motifs de refus figurant dans les fiches de tracé de sorte que, pour l'HDS 2022, ce ne sont au maximum que 0,2 % des sillons-jours commandés qui n'ont pas été attribués par SNCF Réseau avec une justification suffisante.
  9. En troisième lieu, la société SNCF Réseau fait valoir que les motifs de refus d'allocation de sillons-jours font en outre l'objet d'un dialogue industriel entre SNCF Réseau et les candidats, par lequel ces derniers peuvent bénéficier d'un complément d'information sur les raisons ayant conduit à une non-attribution des sillons.
  10. En conclusion, la société SNCF Réseau fait valoir que : (i) l'accès des candidats à l'infrastructure n'est pas affecté par le manquement allégué et que l'incidence de ce manquement est, du point de vue de l'accès au réseau, résiduelle car la cause de l'impossibilité pour un candidat d'accéder au réseau est avant tout une réponse défavorable, peu important sa justification ; (ii) la conformité absolue des justifications de refus d'allocation de sillons-jours est, en tout état de cause, impossible à garantir pour le gestionnaire d'infrastructure ; (iii) elle continuera de respecter les engagements pris pendant l'instruction de la procédure en manquement pour se conformer à ses obligations ; (iv) elle ne retire aucun avantage du manquement qui lui est reproché.

b. Observations n° 1 des sociétés Captrain France, T3M et DB Cargo France

  1. Les sociétés Captrain France, T3M et DB Cargo France soutiennent ne toujours pas être informées de manière systématique, précise et intelligible, des raisons pour lesquelles un sillon-jour ne leur est pas attribué.
  2. La société Captrain France fait valoir que, pour l'HDS 2022, n'ont pas été, ou ont été mal justifiés, un refus de demande au service (sur 20 refus opposés aux 176 DS émises) et 40 refus de DSA (sur 113 refus opposés aux 365 DSA émises). En revanche, sur les 19 DTS émises, les 7 ayant fait l'objet d'un refus ont été correctement justifiés.
  3. Elle ajoute ne pas pouvoir fournir les statistiques pour les DSDM, faute pour le SI de GESICO de permettre l'extraction des justifications apportées aux refus d'allocation des sillons. Elle précise que, pour l'HDS 2022, sur un total de 17 519 DSDM émises, 2 859 ont été refusées pour cause d'« incompatibilité autre sillon ou travaux », et fournit un exemple de DSDM de l'HDS 2022 dont le refus n'a pas été correctement justifié par SNCF Réseau.
  4. La société T3M fait valoir que pour l'HDS 2023, sur 23 DSA, trois ont été refusées sans justification suffisante. Elle ajoute également fournir une illustration d'une DS dont 46 sillons-jours n'ont été traités que partiellement par SNCF Réseau et sont donc inexploitables pour T3M.
  5. La société DB Cargo France fait valoir, à titre d'exemples, que (i) pour l'HDS 2023, dans le cadre d'une DSA portant sur 15 sillons-jours, 4 sillons-jours n'ont fait l'objet d'aucune justification, y compris dans les fiches de tracés et que (ii) pour l'HDS 2022, dans le cadre de DSDM, deux sillons-jours ont été refusés de manière insuffisamment justifiée.
  6. Enfin, les sociétés Captrain France, T3M et DB Cargo France précisent que la justification de certains refus d'attribution ne saurait être recherchée dans les fiches de tracés, puisqu'aucun moyen ne permet aux candidats d'identifier les fiches contenant la justification d'éventuels refus d'attribution opposés pour certains jours de circulation, de sorte que les candidats doivent consulter l'ensemble des fiches de tracé pour retrouver cette information, ce qui peut s'avérer fastidieux voire irréalisable compte tenu du nombre parfois très important de telles fiches par sillon. La société T3M se prévaut, pour exemple, des difficultés rencontrées pour obtenir l'information recherchée s'agissant d'un sillon comportant 124 fiches de tracé.

2.3.2. Deuxième série d'observations écrites des parties

a. Observations n° 2 de SNCF Réseau

  1. SNCF Réseau fait valoir qu'en phase d'adaptation : (i) les candidats sont en mesure de comprendre les raisons des refus d'attribution de sillons au moyen des outils SIPH et SEE-TRAINS puisqu'ils sont informés des obstructions à la circulation ; (ii) en application de l'article 23 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 SNCF Réseau n'est pas tenue à une obligation d'apporter une réponse à une demande émise en phase d'adaptation ; (iii) et que la réalité opérationnelle oblige SNCF Réseau à traiter dans des délais contraints de très nombreuses DSA.
  2. Elle ajoute ne pas pouvoir fournir de statistiques détaillées sur la qualité des réponses apportées aux DTS et aux demandes formulées en phase d'adaptation, mais qu'il ressort des observations des entreprises ferroviaires que la part des refus non ou mal justifiés n'est pas significative.
  3. En réponse aux observations n° 1 de T3M, SNCF Réseau fait valoir (i) que, sur les trois DSA de l'HDS 2023 évoquées par T3M, deux ont fait l'objet d'un refus correctement justifié, SNCF Réseau admettant une erreur pour la troisième ; et (ii) que, s'agissant des deux DS de l'HDS 2023 évoquées par T3M, pour la première, le raisonnement de celle-ci est contradictoire et le dialogue industriel a permis in fine de donner satisfaction au client et, pour la seconde, que l'exemple cité ne fait pas référence à un refus d'attribution mais à une adaptation pour cause de travaux.
  4. En réponse aux observations n° 1 de DB Cargo France, SNCF Réseau fait valoir (i) que, s'agissant de la DSA portant sur 15 sillons-jours, trois seulement ont fait l'objet d'un refus d'attribution, avant d'être finalement attribués et (ii) que, s'agissant des deux exemples de DSDM, les refus opposés étaient suffisamment justifiés.
  5. En réponse aux observations n° 1 de Captrain France, SNCF Réseau fait valoir que, parmi les illustrations de demandes de sillons non ou mal justifiés, invoquées par Captrain France, plusieurs concernent des sillons qui, soit ont en réalité obtenu une réponse favorable, soit ont été refusés pour des motifs conformes et intelligibles.
  6. SNCF Réseau conclut que, hormis de rares cas de refus ayant donné lieu à des erreurs matérielles de justification, la quasi-totalité des réponses défavorables ont été assorties de justifications précises et intelligibles.

b. Observations n° 2 de Captrain France et T3M

  1. En réponse aux observations n° 1 de SNCF Réseau, les sociétés Captrain France et T3M font valoir que c'est à bon droit que l'Autorité s'est fondée sur l'article L. 1264-7 1° du code des transports pour saisir la Commission car SNCF Réseau ne respecte toujours pas l'obligation d'informer de manière systématique, précise et intelligible les raisons des refus d'attribution de sillon-jour, alors qu'elle a été mise en demeure de le faire dans un délai de trois mois à compter du 24 juin 2020.
  2. Elles ajoutent que si SNCF Réseau soutient que seuls 0,2 % du nombre total de sillons-jours commandés pour l'HDS 2022 auraient fait l'objet de refus insuffisamment justifiés, ce taux ne reflète pas la réalité opérationnelle d'une entreprise ferroviaire du secteur du fret, dès lors que ce pourcentage prend en compte le nombre total de sillons-jours commandés tant au titre des activités frets que des activités voyageurs, les premières ne représentant qu'un nombre très limité de sillons-jours par rapport aux secondes. Elles relèvent également que les données retenues par SNCF Réseau ne concernent que la phase de construction de l'HDS et non la phase d'adaptation.
  3. Elles précisent enfin que SNCF Réseau focalise son argumentaire sur la phase de construction de l'HDS, alors que l'injonction posée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portait sur les DS, les DTS, les DSA et les DSDM. Elles indiquent avoir produit des éléments prouvant que des refus d'attribution de DS, mais aussi de DSA, de DTS ou de DSDM étaient mal justifiés. La société T3M ajoute fournir deux exemples de DSDM dont les refus sont non justifiés. Elle ajoute enfin fournir un exemple selon lequel les fiches de tracé ne permettent pas au candidat d'obtenir, sans difficulté, une information systématique, précise et intelligible.

2.3.3. Troisième série d'observations écrites des parties

a. Observations n° 3 de SNCF Réseau

  1. En réponse aux observations n° 2 des entreprises ferroviaires, SNCF Réseau fait valoir que, pour apprécier le pourcentage de sillons-jours refusés sans justification suffisante, il convient de se rapporter tant aux activités fret que voyageurs, dès lors que l'injonction formulée par l'Autorité porte sur l'ensemble des activités. Elle ajoute qu'en tout état de cause il n'existe pas d'écart significatif, dans la justification des refus, entre les activités fret et voyageurs.
  2. Elle précise également ne pas contester que l'injonction prononcée porte tant sur la phase de construction que d'adaptation de l'horaire de service, mais que les nouveaux exemples de DSDM insuffisamment justifiés fournis par T3M, d'une part sont isolés, ce qui ne permet pas de tirer une conclusion sur le respect, par SNCF Réseau de son obligation de délivrer une information précise, systématique et intelligible des refus d'attribution, d'autre part, ne sont pas pertinents car les commentaires étaient conformes et comprenaient la localisation des travaux, et que la société T3M pouvait, grâce à l'outil informatique SEE-TRAINS constater la présence des travaux.
  3. La société SNCF Réseau fait enfin valoir que c'est à tort que la société T3M fait état des difficultés de consultation des fiches de tracé. Elle soutient en effet qu'il n'est pas nécessaire d'ouvrir l'intégralité des fiches de tracé pour comprendre un refus d'attribution qui n'aurait pas été justifié dans le champ « commentaire » de GESICO, mais simplement de consulter les seules fiches de tracé dont la date de réception dans GESICO est comprise entre la date d'émission de la demande concernée, pour les DTS et DSA, et la date de réponse par SNCF Réseau au client.

b. Observations n° 3 de Captrain France et de T3M et observations n° 2 de DB Cargo France

  1. En réponse aux observations n° 2 de SNCF Réseau, les sociétés Captrain France, T3M et DB Cargo France soutiennent que SNCF Réseau ne peut soutenir que les candidats pourraient obtenir des justifications dans les outils informations SIPH et SEE-TRAINS, puisque ceci conduit à renverser, sur les candidats, la charge de travail incombant au gestionnaire d'infrastructure. Elles ajoutent que SNCF Réseau ne saurait se prévaloir de l'article 23 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 pour s'exonérer de son obligation car, d'une part, la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 impose cette obligation sans distinguer phase de construction et phase d'adaptation, d'autre part SNCF Réseau répond parfois favorablement aux DSA postérieurement au délai faisant naître, en application de cet article, une décision implicite de rejet, de sorte que le silence de SNCF Réseau ne vaut pas systématiquement rejet de la demande.
  2. La société Captrain France ajoute que, s'agissant des statistiques de DS, DSA et DTS de l'HDS 2022 qu'elles a produites dans ses observations n° 1, SNCF réseau ne s'est prononcée, en réponse, que sur les sillons-jours ayant finalement été attribués, mais ne s'est pas prononcée sur les exemples de refus d'attribution peu ou mal justifiés. Elle fait valoir que 4 % des commandes totales de DS, DSA et DTS exprimées ont fait l'objet de refus non ou mal justifiés, soit 22 % du nombre de commandes irréalisables, irrecevables ou traitées partiellement. Elle précise également que, s'agissant des refus d'attribution de DSDM, elle a d'ores et déjà réussi à présenter 20 exemples de refus d'allocation mal justifiés de sillons-jours en DSDM sur les premiers mois de l'HDS 2022 (« pas de capacité », « travaux »).
  3. La société T3M ajoute que la consultation des fiches de tracé est un exercice fastidieux, que le dialogue mené entre SNCF Réseau et les candidats ne remet pas en cause l'absence de motivation systématique des refus d'allocation et que SNCF Réseau reconnait une erreur dans la non-justification d'un refus de sillon. Elle ajoute enfin produire un nouvel exemple de DSA pour le HDS 2023, n'ayant été attribué que partiellement, sans justification.
  4. La société DB Cargo France ajoute qu'il existe des améliorations sensibles de la part de SNCF Réseau mais que celle-ci reconnaît malgré tout, à propos de l'illustration de DSA invoquée par la société DB cargo France, des erreurs matérielles dans les réponses apportées. La société DB Cargo précise qu'elle n'a pu, dans ce cas particulier, adapter son plan de transport qu'au prix d'une mobilisation, chronophage et coûteuse, de ses équipes. S'agissant des illustrations de DSDM, la société DB Cargo conteste la position de la société SNCF Réseau, au motif qu'elle impliquerait que les candidats devraient disposer, en interne, des compétences de personnels de SNCF Réseau pour tracer des sillons. Elle précise enfin attendre du gestionnaire d'infrastructure un dialogue efficace pour des dégager des solutions, plus particulièrement en DSDM.

2.3.4. Quatrième série d'observations écrites de SNCF Réseau

  1. Ayant été invitée par la Commission à produire des observations sur le quantum d'une éventuelle sanction pécuniaire, la société SNCF Réseau a fait valoir, à supposer que le manquement serait établi, que :

- le principe de proportionnalité implique de prendre en compte la gravité, la nature et la durée du manquement et l'existence d'éventuelles circonstances atténuantes et qu'au cas présent, le taux de refus insuffisamment justifiés, qui ne s'élève qu'à 0,4 % des sillons commandés en construction pour l'HDS 2022 et à 0,1 % pour l'HDS 2023, ne saurait caractériser un manquement grave ;
- elle a déployé ses meilleurs efforts et adopté une démarche active et responsable pour délivrer une information précise, systématique et intelligible aux candidats, et qu'elle s'est conformée aux instructions de l'Autorité tout au long de la procédure ;
- le manquement, s'il était retenu, ne compromettrait pas l'accès au réseau ferroviaire puisque (i) il n'est pas établi que le défaut d'information des candidats aurait compromis leurs plans de transport ; (ii) une part significative des sillons refusés aux termes d'une motivation insuffisante ont in fine été alloués aux candidats ; (iii) l'absence de préjudice pour les candidats est confortée par le taux très faible de sillons dont le refus a été insuffisamment motivé et qui n'ont pas été retracés in fine (0,2 % pour l'HDS 2022). En tout état de cause, les candidats disposent des outils pour adapter leur plan de transport et ont reconnu l'efficacité du dialogue industriel ;
- elle ne retire aucun avantage du manquement.

2.4. Appréciation de la Commission
2.4.1. Sur la régularité de la saisine de la Commission

  1. SNCF Réseau faire valoir que c'est à tort que l'Autorité s'est fondée sur le non-respect de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020, portant mise en demeure de SNCF Réseau, pour décider de l'ouverture d'une procédure de sanction, alors qu'en application de l'article L. 1264-7 1° du code des transports, seul le non-respect, « dans les délais requis », d'une décision prise par le collège de l'Autorité en matière de règlement de différend serait susceptible d'être sanctionné.
  2. Aux termes de l'article L. 1264-7 du code des transports, « [s]ont sanctionnés dans les conditions prévues par la présente section : / 1° Le non-respect, dans les délais requis, d'une décision prise par le collège de l'Autorité de régulation des transports en application des sections 2 à 4 du chapitre III du présent titre (…) », c'est-à-dire, notamment, le non-respect, dans les délais requis, d'une décision de règlement de différend en matière de transport ferroviaire, prise par le collège de l'Autorité.
  3. Par ailleurs, l'article L. 1264-8 du même code dispose que « Lorsque le collège de l'Autorité de régulation des transports constate l'un des manquements mentionnés à l'article L. 1264-7, il met en demeure l'intéressé de se conformer à ses obligations dans un délai qu'il détermine. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai fixé ou fournit des renseignements incomplets ou erronés, le collège de l'autorité peut décider de l'ouverture d'une procédure de sanction. Il notifie alors les griefs à l'intéressé et en saisit la commission des sanctions, qui se prononce dans les conditions prévues aux articles L. 1264-9 et L. 1264-10 ».
  4. Il résulte de ces dispositions que le collège de l'Autorité peut décider de l'ouverture d'une procédure de sanction lorsque, ayant constaté un manquement mentionné à l'article L. 1264-7 précité - tel que le non-respect, dans les délais requis, d'une décision de règlement de différend en matière de transport ferroviaire - l'intéressé ne se conforme pas, dans le délai fixé, à la mise en demeure qui lui a été faite de se conformer à ses obligations.
  5. En l'espèce, le collège de l'Autorité a, d'une part, constaté dans la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020, que la société SNCF Réseau n'informait pas de manière systématique, précise et intelligible les candidats des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu leur être attribué, et ce en méconnaissance de l'article 2 des décisions de règlement de différend du 1er octobre 2013, lequel a enjoint à RFF (devenu SNCF Réseau) de fournir aux candidats, sans condition de délai et donc immédiatement, une telle information. Il a, d'autre part, constaté le non-respect, par SNCF Réseau, du délai pour se conformer à ses obligations qui a été fixé par la décision de mise en demeure du 28 mai 2020.
  6. Il s'ensuit que la Commission est régulièrement saisie.

