(LOI DE SIMPLIFICATION DU DROIT DE L'URBANISME ET DU LOGEMENT)
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement, sous le n° 2025-896 DC, le 21 octobre 2025, par Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mmes Christine ARRIGHI, Clémentine AUTAIN, Léa BALAGE EL MARIKY, Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Benoît BITEAU, Arnaud BONNET, Nicolas BONNET, Alexis CORBIÈRE, Hendrik DAVI, Emmanuel DUPLESSY, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Damien GIRARD, Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, MM. Tristan LAHAIS, Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mmes Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Danielle SIMONNET, Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Boris TAVERNIER, Nicolas THIERRY et Mme Dominique VOYNET, ainsi que par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean-François COULOMME, Sébastien DELOGU, Aly DIOUARA, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Zahia HAMDANE, Mathilde HIGNET, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Abdelkader LAHMAR, Maxime LAISNEY, Aurélien LE COQ, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Claire LEJEUNE, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Marie MESMEUR, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Sandrine NOSBÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD'HOMME, Jean-Hugues RATENON, Arnaud SAINT-MARTIN, Aurélien SAINTOUL, Mmes Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ et M. Paul VANNIER, députés.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la décision du Conseil d'Etat n° 313386 du 11 juillet 2008 ;
- la décision du Conseil d'Etat n° 414583 du 18 mai 2018 ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 12 novembre 2025 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :
- Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 23 et 26.
- Sur certaines dispositions de l'article 23 :
- Le 1° de l'article 23 de la loi déférée insère un nouvel article L. 431-6 au sein du code de l'urbanisme afin de prévoir le principe d'une cristallisation, à la date de délivrance du permis de construire initial, des règles d'urbanisme applicables à l'examen d'une demande de permis modificatif, sous la seule réserve des règles qui ont pour objet de préserver la sécurité ou la salubrité publiques.
- Les députés requérants reprochent à ces dispositions de ne pas prévoir que, par dérogation à ce principe, une demande de permis de construire modificatif puisse être refusée ou assortie de prescriptions spéciales en application de dispositions intervenues postérieurement au permis initial, afin de prévenir des atteintes à l'environnement. Il en résulterait une méconnaissance de l'article 3 de la Charte de l'environnement. Pour le même motif, le législateur aurait en outre méconnu, selon eux, l'étendue de sa compétence.
- Selon l'article 1er de la Charte de l'environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
- Les dispositions contestées prévoient qu'une demande de permis de construire modifiant un permis initial en cours de validité ne peut en principe être refusée ou assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues après la délivrance du permis initial.
- Toute règle d'urbanisme au regard de laquelle une demande de permis de construire est examinée par l'autorité administrative doit respecter les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement lorsqu'elle a une incidence sur l'environnement. Les dispositions contestées, qui se bornent à prévoir une cristallisation à la date de délivrance du permis de construire initial des dispositions d'urbanisme applicables à une demande de permis modificatif, ne sont pas susceptibles de porter atteinte, en elles-mêmes, à ces exigences constitutionnelles.
- Au surplus, d'une part, les dispositions contestées ne sont applicables à l'examen d'une demande de permis de construire modificatif que si les travaux initialement autorisés n'ont pas encore été achevés. La cristallisation des règles d'urbanisme qu'elles prévoient n'excède pas, par ailleurs, une durée de trois ans à compter de la date de délivrance du permis initial. D'autre part, ces dispositions, qui ne concernent que les seules règles d'urbanisme, ne font pas obstacle, en tout état de cause, à l'application des règles autres que d'urbanisme qui ont pour objet d'assurer la protection de l'environnement.
- Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement ne peut qu'être écarté.
- Par conséquent, le premier alinéa de l'article L. 431-6 du code de l'urbanisme, qui n'est pas entaché d'incompétence négative et ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l'article 26 :
- En ce qui concerne le 3° du paragraphe I :
- Le 3° du paragraphe I de l'article 26 abroge l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme relatif aux conditions dans lesquelles l'illégalité pour vice de forme ou de procédure de certains documents d'urbanisme peut être invoquée par voie d'exception.
- Les députés requérants reprochent à ces dispositions d'avoir pour effet de supprimer la possibilité d'invoquer par voie d'exception certains moyens d'illégalité tirés notamment d'une violation grave des règles de l'enquête publique sur les documents d'urbanisme. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que des exigences constitutionnelles de prévention des atteintes à l'environnement et de participation du public en matière environnementale consacrées aux articles 1er, 3 et 7 de la Charte de l'environnement.
- Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
- Il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'Etat que, sauf dispositions contraires, les vices de forme et de procédure dont un acte réglementaire serait entaché ne peuvent être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet acte lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Ainsi les conditions d'édiction de l'acte réglementaire ne peuvent être utilement critiquées par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour son application ou dont il constitue la base légale.
