JORF n°0040 du 17 février 2015

DÉCISION n° 2015-47 du 11 février 2015

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 28 et 42 ;

Vu l'ensemble des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel portant autorisation d'utilisation de fréquences à la Société d'exploitation d'un service d'information pour l'édition d'un service de télévision dénommé i>Télé ;

Vu la convention signée le 19 juillet 2005 entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société SESI concernant le service de télévision i>Télé, notamment ses article 2-3-10 et 4-2-1 ;

Vu le compte rendu de visionnage des programmes diffusés sur l'antenne du service de télévision i>Télé les 7 et 9 janvier 2015 ;

Considérant qu'en vertu de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information de respecter les obligations qui lui sont imposées par les textes législatifs et règlementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de cette loi ; que selon l'article 4-2-1 de la convention du 19 juillet 2005, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure l'éditeur de respecter les stipulations figurant dans sa convention ;

Considérant qu'il ressort de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 que la liberté de la communication au public par voie électronique peut être limitée dans la mesure requise par la sauvegarde de l'ordre public ; qu'aux termes de l'article 2-3-10 de la convention du 19 juillet 2005 : « Dans le respect du droit à l'information, la diffusion d'émissions, d'images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner lieu à une information judiciaire nécessite qu'une attention particulière soit apportée, d'une part, au respect de la présomption d'innocence, c'est-à-dire qu'une personne non encore jugée ne soit pas présentée comme coupable (...). Lorsqu'une procédure judiciaire en cours est évoquée à l'antenne, l'éditeur doit veiller à ce que : - l'affaire soit traitée avec mesure, rigueur et honnêteté ; - le traitement de l'affaire ne constitue pas une entrave caractérisée à cette procédure (…) » ;

Considérant, d'une part, que, le 7 janvier 2015, aux alentours de 17 h 30, quelques heures après l'attaque terroriste menée dans les locaux du journal Charlie Hebdo, le procureur de la République, lors d'une conférence de presse, en a expressément appelé à la responsabilité des médias dans leur couverture des événements et notamment de la traque des suspects qui n'avaient pas encore été appréhendés et dont les noms n'avaient pas encore été communiqués ; que, malgré cet appel, le service i-Télé a annoncé à l'antenne dès 20 h 53 que trois suspects auraient été identifiés et que deux d'entre eux seraient frères ; qu'à 21 h 14, il a été fait état de la condamnation de l'un d'eux dans le cadre d'une filière terroriste irakienne ; qu'il a été également indiqué que cette identification avait été permise grâce à la découverte d'une carte d'identité dans la voiture abandonnée par les suspects ; que la divulgation de ces éléments précis susceptibles de permettre l'identification de suspects, dont la dangerosité était avérée, a pu nuire au bon déroulement des enquêtes en cours ; qu'en conséquence i-Télé a méconnu les règles élémentaires de prudence permettant d'assurer le maintien de la sécurité publique et la sauvegarde de l'ordre public, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 et aux stipulations de l'article 2-3-10 de la convention du 19 juillet 2005 ;

Considérant, d'autre part, que le 9 janvier 2015, le service i-Télé a, au cours d'une édition d'information consacrée aux actes de terrorisme perpétrés concomitamment à l'Hyper Cacher de Vincennes et à Dammartin-en-Goële, diffusé l'information relative à l'assaut donné par les forces de l'ordre à l'encontre des terroristes retranchés à Dammartin-en-Goële ; que cette annonce est intervenue alors que, selon des informations émanant des autorités et relayées par plusieurs médias, le terroriste retranché dans l'épicerie avait menacé d'exécuter les otages qu'il retenait si les autres terroristes n'étaient pas libérés ; qu'en diffusant une telle information avant que l'auteur de cette prise d'otages ne soit neutralisé et alors qu'elle était de nature à mettre en cause la sécurité et la vie des otages, i-Télé a contrevenu aux dispositions de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 ;

Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de prononcer, pour ce double motif, à l'encontre de la Société d'exploitation d'un service d'information, la présente mise en demeure ;

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

La Société d'exploitation d'un service d'information est mise en demeure de respecter, à l'avenir, les dispositions de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986, ainsi que les stipulations de l'article 2-3-10 de la convention du 19 juillet 2005.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la Société d'exploitation d'un service d'information et publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 11 février 2015.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

O. Schrameck