2.4.2. Sur le manquement reproché

2.4.2.1. Sur la portée de l'obligation mise à la charge de SNCF Réseau

  1. Il convient, pour apprécier la caractérisation, par la société SNCF Réseau, du manquement qui lui est reproché, de préciser au préalable la portée et l'étendue de son obligation.
  2. Aux termes de l'article 2 de la décision de mise en demeure n° 2020-035 du 28 mai 2020, SNCF Réseau a l'obligation « dans un délai de trois mois à compter du 24 juin 2020, de garantir que les candidats soient informés de manière systématique, précise et intelligible des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu leur être alloué ».
  3. Il en résulte, premièrement, que la société SNCF Réseau était tenue d'obtempérer à cette mise en demeure au plus tard le 25 septembre 2020. Il s'ensuit que le constat du non-respect, à cette échéance, de la mise en demeure, est de nature à caractériser un manquement.
  4. Deuxièmement, il résulte du même article 2 - et ce point n'est pas contesté par la société SNCF Réseau (25) - que la mise en demeure n'était limitée ni à une catégorie de candidats (de sorte qu'elle portait tant sur les activités fret que voyageurs), ni à une catégorie de demandes de sillons-jours, de sorte qu'elle portait sur les demandes formulées par les candidats tant en phase de construction qu'en phase d'adaptation de l'horaire de service et recouvrait ainsi les DS, les DSA, les DTS et les DSDM.
  5. Troisièmement, si, comme le soutient SNCF Réseau, celle-ci était libre de déterminer les moyens à mettre en place pour se conformer à ses obligations, et s'il ne lui était pas imposée de retenir un canal spécifique ou unique d'information au profit des candidats, le respect de l'obligation mise à la charge de SNCF Réseau suppose de s'assurer que les différents canaux mis en œuvre garantissent de manière effective aux candidats une information « systématique, précise et intelligible » des raisons pour lesquelles un sillon-jour ne leur a pas été alloué.
  6. Quatrièmement, la mise en demeure met à la charge de SNCF Réseau l'exigence d'une information « précise et intelligible ».
  7. Il résulte des décisions de règlement de différends précitées du 1er octobre 2013 qu'une amélioration de la réponse des horairistes « peut permettre au demandeur de formuler une meilleure demande en adaptation », de sorte que l'exigence d'information précise et intelligible doit se faire « a minima à l'aide : / - d'une caractérisation type permettant de décrire la difficulté à l'origine du refus (à l'instar de ce qui se pratique dans la régulation du trafic pour décrire les causes du retard des trains) ; / - de la localisation géographique de cette difficulté » (26).
  8. Comme le précise d'ailleurs le référentiel interne de SNCF Réseau, s'agissant des réponses « irréalisables », « un motif vague tel que « capacité résiduelle insuffisante » n'est pas acceptable : s'il n'est pas possible de tracer l'ensemble des commandes sur une section de ligne déterminée, l'horairiste doit ouvrir un cas Redmine de façon à ce que le PNTC organise une coordination de l'ensemble des demandes concernées » (27). L'article 315.1.2 de ce même référentiel précise que « L'horairiste a la possibilité d'apporter tout commentaire libre dans le champ commentaire pour expliciter plus précisément la réponse apportée. Ces commentaires à destination des demandeurs de sillon, doivent être le plus clair et précis possible pour être compréhensibles par des personnes externes à la sphère horaire. Par conséquent, les abréviations et autres langages internes à la sphère horaire sont à proscrire (exemple : cf mail de xxx, redmine n° xxx). En particulier, un commentaire libre est obligatoire en cas de réponse « attribution partielle, groupée, irrecevable, irréalisable, de façon à fournir au demandeur du sillon toutes les informations nécessaires pour comprendre le sens de la réponse et de manière à lui permettre d'adapter sa demande (DTS, DSA) ou éventuellement d'en contester la réponse (observations) » (28). Ce référentiel précise dans son annexe 19, pour chaque type de demande (irrecevable, irréalisable, attribution partielle…), les mentions types que doivent comprendre les commentaires (29).
  9. Ainsi, l'exécution de l'obligation mise à la charge de SNCF Réseau suppose qu'un motif précis et circonstancié du refus opposé, tel que la cause et la localisation d'un conflit de capacité, soit indiqué au candidat pour lui permettre de présenter utilement, le cas échéant, une nouvelle demande de sillon-jour, ou de contester la décision prise.
  10. Par ailleurs, et sauf à la priver de toute portée utile, l'obligation de délivrer une information « précise et intelligible » ne saurait être regardée comme remplie dans l'hypothèse où l'utilisation ou la manipulation des canaux d'information mis en place par SNCF Réseau seraient complexes au point de rendre difficile la consultation des motifs de refus, ou encore dans l'hypothèse où les candidats seraient contraints (afin d'accéder à l'information indispensable pour soumettre, postérieurement à un refus, et dans un délai raisonnable, des demandes de sillons-jours nouvelles) d'affecter des moyens humains ou matériels disproportionnés.
  11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il appartient à la Commission de vérifier si, depuis le 25 septembre 2020, la société SNCF Réseau s'est conformée à la mise en demeure du 28 mai 2020, telle que sa portée et son périmètre ont été précisés ci-dessus.

2.4.2.2. Appréciation du manquement reproché
a. Sur la part de refus non ou insuffisamment justifiés dans le champ « commentaire » de GESICO

  1. Il convient tout d'abord de relever qu'interrogée par l'Autorité, le 27 octobre 2021, sur le taux de renseignement des motifs du refus d'attribution dans GESICO depuis le 24 septembre 2020, la société SNCF Réseau n'a répondu qu'en produisant des données pour l'HDS 2022. La société SNCF Réseau a confirmé, lors de la séance du 8 juin 2023, qu'elle n'était pas en mesure de fournir de données pour la fin de l'horaire de service 2020 ni pour l'horaire de service 2021. Des données sont en revanche disponibles pour les horaires de service 2022 et 2023.

- Sur la part de refus de demandes au service (DS) de l'HDS 2022 non ou insuffisamment justifiés dans le champ « commentaire » de GESICO

  1. Il résulte des pièces du dossier, notamment des informations communiquées par SNCF Réseau (30), telles que réitérées dans ses observations écrites devant la Commission (31), que pour l'horaire de service 2022, et s'agissant des seules demandes au service (DS), sur 176 962 sillons-jours ayant fait l'objet d'un refus (que les demandes soient à l'état « irrecevables », « irréalisables » ou « traitées ») (32), 25 645 ont fait l'objet, dans le champ « commentaire » de l'outil GESICO, soit d'aucune justification, soit d'une justification insuffisante. Le nombre de justifications insuffisantes a été déterminé par SNCF Réseau sur la base de critères qu'elle a établis et communiqués à l'Autorité au cours de l'instruction (33).
  2. Il en résulte un taux 14,49 % de refus non ou mal justifiés. En rapportant ces 25 645 refus aux seules demandes à l'état « irréalisables » ou « traitées » (34), ce taux de refus non ou mal justifiés s'élève à 15,89 % (35).
  3. La Commission relève, au vu de ces éléments produits par la société SNCF Réseau elle-même, qu'une part significative des refus de sillons demandés en phase de construction l'HDS 2022 n'a pas fait l'objet, dans le champ « commentaire » de GESICO, d'une information satisfaisant aux prescriptions de la mise en demeure que la société SNCF Réseau était tenue de respecter à compter du 25 septembre 2020.

- Sur la part de refus de demandes au service (DS) de l'HDS 2023 non ou insuffisamment justifiés dans le champ « commentaire » de GESICO

  1. Il résulte des pièces du dossier que la société SNCF Réseau, qui s'était engagée à réduire de 30 %, par rapport à l'HDS 2022, la part des refus non ou mal justifiés en phase de construction de l'HDS 2023, a reconnu qu'un taux proche de 100 % de refus correctement motivés ne pourrait être atteint pour l'HDS 2023 (36). Elle prévoyait pour l'horaire de service 2023 un taux de non-conformité qui serait strictement inférieur à 7,8 % des sillons-jours refusés (37).
  2. Selon les informations communiquées devant la Commission, s'agissant des seules demandes au service, sur 270 982 sillons-jours refusés, SNCF Réseau indique que 7 886 ont fait l'objet, dans le champ « commentaire » de l'outil GESICO, soit d'une absence de motivation, soit d'une motivation insuffisante (38). Il en résulte un taux de refus non ou mal justifiés de 2,91 %. En rapportant ces 7 886 refus aux seules demandes à l'état « irréalisable » ou « traitée », ce taux s'élève à 7,08 % (39).
  3. La Commission relève que l'HDS 2023 est marqué par un nombre exceptionnellement élevé de demandes « irrecevables », lequel est passé de 15 600 pour l'HDS 2022 à 159 599 pour l'HDS 2023. Comme l'a indiqué SNCF Réseau lors de la séance du 8 juin 2023, cette anomalie s'explique par un incident ayant affecté le système d'information d'un candidat occasionnant un nombre massif et systématique de déclaration d'irrecevabilités, à la demande du candidat concerné. Le nombre de demandes irrecevables pour l'HDS 2023 n'étant pas représentatif et sa prise en compte étant de nature à fausser l'appréciation qu'il convient de porter sur le respect par SNCF Réseau de son obligation, la Commission estime que le taux de 7,08 % (c'est-à-dire hors prise en compte des demandes à l'état « irrecevable ») reflète davantage la réalité du manquement reproché (40).
  4. Bien qu'en baisse sensible par rapport à l'HDS 2022, ce taux atteste de la persistance d'un défaut d'information dans le champ « commentaire » de GESICO pour l'HDS 2023, qui ne peut être regardé comme marginal.

- Sur la part de refus des DTS, DSA et DSDM non ou insuffisamment justifiés dans le champ « commentaire » de GESICO

  1. S'agissant des refus de sillons opposés à des DTS, DSA et DSDM, il convient à titre liminaire de préciser que la société SNCF Réseau, tout en reconnaissant que la portée de la mise en demeure du 28 mai 2020 s'étendait tant aux phases de construction que d'adaptation de l'horaire de service (41), soutient qu'elle ne serait pas tenue de motiver les refus des demandes exprimées en phase d'adaptation, au motif qu'il résulte de l'article 23 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003, relatif aux demandes formulées après la publication de l'horaire de service, que « [l]e gestionnaire d'infrastructure se prononce dans un délai aussi court que possible, inférieur à un mois, sur les demandes présentées en application du premier alinéa et inférieur à cinq jours ouvrables sur les demandes ponctuelles de sillons / L'absence de réponse dans ces délais vaut rejet de la demande » (42).
  2. Cependant, le mécanisme de rejet implicite instauré par cet article est un gage de lisibilité et de sécurité juridique au profit des candidats, en déterminant, par défaut, la règle applicable aux demandes restées, au-delà d'un certain délai, sans réponse. Ces dispositions sont sans incidence sur l'obligation qui pèse sur le gestionnaire d'infrastructure de motiver suffisamment les refus qui sont opposés aux demandes d'allocation de sillons.
  3. De même, la société SNCF Réseau ne peut utilement invoquer les contraintes opérationnelles liées à la phase d'adaptation de l'horaire de service (43). L'obligation de délivrer aux candidats, en cas de refus, une information systématique, précise et intelligible, concerne tant la phase de construction que celle d'adaptation ce que, du reste, elle ne conteste pas. La Commission remarque que la finalité de l'obligation étant de permettre aux candidats d'obtenir les éléments permettant de formuler utilement une nouvelle demande de sillon en lieu et place de celle ayant fait l'objet d'un refus, il importe que les refus d'allocation en phase d'adaptation de l'horaire de service soient tout autant justifiés que les refus d'allocation en phase de construction.
  4. A cet égard, la société SNCF Réseau ne peut utilement, comme elle l'a fait lors de la séance du 8 juin 2023, justifier une moindre qualité des réponses apportées aux DSDM par le temps moindre dont elle dispose pour y répondre, ni invoquer la circonstance que les DSDM sont traitées par des personnels différents de ceux ayant en charge les autres types de demandes.
  5. S'agissant des DTS, DSA et DSDM, il résulte des pièces du dossier et des observations écrites de SNCF Réseau (44) qu'elle n'est pas en mesure de fournir des statistiques précises et quantifiables sur le nombre de refus qui seraient non ou insuffisamment justifiés.
  6. A défaut de pouvoir disposer d'informations statistiques fiables et exhaustives sur les DTS, DSA et DSDM, la Commission relève à tout le moins que les entreprises ferroviaires sont en mesure de démontrer que les refus d'allocation de sillon pour ces demandes ne font pas l'objet d'une information systématique, précise et intelligible.
  7. Ainsi, la société Captrain France, qui a procédé à l'extraction de ses DS, DTS et DSA pour l'HDS 2022, établit, par les éléments qu'elle produit (45), que vingt-neuf refus de création de DSA (46) opposés par SNCF Réseau ont fait l'objet de commentaires tels que « conflit circulation », « pas de capacité résiduelle », « trvx + pas de capacité » etc., qui ne constituent pas une motivation suffisante. De même, si la société Captrain France n'a pu mener une étude exhaustive des 2 859 refus de DSDM pour l'HDS 2022, elle a extrait vingt exemples de refus de DSDM (47) dont les commentaires (« travaux », « pas de capacité »…) n'apportent pas une information précise et intelligible.
  8. La société T3M démontre que cinq (48) refus de DSA ou DSDM pour l'HDS 2022 ou 2023 n'ont pas été commentés ou ont fait l'objet de commentaires erronés par référence à des plages travaux géographiquement non présentes sur le parcours demandé ou par une mention de présence de travaux sans indication précise de leur localisation, ce qui ne permet pas de comprendre le refus.
  9. La société DB Cargo France démontre qu'au moins trois (49) refus de DSA ou DSDM pour l'HDS 2022 ou 2023 n'ont pas été motivés ou l'ont été par des commentaires (« pas de capa », « par de possibilité par Longueau ») ne pouvant être regardés comme constituant une information précise et intelligible.
  10. Il résulte de tout ce qui précède que si la société SNCF Réseau n'a pas fourni d'élément permettant de comptabiliser les refus de DTS, de DSA et de DSDM qui seraient insuffisamment motivés, elle relève que les candidats sont à tout le moins en mesure de fournir plusieurs exemples attestant du non-respect de l'obligation d'indiquer de manière systématique, précise et intelligible les motifs de refus.
  11. Par conséquent, le défaut d'une information systématique, précise et intelligible dans le champ « commentaire » de GESICO est caractérisé tant en phase de construction que d'adaptation.

b. Sur les éléments d'appréciation autres que ceux se rapportant aux réponses figurant dans le champ « commentaire » de GESICO

- Sur les réponses figurant dans les « fiches de tracé »

