JORF n°0054 du 5 mars 2013

Chapitre 1er : Contexte et cadre juridique de la présente décision

1.1. La terminaison d'appel vocal mobile

La terminaison d'appel vocal mobile est une prestation de gros fournie par un opérateur mobile B exploitant un réseau ouvert au public à un opérateur A, fixe ou mobile, exploitant un réseau ouvert au public. La prestation commercialisée vise à terminer l'appel téléphonique vocal d'un client de l'opérateur A vers un client mobile de l'opérateur B (cf. figure 1). Du fait du sens des communications ainsi acheminées, on dit que cet opérateur « termine » les appels vers le réseau de destination.
Lorsque cette prestation s'inscrit dans le cadre d'une communication entre deux clients raccordés à des réseaux différents (appels dits off-net), elle s'exerce dans le cadre d'une convention d'interconnexion signée entre les deux exploitants de réseaux ouverts au public. Lorsque cette prestation s'inscrit dans le cadre d'une communication entre deux clients d'un même réseau (appels dits on-net), elle correspond à une vente dite interne (par opposition à une vente externe, qui correspond au cas précédent).
Lorsqu'un client téléphonique veut appeler, d'un téléphone fixe ou mobile, un numéro de téléphone correspondant à un réseau mobile, l'opérateur de l'appelant fait payer à ce dernier le prix de détail d'une communication à destination du réseau de l'opérateur de l'appelé. Par ailleurs, l'opérateur de l'appelant paie à l'opérateur de l'appelé, directement (s'il est interconnecté en direct avec lui) ou par le biais d'opérateurs de transit, le prix de gros de la terminaison d'appel vocal vers les numéros mobiles de l'opérateur de l'appelé.
Le prix de détail de la communication (fixe-vers-mobile ou mobile-vers-mobile) est fixé par l'opérateur de l'appelant. Le prix de gros de la terminaison d'appel vocal mobile est quant à lui fixé par l'opérateur de l'appelé. Il s'agit du modèle économique de terminaison d'appel dit de calling party network pays.

Figure 1. ― Appel vers un client d'un opérateur mobile

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 54 du 05/03/2013 texte numéro 57

Il convient, par ailleurs, de rappeler que la terminaison d'appel vocal mobile désigne les prestations d'acheminement d'appels fournies par un opérateur exploitant des numéros mobiles à un autre opérateur de réseau auquel il est interconnecté, afin de permettre à l'appelant de ce dernier de joindre ces numéros mobiles (1). Du point de vue de l'opérateur acheteur, une prestation de terminaison d'appel est demandée indépendamment de la technologie d'acheminement du trafic employée par l'opérateur de l'appelé, qui est transparente pour l'acheteur.
Enfin, la prestation de terminaison d'appel, bénéficiant à la fois au client appelant, qui initie l'appel, et au client appelé, qui le reçoit, relève d'un marché biface, l'opérateur de l'appelé ayant la possibilité de recouvrer ses coûts soit par la facturation de l'opérateur de l'appelant, soit par la facturation de son client appelé. De plus, la terminaison d'appel vocal est une prestation d'accès réciproque, aussi appelée two-way access. En effet, les opérateurs qui facturent la terminaison d'appel sont généralement également ceux qui achètent la terminaison d'appel. A ce titre, les flux financiers de terminaison constituent à la fois une charge et une source de revenus pour les opérateurs. In fine, la facturation de la terminaison d'appel est une somme de flux financiers équilibrés entre les opérateurs au niveau du secteur dans son ensemble.

