JORF n°0177 du 1 août 2019

Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.
Le 11 décembre 2013, M. W. et son épouse, Mme W., ont acquis une parcelle de terre sise XX, sur la commune de XX (Gironde).
L'acte authentique de vente de la parcelle mentionne un certificat d'urbanisme délivré le 9 septembre 2013 dont il résulte que le terrain est soumis au zonage suivant « N : terrains à dominante forestière ».
Le 1er avril 2016, la société Électricité Réseau Distribution France, devenue ENEDIS, a enregistré une demande de raccordement au réseau public d'électricité d'une installation sise XX, pour une puissance maximale de 12 kVa monophasé.
La société ENEDIS est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 17 juin 2016, la société ENEDIS a communiqué à M. W. une proposition de raccordement électrique n° 6163811201 valable jusqu'au 17 septembre 2016 pour un montant total de 1 255,97 € TTC.
Le 29 juin 2016, la société ENEDIS a confirmé avoir reçu le paiement de cette somme.
Le 4 juillet 2016, la société ENEDIS a adressé une déclaration préalable de travaux de « branchement électrique » à la mairie de XX.
Le 11 juillet 2016, la société ENEDIS a informé M. W. que les travaux de raccordement seraient réalisés au cours de l'après-midi du 28 juillet 2016.
Le 29 juillet 2016, une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité en vigueur de l'installation électrique de M. W. visée par le Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL) lui a été remise.
Le 18 août 2016, la société ENEDIS a informé verbalement M. W. qu'elle ne pouvait faire droit à sa demande de raccordement au motif qu'elle a reçu une opposition au raccordement formulée par le maire de la commune de XX dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale en matière d'urbanisme.
Le 24 août 2016, la société ENEDIS a procédé au remboursement de la somme versée par M. W.
Vu la procédure suivante :
Par un courrier enregistré le 2 mars 2018, M. W. a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande intitulée « saisine et demande de mesures conservatoires urgentes » à l'encontre de la société ENEDIS.
Le 16 mars 2018, le président du comité de règlement des différends et des sanctions a rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par M. W. pour cause d'irrecevabilité.
Dans ces conditions, M. W. a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement de différend relative à la non-exécution de la convention de raccordement d'une installation de consommation au réseau public de distribution d'électricité, enregistrée le 29 mars 2018 sous le numéro 01-38-18.
Par une saisine et des observations complémentaires enregistrées les 29 mars 2018, 23 juillet 2018 et 29 avril 2019, M. W., représenté par Me Coussy demande au comité de règlement des différends et des sanctions :

- de dire les requérants recevables en leur demande ;
- d'enjoindre à la société ENEDIS de procéder au raccordement définitif de leur propriété au réseau public de distribution à ses frais exclusifs ;
- de saisir le cas échéant un membre du comité pour qu'il soit statué sur les sanctions à prononcer contre ENEDIS dans le cas où la décision à intervenir ne serait pas respectée.

En ce qui concerne sa saisine, il soutient que :

- elle est recevable dès lors qu'il est propriétaire de parcelles pour lesquelles une convention de raccordement d'électricité a été conclue le 1er juin 2016 avec la société ENEDIS en application de l'article 12 du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003.

En ce qui concerne le bien-fondé de sa demande, il soutient que :

- il a exécuté les termes de la convention de raccordement en procédant à son entier règlement ;
- la société ENEDIS a manqué à son obligation de traitement non-discriminatoire en ce qu'elle n'a pas respecté le processus de raccordement dont elle est garante ;
- la société ENEDIS n'établit pas qu'une autorisation d'urbanisme était nécessaire ;
- il n'a pas été informé par la société ENEDIS de l'opposition du maire au raccordement de son terrain ;
- le courrier du 23 novembre 2015 produit par la société ENEDIS est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il ne lui a jamais été envoyé, d'autre part, qu'il n'est pas établi que celui-ci lui aurait été adressé dans le cadre de la procédure de raccordement réalisée en bonne et due forme et, enfin, qu'il n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire ;
- en tout état de cause, le refus de la société ENEDIS de procéder à la mise sous tension de l'installation est tardif dès lors, d'une part, qu'il est intervenu à « l'étape 7 » de la proposition de raccordement, à savoir celle de la mise en service des boitiers déjà installés, et non à « l'étape 4 », de l'obtention des autorisations et, d'autre part, qu'en l'absence d'opposition au visa du CONSUEL dans un délai de quinze jours, l'attestation de conformité de l'installation électrique a acquis un caractère définitif.

Par des observations en défense et deux observations complémentaires, enregistrées les 15 mai 2018, 10 septembre 2018, 5 octobre 2018 et 20 juin 2019, la société ENEDIS, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocat Me TRECOURT, demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- se déclarer incompétent pour statuer sur la saisine de M. W. ;
- constater la caducité de la proposition technique du 17 juin 2016 ;
- constater qu'elle n'a pas commis de faute dans l'instruction de la demande de raccordement de M. W. ;
- constater qu'elle a respecté ses obligations ;
- rejeter l'ensemble des demandes formées par M. W.