  1. SNCF Réseau soutient qu'outre les réponses apportées dans le champ « commentaires » de GESICO, certains motifs de refus de sillons sont également explicités dans les « fiches de tracé ».
  2. De telles fiches constituent la vision synthétique du jalonnement horaire d'un sillon ou de sa variante et sont consultables dans GESICO une fois le sillon traité et alloué par SNCF Réseau.
  3. Si rien ne s'oppose, ainsi qu'il a été dit précédemment, à ce que SNCF Réseau délivre une information par d'autres canaux d'information que le champ « commentaire » de GESICO, c'est à la condition toutefois que chacun de ces canaux constitue, pour tout ou partie des demandes de capacités, un vecteur d'information systématique, précise et intelligible des candidats sur les motifs de refus d'allocation de sillon.
  4. Or, premièrement, les fiches de tracé, qui sont la réponse technique à la création d'un sillon, ne sont par définition pas créées pour les sillons non alloués. La Commission relève que ce canal d'information ne peut donc pallier les lacunes de motivation constatées dans le champ « commentaire » de GESICO pour ce qui concerne les demandes à l'état « irréalisable » ou « irrecevable ». Il résulte ainsi des observations de la société SNCF Réseau que, sur les 25 645 refus en phase de construction de l'HDS 2022 non ou mal justifiés, 3 525 (soit 13,75 %) n'ont donné lieu à aucune fiche de tracé (50). De même, en phase d'adaptation, il ne peut exister de fiche de tracé pour les DSDM faisant l'objet d'un refus.
  5. Deuxièmement, la société SNCF Réseau, qui n'a pas fourni dans le cadre de la procédure des informations quantifiées et fiables sur le nombre de justifications de refus qui seraient disponibles dans les fiches de tracé, indique qu'il lui est impossible d'exporter toutes les justifications contenues dans les fiches de tracé. Elle n'établit pas que l'échantillon de 100 fiches de tracé qu'elle produit (portant sur des réponses à des DS avec des « trous de régime » justifiées, non pas dans le champ « commentaire » de la réponse commerciale mais, pour 82 de ces fiches, dans la fiche de tracé elle-même [51]), serait représentatif de l'ensemble des réponses non motivées dans le champ commentaire de « GESICO ». Au surplus, cet échantillon ne concerne que des DS (aucun échantillon ou aucune donnée n'étant fournie pour les DTS, les DSA et les DSDM). En tout état de cause, la justification des refus n'est pas systématique dans ces fiches de tracé, comme en atteste l'échantillon même produit par SNCF Réseau.
  6. Troisièmement, il est constant que les fiches de tracé ne sont créées que pour toute demande de sillon ayant été (au moins) en partie satisfaite, c'est à dire lorsque, pour une demande de sillon, un ou plusieurs sillons-jours ont été accordés selon la demande exprimée par le candidat, tandis que les autres sillons-jours ont soit été refusés (« trou de régime »), soit été accordés avec des adaptations (« variantes »). Il en résulte que, s'agissant des sillons-jours refusés, les motifs de leurs refus ne peuvent figurer que dans les fiches de tracés attachées, soit aux sillons-jours qui ont été accordés selon la demande exprimée par le candidat, soit aux sillons-jours ayant donné lieu à une variante, étant précisé qu'il existe autant de fiches de tracé que de variantes d'un sillon (52).
  7. Par conséquent, comme le relèvent l'annexe portant exposé des griefs et les observations des entreprises ferroviaires (53), les candidats ne disposent d'aucun moyen leur permettant d'identifier, à l'avance et simplement, parmi les différentes fiches de tracé disponibles, laquelle d'entre elles contient la motivation du ou des refus opposés à certaines demandes formulées pour ce sillon.
  8. L'indication donnée par la société SNCF Réseau selon laquelle le candidat doit consulter, non pas l'intégralité des fiches de tracé, mais uniquement les fiches dont la date de réception dans GESICO est comprise entre la date d'émission de la demande concernée, pour les DTS et DSA, et la date du refus (54), ne contredit pas ce constat, dès lors, d'une part, qu'elle ne vaut, comme l'indique la société SNCF Réseau, que pour la phase d'adaptation, d'autre part, qu'elle n'est illustrée que par un exemple nécessitant la consultation de quatre fiches de tracé, ce qui n'exclut pas que, dans d'autres situations, la consultation de nombreuses autres fiches soit nécessaire, enfin, qu'elle ne remet pas en cause le fait que ce mode opératoire oblige les candidats à mettre en place un suivi régulier et à déployer des moyens humains ou matériels conséquents pour obtenir les informations recherchées.
  9. La difficulté née de la nécessité de devoir consulter plusieurs fiches de tracé avant de trouver l'information sollicitée est d'autant plus importante lorsque les sillons comprennent un nombre significatif de variantes, puisque la charge de travail incombant aux candidats pour localiser les motifs de refus recherchés s'en trouve accrue. A cet égard, la Commission relève que si SNCF Réseau fait valoir que 91,9 % des demandes de services répondues pour l'HDS 2022 ne feraient pas l'objet de plus de trois fiches de tracé (55), ces statistiques ne comprennent pas les DTS et DSA dont le nombre de variantes, et donc de fiches de tracé, peut être sensiblement plus élevé. Au demeurant, les exemples (56) fournis par SNCF Réseau pour démontrer la facilité d'emploi des fiches de tracé portent sur des lignes supportant un trafic faible ou peu générateur de difficultés de répartition capacitaire (57).
  10. Quatrièmement, la société SNCF Réseau a elle-même admis avoir fait évoluer le geste métier des horairistes en leur demandant, pour se conformer aux attentes de l'Autorité, de ne plus faire figurer les justifications dans les fiches de tracé mais dans le champ « commentaire » de GESICO (58), ce qu'elle a également confirmé lors de ses observations orales devant la Commission. De même, il résulte de sa « fiche essentielle » relative au « commentaire de la déclaration des jours traités », qu'« [i]l est important de préciser les objets travaux responsables des trous de régime dans le commentaire, même si celles-ci sont présentes dans les renvois. Cela permet à l'EF d'avoir l'information directement dans GESICO, sans avoir à consulter les fiches de tracé » (59).
  11. Cinquièmement, enfin, SNCF Réseau fait valoir qu'une partie des sillons-jours dont le refus a été insuffisamment justifié, a finalement été attribuée (60) (13 264 sillons-jours in fine attribués sur les 25 645 refus insuffisamment motivés pour HDS 2022) ce qui attesterait que les candidats ont pu obtenir une information adéquate grâce aux fiches de tracé. Cependant, quand bien même ces attributions auraient été rendues possibles au moyen des informations disponibles dans les fiches de tracé, cette circonstance ne remet pas en cause les difficultés pratiques auxquelles se sont heurtés les candidats pour obtenir lesdites informations et les retards qui peuvent le cas échéant en résulter dans le processus d'attribution des sillons. L'attribution in fine d'un sillon ne signifie pas que le candidat n'ait pas eu à mobiliser, pour y parvenir, des moyens plus importants, qu'il n'aurait pas à eu à employer si une information précise et intelligible des motifs de refus lui avait initialement été fournie par le gestionnaire d'infrastructure, ni qu'il n'ait pas eu à supporter les conséquences que peut entraîner le ralentissement du processus d'attribution des sillons.
  12. Dès lors que l'information donnée par un outil qui ne met pas le candidat à même de savoir où se trouve l'information qu'il recherche et le contraint à consulter différentes fonctionnalités (en l'occurrence différentes fiches de tracé), potentiellement très nombreuses, jusqu'à trouver l'information recherchée, ne peut être qualifié d'« intelligible », au sens des décisions de règlement de différend du 1er octobre 2013 et de la mise en demeure du 28 mai 2020, les fiches de tracé ne peuvent constituer en elles-mêmes un canal d'information de nature à satisfaire à l'obligation mise à la charge de la société SNCF Réseau.

- Sur les informations disponibles sur les outils SIPH et SEE-Trains

  1. SNCF Réseau fait encore valoir qu'en phase d'adaptation, les candidats pourraient connaître les motifs de refus par les outils SIPH client et SEE-Trains (61). Ces outils dynamiques représentent le graphique espace-temps d'une ligne ou d'un parcours dont les données et informations évoluent au fil du traitement des outils travaux et sillons de l'HDS considéré. Ils reflètent la réalité du graphique à l'instant de leur consultation.
  2. Pour autant, lors du dépôt de la demande initiale de DSA, DTS ou DSDM, un candidat ne peut préjuger ni connaître la capacité qui sera réellement disponible au moment de l'examen de sa demande par la société SNCF Réseau pas plus qu'il ne peut la connaître au moment où il analysera le refus de sa demande puisque le graphique continuant à évoluer, il peut ne plus refléter le motif du refus analysé. Lors de la séance du 8 juin, SNCF Réseau a d'ailleurs confirmé ce raisonnement en ayant reconnu qu'une réponse à une DSDM apportée par l'horairiste à l'instant du traitement de celle-ci pouvait ne pas refléter la réalité à l'instant de la consultation de ces outils par le candidat du fait de l'évolution et de la libération de la capacité. Ainsi, cette consultation avant de présenter une demande de sillon en adaptation représente au mieux un outil d'aide à la décision pour le candidat. Une réponse précise, intelligible et systématique de la part de SNCF Réseau permettrait au candidat qui examine la cause du refus qui lui est opposé, de vérifier que le conflit invoqué est toujours présent ou non au graphique des circulations, et ainsi d'adapter ou de renouveler le cas échéant sa demande initiale.
  3. Dès lors, comme le relèvent les entreprises ferroviaires (62), ce recours à la consultation des outils SIPH et SEE-Trains conduirait à faire peser sur elles la charge de travail incombant au gestionnaire d'infrastructure.

- Sur le dialogue industriel

  1. SNCF Réseau invoque également l'efficacité du dialogue industriel (63), dont les vertus ne sont au demeurant pas contestées par les entreprises ferroviaires (64).
  2. Toutefois, indépendamment du bénéfice que les candidats et le gestionnaire d'infrastructure retirent du dialogue industriel, ce dernier ne saurait se substituer à l'obligation d'information mise à la charge de la société SNCF Réseau. Un tel dialogue, qui nécessite la mobilisation du personnel des candidats pour aboutir à des solutions de capacité, n'aurait pas à remplir une telle fonction si le gestionnaire d'infrastructure délivrait spontanément, comme cela est exigé de lui, une information systématique, précise et intelligible sur les motifs de refus d'allocation de sillon. La Commission considère donc que la mise en place de ce dialogue (qui, de surcroît, est parfois à l'initiative du candidat lui-même (65) et non de SNCF Réseau) ne permet pas de satisfaire à l'obligation d'information, même s'il peut contribuer à pallier les conséquences résultant du non-respect de cette obligation.

- Sur les mesures et engagements pris par SNCF Réseau pour se conformer à ses obligations

  1. SNCF Réseau se prévaut des engagements et mesures prises dans ses procédures internes, afin d'améliorer et de rendre obligatoire la justification des refus d'allocation de sillons (inscription et rappel de cette obligation dans les référentiels-métiers des agents en charge de la production horaire et lors de la réunion de lancement de la construction de l'horaire de service annuel ; renforcement de la formation, initiale et continue, des horairistes ; mise en œuvre d'actions de management de la qualité, telle que la mise en place d'un programme de contrôle systématique des réponses saisies dans GESICO) (66).
  2. Si de telles mesures ne peuvent que faciliter l'exécution de son obligation par SNCF Réseau, leur simple existence ne suffit pas à démontrer leur efficacité, le gestionnaire de réseau ne parvenant pas à démontrer que, depuis l'adoption de ces mesures, les candidats bénéficient d'une information systématique, précise et intelligible.
  3. Il résulte de tout ce qui précède que le manquement à l'obligation faite à la société SNCF Réseau de garantir que les candidats soient informés de manière systématique, précise et intelligible des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu leur être alloué, est caractérisé.

2.5. Détermination de la sanction
2.5.1. Rappel des règles applicables

  1. Aux termes de l'article L. 1264-9 du code des transports, « Lorsqu'elle est saisie de l'un des manquements mentionnés à l'article L. 1264-7, la commission des sanctions de l'Autorité de régulation des transports peut, en fonction de la gravité du manquement, prononcer à l'encontre de l'intéressé : / 1° Une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos réalisé en France, porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. A défaut d'activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €, porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation. Si le manquement a déjà fait l'objet d'une sanction pécuniaire au titre des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du code de commerce, la sanction pécuniaire éventuellement prononcée par la commission des sanctions est limitée de sorte que le montant global des sanctions pécuniaires ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; / 2° Une interdiction temporaire d'accès à tout ou partie du réseau ferroviaire pour une durée n'excédant pas un an ; / 3° Une interdiction temporaire d'accès à tout ou partie des données mises à disposition par le point d'accès national mentionné à l'article 3 du règlement délégué (UE) 2017/1926 de la Commission du 31 mai 2017 complétant la directive 2010/ 40UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la mise à disposition, dans l'ensemble de l'Union, de services d'informations sur les déplacements multimodaux, pour une durée n'excédant pas un an ».
  2. Ce même article précise que « Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. Les sommes correspondantes sont versées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France ».
  3. Il résulte de ces dispositions que la Commission peut infliger une sanction dont la nature est fonction de la gravité du manquement et que, dans le cas où elle décide d'infliger une sanction pécuniaire, le montant de celle-ci est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages tirés.

2.5.2. Appréciation du montant la sanction

a. Sur la gravité du manquement

  1. En premier lieu, la Commission relève que le fait pour la société SNCF Réseau de ne pas respecter la décision par laquelle l'Autorité l'a mise en demeure de respecter une injonction, prononcée dans le cadre de décisions de règlement de différend, constitue un manquement grave. Or s'il est vrai que l'Autorité a clos la procédure s'agissant des injonctions n° 1, 3 et 4 de la décision de mise en demeure du 28 mai 2020, la Commission constate que SNCF Réseau ne s'est pas conformée à l'obligation d'information systématique, précise et intelligible des motifs de refus d'attribution de sillons-jours, faisant l'objet de l'injonction n° 2.
  2. Si la société SNCF Réseau souligne que ce manquement est d'une ampleur limitée au regard du marché global d'allocation de plus de 6 millions de sillons-jours par horaire de service, il doit, néanmoins, être rapporté au nombre des seuls refus de demandes de sillon pour lesquels l'obligation de motiver s'impose au gestionnaire de réseau.
  3. A cet égard, s'agissant des seules demandes au service de l'horaire de service 2022, 14,49 % des refus d'allocation de sillons n'ont pas, ou pas été suffisamment, justifiés, soit une part significative, qui plus est alors que l'injonction prononcée dans le cadre des décisions de règlement de différends datait de 2013. S'agissant de données portant ici sur les seules demandes au service, l'absence d'information (ou l'information insuffisante) est d'autant moins justifiable pour le gestionnaire d'infrastructure, que ces demandes sont formulées au cours d'une période durant laquelle la société SNCF Réseau évolue dans un contexte opérationnel et calendaire moins contraint qu'en phase d'adaptation de l'horaire de service.
  4. En ce qui concerne l'horaire de service 2023, il apparaît que les engagements et mesures internes pris par SNCF Réseau participent à l'amélioration de la situation, puisque le taux des refus non ou mal justifiés, pour les seules demandes au service, est de 7,08 %. Si les efforts réalisés par le gestionnaire, qui doivent être poursuivis, ont permis la nette diminution du taux par rapport à l'horaire de service 2022, ce taux reste conséquent et ne peut être qualifié de marginal.

b. Sur la situation de SNCF Réseau

  1. Il doit être tenu compte de la situation particulière de la société SNCF Réseau qui, pour l'exercice de sa mission de gestionnaire d'infrastructure du réseau ferré national lui imposant de garantir l'accès des entreprises ferroviaires à ce réseau, jouit d'un monopole. A ce titre, une responsabilité renforcée pèse sur elle.
  2. La taille de la société SNCF Réseau, ainsi que des moyens humains et techniques à sa disposition pour exécuter la mission qui lui est assignée, doivent également être pris en considération.
  3. Enfin, la société SNCF Réseau n'a pas fait valoir d'éléments qui tendraient à remettre en cause sa capacité contributive à supporter une sanction pécuniaire.

c. Sur l'ampleur du dommage

  1. L'obligation d'une information systématique, précise et intelligible des motifs de refus d'allocation de sillons a pour finalité de mettre les candidats à même de comprendre la nature et la localisation des conflits de capacité qui leur empêchent de pouvoir accéder au réseau, ainsi que de pouvoir présenter utilement de nouvelles demandes de sillons, à la suite des refus qui leurs sont opposés par le gestionnaire d'infrastructure. Cette obligation permet également, en application du principe de transparence, d'éviter les pratiques arbitraires ou discriminatoires dans la délivrance des refus d'allocation de sillons.
  2. Le manquement de la société SNCF Réseau à cette obligation perturbe l'utilisation effective et optimale du réseau, notamment en tant qu'elle constitue un frein à l'accès des candidats à l'infrastructure ferroviaire et peut représenter une entrave à la concurrence sur ce réseau.
  3. S'il est vrai, comme l'indique la société SNCF Réseau (67), que la cause d'un défaut d'accès des candidats à l'infrastructure réside avant tout dans le caractère défavorable de la réponse, davantage que dans les motifs proprement dits du refus, il n'en demeure pas moins que le non-respect de l'obligation d'une information systématique, précise et intelligible, entraine des conséquences préjudiciables en rendant plus difficile la recherche de disponibilité.
  4. L'absence de précision des refus notifiés ne peut qu'entraîner une multiplication de nouvelles demandes de sillons qui, faute d'être adaptées aux conflits de capacité, pourront être rejetées, mobilisant ainsi inutilement des moyens et induisant un ralentissement du processus d'attribution des sillons, au détriment d'une utilisation optimale et effective de l'infrastructure dont la société SNCF Réseau est gestionnaire.

d. Sur les avantages tirés

  1. La société SNCF Réseau fait valoir que le manquement procède davantage d'un défaut organisationnel et d'une insuffisante allocation des moyens humains et techniques qui seraient nécessaires au respect de son obligation, que d'une intention délibérée d'empêcher l'information et la transparence à l'égard des candidats. Pour autant, ne pas allouer tous les moyens humains et techniques qui seraient nécessaires pour satisfaire à l'obligation d'apporter une information, constitue un avantage pour l'entreprise.