1.2. L'évolution du marché de la téléphonie mobile outre-mer

Au début du marché de la téléphonie mobile, le coût le plus élevé à encourir pour les opérateurs de réseau mobile correspondait au déploiement de leurs réseaux vocaux, en termes de couverture comme de capacité (2). Le trafic des réseaux fixes vers les réseaux mobiles restait marginal par rapport au trafic total des opérateurs fixe. Par ailleurs, les opérateurs de réseau mobile avaient une incitation très forte à acquérir de nouveaux clients (primo-accédants) afin d'accroître leurs économies d'échelle et de rentabiliser des réseaux à forts coûts fixes. Enfin, aucune concurrence n'existait encore entre opérateurs de réseau mobile et opérateurs fixe pour les appels en position déterminée et les offres de convergence n'étaient pas encore envisagées ou commercialisées.
Dans ce contexte, de niveaux élevés de tarifs de terminaison d'appel permettaient, par le biais des appels fixes vers mobiles, de contribuer au financement du déploiement de ces réseaux conduisant ainsi à développer et pérenniser les services mobiles. En particulier, les niveaux de tarifs de terminaison d'appel étaient très supérieurs aux niveaux de leurs coûts complets distribués.
Aujourd'hui, le contexte concurrentiel et réglementaire a fortement évolué.
En effet, le développement du marché outre-mer a atteint sa maturité, avec un taux de pénétration actif de 126 % (dont 143 % pour la zone Antilles-Guyane et 107 % pour la zone Réunion-Mayotte) à la fin du troisième trimestre 2012 et la concurrence pour les services vocaux se tourne donc vers la rétention de clients et l'acquisition de clients des opérateurs concurrents.
De plus, les marchés de détail ont subi une évolution majeure avec la multiplication des gammes d'offres incluant de l'abondance. Ces offres, qui permettent de communiquer de façon illimitée pour un prix forfaitaire, se sont en effet développées depuis leur apparition en 2008, et ce particulièrement au cours de deux dernières années. Elles sont encore aujourd'hui majoritairement orientées sur de l'abondance on-net ou fixe pour quelques numéros favoris ou alors sans restriction de numéros mais pour certaines plages horaires ou jours (i.e. soir et week-end). Si les opérateurs ont, ces dernières années, assoupli les restrictions pesant sur les plages d'abondance, l'Autorité relève néanmoins que les offres comprenant des appels en abondance restent en grande majorité assorties d'une ou de plusieurs contraintes, et que jusqu'à très récemment, peu d'offres, en dehors des offres les plus haut de gamme, proposent ce type d'appels sans aucune contrainte. L'Autorité constate tout de même, depuis peu pour les principaux opérateurs des deux zones, l'émergence d'offres illimitées all-net à destination des mobiles et fixes locaux et de la métropole, qui avec l'alignement des niveaux de terminaison d'appel sur les coûts devrait continuer à se développer.
Aujourd'hui, la plupart des principaux opérateurs de réseau mobile existants, que cela soit dans la zone Antilles-Guyane ou Réunion-Mayotte, sont également présents sur le marché de l'accès à l'internet haut débit fixe, et donc sur le marché de la « voix sur large bande ».
Les offres d'abondance d'accès à internet concernaient principalement quant à elles, pour leur partie voix, les appels à destination des opérateurs fixes (locaux, métropolitains ou internationaux). Depuis peu, certaines de ces offres incluent pour des durées limitées des communications vers les mobiles, ou bien des options supplémentaires incluant les communications en abondance et sans contraintes vers les mobiles locaux ou métropolitains ou les offres de transport de données. Au même titre que sur le mobile, l'Autorité estime que ce type d'offre devrait être amené à se développer assez rapidement.
En effet, l'adéquation des niveaux de terminaisons d'appel aux coûts a une importance significative pour l'animation concurrentielle du marché, compte tenu des effets des terminaisons d'appel dans la conception des offres de détail des opérateurs, ainsi que dans les modalités de la concurrence entre opérateurs mobile ou entre opérateurs fixe et mobile. Par ailleurs, le développement de ces offres d'abondance, que cela soit sur le mobile ou sur le fixe sera bénéfique pour le consommateur.

1.3. Cadre juridique
1.3.1. L'analyse des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile

La décision n° 2010-1149 (3) de l'Autorité en date du 2 novembre 2010 susvisée déclare pertinent chacun des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal mobile sur le réseau de Dauphin Telecom, Digicel, Orange Caraïbe, Orange Réunion, Outremer Telecom, SPM Telecom, UTS Caraïbe et SRR. Ces marchés comprennent la prestation de terminaison d'appel vocal à destination des numéros mobiles ouverts à l'interconnexion sur le réseau de chacun de ces opérateurs mobile.
C'est au terme de l'analyse concurrentielle de ces marchés, que l'Autorité a imposé, conformément au I de l'article L. 38 du CPCE, à ces opérateurs de réseau mobile ultramarins, réputés exercer une influence significative sur les marchés suscités, dans sa décision n° 2010-1149 précitée, de respecter des obligations d'ordre non tarifaire et des obligations de contrôle tarifaire.
Les obligations non tarifaires consistent à faire droit aux demandes raisonnables d'accès et d'interconnexion, à ne pas pratiquer de discrimination, à respecter le principe de transparence (via notamment la publication sur leur site internet respectif des principaux tarifs des prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal) et à mettre en œuvre, uniquement pour Orange Caraïbe et SRR, les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts (4).
Les obligations de contrôle tarifaire consistent à pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants pour les prestations de terminaison d'appel vocal mobile ainsi que d'accès aux sites relatifs à la terminaison d'appel vocal. A ce titre, l'ensemble des opérateurs de réseau mobile ultramarins, hormis SPM Telecom, sont soumis à un encadrement tarifaire pluriannuel de leurs prestations de terminaison d'appel vocal mobile sur la durée de l'analyse, sous la forme d'un plafond. Compte tenu du caractère structurant des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile pour le marché et ses acteurs la fixation du plafond tarifaire répond notamment à un objectif de prévisibilité (cf. partie 2.2).
Il convient de noter que l'encadrement des niveaux tarifaires de la terminaison d'appel que l'Autorité spécifie pour ces opérateurs vise à fixer des plafonds que les tarifs de ces prestations ne doivent pas dépasser, laissant la liberté aux opérateurs de fixer leurs tarifs sous ces plafonds, au niveau qu'ils jugent pertinent. En particulier, il est de la seule responsabilité de chaque opérateur de s'assurer que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionner au titre du droit commun de la concurrence pour des pratiques exercées sur un marché de détail connexe au marché de gros de la terminaison d'appel sur lequel il détient une position dominante.

