A. - Sur la demande d'écart tarifaire
La société Bouygues Telecom a demandé à l'Autorité de « reconnaître que Bouygues Telecom est bien fondée à solliciter un tarif de terminaison de SMS interpersonnels plus élevé que celui de ses concurrents, avec un écart comparable à celui existant dans le cadre de la terminaison d'appel vocal ».
Le demandeur estime que sa demande d'écart tarifaire est conforme à la pratique observée s'agissant des terminaisons d'appel vocal, fixes et mobiles, pour lesquelles un écart existe entre certains opérateurs.
En premier lieu, contrairement aux marchés de gros de la terminaison d'appel vocal, fixe ou mobile, où l'écart tarifaire s'inscrit dans le cadre d'une obligation de contrôle tarifaire, notamment d'orientation vers les coûts, le marché de gros de la terminaison d'appel SMS n'a pas été identifié, à ce jour, comme pertinent par l'Autorité au sens de l'article L. 37-1 du CPCE. A fortiori, il n'existe pas d'obligation réglementaire ex ante sur ce marché. Aussi, à la date de la présente décision et au cas d'espèce, l'analogie avec la terminaison d'appel vocal n'est-elle pas pertinente pour la fixation du niveau équitable de la charge d'interconnexion.
En second lieu, le service de SMS interpersonnel est identique d'un opérateur à l'autre. En effet, il se base tout d'abord sur la même technologie (norme GSM). Ensuite, les architectures de réseau, schématisées ci-dessous, sont globalement identiques entre les deux opérateurs, comme l'indiquent les réponses des deux opérateurs au premier questionnaire de l'ARCEP portant, entre autres, sur la description des équipements utilisés dans le cadre de l'envoi et de la réception de SMS. Enfin, les opérateurs de réseau mobile sont soumis aux mêmes obligations de couverture du territoire. De ce fait, il n'existe pas de différences techniques significatives entre les prestations de terminaison d'appel SMS de chaque opérateur.
En troisième lieu, le volume annuel de SMS envoyé par Bouygues Telecom à SFR est globalement équivalent, à moins de 5 % près, à celui envoyé par SFR à Bouygues Telecom.
Dans ce contexte, il apparaît que, si les parties étaient parvenues à un accord commercial, cet accord se serait fait sur la base d'une réciprocité tarifaire, c'est-à-dire d'une identité du niveau des terminaisons d'appel SMS respectives. En effet, en l'absence de mesures de régulation ex ante, la symétrie tarifaire constitue le résultat naturel d'une négociation dans la mesure où elle résulte d'un équilibre de Nash : individuellement, chaque acteur a intérêt à ce que la terminaison d'appel SMS de son concurrent soit la plus basse possible de façon à minimiser ses coûts, tout en ayant un tarif d'interconnexion le plus élevé possible de façon à maximiser ses revenus.
Ainsi, dans le cadre d'une négociation bilatérale où il existe une symétrie globale en termes de prestations fournies, de volumes ainsi que d'architecture de réseaux sous-jacents et où le tarif d'interconnexion constitue le seul élément de négociation entre les parties et que ce tarif n'est pas soumis à une obligation de contrôle tarifaire ex ante, l'Autorité considère qu'il est équitable que les tarifs de terminaison soient réciproques, sauf circonstances exceptionnelles. L'Autorité relève que les parties pratiquent d'ailleurs la réciprocité tarifaire dans le cadre des accords d'interfonctionnement SMS depuis 1999, ainsi que pour les accords d'interfonctionnement MMS.
Au surplus, l'Autorité relève que la demande de Bouygues Telecom est essentiellement motivée par le niveau jugé trop élevé de la terminaison d'appel SMS de ses deux concurrents et non sur celui de sa propre terminaison d'appel SMS.
Pour ces raisons, l'Autorité rejette la demande d'écart tarifaire de Bouygues Telecom et estime que, au cas d'espèce, sur la seule base de l'équité et compte tenu des moyens développés, la société Bouygues Telecom n'est pas fondée à solliciter un tarif de terminaison SMS interpersonnels plus élevé que celui de ses concurrents.
B. - Sur le niveau équitable de la terminaison d'appel SMS
Au cours de la phase de négociations, les sociétés Bouygues Telecom et SFR se sont accordées sur le fait que le tarif de 5,336 centimes d'euro, fixé en 1999 et actuellement appliqué par les parties, ne se justifiait plus au regard de l'évolution de la consommation de SMS.
En effet, Bouygues Telecom indique à SFR, dans sa lettre du 11 octobre 2004, que l'évolution du contexte pendant ces cinq années rend ce tarif obsolète, l'usage des SMS ayant plus que triplé sur cette période. SFR, dans son courrier du 13 juin 2005, reconnaît être favorable à une diminution rapide du tarif de terminaison des SMS pour tenir compte de l'augmentation importante des volumes de SMS échangés et de la baisse des coûts unitaires consécutive.