2.6. Conclusion sur le montant de la sanction prononcée

  1. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'infliger à la société SNCF Réseau, en application de l'article L. 1264-9 1° précité du code des transports, une sanction pécuniaire d'un montant de deux millions d'euros.

Décide :


Historique des versions

Version 1

Sommaire

1. FAITS ET PROCÉDURE

1.1. Les décisions de règlement de différend nos 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013

1.2. Les plaintes reçues par l'Autorité concernant la méconnaissance par SNCF Réseau des décisions de règlement de différend nos 2013-016 à 2013-019

1.3. La décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau

1.4. Le suivi de l'exécution de la décision portant mise en demeure de SNCF Réseau

1.5. L'ouverture d'une procédure de sanction et la communication de l'exposé des griefs

1.6. La saisine de la Commission

2. DISCUSSION

2.1. Exposé du grief notifié à SNCF Réseau

2.2. Cadre technique et juridique de l'allocation des capacités sur le réseau ferroviaire

2.3. Observations des parties

2.3.1. Première série d'observations écrites des parties

2.3.2. Deuxième série d'observations écrites des parties

2.3.3. Troisième série d'observations écrites des parties

2.3.4. Quatrième série d'observations écrites de SNCF Réseau

2.4. Appréciation de la Commission

2.4.1. Sur la régularité de la saisine de la Commission

2.4.2. Sur le manquement reproché

2.5. Détermination de la sanction

2.5.1. Rappel des règles applicables

2.5.2. Appréciation du montant la sanction

2.6. Conclusion sur le montant de la sanction prononcée

1. Faits et procédure

1.1. Les décisions de règlement de différend nos 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013

1. Le 1er octobre 2013, l'Autorité a adopté les décisions nos 2013-016 à 2013-019 susvisées (ci-après les « décisions de règlement de différend »), portant sur les demandes formées respectivement par les sociétés Euro Cargo Rail (ECR, devenue, depuis le 15 septembre 2021, DB Cargo France), Régiorail, T3M et VFLI (devenue, depuis le 1er janvier 2021, Captrain France), candidats au sens de l'article L. 2122-11 du code des transports (2), dans le cadre de différends les opposant à Réseau Ferré de France (ci-après « RFF », devenu, depuis le 1er janvier 2015, SNCF Réseau).

2. Ces différends portaient notamment sur les procédures de traitement des demandes de capacités d'infrastructure, les candidats s'estimant victimes d'un préjudice lié à l'accès au réseau ferroviaire du fait de certaines défaillances du système d'allocation des sillons de RFF.

3. Dans ces décisions, l'Autorité a notamment enjoint au gestionnaire d'infrastructure :

- à compter de décembre 2013 et en dehors des cas d'urgence et de nécessité absolue prévus par l'article 25 du décret n° 2003-194, d'alerter les candidats en temps réel et de manière ciblée, en cas de modification ou de suppression d'un sillon-jour leur ayant été attribué de manière ferme, effectuée à l'initiative de RFF (article 5 des décisions) ;

- de respecter le délai de septembre 2014 annoncé au cours de l'instruction de ces procédures pour créer une alerte systématique et intelligible des candidats pour toute modification, suppression et affermissement de sillon-jour à partir de l'horaire de service 2015 (article 8 des décisions) ;

- d'informer de manière systématique, précise et intelligible les candidats des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pu leur être alloué (article 2 des décisions) ;

- de prendre en compte, dans ses réponses, toutes les tolérances exprimées par les candidats, qu'elles soient d'horaires ou d'itinéraires (article 4 des décisions) ;

- de proposer aux candidats une solution alternative en cas de suppression d'un de leurs sillons-jours attribués de manière ferme (article 6 des décisions).

1.2. Les plaintes reçues par l'Autorité concernant la méconnaissance par SNCF Réseau des décisions de règlement de différend nos 2013-016 à 2013-019

4. Les 13 et 20 juin 2019, cinq candidats (ECR, Linéas, Régiorail, T3M et VFLI), estimant subir depuis plusieurs années les conséquences de la méconnaissance par le gestionnaire d'infrastructure de certaines injonctions prononcées par les décisions de règlement de différend, ont saisi l'Autorité d'une demande d'ouverture d'une procédure en manquement à l'encontre de SNCF Réseau en application de l'article L. 1264-7 du code des transports.

5. Les entreprises plaignantes ont soutenu que SNCF Réseau méconnaissait :

- les articles 5 et 8 des décisions de règlement de différend, faute, d'une part, d'avoir alerté les candidats, à compter de décembre 2013, en temps réel et de manière ciblée, dès qu'elle modifiait ou supprimait, à son initiative, un sillon-jour ferme, d'autre part, d'avoir créé, à compter de septembre 2014, un outil informatique émettant une alerte systématique et intelligible pour toute modification, suppression et affermissement de sillon-jour ;

- l'article 2 des décisions des règlement de différend, en ne justifiant pas de manière systématique, précise et intelligible auprès des candidats des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu être attribué ;

- l'article 4 des décisions de règlement de différend, en ne prenant pas en compte systématiquement, dans ses réponses, les tolérances exprimées par les candidats lors des demandes de sillons ;

- l'article 6 des décisions de règlement de différend, en ne proposant pas systématiquement aux candidats une solution alternative en cas de suppression d'un sillon-jour attribué.

6. Compte tenu de ces éléments, l'Autorité a informé SNCF Réseau, par courrier du directeur des affaires juridiques en date du 9 juillet 2019, de l'ouverture de l'instruction d'une procédure en manquement pour méconnaissance des décisions de règlement de différend.

1.3. La décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau

7. Dans la décision de mise en demeure, l'Autorité a constaté que SNCF Réseau n'avait pas mis en œuvre les injonctions prononcées par les décisions de règlement de différend, rappelées aux points 3 et 5 de la présente décision, et l'a ainsi mise en demeure, sur le fondement des articles L. 1264-7 et L. 1264-8 du code des transports, de se conformer à ces décisions.

8. L'Autorité a constaté que :

- les candidats n'étaient toujours pas alertés systématiquement et en temps réel des modifications ou suppressions de sillons-jours effectuées à l'initiative du gestionnaire d'infrastructure et que les informations présentes dans les outils mis en place par SNCF Réseau n'étaient pas toujours intelligibles quant aux causes de ces modifications et suppressions ;

- quand bien même l'obligation de justifier chaque refus d'attribution de sillon était désormais inscrite dans le référentiel interne de SNCF Réseau relatif au contrôle de la conformité technique et commerciale, les candidats n'étaient, en pratique, pas toujours informés des obstacles ayant causé un refus d'attribution ;

- le gestionnaire d'infrastructure ne prenait pas systématiquement en compte, dans ses réponses, les tolérances exprimées par les candidats ;

- si la recherche d'une solution alternative en cas de suppression d'un sillon-jour était une obligation inscrite dans le référentiel de SNCF Réseau intitulé « Procédure de construction de l'horaire de service », elle n'était, en pratique, pas toujours respectée, ce qui laissait aux demandeurs la charge de rechercher et proposer eux-mêmes des solutions alternatives.

9. Compte tenu de ces éléments, l'Autorité, par sa décision n° 2020-035 du 28 mai 2020, a mis en demeure SNCF Réseau, dans un délai de trois mois à compter du 24 juin 2020, de :

- garantir que ses systèmes d'information envoient aux candidats une alerte systématique et intelligible pour toute modification, suppression et affermissement de sillon-jour (article 1er) ;

- garantir que les candidats soient informés de manière systématique, précise et intelligible des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu leur être alloué (article 2) ;

- prendre en compte, dans ses réponses, toutes les tolérances exprimées par les candidats, qu'elles soient d'horaires ou d'itinéraires, en justifiant les réponses hors tolérances (article 3) ;

- proposer aux candidats une solution alternative en cas de suppression d'un sillon-jour initialement attribué ferme (article 4).

1.4. Le suivi de l'exécution de la décision portant mise en demeure de SNCF Réseau

10. Aux termes du second alinéa de l'article L. 1264-8 du code des transports, « lorsque l'intéressé ne se conforme pas [à la mise en demeure prononcée par le collège de l'Autorité] dans le délai fixé (…), le collège de l'autorité peut décider de l'ouverture d'une procédure en sanction (…) ».

11. Afin de déterminer, en l'espèce, si SNCF Réseau s'était conformée aux injonctions prononcées dans la décision de mise en demeure, l'Autorité a procédé au suivi de l'exécution de celle-ci à partir du 24 septembre 2020. Ce suivi s'est traduit en particulier par :

- l'envoi de plusieurs mesures d'instruction aux plaignantes, à d'autres candidats et à SNCF Réseau, entre la fin de l'année 2020 et le mois de septembre 2022 ;

- l'audition des plaignantes et de SNCF Réseau, respectivement les 25 mars et 4 avril 2022.

12. Par ailleurs, dans deux courriers adressés au secrétaire général de l'Autorité, respectivement le 31 mai 2021 et le 29 avril 2022, SNCF Réseau a pris un certain nombre d'engagements relatifs aux injonctions prononcées par l'Autorité dans la décision de mise en demeure.

1.5. L'ouverture d'une procédure de sanction et la communication de l'exposé des griefs

13. Par décision n° 2022-078 du 20 octobre 2022, l'Autorité s'est prononcée sur le point de savoir si la société SNCF Réseau s'était conformée aux quatre injonctions prononcées dans la décision de mise en demeure.

14. Aux termes de cette décision, l'Autorité a décidé, s'agissant des injonctions prononcées aux articles 1er, 3 et 4 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau, de clore la procédure en manquement ouverte le 9 juillet 2019.

15. Elle a, en revanche, décidé d'ouvrir une procédure de sanction à l'encontre de SNCF Réseau « pour le non-respect de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau » aux motifs notamment que :

- « Il ressort des données chiffrées communiquées par SNCF Réseau, lors de l'instruction du suivi de l'exécution de la décision de mise en demeure, que le taux de refus d'attribution de sillons-jours demandés dans le cadre d'une DS, “non ou mal justifiés” selon SNCF Réseau, était, pour l'HDS 2022, soit postérieurement à l'expiration du délai imparti à l'article 2 de la décision de mise en demeure, de 14,5 %, et donc que les candidats n'étaient toujours pas informés de manière systématique, précise et intelligible des raisons pour lesquelles un sillon-jour ne leur avait pas été attribué » (3) ;

- « (…) SNCF Réseau ne s'est pas conformée à l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision de mise en demeure dans le délai [que l'Autorité] avait fixé et considère, en conséquence, qu'il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 1264-8 du code des transports, d'ouvrir une procédure de sanction relative à ce manquement, de notifier le grief correspondant à SNCF Réseau et d'en saisir la commission des sanctions » (4).

16. Par une annexe à la décision n° 2022-078 du 20 octobre 2022, portant exposé du grief relatif au non-respect par SNCF Réseau de l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau pour méconnaissance des décisions n° 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013, l'Autorité a précisé et notifié à SNCF Réseau le grief exposé aux points 87 à 90 de la décision du 20 octobre 2022.

1.6. La saisine de la Commission

17. La Commission a été saisie, le 17 novembre 2022, du grief relatif au non-respect de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020.

2. Discussion

2.1. Exposé du grief notifié à SNCF Réseau

18. Il résulte de l'exposé du grief relatif au non-respect, par SNCF Réseau, de l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau pour méconnaissance des décisions n° 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013, que :

- « Il ressort […] des données chiffrées communiquées par SNCF Réseau, dans sa dernière réponse du 31 janvier 2022 à la question n° 15 de la mesure d'instruction n° 6 de l'Autorité, que, sur 161 362 sillons-jours ayant été demandés, pour l'HDS 2022, dans le cadre d'une DS, et s'étant vus opposer un refus d'attribution (hors réponses de type “Irrecevable”), 25 645 sillons-jours refusés sont considérés par SNCF Réseau comme ayant été, selon ses propres termes, “non ou mal justifiés”, conduisant à un taux de 15,89 % » et qu'« (…) en définitive : / - Parmi les réponses à l'état “Irréalisable” et à l'état “Traitée” contenant des états courants du type “Sillon-jour non attribué” (soit 161 362 sillons-jours au total), 18 040 sillons-jours ne comportaient pas de justification et 7 605 sillons-jours étaient insuffisamment justifiés, corroborant le taux de 15,89 % ressortant des données communiquées par SNCF Réseau en réponse à la mesure d'instruction n° 6 ; / - En prenant en compte l'ensemble des situations, 14,5 % des réponses amenant SNCF Réseau à ne pas donner une suite favorable à un demandeur de capacité présentaient, selon les propres termes du gestionnaire d'infrastructure, un défaut de justification » (points 9 et 12) ;

- SNCF Réseau n'a « été en mesure ni de chiffrer le nombre de cas où, à défaut de figurer dans le champ “Commentaire réponse commerciale” de l'outil GESICO, la justification de certains refus d'attribution avait pu être portée dans l'une des fiches de tracé du sillon correspondant, mises à la disposition des candidats via cet outil, ni, a fortiori, de fournir des éléments de preuve à l'appui d'un tel chiffrage » (point 17) ;

- « (…) les justifications de refus d'attribution de sillons-jours pouvant figurer dans des fiches de tracé - lesquelles n'ont pas, au demeurant, été quantifiées par SNCF Réseau - ne peuvent, en tout état de cause, pas être auditées et prises en compte dans le calcul du taux de justification des refus d'attribution de sillons-jours. Elle note au surplus que SNCF Réseau a fourni, dans sa réponse à la mesure d'instruction n° 7, des éléments de nature à induire en erreur sur la réalité du taux de justification des refus d'attribution des sillons-jours, en laissant entendre que ce second canal de transmission constituait un élément à prendre en compte pour le calcul de ce taux, ce qui revenait à reconnaître que sa réponse à la question n° 15 de la mesure d'instruction n° 6, qui ne mentionnait pas lesdites fiches, était incomplète » (point 19) ;

- « Il ressort ainsi des éléments qui précèdent que, selon les données chiffrées communiquées par SNCF Réseau lors de l'instruction du suivi de l'exécution de la décision de mise en demeure, le taux de refus de sillons-jours “non ou mal justifiés” était, pour l'horaire de service 2022, soit postérieurement à l'expiration du délai imparti à l'article 2 de la décision de mise en demeure, de 14,5 %, ce qui est significatif » (point 20) ;

- « (…) lors de son audition du 4 avril 2022, SNCF Réseau a admis qu'un taux de 100 % de réponses précises et intelligibles serait atteignable “à condition d'avoir plus de temps-agent disponible pour produire une réponse parfaitement motivée (et les contrôler)”. Elle a cependant indiqué qu'un tel taux ne pourrait pas être atteint pour l'HDS 2023, considérant que “cela prendra plusieurs années de pédagogie auprès des agents” » (point 21) ;

- « (…) outre que le manquement constaté par l'Autorité dans la décision de mise en demeure a persisté au-delà du délai imparti à SNCF Réseau à l'article 2 de cette décision, [les engagements pris par SNCF Réseau dans son courrier du 29 avril 2022] ne sont pas de nature à garantir que SNCF Réseau se conformera dans les plus brefs délais à l'injonction prononcée à cet article, elle-même procédant de décisions de règlement de différend datant de 2013 » (point 23).