Elle soutient que :

- il n'existe aucun différend portant sur l'accès au réseau ou sur son utilisation propre à justifier de la compétence du comité qui devra se déclarer incompétent pour connaître des demandes de M. W. ;
- elle a agi conformément aux obligations réglementaires issues du contrat de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique et de l'article 23 du cahier des charges en vigueur à XX ;
- elle a reçu le 18 août 2016 une décision d'opposition de la mairie au raccordement définitif du terrain de M. W. ; que si cette décision n'a pas pu être retrouvée par ses services, il en est fait référence dans son outil de gestion des dossiers et son existence est corroborée par le courrier du 23 novembre 2015 transmis par la commune de XX ;
- elle ne peut passer outre la décision d'opposition du maire, peu importe l'obtention du visa du CONSUEL ;
- elle a respecté la convention de raccordement du 17 juin 2016 dès lors qu'en l'absence de l'obtention des autorisations administratives prévues à l'article 4, celle-ci est devenue caduque ; qu'elle a d'ailleurs informé M. W. de la décision de refus du maire et a procédé le 24 août 2016 au remboursement de la somme versée ;
- M. W. ne démontre pas avoir fait l'objet d'une discrimination quelconque de sa part ;
- la proposition de raccordement avait une durée de validité limitée dans le temps à deux ans et n'existe ainsi plus dans l'ordre juridique depuis le 24 août 2016. En l'absence de demande pendante d'accès au réseau, le comité ne saurait faire droit à l'injonction de raccordement demandée par M. W. ;
- le maire a pu, à bon droit, s'opposer au raccordement définitif du terrain de M. W. dès lors que sa caravane, située en zone naturelle non constructible, ne peut faire l'objet d'une autorisation d'urbanisme en application des articles L. 111-12 et L. 421-1 du code de l'urbanisme ;
- en tout état de cause, le comité ne saurait enjoindre au raccordement de la parcelle de M. W., celui-ci n'étant pas compétent pour remettre en cause la décision du maire.

Par un premier courrier en date du 17 septembre 2018, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès de la société ENEDIS afin de se faire communiquer avant le 8 octobre 2018 à 17 heures la décision d'« opposition de la Mairie au raccordement du terrain de M. W. ».
Par un deuxième courrier en date du 24 mai 2019, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès du Maire de la commune de XX afin d'obtenir une réponse, avant le 7 juin 2019, aux questions suivantes :

  1. « Est-ce que M. W. a adressé à la commune de XX une déclaration préalable pour l'installation de sa caravane sur la parcelle de terre précitée ?
  2. Le cas échéant, avez-vous adressé à M. W. une opposition à l'installation de cette caravane ?
  3. A la suite de la déclaration préalable de travaux de la société ENEDIS du 4 juillet 2016, vous êtes-vous opposé par une décision reçue par cette dernière le 18 août 2016 au raccordement définitif de la caravane de M. W. au réseau de distribution d'électricité ? Le cas échéant, sous quelle forme s'est matérialisée cette décision d'opposition ? Dans le cas d'un refus écrit, pourriez-vous nous transmettre cette décision ? »
    Aucune réponse n'a été apportée à cette mesure d'instruction.
    Par un dernier courrier en date du 24 mai 2019, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès du conseil de M. W. afin d'obtenir une réponse, avant le 7 juin 2019, aux questions suivantes :
  4. « Est-ce que M. W. a adressé à la commune de XX une déclaration préalable pour l'installation de sa caravane sur la parcelle de terre sise XX, XX ? Si tel n'est pas le cas, pouvez-vous nous en préciser les raisons ?
  5. Dans l'éventualité où M. W. aurait déposé une déclaration préalable auprès de la mairie, a-t-il reçu une décision d'opposition à cette installation ou le cas échéant, a-t-il demandé un certificat de non-opposition ? »
    Par des observations enregistrées le 6 juin 2019, M. W. a répondu à la mesure d'instruction en indiquant qu'il n'a jamais été question d'installer une caravane sur le terrain en cause. Il indique que le raccordement en l'espèce n'est pas conditionné à une quelconque demande d'autorisation ou à une déclaration au titre du code de l'urbanisme.
    Par une décision du 28 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2019.
    Vu les autres pièces du dossier.
    Vu :

- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants, R. 134-7 et suivants ;
- le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 111-12 et L. 421-1 ;
- la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 13 septembre 2018 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 01-38-18.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 8 juillet 2019, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, Mme Henriette CHAUBON, M. Henri DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU et Mme Hélène VESTUR, membres, en présence de :
Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché,
Mme Jennifer CORRADI, rapporteur,
Me Benoît COUSSY, représentant M. W.,
Les représentants de la société ENEDIS, assistés de Me TRECOURT.
Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Jennifer CORRADI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Benoît COUSSY, pour M. W. ; M. W. persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me François TRECOURT et M. Christopher MENARD, chef du pôle des affaires juridiques, pour la société ENEDIS ; la société ENEDIS persiste dans ses moyens et conclusions.

