JORF n°0036 du 11 février 2012

Décision n°2012-0007 du 17 janvier 2012

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;

Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs à l'égard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;

Vu la recommandation 2005/698/CE de la Commission du 19 septembre 2005 concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts au titre du cadre règlementaire pour les communications électroniques ;

Vu la recommandation C(2007) 5406 de la Commission des Communautés européennes du 17 décembre 2007 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (recommandation « marchés pertinents ») ;

Vu la position commune ERG (05)29 de 2005 du groupe des régulateurs européens (GRE) « Guidelines for implementing the Commission Recommendation C(2005) 3480 on Accounting Separation & Cost Accounting Systems under the regulatory framework for electronic communications » ;

Vu la recommandation de la Commission européenne du 20 septembre 2010 sur l'accès réglementé aux réseaux d'accès de nouvelle génération (NGA) ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles L. 32-1, L. 37-1 et suivants, D. 311 et D. 312 ;

Vu l'arrêté du ministre en charge des télécommunications du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, et dont le siège social est situé au 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, ci-après dénommée « France Télécom » ;

Vu la décision n° 05-0834 du 15 décembre 2005 définissant la méthode de valorisation des actifs de la boucle locale cuivre ainsi que la méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total ;

Vu la décision n° 06-1007 du 7 décembre 2006 portant sur les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à France Télécom ;

Vu la décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu la décision n° 2008-0836 du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu la décision n° 2010-0402 du 8 avril 2010 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision n° 2010-1211 du 9 novembre 2010 définissant les conditions économiques de l'accès aux infrastructures de génie civil de boucle locale en conduite de France Télécom ;

Vu la décision n° 2011-0668 du 14 juin 2011 portant sur la définition du marché de gros pertinent des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu la décision n° 2011-0669 du 14 juin 2011 portant sur la définition du marché de gros pertinent des offres d'accès haut débit et très haut débit activées livrées au niveau infranational, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu la décision n° 2011-0926 du 26 juillet 2011 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la consultation publique de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes portant sur les critères de choix d'une méthode d'annualisation des coûts d'investissement et la transition du cuivre vers la fibre, ouverte le 29 mars 2011 et clôturée le 2 mai 2011 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la consultation publique de l'Autorité sur le projet de décision modifiant les durées d'amortissement des actifs de boucle locale cuivre de France Télécom prévues par la décision n° 05-0834 du 15 décembre 2005, lancée le 15 novembre 2011 et clôturée le 15 décembre 2011 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Après en avoir délibéré le 17 janvier 2012 ,

Contexte

Le 29 mars 2011, l'ARCEP a lancé une consultation publique sur « les critères de choix d'une méthode d'annualisation des coûts d'investissement et la transition du cuivre vers la fibre ».
Cette consultation s'inscrivait dans le prolongement des travaux menés par l'Autorité en 2010 sur la tarification de l'accès au génie civil de France Télécom et avait pour objectif de déterminer si le remplacement à terme des réseaux en cuivre par les réseaux en fibre optique nécessite d'apporter des ajustements à la méthode d'annualisation en vigueur, telle que prévue par la décision n° 05-0834 du 15 décembre 2005.
Il s'agissait en premier lieu d'aborder les questions liées à la juste rémunération de France Télécom pour l'utilisation de son réseau de boucle locale en tant qu'infrastructure essentielle (et en particulier la mise en évidence d'une éventuelle provision pour renouvellement), puis d'interroger les acteurs sur les méthodes de tarification et finalement d'évoquer la transition technologique en cours du cuivre vers la fibre.
L'Autorité a reçu des réponses de l'AFORST, de l'AVICCA, de Bouygues Telecom, de la Caisse des dépôts et consignations, de France Télécom, de Numéricable, de SFR et de TDF. Elle a auditionné les sociétés Bouygues Telecom, France Télécom, Numéricable et SFR le 5 juillet 2011.
Au regard des contributions de l'ensemble des acteurs, il est apparu que la méthode actuelle utilisée pour les actifs de boucle locale conservait sa pertinence en garantissant un strict remboursement des dépenses d'investissement effectivement encourues, c'est-à-dire les dépenses réelles, sans causer de sous-rémunération ni de surrémunération de l'opérateur historique, mais que des ajustements sur les durées d'amortissement des actifs de boucle locale étaient justifiés par la transition du cuivre vers la fibre.