19. Il appartient par conséquent à la Commission de rechercher si le grief ainsi notifié à SNCF Réseau est caractérisé.

2.2. Cadre technique et juridique de l'allocation des capacités sur le réseau ferroviaire

20. Le réseau ferré national constitue une infrastructure dont la gestion est confiée en monopole à SNCF Réseau (5).

21. Cette infrastructure dispose, indépendamment des travaux de modernisation dont elle fait l'objet, d'une capacité intrinsèque maximale d'utilisation, conditionnée notamment par (i) le nombre de voies, (ii) la vitesse maximale d'exploitation et (iii) le système d'espacement des circulations.

22. Ces contraintes, conjuguées à l'expression multiple des besoins exprimés, d'une part, par les candidats, en termes de circulations, et d'autre part par SNCF Réseau, en sa qualité de gestionnaire d'infrastructure, notamment aux fins d'opérer les travaux de maintenance, rendent nécessaire la partition capacitaire de l'infrastructure selon (i) un lieu d'origine vers un (ii) lieu d'arrivée, (iii) une périodicité de circulation, et (iv) un parcours défini par une heure de départ, une heure d'arrivée et des points horaires de passage conditionnant la vitesse de circulation.

23. Cette partition de la capacité ainsi obtenue est dénommée « sillon » (6). Le plus souvent, le sillon s'applique à plusieurs jours de circulation. Pour un jour de circulation pris isolément, il est dénommé « sillon-jour » (7). Le sillon matérialise donc le droit d'accès au réseau ferroviaire et correspond, en réponse à la demande de capacité initialement exprimée par le candidat, à un ensemble de capacités allouées par SNCF Réseau, pour une période donnée, selon la capacité réelle disponible du réseau.

24. Pour un sillon donné, l'ensemble de la phase de commande, de suivi d'attribution et d'adaptation opérationnelle est dénommé « vie du sillon » (ci-après « VDS »).

25. L'encadrement juridique de l'accès au réseau ferroviaire résulte en premier lieu de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 modifiée établissant un espace ferroviaire unique européen (ci-après la « directive 2012/34/UE »). Celle-ci prévoit, d'une part, que les entreprises ferroviaires disposent d'un « droit d'accès, à des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes, à l'infrastructure ferroviaire » (8), et d'autre part, que le système de répartition des capacités (9) de cette infrastructure permette à son gestionnaire de « commercialiser les capacités de l'infrastructure disponibles et d'en faire une utilisation effective et optimale » (10).

26. Par ailleurs, la directive précise à son chapitre IV les principes et procédures applicables à la répartition des capacités. Elle prévoit, pour assurer un accès transparent et non discriminatoire au réseau ferroviaire, l'établissement et la publication par le gestionnaire de l'infrastructure, d'un document de référence du réseau (ci-après « DRR »), exposant les caractéristiques de l'infrastructure mise à disposition des entreprises ferroviaires et les informations précisant les conditions d'accès à celle-ci (11).

27. La directive 2012/34/UE a, s'agissant des conditions d'accès au réseau ferré national, dont SNCF Réseau est gestionnaire d'infrastructure, été transposée en droit national en particulier par les dispositions législatives du code des transports consacrées aux « règles générales d'accès au réseau » (12) ainsi que par le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferroviaire. Les règles d'allocation des capacités et le DRR sont notamment régis par les articles L. 2122-4-1 et L. 2122-5 du code des transports et par les articles 16-2 et suivants du décret n° 2003-194 précité.

28. L'article 18 dudit décret dispose notamment que lorsqu'il répartit les capacités d'infrastructure, le gestionnaire d'infrastructure « a) Définit et évalue les capacités disponibles (…) ; / c) Attribue aux candidats, selon les modalités définies aux articles suivants, chaque sillon correspondant à la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné entre deux points du réseau pendant une période de temps donnée (…) ».

29. Aux termes de l'article 17 de ce même décret, le DRR comprend notamment un chapitre « sur les principes et les critères de répartition des capacités d'infrastructure. Ce chapitre expose les grandes caractéristiques des capacités d'infrastructure mises à la disposition des entreprises ferroviaires et précise les restrictions éventuelles qui en limitent l'utilisation, notamment les contraintes prévisibles imposées par l'entretien du réseau. Il précise également les procédures et délais relatifs à la répartition des capacités. Il contient les critères spécifiques applicables à cette répartition, et notamment : / a) Les procédures d'introduction par les candidats des demandes de capacités auprès du gestionnaire d'infrastructure ; / b) Les exigences auxquelles les candidats doivent satisfaire ; / c) Les délais applicables aux procédures de demande et de répartition, les procédures à suivre pour demander des informations sur la programmation et les procédures de programmation des travaux d'entretien prévus et imprévus ; / d) Les principes régissant le processus de coordination et le système de règlement des litiges mis à disposition dans le cadre de ce processus ; / e) Les procédures à suivre et les critères à appliquer lorsque l'infrastructure est saturée ; / f) Des détails sur les restrictions imposées à l'utilisation des infrastructures ; / g) Les règles concernant la prise en compte des niveaux antérieurs d'utilisation des capacités pour déterminer les priorités lors du processus de répartition (…) ».

30. Pratiquement, le DRR prévoit (13) que l'élaboration de l'horaire de service (ci-après « HDS ») (14) s'organise autour de quatre étapes successives - pour lesquelles « A » désigne l'année civile de référence de l'HDS - et dont seules les deux dernières concernent la présente décision :

- de A-6 à avril A-2 : une phase dite de « structuration de la capacité du graphique (15) » ;

- de mai A-2 à mi-décembre A-2 : une phase dite de « pré-construction du graphique » ;

- de mi-décembre A-2 à mi-septembre A-1 : une phase dite de « construction » de l'HDS ;

- de mi-septembre A-1 à mi-décembre A : une phase dite « d'adaptation » de l'HDS.

31. Le processus proprement dit d'allocation des sillons, dans le cadre duquel les demandeurs de capacités peuvent formuler leurs commandes, commence à compter de mi-décembre A-2, concomitamment à la publication du DRR (16) de l'année A.

32. A partir de cette étape, les demandeurs peuvent formuler des commandes de sillons tout au long de l'avancée du processus et ce jusqu'au jour de la circulation envisagée au cours de l'HDS (17). Ces demandes sont intitulées et traitées différemment en fonction du moment où elles sont émises. Le DRR précise ainsi le calendrier dans lequel SNCF Réseau apporte des réponses aux demandes exprimées (18) :

- lors de la première phase du processus d'allocation des sillons, se déroulant entre mi-décembre A-2 et mi-avril A-1, les candidats formulent une première catégorie de demandes de sillons, intitulées « demandes au service » (ci-après « DS ») auxquelles SNCF Réseau répond en publiant le projet d'HDS en juillet A-1 ;

- entre mi-avril et mi-septembre A-1 les candidats formulent une deuxième catégorie de demandes de sillons appelées « demandes tardives au service » (ci-après « DTS ») auxquelles SNCF Réseau répond avant mi-novembre A-1 (19) ;

- entre mi-septembre et J-8 de la circulation projetée, les candidats formulent une troisième catégorie de demandes de sillons appelées « demandes au service en adaptation » (ci-après « DSA ») auxquelles SNCF Réseau répond sous 30 jours ;

- entre J-7 et J les candidats formulent une quatrième catégorie de demandes de sillons appelées « demandes de sillon de dernière minute » (ci-après DSDM) auxquelles SNCF Réseau répond sous 7 jours calendaires (20).

33. Le traitement des demandes est donc priorisé selon le type de demande, les DS étant traitées avant les DTS (21), lesquelles sont elles-mêmes traitées avant les DSA et les DSDM. En d'autres termes, plus la demande est tardive, plus la capacité résiduelle du réseau se réduit pour, éventuellement, devenir nulle selon les axes ou les horaires demandés.

34. Enfin, SNCF Réseau met en œuvre cette procédure au moyen de plusieurs systèmes d'information (ci-après « SI »). Les commandes de sillons sont formulées par les candidats dans le SI dénommé « GESICO ». Le traitement et les réponses apportées sont gérés par les horairistes de SNCF Réseau et apparaissent dans ce même SI.

35. Les réponses commerciales apportées par SNCF Réseau dans GESICO aux commandes de sillons sont constituées :

- d'un état global caractérisant le traitement de la demande (22) :

- les réponses à l'état « irréalisable » désignent le refus global de la demande de sillon, pour un motif lié à une capacité résiduelle insuffisante, du fait de conflits avec des travaux ou d'autres sillons ;

- les réponses à l'état « irrecevable » désignent le refus global de la demande de sillon pour un motif lié au caractère incohérent ou insuffisamment précis de la demande, ou à sa non-conformité avec les règles du DRR ;

- les réponses à l'état « traité » désignent une acceptation de la demande, bien que la réponse puisse être adaptée par l'horairiste par des variantes et avoir des trous de régime (23) sur certains sillons-jours de la demande de sillon ;

- d'un commentaire général ainsi que de l'indication (i) des jours de circulation attribués et des fiches de tracé associées, (ii) des jours pour lesquels une étude reste nécessaire et prévue (24) et (iii) des jours pour lesquels aucun sillon n'a pu être attribué.

2.3. Observations des parties

36. Les sociétés SNCF Réseau, Captrain France, T3M et DB Cargo France ont produit plusieurs observations écrites devant la Commission. Les sociétés Linéas et Régiorail n'ont formulé aucune observation.

2.3.1. Première série d'observations écrites des parties

a. Observations n° 1 de SNCF Réseau

37. La société SNCF Réseau demande sa mise hors de cause.

38. Elle relève à titre liminaire que, alors qu'en application de l'article L. 1264-7 1° du code des transports, seul le non-respect d'une décision de règlement de différend dans les délais requis est passible d'une sanction, le collège de l'Autorité a quant à lui fondé son grief sur le non-respect de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portant mise en demeure de SNCF Réseau.

39. Elle soutient également que le grief n'est pas fondé en faisant valoir, en premier lieu, qu'elle a mis en œuvre un ensemble complet de mesures à l'effet de se conformer à l'injonction qui lui a été adressée (i) en inscrivant l'obligation de justification systématique, précis et intelligible des refus d'octroi de sillons-jours dans les référentiels-métiers des agents en charge de la production horaire ; (ii) en rappelant, lors de la réunion de lancement de la construction de l'horaire de service annuel, la nécessité d'apporter une justification systématique, intelligible et précise des refus d'attribution des sillons-jours ; (iii) en renforçant la formation, initiale et continue, des horairistes, quant à l'exigence de justifier les refus d'allocation de sillons ; et (iv) en mettant en œuvre des actions de management de la qualité, notamment par la mise en place d'un programme de contrôle systématique des réponses saisies dans GESICO.

40. En deuxième lieu, la société SNCF Réseau soutient satisfaire à l'obligation d'une information systématique, précise et intelligible des candidats sur les motifs de refus d'allocation de sillons.

41. Premièrement, elle fait valoir que l'injonction formulée par l'Autorité dans ses décisions de règlement de différend du 1er octobre 2013 laissait toute liberté à SNCF Réseau pour déterminer les moyens de parvenir à l'amélioration de l'information des candidats, et notamment n'imposait pas de recourir à un canal d'information unique. Elle ajoute que, par cette injonction, elle était tenue d'atteindre un objectif d'information des candidats, mais était libre de déterminer les modalités selon lesquelles cet objectif serait atteint.

42. Deuxièmement, SNCF Réseau soutient : (i) que les motifs de refus d'allocation de sillons figurent, par principe, en commentaire de la réponse commerciale sur la plateforme GESICO ; (ii) que, rapportés aux nombre total de sillons demandés pour l'HDS 2022, les sillons ayant fait l'objet d'un refus d'attribution insuffisamment justifié dans le champ « commentaire » de GESICO, ne représentent que 0,4 % des sillons-jours commandés ; (iii) et que cette part a encore diminué pour l'HDS 2023, pour ne représenter plus que 0,1 % du nombre de sillons-jours commandés.

43. Troisièmement, SNCF Réseau fait valoir que les motifs de refus d'allocation de sillons-jours figurent, à tout le moins, pour les « trous de régime », dans les fiches de tracé sur GESICO et, par conséquent, que l'absence de réponse commerciale ou son insuffisance n'implique pas un défaut de justification d'un refus d'allocation de sillon. Elle ajoute que (i) les informations contenues dans les fiches de tracé peuvent également être consultées par les candidats sur l'outil SIPH en consultation ; (ii) l'utilisation des fiches de tracé n'a rien de « malaisée » pour les candidats ; (iii) la plupart des demandes de services ne comporte qu'un nombre extrêmement faible de fiches de tracé. Elle précise également que (i) l'essentiel des sillons-jours dont le refus a été insuffisamment justifié dans la réponse commerciale ont donné lieu à des fiches de tracés ; (ii) sur un échantillon de 100 fiches de tracé, 82 d'entre elles comportent une information précise et intelligible des motifs de refus ; (iii) la majorité des sillons-jours non-attribués et insuffisamment justifiés dans champ « commentaire » de la réponse commerciale a finalement été retracée et attribuée, ce qui prouve que les candidats ont été en mesure d'adapter leur demande pour recevoir une réponse favorable.

44. Elle en conclut que c'est à tort que le collège de l'Autorité s'est fondée sur le taux de 14,5 % de réponses non ou mal justifiées pour l'HDS 2022 pour considérer que SNCF Réseau ne s'était pas conformée à l'injonction prononcée, d'une part parce que ce taux ne représente qu'un nombre marginal (0,4 %) des sillons-jours commandés en construction pour l'HDS 2022, d'autre part, parce que ce taux ignore les motifs de refus figurant dans les fiches de tracé de sorte que, pour l'HDS 2022, ce ne sont au maximum que 0,2 % des sillons-jours commandés qui n'ont pas été attribués par SNCF Réseau avec une justification suffisante.

45. En troisième lieu, la société SNCF Réseau fait valoir que les motifs de refus d'allocation de sillons-jours font en outre l'objet d'un dialogue industriel entre SNCF Réseau et les candidats, par lequel ces derniers peuvent bénéficier d'un complément d'information sur les raisons ayant conduit à une non-attribution des sillons.

46. En conclusion, la société SNCF Réseau fait valoir que : (i) l'accès des candidats à l'infrastructure n'est pas affecté par le manquement allégué et que l'incidence de ce manquement est, du point de vue de l'accès au réseau, résiduelle car la cause de l'impossibilité pour un candidat d'accéder au réseau est avant tout une réponse défavorable, peu important sa justification ; (ii) la conformité absolue des justifications de refus d'allocation de sillons-jours est, en tout état de cause, impossible à garantir pour le gestionnaire d'infrastructure ; (iii) elle continuera de respecter les engagements pris pendant l'instruction de la procédure en manquement pour se conformer à ses obligations ; (iv) elle ne retire aucun avantage du manquement qui lui est reproché.

b. Observations n° 1 des sociétés Captrain France, T3M et DB Cargo France

47. Les sociétés Captrain France, T3M et DB Cargo France soutiennent ne toujours pas être informées de manière systématique, précise et intelligible, des raisons pour lesquelles un sillon-jour ne leur est pas attribué.

48. La société Captrain France fait valoir que, pour l'HDS 2022, n'ont pas été, ou ont été mal justifiés, un refus de demande au service (sur 20 refus opposés aux 176 DS émises) et 40 refus de DSA (sur 113 refus opposés aux 365 DSA émises). En revanche, sur les 19 DTS émises, les 7 ayant fait l'objet d'un refus ont été correctement justifiés.