1.3.2. La présente décision fixe l'encadrement tarifaire du service de terminaison d'appel des trois
opérateurs de réseau mobile métropolitains pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013

La décision n° 2010-1149 susvisée s'applique pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier 2011.
Ses articles 18 à 24 déterminent les plafonds que les tarifs de terminaison d'appel vocal mobile que les opérateurs Dauphin Telecom, Digicel, Orange Caraïbe, Orange Réunion, Outremer Telecom, UTS Caraïbe et SRR ne doivent pas excéder sur la période allant du 1er janvier 2011 au 30 décembre 2012.
Pour SPM Telecom, l'Autorité a précisé dans cette même décision que compte tenu « [d]u fait de la position monopolistique de SPM Telecom, le risque d'introduire une distorsion concurrentielle du fait d'un niveau trop élevé de terminaison d'appel vocal mobile sur le marché de détail de Saint-Pierre-et-Miquelon est donc inexistant. » et a ainsi indiqué qu'elle « n'entend pas préciser par un encadrement tarifaire l'obligation d'orientation vers les coûts imposée à SPM Telecom sur la prestation de terminaison d'appel vocal sur son réseau et sur la facturation des BPN et engagera ultérieurement des discussions approfondies avec cet opérateur, comme par le passé. »
La présente décision vient donc compléter cette décision en fixant, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, les plafonds tarifaires que devront respecter ces opérateurs de réseau mobile au titre de l'obligation d'orientation vers les coûts qu'elle a antérieurement imposée.

1.4. Prise en compte des commentaires des acteurs portant sur le contexte et le cadre juridique
de la présente décision lors de la consultation publique menée du 26 juillet au 14 septembre 2012
1.4.1. Sur l'évolution du marché de la téléphonie mobile outre-mer

Orange Caraïbe et Orange Réunion estiment, contrairement à l'Autorité, que le développement des offres d'abondance n'est pas une conséquence de l'abaissement du tarif de la terminaison d'appel. Orange Caraïbe indique que « La baisse du pouvoir d'achat des ménages et une politique renforcée de défense des consommateurs ont eu pour conséquence l'émergence de nouvelles offres de forfaits mobiles intégrant plus de services à moindre prix sur l'ensemble des marchés [...]. Il est donc important d'observer que le lancement sur le marché d'offres d'abondance que ce soit sur le mobile ou sur le fixe n'est pas directement lié à la baisse du plafond de [terminaison d'appel] proposée par l'Autorité pour 2013 ». Orange Réunion estime pour sa part que « l'apparition de ces offres proposant de l'illimité all-net et les baisses du niveau de la terminaison d'appel ne sont pas corrélées, contrairement à ce que l'Autorité suggère. »
Outremer Telecom indique, à l'inverse, que la commercialisation de ses offres d'abondance all-net au cours du premier semestre 2012 à des niveaux tarifaires attractifs s'est faite sur la base d'une anticipation d'une baisse importante des tarifs de terminaison d'appel pour les opérateurs historiques à compter du 1er janvier 2013.
L'Autorité rappelle qu'une baisse progressive des niveaux de terminaison d'appel pour atteindre le niveau des coûts incrémentaux au 1er janvier 2013 avait été annoncée dès 2009, conformément à la recommandation européenne, et a été formalisée dans la décision n° 2010-1149 susvisée (cf. partie 2.2). L'Autorité rappelle notamment que l'alignement du tarif de la terminaison d'appel sur les coûts incrémentaux de long terme, qui est l'objet de la présente décision, permettra de réduire de façon équitable les déséquilibres financiers liés aux écarts de trafic entre opérateurs, en particulier pour les opérateurs à plus faible part de marché. Ceci permettra de prévenir les « effets de clubs » et ainsi d'instaurer une base concurrentielle pérenne entre les acteurs. L'Autorité note par ailleurs que, conjointement à la baisse des tarifs de terminaison d'appels, les opérateurs ultramarins ont progressivement commercialisé des offres de téléphonie mobile avec des composantes d'abondance (on-net, all-net soirs et week-ends...). L'Autorité constate que l'alignement des tarifs au niveau des coûts au 1er janvier 2013 a été anticipé par certains opérateurs, permettant ainsi le lancement, dès 2012, d'offres d'abondance all-net à tarifs compétitifs.