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
Sur la recevabilité de la pièce, transmise le 9 juillet 2019, par M. W. :

  1. Aux termes des dispositions de l'article R. 134-12 du code de l'énergie : « Après la clôture de l'instruction, aucune observation ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. »
  2. Il résulte de ces dispositions que, sauf dans le cas où le comité invite lui-même les parties à produire des pièces ou à répondre par écrit à une question qui leur aurait été posée au cours de la séance, les parties ne sont pas recevables à présenter de leur propre initiative des observations ou à produire de nouvelles pièces postérieurement à la séance.
  3. Le 9 juillet 2019, M. W. a transmis par courriel des observations à l'attention du président du comité de règlement des différends et des sanctions. Dans ce courrier, le conseil de M. W. indique que les sommes avancées par M. W. au titre de la proposition de raccordement n'ont jamais été remboursées par la société ENEDIS. Il en déduit que la caducité de la convention de raccordement ne saurait être constatée.
  4. Si au cours de la séance qui s'est tenue le 8 juillet 2019 le président a posé plusieurs questions au conseil de M. W., il n'a pas pour autant demandé à ce dernier de présenter une note en délibéré ou de produire de nouvelles pièces.
  5. Dans ces conditions, le comité écarte comme irrecevables les observations, transmises le 9 juillet 2019 par M. W.
    Sur l'exception de non-lieu à statuer :
  6. La société ENEDIS soutient devant le comité que le remboursement des sommes avancées par M. W. le 24 août 2016 au titre de la proposition de raccordement qui lui a été faite le 1er avril 2016 emportait la caducité de cette proposition. Il s'ensuit, selon la société ENEDIS, que le comité n'est plus saisi d'une problématique d'accès au réseau et ne saurait statuer sur la demande présentée par M. W. La société ENEDIS estime en effet que les demandes de M. W. sont irrecevables au motif que sa demande de raccordement n'existe plus dans l'ordre juridique depuis le 24 août 2016.
  7. Toutefois, lorsqu'il est saisi d'une demande de règlement de différend, le comité n'est pas lié par la validité de la proposition de raccordement. Dès lors que le demandeur persiste dans son intérêt à être raccordé au réseau, un différend au sens des dispositions du code de l'énergie portant sur l'accès au réseau demeure.
  8. En conséquence, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par la société ENEDIS ne peut qu'être rejetée.
    Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions :
  9. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ou de réseaux fermés de distribution d'électricité ; […] Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement. La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. […] » L'article L. 111-91 du code de l'énergie, auquel il est ainsi renvoyé dispose que : « I. - Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour assurer : […] 1° les missions de service public définies à l'article L. 121-5 […] II. - Pour mettre en œuvre les dispositions du I, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux ».
  10. Il résulte des dispositions qu'un différend n'entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, laquelle est une compétence d'attribution, qu'à une double condition, tenant, l'une à la qualité des personnes qu'un différend oppose, et l'autre, à l'objet du différend.
  11. La société ENEDIS soutient que le comité n'est pas compétent pour connaître des demandes de M. W. dès lors qu'elles ne sont pas relatives à un différend portant sur l'accès au réseau l'opposant à la société ENEDIS mais à la licéité d'un refus de raccordement prononcé par une commune.
  12. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. W. et la société ENEDIS ont la qualité, respectivement, d'utilisateur et de gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité et que la convention de raccordement qu'ils ont conclue relève de la catégorie contractuelle définie au II de l'article L. 111-91 du code de l'énergie. Le différend en cause est relatif au refus de la société ENEDIS de procéder au raccordement définitif de son installation et constitue ainsi un refus d'accès au réseau public de distribution d'électricité au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le comité de règlement des différends est compétent pour connaitre de la demande de règlement de différend opposant M. W. à la société ENEDIS en vertu des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie.
  13. En second lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 134-20 du code de l'énergie « […] La décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. […]. »
  14. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-93 du code de l'énergie : « I. ― Tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'énergie. Le refus doit résulter de critères, objectifs et non discriminatoires, qui ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement. Ces critères sont publiés. » Aux termes également de l'article L. 322-8 du code de l'énergie : « un gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : […] 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès à ces réseaux. » Aux termes enfin de l'article L. 121-4 du même code : « I. - La mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité consiste à assurer : […] 2° Le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution. »
  15. Il résulte de ces dispositions que lorsque le comité est saisi d'un différend portant sur un refus d'accès au réseau public de distribution d'électricité, il lui appartient de se prononcer sur l'existence d'un droit au raccordement pour l'utilisateur en cause et, le cas échant, de préciser les conditions dans lesquelles l'accès au réseau est assuré. Il vérifie que le refus opposé par le gestionnaire du réseau résulte de critères objectifs et non discriminatoires.
    Sur le refus de la société ENEDIS de procéder au raccordement définitif de l'installation de M. W. :