49. Elle ajoute ne pas pouvoir fournir les statistiques pour les DSDM, faute pour le SI de GESICO de permettre l'extraction des justifications apportées aux refus d'allocation des sillons. Elle précise que, pour l'HDS 2022, sur un total de 17 519 DSDM émises, 2 859 ont été refusées pour cause d'« incompatibilité autre sillon ou travaux », et fournit un exemple de DSDM de l'HDS 2022 dont le refus n'a pas été correctement justifié par SNCF Réseau.

50. La société T3M fait valoir que pour l'HDS 2023, sur 23 DSA, trois ont été refusées sans justification suffisante. Elle ajoute également fournir une illustration d'une DS dont 46 sillons-jours n'ont été traités que partiellement par SNCF Réseau et sont donc inexploitables pour T3M.

51. La société DB Cargo France fait valoir, à titre d'exemples, que (i) pour l'HDS 2023, dans le cadre d'une DSA portant sur 15 sillons-jours, 4 sillons-jours n'ont fait l'objet d'aucune justification, y compris dans les fiches de tracés et que (ii) pour l'HDS 2022, dans le cadre de DSDM, deux sillons-jours ont été refusés de manière insuffisamment justifiée.

52. Enfin, les sociétés Captrain France, T3M et DB Cargo France précisent que la justification de certains refus d'attribution ne saurait être recherchée dans les fiches de tracés, puisqu'aucun moyen ne permet aux candidats d'identifier les fiches contenant la justification d'éventuels refus d'attribution opposés pour certains jours de circulation, de sorte que les candidats doivent consulter l'ensemble des fiches de tracé pour retrouver cette information, ce qui peut s'avérer fastidieux voire irréalisable compte tenu du nombre parfois très important de telles fiches par sillon. La société T3M se prévaut, pour exemple, des difficultés rencontrées pour obtenir l'information recherchée s'agissant d'un sillon comportant 124 fiches de tracé.

2.3.2. Deuxième série d'observations écrites des parties

a. Observations n° 2 de SNCF Réseau

53. SNCF Réseau fait valoir qu'en phase d'adaptation : (i) les candidats sont en mesure de comprendre les raisons des refus d'attribution de sillons au moyen des outils SIPH et SEE-TRAINS puisqu'ils sont informés des obstructions à la circulation ; (ii) en application de l'article 23 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 SNCF Réseau n'est pas tenue à une obligation d'apporter une réponse à une demande émise en phase d'adaptation ; (iii) et que la réalité opérationnelle oblige SNCF Réseau à traiter dans des délais contraints de très nombreuses DSA.

54. Elle ajoute ne pas pouvoir fournir de statistiques détaillées sur la qualité des réponses apportées aux DTS et aux demandes formulées en phase d'adaptation, mais qu'il ressort des observations des entreprises ferroviaires que la part des refus non ou mal justifiés n'est pas significative.

55. En réponse aux observations n° 1 de T3M, SNCF Réseau fait valoir (i) que, sur les trois DSA de l'HDS 2023 évoquées par T3M, deux ont fait l'objet d'un refus correctement justifié, SNCF Réseau admettant une erreur pour la troisième ; et (ii) que, s'agissant des deux DS de l'HDS 2023 évoquées par T3M, pour la première, le raisonnement de celle-ci est contradictoire et le dialogue industriel a permis in fine de donner satisfaction au client et, pour la seconde, que l'exemple cité ne fait pas référence à un refus d'attribution mais à une adaptation pour cause de travaux.

56. En réponse aux observations n° 1 de DB Cargo France, SNCF Réseau fait valoir (i) que, s'agissant de la DSA portant sur 15 sillons-jours, trois seulement ont fait l'objet d'un refus d'attribution, avant d'être finalement attribués et (ii) que, s'agissant des deux exemples de DSDM, les refus opposés étaient suffisamment justifiés.

57. En réponse aux observations n° 1 de Captrain France, SNCF Réseau fait valoir que, parmi les illustrations de demandes de sillons non ou mal justifiés, invoquées par Captrain France, plusieurs concernent des sillons qui, soit ont en réalité obtenu une réponse favorable, soit ont été refusés pour des motifs conformes et intelligibles.

58. SNCF Réseau conclut que, hormis de rares cas de refus ayant donné lieu à des erreurs matérielles de justification, la quasi-totalité des réponses défavorables ont été assorties de justifications précises et intelligibles.

b. Observations n° 2 de Captrain France et T3M

59. En réponse aux observations n° 1 de SNCF Réseau, les sociétés Captrain France et T3M font valoir que c'est à bon droit que l'Autorité s'est fondée sur l'article L. 1264-7 1° du code des transports pour saisir la Commission car SNCF Réseau ne respecte toujours pas l'obligation d'informer de manière systématique, précise et intelligible les raisons des refus d'attribution de sillon-jour, alors qu'elle a été mise en demeure de le faire dans un délai de trois mois à compter du 24 juin 2020.

60. Elles ajoutent que si SNCF Réseau soutient que seuls 0,2 % du nombre total de sillons-jours commandés pour l'HDS 2022 auraient fait l'objet de refus insuffisamment justifiés, ce taux ne reflète pas la réalité opérationnelle d'une entreprise ferroviaire du secteur du fret, dès lors que ce pourcentage prend en compte le nombre total de sillons-jours commandés tant au titre des activités frets que des activités voyageurs, les premières ne représentant qu'un nombre très limité de sillons-jours par rapport aux secondes. Elles relèvent également que les données retenues par SNCF Réseau ne concernent que la phase de construction de l'HDS et non la phase d'adaptation.

61. Elles précisent enfin que SNCF Réseau focalise son argumentaire sur la phase de construction de l'HDS, alors que l'injonction posée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 portait sur les DS, les DTS, les DSA et les DSDM. Elles indiquent avoir produit des éléments prouvant que des refus d'attribution de DS, mais aussi de DSA, de DTS ou de DSDM étaient mal justifiés. La société T3M ajoute fournir deux exemples de DSDM dont les refus sont non justifiés. Elle ajoute enfin fournir un exemple selon lequel les fiches de tracé ne permettent pas au candidat d'obtenir, sans difficulté, une information systématique, précise et intelligible.

2.3.3. Troisième série d'observations écrites des parties

a. Observations n° 3 de SNCF Réseau

62. En réponse aux observations n° 2 des entreprises ferroviaires, SNCF Réseau fait valoir que, pour apprécier le pourcentage de sillons-jours refusés sans justification suffisante, il convient de se rapporter tant aux activités fret que voyageurs, dès lors que l'injonction formulée par l'Autorité porte sur l'ensemble des activités. Elle ajoute qu'en tout état de cause il n'existe pas d'écart significatif, dans la justification des refus, entre les activités fret et voyageurs.

63. Elle précise également ne pas contester que l'injonction prononcée porte tant sur la phase de construction que d'adaptation de l'horaire de service, mais que les nouveaux exemples de DSDM insuffisamment justifiés fournis par T3M, d'une part sont isolés, ce qui ne permet pas de tirer une conclusion sur le respect, par SNCF Réseau de son obligation de délivrer une information précise, systématique et intelligible des refus d'attribution, d'autre part, ne sont pas pertinents car les commentaires étaient conformes et comprenaient la localisation des travaux, et que la société T3M pouvait, grâce à l'outil informatique SEE-TRAINS constater la présence des travaux.

64. La société SNCF Réseau fait enfin valoir que c'est à tort que la société T3M fait état des difficultés de consultation des fiches de tracé. Elle soutient en effet qu'il n'est pas nécessaire d'ouvrir l'intégralité des fiches de tracé pour comprendre un refus d'attribution qui n'aurait pas été justifié dans le champ « commentaire » de GESICO, mais simplement de consulter les seules fiches de tracé dont la date de réception dans GESICO est comprise entre la date d'émission de la demande concernée, pour les DTS et DSA, et la date de réponse par SNCF Réseau au client.

b. Observations n° 3 de Captrain France et de T3M et observations n° 2 de DB Cargo France

65. En réponse aux observations n° 2 de SNCF Réseau, les sociétés Captrain France, T3M et DB Cargo France soutiennent que SNCF Réseau ne peut soutenir que les candidats pourraient obtenir des justifications dans les outils informations SIPH et SEE-TRAINS, puisque ceci conduit à renverser, sur les candidats, la charge de travail incombant au gestionnaire d'infrastructure. Elles ajoutent que SNCF Réseau ne saurait se prévaloir de l'article 23 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 pour s'exonérer de son obligation car, d'une part, la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020 impose cette obligation sans distinguer phase de construction et phase d'adaptation, d'autre part SNCF Réseau répond parfois favorablement aux DSA postérieurement au délai faisant naître, en application de cet article, une décision implicite de rejet, de sorte que le silence de SNCF Réseau ne vaut pas systématiquement rejet de la demande.

66. La société Captrain France ajoute que, s'agissant des statistiques de DS, DSA et DTS de l'HDS 2022 qu'elles a produites dans ses observations n° 1, SNCF réseau ne s'est prononcée, en réponse, que sur les sillons-jours ayant finalement été attribués, mais ne s'est pas prononcée sur les exemples de refus d'attribution peu ou mal justifiés. Elle fait valoir que 4 % des commandes totales de DS, DSA et DTS exprimées ont fait l'objet de refus non ou mal justifiés, soit 22 % du nombre de commandes irréalisables, irrecevables ou traitées partiellement. Elle précise également que, s'agissant des refus d'attribution de DSDM, elle a d'ores et déjà réussi à présenter 20 exemples de refus d'allocation mal justifiés de sillons-jours en DSDM sur les premiers mois de l'HDS 2022 (« pas de capacité », « travaux »).

67. La société T3M ajoute que la consultation des fiches de tracé est un exercice fastidieux, que le dialogue mené entre SNCF Réseau et les candidats ne remet pas en cause l'absence de motivation systématique des refus d'allocation et que SNCF Réseau reconnait une erreur dans la non-justification d'un refus de sillon. Elle ajoute enfin produire un nouvel exemple de DSA pour le HDS 2023, n'ayant été attribué que partiellement, sans justification.

68. La société DB Cargo France ajoute qu'il existe des améliorations sensibles de la part de SNCF Réseau mais que celle-ci reconnaît malgré tout, à propos de l'illustration de DSA invoquée par la société DB cargo France, des erreurs matérielles dans les réponses apportées. La société DB Cargo précise qu'elle n'a pu, dans ce cas particulier, adapter son plan de transport qu'au prix d'une mobilisation, chronophage et coûteuse, de ses équipes. S'agissant des illustrations de DSDM, la société DB Cargo conteste la position de la société SNCF Réseau, au motif qu'elle impliquerait que les candidats devraient disposer, en interne, des compétences de personnels de SNCF Réseau pour tracer des sillons. Elle précise enfin attendre du gestionnaire d'infrastructure un dialogue efficace pour des dégager des solutions, plus particulièrement en DSDM.

2.3.4. Quatrième série d'observations écrites de SNCF Réseau

69. Ayant été invitée par la Commission à produire des observations sur le quantum d'une éventuelle sanction pécuniaire, la société SNCF Réseau a fait valoir, à supposer que le manquement serait établi, que :

- le principe de proportionnalité implique de prendre en compte la gravité, la nature et la durée du manquement et l'existence d'éventuelles circonstances atténuantes et qu'au cas présent, le taux de refus insuffisamment justifiés, qui ne s'élève qu'à 0,4 % des sillons commandés en construction pour l'HDS 2022 et à 0,1 % pour l'HDS 2023, ne saurait caractériser un manquement grave ;

- elle a déployé ses meilleurs efforts et adopté une démarche active et responsable pour délivrer une information précise, systématique et intelligible aux candidats, et qu'elle s'est conformée aux instructions de l'Autorité tout au long de la procédure ;

- le manquement, s'il était retenu, ne compromettrait pas l'accès au réseau ferroviaire puisque (i) il n'est pas établi que le défaut d'information des candidats aurait compromis leurs plans de transport ; (ii) une part significative des sillons refusés aux termes d'une motivation insuffisante ont in fine été alloués aux candidats ; (iii) l'absence de préjudice pour les candidats est confortée par le taux très faible de sillons dont le refus a été insuffisamment motivé et qui n'ont pas été retracés in fine (0,2 % pour l'HDS 2022). En tout état de cause, les candidats disposent des outils pour adapter leur plan de transport et ont reconnu l'efficacité du dialogue industriel ;

- elle ne retire aucun avantage du manquement.

2.4. Appréciation de la Commission

2.4.1. Sur la régularité de la saisine de la Commission

70. SNCF Réseau faire valoir que c'est à tort que l'Autorité s'est fondée sur le non-respect de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020, portant mise en demeure de SNCF Réseau, pour décider de l'ouverture d'une procédure de sanction, alors qu'en application de l'article L. 1264-7 1° du code des transports, seul le non-respect, « dans les délais requis », d'une décision prise par le collège de l'Autorité en matière de règlement de différend serait susceptible d'être sanctionné.

71. Aux termes de l'article L. 1264-7 du code des transports, « [s]ont sanctionnés dans les conditions prévues par la présente section : / 1° Le non-respect, dans les délais requis, d'une décision prise par le collège de l'Autorité de régulation des transports en application des sections 2 à 4 du chapitre III du présent titre (…) », c'est-à-dire, notamment, le non-respect, dans les délais requis, d'une décision de règlement de différend en matière de transport ferroviaire, prise par le collège de l'Autorité.

72. Par ailleurs, l'article L. 1264-8 du même code dispose que « Lorsque le collège de l'Autorité de régulation des transports constate l'un des manquements mentionnés à l'article L. 1264-7, il met en demeure l'intéressé de se conformer à ses obligations dans un délai qu'il détermine. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai fixé ou fournit des renseignements incomplets ou erronés, le collège de l'autorité peut décider de l'ouverture d'une procédure de sanction. Il notifie alors les griefs à l'intéressé et en saisit la commission des sanctions, qui se prononce dans les conditions prévues aux articles L. 1264-9 et L. 1264-10 ».

73. Il résulte de ces dispositions que le collège de l'Autorité peut décider de l'ouverture d'une procédure de sanction lorsque, ayant constaté un manquement mentionné à l'article L. 1264-7 précité - tel que le non-respect, dans les délais requis, d'une décision de règlement de différend en matière de transport ferroviaire - l'intéressé ne se conforme pas, dans le délai fixé, à la mise en demeure qui lui a été faite de se conformer à ses obligations.

74. En l'espèce, le collège de l'Autorité a, d'une part, constaté dans la décision n° 2020-035 du 28 mai 2020, que la société SNCF Réseau n'informait pas de manière systématique, précise et intelligible les candidats des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu leur être attribué, et ce en méconnaissance de l'article 2 des décisions de règlement de différend du 1er octobre 2013, lequel a enjoint à RFF (devenu SNCF Réseau) de fournir aux candidats, sans condition de délai et donc immédiatement, une telle information. Il a, d'autre part, constaté le non-respect, par SNCF Réseau, du délai pour se conformer à ses obligations qui a été fixé par la décision de mise en demeure du 28 mai 2020.

75. Il s'ensuit que la Commission est régulièrement saisie.

2.4.2. Sur le manquement reproché

2.4.2.1. Sur la portée de l'obligation mise à la charge de SNCF Réseau

76. Il convient, pour apprécier la caractérisation, par la société SNCF Réseau, du manquement qui lui est reproché, de préciser au préalable la portée et l'étendue de son obligation.

77. Aux termes de l'article 2 de la décision de mise en demeure n° 2020-035 du 28 mai 2020, SNCF Réseau a l'obligation « dans un délai de trois mois à compter du 24 juin 2020, de garantir que les candidats soient informés de manière systématique, précise et intelligible des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu leur être alloué ».

78. Il en résulte, premièrement, que la société SNCF Réseau était tenue d'obtempérer à cette mise en demeure au plus tard le 25 septembre 2020. Il s'ensuit que le constat du non-respect, à cette échéance, de la mise en demeure, est de nature à caractériser un manquement.