I. ― La modification portant sur la durée d'amortissement
du génie civil en conduite

La décision n° 05-0834 du 15 décembre 2005 a fixé la durée de vie utilisée pour l'amortissement des actifs de génie civil de boucle locale en conduite à quarante ans. Cette durée de vie se fondait sur l'utilisation de la durée de vie économique du génie civil.
Les réponses des acteurs à la consultation publique de l'Autorité indiquent que cette durée de vie économique a pu être sous-estimée dans la décision n° 05-0834 de 2005 en étant fixée à quarante ans. En effet, les investissements actuels de France Télécom en génie civil en conduite s'avèrent sensiblement inférieurs à ceux d'il y a quarante ans, voire quarante-cinq ans, et aucune reprise significative de ces investissements n'est constatée à ce stade. Ces observations valident l'analyse des acteurs sur le fait que la durée de vie physique du génie civil en conduite constatée aujourd'hui s'avère plus longue que celle qui a été retenue par anticipation en 2005.
Il paraît ainsi pertinent d'allonger la durée de vie d'amortissement du génie civil en conduite afin de l'aligner avec l'observation des investissements effectivement réalisés et de fournir ainsi un signal de coût stable sur le long terme correspondant à une infrastructure toujours en service.
S'il est possible de déterminer que la valeur de quarante ans est insuffisante, il n'est pour autant pas possible de déterminer précisément la valeur exacte intrinsèque aux actifs de génie civil. Dès lors, un mécanisme prévoyant une augmentation progressive de la durée d'amortissement du génie civil en conduite semble aujourd'hui le plus adapté.
Le mécanisme retenu consiste à incrémenter la durée d'amortissement du génie civil d'une année supplémentaire chaque année à partir de 2012, ceci jusqu'à l'année 2021, sauf si une reprise des investissements comparable aux investissements en génie civil consentis par France Télécom dans les années 1970 était constatée.
En l'absence d'une reprise significative des investissements en génie civil en conduite, le mécanisme mis en place par l'Autorité prévoit que la durée de vie du génie civil en conduite sera plafonnée à la valeur de cinquante ans à partir de 2021.
En annexe de cette décision, l'Autorité précise les modalités de mise en œuvre de l'allongement de la durée d'amortissement des actifs de génie civil en conduite.

II. ― La modification portant sur la durée d'amortissement
des câbles en cuivre

Dans leurs réponses à la consultation publique menée par l'Autorité, les acteurs s'accordent également sur le fait que, en raison du déploiement des réseaux de fibre optique, le cuivre perdra son caractère de facilité essentielle à terme et que son obsolescence sera accélérée.
L'avènement de la fibre aura pour effet d'accélérer l'obsolescence des câbles en cuivre, ce qui, conformément à l'orthodoxie comptable, conduit à envisager une réduction de la durée d'amortissement des câbles, aujourd'hui calée sur une appréciation de leur durée de vie économique datant de 2005, date à laquelle le déploiement de réseaux en fibre n'était pas envisagé, pour l'adapter à leur durée d'utilisation effective.
Afin de définir la nouvelle durée de vie économique pertinente pour les câbles en cuivre, l'Autorité relève que l'agenda numérique pour l'Europe prévoit qu'à horizon 2020, l'ensemble des citoyens européens devront disposer d'un débit descendant de 30 Mbps et que, à cet horizon, 50 % des foyers auront souscrit une offre permettant un débit descendant supérieur ou égal à 100 Mbps. De plus, l'Autorité relève que, à horizon 2025, une couverture en très haut débit de 100 % de la population est envisagée par les pouvoirs publics dans le cadre du programme national très haut débit. Dès lors, il semble pertinent d'envoyer au marché un signal fort sur la transition du cuivre vers la fibre optique et de permettre que, en 2025, les câbles en cuivre actuellement en service soient complètement amortis.
Par ailleurs, une réduction de la durée d'amortissement des câbles en cuivre, en accélérant le remboursement de la masse de coûts du réseau cuivre provenant des investissements passés, fait supporter ces coûts à un nombre plus important d'utilisateurs du cuivre n'ayant pas encore migré vers la fibre. Un tel mécanisme a l'avantage, d'une part, de modérer l'effet de remontée des coûts unitaires du cuivre à terme et, d'autre part, de faire profiter aux derniers utilisateurs du cuivre, qui ont des fortes chances de se situer dans les zones rurales du territoire, de tarifs faibles résultant d'un amortissement complet des câbles de cuivre d'ici là.
L'Autorité retient ainsi, à partir de 2012, que la durée d'amortissement des câbles en cuivre passe de vingt-cinq ans à treize ans.
En annexe de cette décision, l'Autorité précise les modalités de mise en œuvre de la réduction de la durée d'amortissement des actifs de génie civil en conduite.
Décide :

Article 1

A partir de 2012, la durée d'amortissement des actifs de génie civil en conduite prévue par l'annexe 1 de la décision n° 05-0834 est portée à cinquante ans.

Article 2

A partir de 2012, la durée d'amortissement des actifs de câbles en cuivre prévue par l'annexe 1 de la décision n° 05-0834 est portée à treize ans.

Article 3

La modification des durées d'amortissement est mise en œuvre conformément aux modalités prévues en annexe.

Article 4

Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision, qui sera publiée et notifiée à France Télécom. Cette décision et ses annexes seront publiées au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 17 janvier 2012.

Le président,

J.-L. Silicani