  16. Aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme dispose que : « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ». L'article L. 421-4 du même code vise des constructions, aménagements, installations et travaux déterminés par décret et qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable. Aux termes également des dispositions de l'article R. 421-23 du même code : « doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivant : […] d) L'installation, pour une durée supérieure à trois mois par an, d'une caravane autre qu'une résidence mobile mentionnée au j ci-dessous : - sur un terrain situé en dehors d'un parc résidentiel de loisirs, d'un terrain de camping, d'un village de vacances classé en hébergement léger au sens du code du tourisme ou d'une dépendance de maison familiale de vacances agréée au sens du code du tourisme ; - sur un emplacement d'un terrain de camping, d'un village de vacances classé en hébergement léger au sens du code du tourisme ou d'une dépendance de maison familiale de vacances agréée au sens du code du tourisme qui a fait l'objet d'une cession en pleine propriété, de la cession de droits sociaux donnant vocation à sa propriété en attribution ou en jouissance ou d'une location d'une durée supérieure à deux ans. Pour le calcul de la durée de trois mois par an mentionnée au cinquième alinéa, toutes les périodes de stationnement, consécutives ou non, sont prises en compte ».
  17. Il résulte des dispositions précitées que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, et alors même que l'infraction pénale constituée par la construction sans autorisation serait prescrite, à un raccordement définitif aux réseaux publics des bâtiments, locaux ou installations dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée ou agréée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors (Conseil d'Etat, 9-10 SSR, 23 mars 2016, n° 392638). Cette décision peut être notifiée tant à l'intéressé lui-même qu'au gestionnaire du réseau pour l'informer de son refus (Conseil d'Etat, 1-6 SSR, 24 mars 2014, n° 359554).
  18. En outre, en vertu de l'article 23 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique, attribué par le Syndicat intercommunal d'électrification du XX : « sur le territoire de la concession, le concessionnaire est tenu de consentir des abonnements, en vue de la fourniture de l'énergie électrique aux conditions du présent cahier des charges, à toute personne qui demandera à contracter ou à renouveler un abonnement […], sauf s'il a reçu entre temps injonction contraire de l'autorité compétente en matière d'urbanisme ou en matière de police et sous réserve du respect des textes réglementaires relatifs au contrôle de conformité des installations intérieures. […] le concessionnaire est par ailleurs tenu, sous réserve des possibilités du réseau, de fournir l'énergie électrique pour la desserte des installations provisoires, sauf s'il a reçu entre temps injonction de l'autorité compétente en matière de police ».
  19. Il résulte des dispositions précitées que lorsque le maire décide de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme précité, le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité est tenu de refuser de procéder au raccordement définitif de l'installation (cour d'appel de Paris, 31 mai 2018, n° 17/14365).
  20. En revanche, lorsque le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité a été informé d'une décision administrative d'opposition au raccordement définitif de l'installation, il ne peut en tenir compte que dans la mesure où il la verse à son dossier, afin qu'il soit en mesure, le cas échéant, de documenter ce refus auprès du demandeur du raccordement.
  21. Il ressort des pièces du dossier que le 4 juillet 2016 la société ENEDIS a déposé auprès de la commune de XX une déclaration préalable de travaux en vue de la réalisation des travaux de raccordement définitif de l'installation de M. W.
  22. La société ENEDIS soutient avoir reçu le 18 août 2016 une décision d'opposition du maire au raccordement définitif de l'installation de M. W. Elle se borne toutefois à produire une capture d'écran tirée de son logiciel de traitement informatique des dossiers faisant état de la « réception de refus de travaux de la mairie » ainsi que d'un « message sur [le] répondeur au cli[ent] pour lui dire que l'on va lui rembourser ».
  23. En dépit d'une mesure d'instruction en ce sens, la société ENEDIS n'a pas été en mesure de produire la décision reçue le 18 août 2016 dont elle se prévaut, indiquant qu'« il n'a pas été retrouvé trace, hormis cet état informatique, de la décision de la mairie qui a pu prendre la forme soit d'une communication verbale soit d'une communication électronique qui n'aurait pas été conservée ». Elle produit uniquement un courrier du 23 novembre 2015 du maire de la commune faisant suite à un constat de police municipale relatif à des travaux de viabilisation sur les parcelles en cause et qui a pour objet de rappeler à M. W. la règlementation en vigueur en zone naturelle, qui viendrait, selon la société ENEDIS, corroborer l'existence de la décision précitée.
  24. Par ailleurs, à la suite des débats en séance publique, aucune des parties n'a été en mesure de donner une indication claire et précise de la nature ainsi que de l'usage de l'installation pour laquelle un raccordement a été demandé par M. W. En effet, la société ENEDIS soutient que l'objet de ce raccordement était une caravane, ce que conteste M. W., sans fournir quelque renseignement que ce soit sur la nature de l'installation en cause. L'instruction n'a dès lors pas permis au comité de disposer de suffisamment d'éléments pour déterminer la finalité du raccordement. Compte tenu des caractéristiques du différend, toute mesure d'investigation complémentaire en ce sens serait inutile.
  25. Malgré les demandes qui lui ont été adressées, M. W. ne met pas le comité à même de régler le présent différend.
  26. Par suite, les demandes présentées par M. W. sont rejetées.
    Décide :

Historique des versions

Version 1

Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.