79. Deuxièmement, il résulte du même article 2 - et ce point n'est pas contesté par la société SNCF Réseau (25) - que la mise en demeure n'était limitée ni à une catégorie de candidats (de sorte qu'elle portait tant sur les activités fret que voyageurs), ni à une catégorie de demandes de sillons-jours, de sorte qu'elle portait sur les demandes formulées par les candidats tant en phase de construction qu'en phase d'adaptation de l'horaire de service et recouvrait ainsi les DS, les DSA, les DTS et les DSDM.

80. Troisièmement, si, comme le soutient SNCF Réseau, celle-ci était libre de déterminer les moyens à mettre en place pour se conformer à ses obligations, et s'il ne lui était pas imposée de retenir un canal spécifique ou unique d'information au profit des candidats, le respect de l'obligation mise à la charge de SNCF Réseau suppose de s'assurer que les différents canaux mis en œuvre garantissent de manière effective aux candidats une information « systématique, précise et intelligible » des raisons pour lesquelles un sillon-jour ne leur a pas été alloué.

81. Quatrièmement, la mise en demeure met à la charge de SNCF Réseau l'exigence d'une information « précise et intelligible ».

82. Il résulte des décisions de règlement de différends précitées du 1er octobre 2013 qu'une amélioration de la réponse des horairistes « peut permettre au demandeur de formuler une meilleure demande en adaptation », de sorte que l'exigence d'information précise et intelligible doit se faire « a minima à l'aide : / - d'une caractérisation type permettant de décrire la difficulté à l'origine du refus (à l'instar de ce qui se pratique dans la régulation du trafic pour décrire les causes du retard des trains) ; / - de la localisation géographique de cette difficulté » (26).

83. Comme le précise d'ailleurs le référentiel interne de SNCF Réseau, s'agissant des réponses « irréalisables », « un motif vague tel que « capacité résiduelle insuffisante » n'est pas acceptable : s'il n'est pas possible de tracer l'ensemble des commandes sur une section de ligne déterminée, l'horairiste doit ouvrir un cas Redmine de façon à ce que le PNTC organise une coordination de l'ensemble des demandes concernées » (27). L'article 315.1.2 de ce même référentiel précise que « L'horairiste a la possibilité d'apporter tout commentaire libre dans le champ commentaire pour expliciter plus précisément la réponse apportée. Ces commentaires à destination des demandeurs de sillon, doivent être le plus clair et précis possible pour être compréhensibles par des personnes externes à la sphère horaire. Par conséquent, les abréviations et autres langages internes à la sphère horaire sont à proscrire (exemple : cf mail de xxx, redmine n° xxx). En particulier, un commentaire libre est obligatoire en cas de réponse « attribution partielle, groupée, irrecevable, irréalisable, de façon à fournir au demandeur du sillon toutes les informations nécessaires pour comprendre le sens de la réponse et de manière à lui permettre d'adapter sa demande (DTS, DSA) ou éventuellement d'en contester la réponse (observations) » (28). Ce référentiel précise dans son annexe 19, pour chaque type de demande (irrecevable, irréalisable, attribution partielle…), les mentions types que doivent comprendre les commentaires (29).

84. Ainsi, l'exécution de l'obligation mise à la charge de SNCF Réseau suppose qu'un motif précis et circonstancié du refus opposé, tel que la cause et la localisation d'un conflit de capacité, soit indiqué au candidat pour lui permettre de présenter utilement, le cas échéant, une nouvelle demande de sillon-jour, ou de contester la décision prise.

85. Par ailleurs, et sauf à la priver de toute portée utile, l'obligation de délivrer une information « précise et intelligible » ne saurait être regardée comme remplie dans l'hypothèse où l'utilisation ou la manipulation des canaux d'information mis en place par SNCF Réseau seraient complexes au point de rendre difficile la consultation des motifs de refus, ou encore dans l'hypothèse où les candidats seraient contraints (afin d'accéder à l'information indispensable pour soumettre, postérieurement à un refus, et dans un délai raisonnable, des demandes de sillons-jours nouvelles) d'affecter des moyens humains ou matériels disproportionnés.

86. Il résulte de tout ce qui précède qu'il appartient à la Commission de vérifier si, depuis le 25 septembre 2020, la société SNCF Réseau s'est conformée à la mise en demeure du 28 mai 2020, telle que sa portée et son périmètre ont été précisés ci-dessus.

2.4.2.2. Appréciation du manquement reproché

a. Sur la part de refus non ou insuffisamment justifiés dans le champ « commentaire » de GESICO

87. Il convient tout d'abord de relever qu'interrogée par l'Autorité, le 27 octobre 2021, sur le taux de renseignement des motifs du refus d'attribution dans GESICO depuis le 24 septembre 2020, la société SNCF Réseau n'a répondu qu'en produisant des données pour l'HDS 2022. La société SNCF Réseau a confirmé, lors de la séance du 8 juin 2023, qu'elle n'était pas en mesure de fournir de données pour la fin de l'horaire de service 2020 ni pour l'horaire de service 2021. Des données sont en revanche disponibles pour les horaires de service 2022 et 2023.

- Sur la part de refus de demandes au service (DS) de l'HDS 2022 non ou insuffisamment justifiés dans le champ « commentaire » de GESICO

88. Il résulte des pièces du dossier, notamment des informations communiquées par SNCF Réseau (30), telles que réitérées dans ses observations écrites devant la Commission (31), que pour l'horaire de service 2022, et s'agissant des seules demandes au service (DS), sur 176 962 sillons-jours ayant fait l'objet d'un refus (que les demandes soient à l'état « irrecevables », « irréalisables » ou « traitées ») (32), 25 645 ont fait l'objet, dans le champ « commentaire » de l'outil GESICO, soit d'aucune justification, soit d'une justification insuffisante. Le nombre de justifications insuffisantes a été déterminé par SNCF Réseau sur la base de critères qu'elle a établis et communiqués à l'Autorité au cours de l'instruction (33).

89. Il en résulte un taux 14,49 % de refus non ou mal justifiés. En rapportant ces 25 645 refus aux seules demandes à l'état « irréalisables » ou « traitées » (34), ce taux de refus non ou mal justifiés s'élève à 15,89 % (35).

90. La Commission relève, au vu de ces éléments produits par la société SNCF Réseau elle-même, qu'une part significative des refus de sillons demandés en phase de construction l'HDS 2022 n'a pas fait l'objet, dans le champ « commentaire » de GESICO, d'une information satisfaisant aux prescriptions de la mise en demeure que la société SNCF Réseau était tenue de respecter à compter du 25 septembre 2020.

- Sur la part de refus de demandes au service (DS) de l'HDS 2023 non ou insuffisamment justifiés dans le champ « commentaire » de GESICO

91. Il résulte des pièces du dossier que la société SNCF Réseau, qui s'était engagée à réduire de 30 %, par rapport à l'HDS 2022, la part des refus non ou mal justifiés en phase de construction de l'HDS 2023, a reconnu qu'un taux proche de 100 % de refus correctement motivés ne pourrait être atteint pour l'HDS 2023 (36). Elle prévoyait pour l'horaire de service 2023 un taux de non-conformité qui serait strictement inférieur à 7,8 % des sillons-jours refusés (37).

92. Selon les informations communiquées devant la Commission, s'agissant des seules demandes au service, sur 270 982 sillons-jours refusés, SNCF Réseau indique que 7 886 ont fait l'objet, dans le champ « commentaire » de l'outil GESICO, soit d'une absence de motivation, soit d'une motivation insuffisante (38). Il en résulte un taux de refus non ou mal justifiés de 2,91 %. En rapportant ces 7 886 refus aux seules demandes à l'état « irréalisable » ou « traitée », ce taux s'élève à 7,08 % (39).

93. La Commission relève que l'HDS 2023 est marqué par un nombre exceptionnellement élevé de demandes « irrecevables », lequel est passé de 15 600 pour l'HDS 2022 à 159 599 pour l'HDS 2023. Comme l'a indiqué SNCF Réseau lors de la séance du 8 juin 2023, cette anomalie s'explique par un incident ayant affecté le système d'information d'un candidat occasionnant un nombre massif et systématique de déclaration d'irrecevabilités, à la demande du candidat concerné. Le nombre de demandes irrecevables pour l'HDS 2023 n'étant pas représentatif et sa prise en compte étant de nature à fausser l'appréciation qu'il convient de porter sur le respect par SNCF Réseau de son obligation, la Commission estime que le taux de 7,08 % (c'est-à-dire hors prise en compte des demandes à l'état « irrecevable ») reflète davantage la réalité du manquement reproché (40).

94. Bien qu'en baisse sensible par rapport à l'HDS 2022, ce taux atteste de la persistance d'un défaut d'information dans le champ « commentaire » de GESICO pour l'HDS 2023, qui ne peut être regardé comme marginal.

- Sur la part de refus des DTS, DSA et DSDM non ou insuffisamment justifiés dans le champ « commentaire » de GESICO

95. S'agissant des refus de sillons opposés à des DTS, DSA et DSDM, il convient à titre liminaire de préciser que la société SNCF Réseau, tout en reconnaissant que la portée de la mise en demeure du 28 mai 2020 s'étendait tant aux phases de construction que d'adaptation de l'horaire de service (41), soutient qu'elle ne serait pas tenue de motiver les refus des demandes exprimées en phase d'adaptation, au motif qu'il résulte de l'article 23 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003, relatif aux demandes formulées après la publication de l'horaire de service, que « [l]e gestionnaire d'infrastructure se prononce dans un délai aussi court que possible, inférieur à un mois, sur les demandes présentées en application du premier alinéa et inférieur à cinq jours ouvrables sur les demandes ponctuelles de sillons / L'absence de réponse dans ces délais vaut rejet de la demande » (42).

96. Cependant, le mécanisme de rejet implicite instauré par cet article est un gage de lisibilité et de sécurité juridique au profit des candidats, en déterminant, par défaut, la règle applicable aux demandes restées, au-delà d'un certain délai, sans réponse. Ces dispositions sont sans incidence sur l'obligation qui pèse sur le gestionnaire d'infrastructure de motiver suffisamment les refus qui sont opposés aux demandes d'allocation de sillons.

97. De même, la société SNCF Réseau ne peut utilement invoquer les contraintes opérationnelles liées à la phase d'adaptation de l'horaire de service (43). L'obligation de délivrer aux candidats, en cas de refus, une information systématique, précise et intelligible, concerne tant la phase de construction que celle d'adaptation ce que, du reste, elle ne conteste pas. La Commission remarque que la finalité de l'obligation étant de permettre aux candidats d'obtenir les éléments permettant de formuler utilement une nouvelle demande de sillon en lieu et place de celle ayant fait l'objet d'un refus, il importe que les refus d'allocation en phase d'adaptation de l'horaire de service soient tout autant justifiés que les refus d'allocation en phase de construction.

98. A cet égard, la société SNCF Réseau ne peut utilement, comme elle l'a fait lors de la séance du 8 juin 2023, justifier une moindre qualité des réponses apportées aux DSDM par le temps moindre dont elle dispose pour y répondre, ni invoquer la circonstance que les DSDM sont traitées par des personnels différents de ceux ayant en charge les autres types de demandes.

99. S'agissant des DTS, DSA et DSDM, il résulte des pièces du dossier et des observations écrites de SNCF Réseau (44) qu'elle n'est pas en mesure de fournir des statistiques précises et quantifiables sur le nombre de refus qui seraient non ou insuffisamment justifiés.

100. A défaut de pouvoir disposer d'informations statistiques fiables et exhaustives sur les DTS, DSA et DSDM, la Commission relève à tout le moins que les entreprises ferroviaires sont en mesure de démontrer que les refus d'allocation de sillon pour ces demandes ne font pas l'objet d'une information systématique, précise et intelligible.

101. Ainsi, la société Captrain France, qui a procédé à l'extraction de ses DS, DTS et DSA pour l'HDS 2022, établit, par les éléments qu'elle produit (45), que vingt-neuf refus de création de DSA (46) opposés par SNCF Réseau ont fait l'objet de commentaires tels que « conflit circulation », « pas de capacité résiduelle », « trvx + pas de capacité » etc., qui ne constituent pas une motivation suffisante. De même, si la société Captrain France n'a pu mener une étude exhaustive des 2 859 refus de DSDM pour l'HDS 2022, elle a extrait vingt exemples de refus de DSDM (47) dont les commentaires (« travaux », « pas de capacité »…) n'apportent pas une information précise et intelligible.

102. La société T3M démontre que cinq (48) refus de DSA ou DSDM pour l'HDS 2022 ou 2023 n'ont pas été commentés ou ont fait l'objet de commentaires erronés par référence à des plages travaux géographiquement non présentes sur le parcours demandé ou par une mention de présence de travaux sans indication précise de leur localisation, ce qui ne permet pas de comprendre le refus.

103. La société DB Cargo France démontre qu'au moins trois (49) refus de DSA ou DSDM pour l'HDS 2022 ou 2023 n'ont pas été motivés ou l'ont été par des commentaires (« pas de capa », « par de possibilité par Longueau ») ne pouvant être regardés comme constituant une information précise et intelligible.

104. Il résulte de tout ce qui précède que si la société SNCF Réseau n'a pas fourni d'élément permettant de comptabiliser les refus de DTS, de DSA et de DSDM qui seraient insuffisamment motivés, elle relève que les candidats sont à tout le moins en mesure de fournir plusieurs exemples attestant du non-respect de l'obligation d'indiquer de manière systématique, précise et intelligible les motifs de refus.

105. Par conséquent, le défaut d'une information systématique, précise et intelligible dans le champ « commentaire » de GESICO est caractérisé tant en phase de construction que d'adaptation.

b. Sur les éléments d'appréciation autres que ceux se rapportant aux réponses figurant dans le champ « commentaire » de GESICO

- Sur les réponses figurant dans les « fiches de tracé »

106. SNCF Réseau soutient qu'outre les réponses apportées dans le champ « commentaires » de GESICO, certains motifs de refus de sillons sont également explicités dans les « fiches de tracé ».

107. De telles fiches constituent la vision synthétique du jalonnement horaire d'un sillon ou de sa variante et sont consultables dans GESICO une fois le sillon traité et alloué par SNCF Réseau.

108. Si rien ne s'oppose, ainsi qu'il a été dit précédemment, à ce que SNCF Réseau délivre une information par d'autres canaux d'information que le champ « commentaire » de GESICO, c'est à la condition toutefois que chacun de ces canaux constitue, pour tout ou partie des demandes de capacités, un vecteur d'information systématique, précise et intelligible des candidats sur les motifs de refus d'allocation de sillon.

109. Or, premièrement, les fiches de tracé, qui sont la réponse technique à la création d'un sillon, ne sont par définition pas créées pour les sillons non alloués. La Commission relève que ce canal d'information ne peut donc pallier les lacunes de motivation constatées dans le champ « commentaire » de GESICO pour ce qui concerne les demandes à l'état « irréalisable » ou « irrecevable ». Il résulte ainsi des observations de la société SNCF Réseau que, sur les 25 645 refus en phase de construction de l'HDS 2022 non ou mal justifiés, 3 525 (soit 13,75 %) n'ont donné lieu à aucune fiche de tracé (50). De même, en phase d'adaptation, il ne peut exister de fiche de tracé pour les DSDM faisant l'objet d'un refus.

110. Deuxièmement, la société SNCF Réseau, qui n'a pas fourni dans le cadre de la procédure des informations quantifiées et fiables sur le nombre de justifications de refus qui seraient disponibles dans les fiches de tracé, indique qu'il lui est impossible d'exporter toutes les justifications contenues dans les fiches de tracé. Elle n'établit pas que l'échantillon de 100 fiches de tracé qu'elle produit (portant sur des réponses à des DS avec des « trous de régime » justifiées, non pas dans le champ « commentaire » de la réponse commerciale mais, pour 82 de ces fiches, dans la fiche de tracé elle-même [51]), serait représentatif de l'ensemble des réponses non motivées dans le champ commentaire de « GESICO ». Au surplus, cet échantillon ne concerne que des DS (aucun échantillon ou aucune donnée n'étant fournie pour les DTS, les DSA et les DSDM). En tout état de cause, la justification des refus n'est pas systématique dans ces fiches de tracé, comme en atteste l'échantillon même produit par SNCF Réseau.