- Par dérogation, en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, l'illégalité pour vice de forme ou de procédure de certains documents d'urbanisme ne pouvait être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause, sauf lorsque le vice de forme concernait soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique, soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques.
- Il résulte des dispositions contestées, qui abrogent ces dispositions dérogatoires au droit commun, que l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut plus, désormais, être invoquée par voie d'exception. Il en va de même pour l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme ou créant une zone d'aménagement concerté.
- Toutefois, d'une part, il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant ces dispositions, qui alignent sur ce point le régime contentieux applicable à ces documents sur le droit commun des actes réglementaires, le législateur a entendu prendre en compte le risque d'instabilité juridique pouvant résulter de la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces actes réglementaires, ainsi que simplifier le droit de l'urbanisme en lui appliquant le régime de droit commun des exceptions d'illégalité. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général.
- D'autre part, le régime contentieux résultant de l'application des dispositions contestées fait uniquement obstacle à ce que des vices de forme et de procédure soient invoqués par voie d'exception ainsi que dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision refusant d'abroger un acte réglementaire. Ces dispositions n'ont ainsi ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à toute personne intéressée de contester, par voie d'action, dans le délai de recours contentieux, la légalité externe d'un tel acte.
- Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté.
- Par conséquent, le 3° du paragraphe I de l'article 26 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus les articles 1er, 3 et 7 de la Charte de l'environnement, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- En ce qui concerne le 4° du paragraphe I :
- Le 4° du paragraphe I de l'article 26 complète l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme afin de déterminer les conditions de recevabilité d'un recours formé contre la décision d'approbation d'un document d'urbanisme ou de son évolution.
- Les députés requérants reprochent à ces dispositions de subordonner, sauf pour l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements, la recevabilité d'un tel recours à la condition d'avoir pris part à la participation du public. En outre, selon eux, aucune disposition ne préciserait le mode de preuve permettant d'attester le respect de cette condition. Il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif.
- Ils soutiennent également que, faute pour le législateur d'avoir défini de façon suffisamment précise les conditions dans lesquelles une personne est considérée avoir « pris part à la participation du public », ces dispositions méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et seraient entachées d'incompétence négative.
- Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
- Les dispositions contestées prévoient qu'une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou un de leurs groupements n'est recevable à agir contre la décision d'approbation d'un document d'urbanisme ou de son évolution que si elle a pris part à la participation du public organisée avant cette décision.
- Il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu limiter les risques d'incertitude juridique qui pèsent sur ces documents d'urbanisme et prévenir les recours abusifs et dilatoires. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
- Toutefois, d'une part, la limitation du droit au recours résultant des dispositions contestées concerne l'intérêt pour agir de toute personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et s'applique à l'ensemble des décisions d'approbation d'un document d'urbanisme ou de son évolution, qui sont des actes réglementaires.
- D'autre part, en subordonnant la recevabilité du recours contre une telle décision à la condition de prendre part à la participation du public organisée préalablement, ces dispositions, dont la portée est au demeurant imprécise, privent la personne de la possibilité de former un recours direct même lorsqu'elle n'a pas pu avoir connaissance, au stade de la consultation du public, de l'illégalité éventuelle de cette décision, y compris lorsque cette illégalité résulte de modifications ou de circonstances postérieures à la clôture de la procédure de participation du public.
- En outre, la possibilité ouverte à toute personne de contester la légalité de cette décision, soit par voie d'exception, soit à l'occasion d'un recours contre le refus de l'abroger, ne permet, en application du régime contentieux de droit commun rendu applicable par le 4° du paragraphe I de l'article 26 de la loi déférée, ni d'invoquer certains vices de légalité externe, ni d'obtenir l'annulation rétroactive de la décision.
- Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées portent au droit à un recours juridictionnel effectif une atteinte disproportionnée. Par suite, elles méconnaissent les exigences résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.
- Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, le 4° du paragraphe I de l'article 26 de la loi déférée est contraire à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, de son paragraphe II, qui en est inséparable.
- En ce qui concerne l'article L. 600-12-2 du code de l'urbanisme :
- Le 7° du paragraphe I de l'article 26 insère un nouvel article L. 600-12-2 au sein du code de l'urbanisme afin de réduire le délai dans lequel un recours administratif peut être formé à l'encontre d'une décision relative à une autorisation d'urbanisme, et de prévoir que l'exercice d'un tel recours ne proroge pas le délai de recours contentieux contre cette décision.