Le 11 décembre 2013, M. W. et son épouse, Mme W., ont acquis une parcelle de terre sise XX, sur la commune de XX (Gironde).

L'acte authentique de vente de la parcelle mentionne un certificat d'urbanisme délivré le 9 septembre 2013 dont il résulte que le terrain est soumis au zonage suivant « N : terrains à dominante forestière ».

Le 1er avril 2016, la société Électricité Réseau Distribution France, devenue ENEDIS, a enregistré une demande de raccordement au réseau public d'électricité d'une installation sise XX, pour une puissance maximale de 12 kVa monophasé.

La société ENEDIS est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

Le 17 juin 2016, la société ENEDIS a communiqué à M. W. une proposition de raccordement électrique n° 6163811201 valable jusqu'au 17 septembre 2016 pour un montant total de 1 255,97 € TTC.

Le 29 juin 2016, la société ENEDIS a confirmé avoir reçu le paiement de cette somme.

Le 4 juillet 2016, la société ENEDIS a adressé une déclaration préalable de travaux de « branchement électrique » à la mairie de XX.

Le 11 juillet 2016, la société ENEDIS a informé M. W. que les travaux de raccordement seraient réalisés au cours de l'après-midi du 28 juillet 2016.

Le 29 juillet 2016, une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité en vigueur de l'installation électrique de M. W. visée par le Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL) lui a été remise.

Le 18 août 2016, la société ENEDIS a informé verbalement M. W. qu'elle ne pouvait faire droit à sa demande de raccordement au motif qu'elle a reçu une opposition au raccordement formulée par le maire de la commune de XX dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale en matière d'urbanisme.

Le 24 août 2016, la société ENEDIS a procédé au remboursement de la somme versée par M. W.

Vu la procédure suivante :

Par un courrier enregistré le 2 mars 2018, M. W. a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande intitulée « saisine et demande de mesures conservatoires urgentes » à l'encontre de la société ENEDIS.

Le 16 mars 2018, le président du comité de règlement des différends et des sanctions a rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par M. W. pour cause d'irrecevabilité.

Dans ces conditions, M. W. a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement de différend relative à la non-exécution de la convention de raccordement d'une installation de consommation au réseau public de distribution d'électricité, enregistrée le 29 mars 2018 sous le numéro 01-38-18.

Par une saisine et des observations complémentaires enregistrées les 29 mars 2018, 23 juillet 2018 et 29 avril 2019, M. W., représenté par Me Coussy demande au comité de règlement des différends et des sanctions :

- de dire les requérants recevables en leur demande ;

- d'enjoindre à la société ENEDIS de procéder au raccordement définitif de leur propriété au réseau public de distribution à ses frais exclusifs ;

- de saisir le cas échéant un membre du comité pour qu'il soit statué sur les sanctions à prononcer contre ENEDIS dans le cas où la décision à intervenir ne serait pas respectée.

En ce qui concerne sa saisine, il soutient que :

- elle est recevable dès lors qu'il est propriétaire de parcelles pour lesquelles une convention de raccordement d'électricité a été conclue le 1er juin 2016 avec la société ENEDIS en application de l'article 12 du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003.

En ce qui concerne le bien-fondé de sa demande, il soutient que :

- il a exécuté les termes de la convention de raccordement en procédant à son entier règlement ;

- la société ENEDIS a manqué à son obligation de traitement non-discriminatoire en ce qu'elle n'a pas respecté le processus de raccordement dont elle est garante ;

- la société ENEDIS n'établit pas qu'une autorisation d'urbanisme était nécessaire ;

- il n'a pas été informé par la société ENEDIS de l'opposition du maire au raccordement de son terrain ;

- le courrier du 23 novembre 2015 produit par la société ENEDIS est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il ne lui a jamais été envoyé, d'autre part, qu'il n'est pas établi que celui-ci lui aurait été adressé dans le cadre de la procédure de raccordement réalisée en bonne et due forme et, enfin, qu'il n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire ;

- en tout état de cause, le refus de la société ENEDIS de procéder à la mise sous tension de l'installation est tardif dès lors, d'une part, qu'il est intervenu à « l'étape 7 » de la proposition de raccordement, à savoir celle de la mise en service des boitiers déjà installés, et non à « l'étape 4 », de l'obtention des autorisations et, d'autre part, qu'en l'absence d'opposition au visa du CONSUEL dans un délai de quinze jours, l'attestation de conformité de l'installation électrique a acquis un caractère définitif.

Par des observations en défense et deux observations complémentaires, enregistrées les 15 mai 2018, 10 septembre 2018, 5 octobre 2018 et 20 juin 2019, la société ENEDIS, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocat Me TRECOURT, demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- se déclarer incompétent pour statuer sur la saisine de M. W. ;

- constater la caducité de la proposition technique du 17 juin 2016 ;

- constater qu'elle n'a pas commis de faute dans l'instruction de la demande de raccordement de M. W. ;

- constater qu'elle a respecté ses obligations ;

- rejeter l'ensemble des demandes formées par M. W.