Les parties n'ayant pas réussi à s'accorder sur les modalités de la baisse, il appartient désormais à l'Autorité de se prononcer sur le niveau équitable de la charge de terminaison d'appel SMS. Dans ce cadre, elle considère que, sur la base des propositions faites par SFR au cours des négociations et au regard des prétentions des parties, le tarif de 4,3 centimes d'euro, correspondant à une baisse d'environ 20 %, apparaît comme un point de départ que les parties étaient prêtes à s'appliquer à compter du 1er septembre 2005.
Comme le note Bouygues Telecom, la terminaison d'appel SMS représente, au tarif actuel, près de 50 % des prix HT de détail les plus fréquemment pratiqués et jusqu'à 90 % des prix HT de détail (hors offres promotionnelles) les plus bas observés et cités par les opérateurs. Bouygues Telecom estime que les tarifs de détail ont baissé depuis 1999, notamment en 2004, sans que le niveau de la terminaison d'appel SMS n'évolue, ce qui a conduit à réduire son niveau de marge. En ce sens, l'Autorité considère qu'une baisse de 20 % de la terminaison d'appel SMS permettrait à Bouygues Telecom de retrouver une certaine marge de manoeuvre sur les marchés de détail, dans la mesure notamment où l'évolution du prix moyen du SMS depuis 1999 fait apparaître une baisse de moins de 20 %.
Par ailleurs, tous les éléments fournis par Bouygues Telecom dans le cadre des réponses au premier questionnaire de l'ARCEP portant sur les éléments de coûts, indépendamment des méthodes de valorisation et d'évaluation retenues, tendent à montrer que les coûts de terminaison d'appel SMS sur les réseaux des opérateurs mobiles sont inférieurs à 4,3 centimes d'euro. Le tarif de 4,3 centimes d'euro n'apparaît donc pas incompatible avec la structure de coût sous-jacente.
En revanche, en l'absence d'obligation de contrôle tarifaire ex ante, consistant par exemple en une obligation d'orientation vers les coûts, l'analyse des coûts ne peut constituer, au cas d'espèce, qu'une référence parmi d'autres. Pour juger du caractère équitable de la charge de terminaison d'appel SMS, l'Autorité ne peut donc se fonder sur la seule base des coûts.
Il résulte de ce qui précède que les arguments développés par la société Bouygues Telecom, essentiellement fondés sur des références aux coûts, sont insuffisants, au cas d'espèce, pour justifier un tarif d'interconnexion de 2,5 centimes d'euro.
L'Autorité rejette donc la demande de la société Bouygues Telecom de fixer le tarif de terminaison d'appel SMS de SFR à 2,5 centimes d'euro et considère, au vu des éléments en sa possession, que le tarif de 4,3 centimes d'euro constitue un niveau équitable que les parties peuvent raisonnablement s'appliquer, sans préjudice de l'analyse de marché en cours, ni d'une renégociation ultérieure à la baisse décidée entre les parties.
Pour toutes ces raisons et au vu des moyens exposés par les parties, l'Autorité estime que le niveau équitable de terminaison d'appel SMS s'élève à 4,3 centimes d'euro.
C. - Sur la date d'application de la baisse de la terminaison d'appel SMS
Dans sa saisine en date du 11 juillet 2005, Bouygues Telecom demande à l'Autorité de fixer le tarif de terminaison d'appel SMS à compter du 1er juillet 2005.
Dans ses observations en réplique du 3 octobre 2005, SFR demande quant à elle à l'Autorité, à titre subsidiaire, de fixer le tarif de terminaison de SMS des trois opérateurs mobiles au 1er septembre 2005. Toutefois, SFR n'apporte aucun élément permettant de justifier le choix du 1er septembre 2005.
Au demeurant, l'Autorité note que, dans la mesure où le tarif de terminaison d'appel SMS est réciproque entre les parties, les charges d'interconnexion supportées par un opérateur sont globalement compensées par les revenus d'interconnexion en provenance des autres opérateurs, les flux de SMS échangés n'étant pas significativement déséquilibrés en moyenne.
En conséquence, la baisse de terminaison d'appel SMS sur des volumes déjà échangés n'a que peu d'incidence sur les échanges de flux financiers entre opérateurs.
Dans ces conditions, l'Autorité estime équitable de retenir la date du 1er juillet 2005 pour l'application de la présente décision.
En conséquence de ce qui précède et sans préjudice d'obligations réglementaires imposées, le cas échéant, à l'issue de l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS, ni du droit des parties à négocier pour s'accorder sur de nouvelles évolutions tarifaires, l'Autorité décide :
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