- Les députés requérants soutiennent qu'à défaut de s'appliquer également aux refus d'autorisation d'urbanisme, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les demandeurs d'une telle autorisation, selon qu'elle a été accordée ou non par l'autorité administrative. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.
- Ils font ensuite valoir que ces dispositions feraient obstacle à ce que le requérant puisse se prévaloir de l'illégalité de l'autorisation délivrée lorsqu'il a formé un recours administratif, dès lors que le rejet de ce dernier peut n'intervenir qu'après l'expiration du délai de recours contentieux. Faute pour le législateur d'avoir prévu un dispositif permettant, dans un tel cas, de saisir la juridiction compétente même après l'expiration du délai de recours contentieux, elles priveraient le requérant d'un « accès réel » au juge administratif. Ils leur reprochent également de ne pas prévoir que l'auteur d'un recours administratif doive être informé qu'un tel recours ne proroge pas le délai de recours contentieux. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.
- Ils soutiennent enfin qu'en ne prévoyant pas de dispositions transitoires pour l'entrée en vigueur de ces dispositions, ces dernières méconnaîtraient cette même exigence ainsi qu'un « principe de sécurité juridique ».
- En premier lieu, selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
- En application de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique. Ces dispositions prévoient en outre que, lorsque, dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, un tel recours administratif a été exercé contre cette décision, le délai du recours contentieux est prorogé. Ce dernier ne recommence ainsi à courir à l'égard de la décision initiale qu'après le rejet du recours administratif.
- Par dérogation, les dispositions contestées prévoient, d'une part, que le délai d'introduction d'un recours gracieux ou hiérarchique à l'encontre d'une décision relative à une autorisation d'urbanisme est fixé à un mois et, d'autre part, que l'exercice d'un tel recours ne proroge pas le délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision.
- Il ressort des travaux préparatoires qu'en instituant un tel régime pour toute « décision relative à une autorisation d'urbanisme », le législateur a entendu le rendre applicable non seulement aux décisions de non-opposition à une déclaration préalable ou aux permis de construire, d'aménager ou de démolir, mais également aux décisions de retrait d'une autorisation ou aux décisions de refus opposées à une demande d'autorisation.
- Dès lors, les dispositions contestées n'instituent aucune différence de traitement entre les bénéficiaires d'une autorisation d'urbanisme et les pétitionnaires dont la demande d'autorisation a été rejetée. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ne peut donc qu'être écarté.
- En second lieu, selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
- D'une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu réduire l'incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours dilatoires. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
- D'autre part, les dispositions contestées de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 600-12-2 du code de l'urbanisme se bornent à prévoir qu'un recours gracieux ou hiérarchique à l'encontre d'une décision relative à une autorisation d'urbanisme doit être introduit dans un délai d'un mois à compter de cette décision. Ces dispositions, qui sont relatives à la procédure administrative, ne mettent pas en cause l'exercice, par les intéressés, du droit d'agir en justice.
- Par ailleurs, en prévoyant que l'exercice d'un recours administratif ne proroge pas le délai de recours contentieux en matière d'urbanisme, les dispositions contestées du second alinéa de l'article L. 600-12-2 n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet de priver les personnes intéressées de la faculté de former un recours contentieux contre une décision relative à une autorisation d'urbanisme. Ces personnes sont ainsi mises à même, dans le délai de recours contentieux de droit commun, de saisir le juge administratif pour contester la légalité d'une telle décision.
- En outre, la circonstance que la réponse de l'autorité administrative au recours administratif d'un justiciable intervienne au-delà de l'expiration du délai de recours contentieux est sans incidence sur la possibilité dont celui-ci dispose de saisir par ailleurs le juge administratif dans un tel délai.
- Enfin, selon la jurisprudence constante du Conseil d'Etat, une disposition nouvelle qui affecte la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative est, sauf disposition contraire, applicable aux seuls recours formés contre les décisions intervenues après son entrée en vigueur. Dès lors, les recours gracieux ou hiérarchiques formés contre des décisions intervenues avant l'entrée en vigueur de la loi déférée conservent pour effet de proroger le délai de recours contentieux qui leur est applicable.
- Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté.
- Par conséquent, l'article L. 600-12-2 du code de l'urbanisme, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur la place de certaines dispositions dans la loi déférée :
- Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Selon une jurisprudence constante, il s'assure dans ce cadre de l'existence d'un lien entre l'objet de l'amendement et celui de l'une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l'article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié. Il apprécie l'existence de ce lien après avoir décrit le texte initial puis, pour chacune des dispositions déclarées inconstitutionnelles, les raisons pour lesquelles elle doit être regardée comme dépourvue de lien même indirect avec celui-ci. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
- La loi déférée, qui compte trente et un articles, a pour origine la proposition de loi déposée le 1er avril 2025 sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie. Cette proposition de loi comportait quatre articles.