Elle soutient que :

- il n'existe aucun différend portant sur l'accès au réseau ou sur son utilisation propre à justifier de la compétence du comité qui devra se déclarer incompétent pour connaître des demandes de M. W. ;

- elle a agi conformément aux obligations réglementaires issues du contrat de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique et de l'article 23 du cahier des charges en vigueur à XX ;

- elle a reçu le 18 août 2016 une décision d'opposition de la mairie au raccordement définitif du terrain de M. W. ; que si cette décision n'a pas pu être retrouvée par ses services, il en est fait référence dans son outil de gestion des dossiers et son existence est corroborée par le courrier du 23 novembre 2015 transmis par la commune de XX ;

- elle ne peut passer outre la décision d'opposition du maire, peu importe l'obtention du visa du CONSUEL ;

- elle a respecté la convention de raccordement du 17 juin 2016 dès lors qu'en l'absence de l'obtention des autorisations administratives prévues à l'article 4, celle-ci est devenue caduque ; qu'elle a d'ailleurs informé M. W. de la décision de refus du maire et a procédé le 24 août 2016 au remboursement de la somme versée ;

- M. W. ne démontre pas avoir fait l'objet d'une discrimination quelconque de sa part ;

- la proposition de raccordement avait une durée de validité limitée dans le temps à deux ans et n'existe ainsi plus dans l'ordre juridique depuis le 24 août 2016. En l'absence de demande pendante d'accès au réseau, le comité ne saurait faire droit à l'injonction de raccordement demandée par M. W. ;

- le maire a pu, à bon droit, s'opposer au raccordement définitif du terrain de M. W. dès lors que sa caravane, située en zone naturelle non constructible, ne peut faire l'objet d'une autorisation d'urbanisme en application des articles L. 111-12 et L. 421-1 du code de l'urbanisme ;

- en tout état de cause, le comité ne saurait enjoindre au raccordement de la parcelle de M. W., celui-ci n'étant pas compétent pour remettre en cause la décision du maire.

Par un premier courrier en date du 17 septembre 2018, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès de la société ENEDIS afin de se faire communiquer avant le 8 octobre 2018 à 17 heures la décision d'« opposition de la Mairie au raccordement du terrain de M. W. ».

Par un deuxième courrier en date du 24 mai 2019, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès du Maire de la commune de XX afin d'obtenir une réponse, avant le 7 juin 2019, aux questions suivantes :

1. « Est-ce que M. W. a adressé à la commune de XX une déclaration préalable pour l'installation de sa caravane sur la parcelle de terre précitée ?

2. Le cas échéant, avez-vous adressé à M. W. une opposition à l'installation de cette caravane ?

3. A la suite de la déclaration préalable de travaux de la société ENEDIS du 4 juillet 2016, vous êtes-vous opposé par une décision reçue par cette dernière le 18 août 2016 au raccordement définitif de la caravane de M. W. au réseau de distribution d'électricité ? Le cas échéant, sous quelle forme s'est matérialisée cette décision d'opposition ? Dans le cas d'un refus écrit, pourriez-vous nous transmettre cette décision ? »

Aucune réponse n'a été apportée à cette mesure d'instruction.

Par un dernier courrier en date du 24 mai 2019, une mesure d'instruction a été diligentée par le rapporteur auprès du conseil de M. W. afin d'obtenir une réponse, avant le 7 juin 2019, aux questions suivantes :

1. « Est-ce que M. W. a adressé à la commune de XX une déclaration préalable pour l'installation de sa caravane sur la parcelle de terre sise XX, XX ? Si tel n'est pas le cas, pouvez-vous nous en préciser les raisons ?

2. Dans l'éventualité où M. W. aurait déposé une déclaration préalable auprès de la mairie, a-t-il reçu une décision d'opposition à cette installation ou le cas échéant, a-t-il demandé un certificat de non-opposition ? »

Par des observations enregistrées le 6 juin 2019, M. W. a répondu à la mesure d'instruction en indiquant qu'il n'a jamais été question d'installer une caravane sur le terrain en cause. Il indique que le raccordement en l'espèce n'est pas conditionné à une quelconque demande d'autorisation ou à une déclaration au titre du code de l'urbanisme.

Par une décision du 28 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants, R. 134-7 et suivants ;

- le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 111-12 et L. 421-1 ;

- la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;

- la décision du 13 septembre 2018 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 01-38-18.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 8 juillet 2019, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, Mme Henriette CHAUBON, M. Henri DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU et Mme Hélène VESTUR, membres, en présence de :

Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché,

Mme Jennifer CORRADI, rapporteur,

Me Benoît COUSSY, représentant M. W.,

Les représentants de la société ENEDIS, assistés de Me TRECOURT.

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Jennifer CORRADI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Me Benoît COUSSY, pour M. W. ; M. W. persiste dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Me François TRECOURT et M. Christopher MENARD, chef du pôle des affaires juridiques, pour la société ENEDIS ; la société ENEDIS persiste dans ses moyens et conclusions.