111. Troisièmement, il est constant que les fiches de tracé ne sont créées que pour toute demande de sillon ayant été (au moins) en partie satisfaite, c'est à dire lorsque, pour une demande de sillon, un ou plusieurs sillons-jours ont été accordés selon la demande exprimée par le candidat, tandis que les autres sillons-jours ont soit été refusés (« trou de régime »), soit été accordés avec des adaptations (« variantes »). Il en résulte que, s'agissant des sillons-jours refusés, les motifs de leurs refus ne peuvent figurer que dans les fiches de tracés attachées, soit aux sillons-jours qui ont été accordés selon la demande exprimée par le candidat, soit aux sillons-jours ayant donné lieu à une variante, étant précisé qu'il existe autant de fiches de tracé que de variantes d'un sillon (52).

112. Par conséquent, comme le relèvent l'annexe portant exposé des griefs et les observations des entreprises ferroviaires (53), les candidats ne disposent d'aucun moyen leur permettant d'identifier, à l'avance et simplement, parmi les différentes fiches de tracé disponibles, laquelle d'entre elles contient la motivation du ou des refus opposés à certaines demandes formulées pour ce sillon.

113. L'indication donnée par la société SNCF Réseau selon laquelle le candidat doit consulter, non pas l'intégralité des fiches de tracé, mais uniquement les fiches dont la date de réception dans GESICO est comprise entre la date d'émission de la demande concernée, pour les DTS et DSA, et la date du refus (54), ne contredit pas ce constat, dès lors, d'une part, qu'elle ne vaut, comme l'indique la société SNCF Réseau, que pour la phase d'adaptation, d'autre part, qu'elle n'est illustrée que par un exemple nécessitant la consultation de quatre fiches de tracé, ce qui n'exclut pas que, dans d'autres situations, la consultation de nombreuses autres fiches soit nécessaire, enfin, qu'elle ne remet pas en cause le fait que ce mode opératoire oblige les candidats à mettre en place un suivi régulier et à déployer des moyens humains ou matériels conséquents pour obtenir les informations recherchées.

114. La difficulté née de la nécessité de devoir consulter plusieurs fiches de tracé avant de trouver l'information sollicitée est d'autant plus importante lorsque les sillons comprennent un nombre significatif de variantes, puisque la charge de travail incombant aux candidats pour localiser les motifs de refus recherchés s'en trouve accrue. A cet égard, la Commission relève que si SNCF Réseau fait valoir que 91,9 % des demandes de services répondues pour l'HDS 2022 ne feraient pas l'objet de plus de trois fiches de tracé (55), ces statistiques ne comprennent pas les DTS et DSA dont le nombre de variantes, et donc de fiches de tracé, peut être sensiblement plus élevé. Au demeurant, les exemples (56) fournis par SNCF Réseau pour démontrer la facilité d'emploi des fiches de tracé portent sur des lignes supportant un trafic faible ou peu générateur de difficultés de répartition capacitaire (57).

115. Quatrièmement, la société SNCF Réseau a elle-même admis avoir fait évoluer le geste métier des horairistes en leur demandant, pour se conformer aux attentes de l'Autorité, de ne plus faire figurer les justifications dans les fiches de tracé mais dans le champ « commentaire » de GESICO (58), ce qu'elle a également confirmé lors de ses observations orales devant la Commission. De même, il résulte de sa « fiche essentielle » relative au « commentaire de la déclaration des jours traités », qu'« [i]l est important de préciser les objets travaux responsables des trous de régime dans le commentaire, même si celles-ci sont présentes dans les renvois. Cela permet à l'EF d'avoir l'information directement dans GESICO, sans avoir à consulter les fiches de tracé » (59).

116. Cinquièmement, enfin, SNCF Réseau fait valoir qu'une partie des sillons-jours dont le refus a été insuffisamment justifié, a finalement été attribuée (60) (13 264 sillons-jours in fine attribués sur les 25 645 refus insuffisamment motivés pour HDS 2022) ce qui attesterait que les candidats ont pu obtenir une information adéquate grâce aux fiches de tracé. Cependant, quand bien même ces attributions auraient été rendues possibles au moyen des informations disponibles dans les fiches de tracé, cette circonstance ne remet pas en cause les difficultés pratiques auxquelles se sont heurtés les candidats pour obtenir lesdites informations et les retards qui peuvent le cas échéant en résulter dans le processus d'attribution des sillons. L'attribution in fine d'un sillon ne signifie pas que le candidat n'ait pas eu à mobiliser, pour y parvenir, des moyens plus importants, qu'il n'aurait pas à eu à employer si une information précise et intelligible des motifs de refus lui avait initialement été fournie par le gestionnaire d'infrastructure, ni qu'il n'ait pas eu à supporter les conséquences que peut entraîner le ralentissement du processus d'attribution des sillons.

117. Dès lors que l'information donnée par un outil qui ne met pas le candidat à même de savoir où se trouve l'information qu'il recherche et le contraint à consulter différentes fonctionnalités (en l'occurrence différentes fiches de tracé), potentiellement très nombreuses, jusqu'à trouver l'information recherchée, ne peut être qualifié d'« intelligible », au sens des décisions de règlement de différend du 1er octobre 2013 et de la mise en demeure du 28 mai 2020, les fiches de tracé ne peuvent constituer en elles-mêmes un canal d'information de nature à satisfaire à l'obligation mise à la charge de la société SNCF Réseau.

- Sur les informations disponibles sur les outils SIPH et SEE-Trains

118. SNCF Réseau fait encore valoir qu'en phase d'adaptation, les candidats pourraient connaître les motifs de refus par les outils SIPH client et SEE-Trains (61). Ces outils dynamiques représentent le graphique espace-temps d'une ligne ou d'un parcours dont les données et informations évoluent au fil du traitement des outils travaux et sillons de l'HDS considéré. Ils reflètent la réalité du graphique à l'instant de leur consultation.

119. Pour autant, lors du dépôt de la demande initiale de DSA, DTS ou DSDM, un candidat ne peut préjuger ni connaître la capacité qui sera réellement disponible au moment de l'examen de sa demande par la société SNCF Réseau pas plus qu'il ne peut la connaître au moment où il analysera le refus de sa demande puisque le graphique continuant à évoluer, il peut ne plus refléter le motif du refus analysé. Lors de la séance du 8 juin, SNCF Réseau a d'ailleurs confirmé ce raisonnement en ayant reconnu qu'une réponse à une DSDM apportée par l'horairiste à l'instant du traitement de celle-ci pouvait ne pas refléter la réalité à l'instant de la consultation de ces outils par le candidat du fait de l'évolution et de la libération de la capacité. Ainsi, cette consultation avant de présenter une demande de sillon en adaptation représente au mieux un outil d'aide à la décision pour le candidat. Une réponse précise, intelligible et systématique de la part de SNCF Réseau permettrait au candidat qui examine la cause du refus qui lui est opposé, de vérifier que le conflit invoqué est toujours présent ou non au graphique des circulations, et ainsi d'adapter ou de renouveler le cas échéant sa demande initiale.

120. Dès lors, comme le relèvent les entreprises ferroviaires (62), ce recours à la consultation des outils SIPH et SEE-Trains conduirait à faire peser sur elles la charge de travail incombant au gestionnaire d'infrastructure.

- Sur le dialogue industriel

121. SNCF Réseau invoque également l'efficacité du dialogue industriel (63), dont les vertus ne sont au demeurant pas contestées par les entreprises ferroviaires (64).

122. Toutefois, indépendamment du bénéfice que les candidats et le gestionnaire d'infrastructure retirent du dialogue industriel, ce dernier ne saurait se substituer à l'obligation d'information mise à la charge de la société SNCF Réseau. Un tel dialogue, qui nécessite la mobilisation du personnel des candidats pour aboutir à des solutions de capacité, n'aurait pas à remplir une telle fonction si le gestionnaire d'infrastructure délivrait spontanément, comme cela est exigé de lui, une information systématique, précise et intelligible sur les motifs de refus d'allocation de sillon. La Commission considère donc que la mise en place de ce dialogue (qui, de surcroît, est parfois à l'initiative du candidat lui-même (65) et non de SNCF Réseau) ne permet pas de satisfaire à l'obligation d'information, même s'il peut contribuer à pallier les conséquences résultant du non-respect de cette obligation.

- Sur les mesures et engagements pris par SNCF Réseau pour se conformer à ses obligations

123. SNCF Réseau se prévaut des engagements et mesures prises dans ses procédures internes, afin d'améliorer et de rendre obligatoire la justification des refus d'allocation de sillons (inscription et rappel de cette obligation dans les référentiels-métiers des agents en charge de la production horaire et lors de la réunion de lancement de la construction de l'horaire de service annuel ; renforcement de la formation, initiale et continue, des horairistes ; mise en œuvre d'actions de management de la qualité, telle que la mise en place d'un programme de contrôle systématique des réponses saisies dans GESICO) (66).

124. Si de telles mesures ne peuvent que faciliter l'exécution de son obligation par SNCF Réseau, leur simple existence ne suffit pas à démontrer leur efficacité, le gestionnaire de réseau ne parvenant pas à démontrer que, depuis l'adoption de ces mesures, les candidats bénéficient d'une information systématique, précise et intelligible.

125. Il résulte de tout ce qui précède que le manquement à l'obligation faite à la société SNCF Réseau de garantir que les candidats soient informés de manière systématique, précise et intelligible des raisons pour lesquelles un sillon-jour n'a pas pu leur être alloué, est caractérisé.

2.5. Détermination de la sanction

2.5.1. Rappel des règles applicables

126. Aux termes de l'article L. 1264-9 du code des transports, « Lorsqu'elle est saisie de l'un des manquements mentionnés à l'article L. 1264-7, la commission des sanctions de l'Autorité de régulation des transports peut, en fonction de la gravité du manquement, prononcer à l'encontre de l'intéressé : / 1° Une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos réalisé en France, porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. A défaut d'activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €, porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation. Si le manquement a déjà fait l'objet d'une sanction pécuniaire au titre des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du code de commerce, la sanction pécuniaire éventuellement prononcée par la commission des sanctions est limitée de sorte que le montant global des sanctions pécuniaires ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; / 2° Une interdiction temporaire d'accès à tout ou partie du réseau ferroviaire pour une durée n'excédant pas un an ; / 3° Une interdiction temporaire d'accès à tout ou partie des données mises à disposition par le point d'accès national mentionné à l'article 3 du règlement délégué (UE) 2017/1926 de la Commission du 31 mai 2017 complétant la directive 2010/ 40UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la mise à disposition, dans l'ensemble de l'Union, de services d'informations sur les déplacements multimodaux, pour une durée n'excédant pas un an ».

127. Ce même article précise que « Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. Les sommes correspondantes sont versées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France ».

128. Il résulte de ces dispositions que la Commission peut infliger une sanction dont la nature est fonction de la gravité du manquement et que, dans le cas où elle décide d'infliger une sanction pécuniaire, le montant de celle-ci est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages tirés.

2.5.2. Appréciation du montant la sanction

a. Sur la gravité du manquement

129. En premier lieu, la Commission relève que le fait pour la société SNCF Réseau de ne pas respecter la décision par laquelle l'Autorité l'a mise en demeure de respecter une injonction, prononcée dans le cadre de décisions de règlement de différend, constitue un manquement grave. Or s'il est vrai que l'Autorité a clos la procédure s'agissant des injonctions n° 1, 3 et 4 de la décision de mise en demeure du 28 mai 2020, la Commission constate que SNCF Réseau ne s'est pas conformée à l'obligation d'information systématique, précise et intelligible des motifs de refus d'attribution de sillons-jours, faisant l'objet de l'injonction n° 2.

130. Si la société SNCF Réseau souligne que ce manquement est d'une ampleur limitée au regard du marché global d'allocation de plus de 6 millions de sillons-jours par horaire de service, il doit, néanmoins, être rapporté au nombre des seuls refus de demandes de sillon pour lesquels l'obligation de motiver s'impose au gestionnaire de réseau.

131. A cet égard, s'agissant des seules demandes au service de l'horaire de service 2022, 14,49 % des refus d'allocation de sillons n'ont pas, ou pas été suffisamment, justifiés, soit une part significative, qui plus est alors que l'injonction prononcée dans le cadre des décisions de règlement de différends datait de 2013. S'agissant de données portant ici sur les seules demandes au service, l'absence d'information (ou l'information insuffisante) est d'autant moins justifiable pour le gestionnaire d'infrastructure, que ces demandes sont formulées au cours d'une période durant laquelle la société SNCF Réseau évolue dans un contexte opérationnel et calendaire moins contraint qu'en phase d'adaptation de l'horaire de service.

132. En ce qui concerne l'horaire de service 2023, il apparaît que les engagements et mesures internes pris par SNCF Réseau participent à l'amélioration de la situation, puisque le taux des refus non ou mal justifiés, pour les seules demandes au service, est de 7,08 %. Si les efforts réalisés par le gestionnaire, qui doivent être poursuivis, ont permis la nette diminution du taux par rapport à l'horaire de service 2022, ce taux reste conséquent et ne peut être qualifié de marginal.

b. Sur la situation de SNCF Réseau

133. Il doit être tenu compte de la situation particulière de la société SNCF Réseau qui, pour l'exercice de sa mission de gestionnaire d'infrastructure du réseau ferré national lui imposant de garantir l'accès des entreprises ferroviaires à ce réseau, jouit d'un monopole. A ce titre, une responsabilité renforcée pèse sur elle.

134. La taille de la société SNCF Réseau, ainsi que des moyens humains et techniques à sa disposition pour exécuter la mission qui lui est assignée, doivent également être pris en considération.

135. Enfin, la société SNCF Réseau n'a pas fait valoir d'éléments qui tendraient à remettre en cause sa capacité contributive à supporter une sanction pécuniaire.

c. Sur l'ampleur du dommage

136. L'obligation d'une information systématique, précise et intelligible des motifs de refus d'allocation de sillons a pour finalité de mettre les candidats à même de comprendre la nature et la localisation des conflits de capacité qui leur empêchent de pouvoir accéder au réseau, ainsi que de pouvoir présenter utilement de nouvelles demandes de sillons, à la suite des refus qui leurs sont opposés par le gestionnaire d'infrastructure. Cette obligation permet également, en application du principe de transparence, d'éviter les pratiques arbitraires ou discriminatoires dans la délivrance des refus d'allocation de sillons.

137. Le manquement de la société SNCF Réseau à cette obligation perturbe l'utilisation effective et optimale du réseau, notamment en tant qu'elle constitue un frein à l'accès des candidats à l'infrastructure ferroviaire et peut représenter une entrave à la concurrence sur ce réseau.

138. S'il est vrai, comme l'indique la société SNCF Réseau (67), que la cause d'un défaut d'accès des candidats à l'infrastructure réside avant tout dans le caractère défavorable de la réponse, davantage que dans les motifs proprement dits du refus, il n'en demeure pas moins que le non-respect de l'obligation d'une information systématique, précise et intelligible, entraine des conséquences préjudiciables en rendant plus difficile la recherche de disponibilité.

139. L'absence de précision des refus notifiés ne peut qu'entraîner une multiplication de nouvelles demandes de sillons qui, faute d'être adaptées aux conflits de capacité, pourront être rejetées, mobilisant ainsi inutilement des moyens et induisant un ralentissement du processus d'attribution des sillons, au détriment d'une utilisation optimale et effective de l'infrastructure dont la société SNCF Réseau est gestionnaire.

d. Sur les avantages tirés

140. La société SNCF Réseau fait valoir que le manquement procède davantage d'un défaut organisationnel et d'une insuffisante allocation des moyens humains et techniques qui seraient nécessaires au respect de son obligation, que d'une intention délibérée d'empêcher l'information et la transparence à l'égard des candidats. Pour autant, ne pas allouer tous les moyens humains et techniques qui seraient nécessaires pour satisfaire à l'obligation d'apporter une information, constitue un avantage pour l'entreprise.

2.6. Conclusion sur le montant de la sanction prononcée

141. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'infliger à la société SNCF Réseau, en application de l'article L. 1264-9 1° précité du code des transports, une sanction pécuniaire d'un montant de deux millions d'euros.

Décide :