- Son article 1er comportait des dispositions visant à restreindre les obligations de production d'énergies renouvelables et de végétalisation applicables à certains bâtiments, à préciser les modalités d'extension du périmètre d'un établissement public foncier local, à étendre le champ de compétence des sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt public, à mettre fin à la caducité des schémas de cohérence territoriale et à élargir les cas de modification d'un plan local d'urbanisme selon une procédure simplifiée.
- Son article 2 comprenait des dispositions adaptant temporairement le régime de la résidence hôtelière à vocation sociale, augmentant les possibilités de dérogation aux plans locaux d'urbanisme à l'ensemble des communes situées en zone tendue et créant une nouvelle dérogation pour permettre la construction de logements dans des zones d'activité économique.
- Son article 3 généralisait la possibilité de délivrer un permis d'aménager multisites pour l'instruction des autorisations d'urbanisme portant sur des opérations complexes relatives à des parcelles non contigües.
- Son article 4 créait une amende administrative en cas de construction illégale, réduisait les délais de recours contre les décisions d'autorisation d'urbanisme et mettait fin à la prorogation du délai de recours contentieux lorsqu'un recours administratif a été formé à l'encontre d'une telle décision.
- L'article 5 de la loi déférée crée un identifiant unique attribué à chaque bâtiment, enregistré dans un référentiel national des bâtiments.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l'article 1er de la proposition de loi initiale, et en particulier avec celles du b de son paragraphe II relatives à l'extension du périmètre d'un établissement public foncier local.
- L'article 6 prévoit la transmission par l'administration fiscale, à certains services de l'Etat et organismes, aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'une liste de locaux recensés à des fins de gestion de la taxe d'habitation et des taxes sur les logements vacants.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l'article 1er de la proposition de loi initiale.
- L'article 10 instaure une dérogation à l'interdiction de construction en dehors des espaces proches du rivage, dans certaines communes, pour les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l'article 1er de la proposition de loi initiale, et en particulier avec celles du 2° de son paragraphe II relatives à la modification d'un plan local d'urbanisme selon une procédure simplifiée.
- L'article 11 supprime l'obligation de réaliser une étude d'optimisation de la densité des constructions pour tout projet d'aménagement soumis à évaluation environnementale.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l'article 1er de la proposition de loi initiale, ni avec celles de son article 3 relatives à la délivrance d'un permis d'aménager multisites.
- L'article 12 vise à soumettre les changements de sous-destinations réglementées par le plan local d'urbanisme à déclaration préalable.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l'article 3 de la proposition de loi initiale.
- L'article 13 modifie le contenu des conventions d'utilité sociale et leurs modalités de conclusion entre le représentant de l'Etat dans le département, les organismes d'habitations à loyer modéré et les collectivités territoriales auxquelles ils se rattachent.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l'article 1er de la proposition de loi initiale, ni avec celles de son article 2 adaptant temporairement le régime de la résidence hôtelière à vocation sociale.
- L'article 14 permet aux offices publics de l'habitat d'inclure des locaux commerciaux dans leurs projets immobiliers.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l'article 2 de la proposition de loi initiale.
- L'article 16 supprime une possibilité de déroger à certaines règles de construction en matière de surélévation de bâtiments pour la réalisation de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, des articles 1er et 2 de la proposition de loi initiale.
- L'article 27 vise à autoriser certains échanges d'informations entre l'administration fiscale et les bailleurs sociaux sur la situation de leurs locataires et prévoit les modalités de mise à disposition de données publiques à des fins de recherche scientifique ou historique.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l'article 2 de la proposition de loi initiale.
- L'article 28 supprime l'autorisation du représentant de l'Etat dans le département pour la vente à une personne privée, par un organisme d'habitations à loyer modéré ou une société d'économie mixte, de logements faisant partie d'un programme de construction composé majoritairement de logements sociaux.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l'article 2 de la proposition de loi initiale.
- L'article 30 réduit de trente à quinze ans le délai au terme duquel les immeubles faisant partie d'une succession peuvent être considérés comme des biens sans maître dont la propriété est susceptible d'être transférée de plein droit à une commune et précise à cet égard l'application des règles de droit civil relatives à la prescription. L'article 31 autorise la transmission d'informations détenues par l'administration fiscale au maire ou au président de l'établissement public de coopération intercommunale pour la mise en œuvre de la procédure d'acquisition d'immeubles considérés comme des biens sans maître.
- Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, des articles 1er et 3 de la proposition de loi initiale.
- Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau de la première assemblée saisie.
- Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater qu'elles ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.
- Sur les autres dispositions :
- Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
Le Conseil constitutionnel décide :
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