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.

Sur la recevabilité de la pièce, transmise le 9 juillet 2019, par M. W. :

1. Aux termes des dispositions de l'article R. 134-12 du code de l'énergie : « Après la clôture de l'instruction, aucune observation ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. »

2. Il résulte de ces dispositions que, sauf dans le cas où le comité invite lui-même les parties à produire des pièces ou à répondre par écrit à une question qui leur aurait été posée au cours de la séance, les parties ne sont pas recevables à présenter de leur propre initiative des observations ou à produire de nouvelles pièces postérieurement à la séance.

3. Le 9 juillet 2019, M. W. a transmis par courriel des observations à l'attention du président du comité de règlement des différends et des sanctions. Dans ce courrier, le conseil de M. W. indique que les sommes avancées par M. W. au titre de la proposition de raccordement n'ont jamais été remboursées par la société ENEDIS. Il en déduit que la caducité de la convention de raccordement ne saurait être constatée.

4. Si au cours de la séance qui s'est tenue le 8 juillet 2019 le président a posé plusieurs questions au conseil de M. W., il n'a pas pour autant demandé à ce dernier de présenter une note en délibéré ou de produire de nouvelles pièces.

5. Dans ces conditions, le comité écarte comme irrecevables les observations, transmises le 9 juillet 2019 par M. W.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

6. La société ENEDIS soutient devant le comité que le remboursement des sommes avancées par M. W. le 24 août 2016 au titre de la proposition de raccordement qui lui a été faite le 1er avril 2016 emportait la caducité de cette proposition. Il s'ensuit, selon la société ENEDIS, que le comité n'est plus saisi d'une problématique d'accès au réseau et ne saurait statuer sur la demande présentée par M. W. La société ENEDIS estime en effet que les demandes de M. W. sont irrecevables au motif que sa demande de raccordement n'existe plus dans l'ordre juridique depuis le 24 août 2016.

7. Toutefois, lorsqu'il est saisi d'une demande de règlement de différend, le comité n'est pas lié par la validité de la proposition de raccordement. Dès lors que le demandeur persiste dans son intérêt à être raccordé au réseau, un différend au sens des dispositions du code de l'énergie portant sur l'accès au réseau demeure.

8. En conséquence, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par la société ENEDIS ne peut qu'être rejetée.

Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions :

9. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ou de réseaux fermés de distribution d'électricité ; […] Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement. La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. […] » L'article L. 111-91 du code de l'énergie, auquel il est ainsi renvoyé dispose que : « I. - Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour assurer : […] 1° les missions de service public définies à l'article L. 121-5 […] II. - Pour mettre en œuvre les dispositions du I, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux ».

10. Il résulte des dispositions qu'un différend n'entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, laquelle est une compétence d'attribution, qu'à une double condition, tenant, l'une à la qualité des personnes qu'un différend oppose, et l'autre, à l'objet du différend.

11. La société ENEDIS soutient que le comité n'est pas compétent pour connaître des demandes de M. W. dès lors qu'elles ne sont pas relatives à un différend portant sur l'accès au réseau l'opposant à la société ENEDIS mais à la licéité d'un refus de raccordement prononcé par une commune.

12. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. W. et la société ENEDIS ont la qualité, respectivement, d'utilisateur et de gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité et que la convention de raccordement qu'ils ont conclue relève de la catégorie contractuelle définie au II de l'article L. 111-91 du code de l'énergie. Le différend en cause est relatif au refus de la société ENEDIS de procéder au raccordement définitif de son installation et constitue ainsi un refus d'accès au réseau public de distribution d'électricité au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le comité de règlement des différends est compétent pour connaitre de la demande de règlement de différend opposant M. W. à la société ENEDIS en vertu des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie.

13. En second lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 134-20 du code de l'énergie « […] La décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. […]. »

14. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-93 du code de l'énergie : « I. ― Tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'énergie. Le refus doit résulter de critères, objectifs et non discriminatoires, qui ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement. Ces critères sont publiés. » Aux termes également de l'article L. 322-8 du code de l'énergie : « un gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : […] 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès à ces réseaux. » Aux termes enfin de l'article L. 121-4 du même code : « I. - La mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité consiste à assurer : […] 2° Le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution. »

15. Il résulte de ces dispositions que lorsque le comité est saisi d'un différend portant sur un refus d'accès au réseau public de distribution d'électricité, il lui appartient de se prononcer sur l'existence d'un droit au raccordement pour l'utilisateur en cause et, le cas échant, de préciser les conditions dans lesquelles l'accès au réseau est assuré. Il vérifie que le refus opposé par le gestionnaire du réseau résulte de critères objectifs et non discriminatoires.

Sur le refus de la société ENEDIS de procéder au raccordement définitif de l'installation de M. W. :

16. Aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme dispose que : « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ». L'article L. 421-4 du même code vise des constructions, aménagements, installations et travaux déterminés par décret et qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable. Aux termes également des dispositions de l'article R. 421-23 du même code : « doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivant : […] d) L'installation, pour une durée supérieure à trois mois par an, d'une caravane autre qu'une résidence mobile mentionnée au j ci-dessous : - sur un terrain situé en dehors d'un parc résidentiel de loisirs, d'un terrain de camping, d'un village de vacances classé en hébergement léger au sens du code du tourisme ou d'une dépendance de maison familiale de vacances agréée au sens du code du tourisme ; - sur un emplacement d'un terrain de camping, d'un village de vacances classé en hébergement léger au sens du code du tourisme ou d'une dépendance de maison familiale de vacances agréée au sens du code du tourisme qui a fait l'objet d'une cession en pleine propriété, de la cession de droits sociaux donnant vocation à sa propriété en attribution ou en jouissance ou d'une location d'une durée supérieure à deux ans. Pour le calcul de la durée de trois mois par an mentionnée au cinquième alinéa, toutes les périodes de stationnement, consécutives ou non, sont prises en compte ».

17. Il résulte des dispositions précitées que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, et alors même que l'infraction pénale constituée par la construction sans autorisation serait prescrite, à un raccordement définitif aux réseaux publics des bâtiments, locaux ou installations dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée ou agréée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors (Conseil d'Etat, 9-10 SSR, 23 mars 2016, n° 392638). Cette décision peut être notifiée tant à l'intéressé lui-même qu'au gestionnaire du réseau pour l'informer de son refus (Conseil d'Etat, 1-6 SSR, 24 mars 2014, n° 359554).

18. En outre, en vertu de l'article 23 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique, attribué par le Syndicat intercommunal d'électrification du XX : « sur le territoire de la concession, le concessionnaire est tenu de consentir des abonnements, en vue de la fourniture de l'énergie électrique aux conditions du présent cahier des charges, à toute personne qui demandera à contracter ou à renouveler un abonnement […], sauf s'il a reçu entre temps injonction contraire de l'autorité compétente en matière d'urbanisme ou en matière de police et sous réserve du respect des textes réglementaires relatifs au contrôle de conformité des installations intérieures. […] le concessionnaire est par ailleurs tenu, sous réserve des possibilités du réseau, de fournir l'énergie électrique pour la desserte des installations provisoires, sauf s'il a reçu entre temps injonction de l'autorité compétente en matière de police ».

19. Il résulte des dispositions précitées que lorsque le maire décide de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme précité, le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité est tenu de refuser de procéder au raccordement définitif de l'installation (cour d'appel de Paris, 31 mai 2018, n° 17/14365).

20. En revanche, lorsque le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité a été informé d'une décision administrative d'opposition au raccordement définitif de l'installation, il ne peut en tenir compte que dans la mesure où il la verse à son dossier, afin qu'il soit en mesure, le cas échéant, de documenter ce refus auprès du demandeur du raccordement.

21. Il ressort des pièces du dossier que le 4 juillet 2016 la société ENEDIS a déposé auprès de la commune de XX une déclaration préalable de travaux en vue de la réalisation des travaux de raccordement définitif de l'installation de M. W.

22. La société ENEDIS soutient avoir reçu le 18 août 2016 une décision d'opposition du maire au raccordement définitif de l'installation de M. W. Elle se borne toutefois à produire une capture d'écran tirée de son logiciel de traitement informatique des dossiers faisant état de la « réception de refus de travaux de la mairie » ainsi que d'un « message sur [le] répondeur au cli[ent] pour lui dire que l'on va lui rembourser ».

23. En dépit d'une mesure d'instruction en ce sens, la société ENEDIS n'a pas été en mesure de produire la décision reçue le 18 août 2016 dont elle se prévaut, indiquant qu'« il n'a pas été retrouvé trace, hormis cet état informatique, de la décision de la mairie qui a pu prendre la forme soit d'une communication verbale soit d'une communication électronique qui n'aurait pas été conservée ». Elle produit uniquement un courrier du 23 novembre 2015 du maire de la commune faisant suite à un constat de police municipale relatif à des travaux de viabilisation sur les parcelles en cause et qui a pour objet de rappeler à M. W. la règlementation en vigueur en zone naturelle, qui viendrait, selon la société ENEDIS, corroborer l'existence de la décision précitée.

24. Par ailleurs, à la suite des débats en séance publique, aucune des parties n'a été en mesure de donner une indication claire et précise de la nature ainsi que de l'usage de l'installation pour laquelle un raccordement a été demandé par M. W. En effet, la société ENEDIS soutient que l'objet de ce raccordement était une caravane, ce que conteste M. W., sans fournir quelque renseignement que ce soit sur la nature de l'installation en cause. L'instruction n'a dès lors pas permis au comité de disposer de suffisamment d'éléments pour déterminer la finalité du raccordement. Compte tenu des caractéristiques du différend, toute mesure d'investigation complémentaire en ce sens serait inutile.

25. Malgré les demandes qui lui ont été adressées, M. W. ne met pas le comité à même de régler le présent différend.

26. Par suite, les demandes présentées par M. W. sont rejetées.

Décide :