Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie, qui s'est tenue le 27 mai 2004, en présence de :
M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Eric Dyèvre, Michel Lapeyre, Bruno Léchevin, Pascal Lorot et Jacques-André Troesch, commissaires ;
M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Gisèle Avoie, directrice juridique ;
M. Didier Laffaille, rapporteur, Mlle Sandra Magnin et M. Laurent Schwebel, rapporteurs adjoints ;
M. Jacques De La Torre et M. Philippe Ségur, pour la société De La Torre ;
M. Jean-Claude Millien, M. Jean-François Bintz et M. Philippe Alaux, pour Electricité de France ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Didier Laffaille, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de M. Philippe Ségur, pour la société De La Torre : la société De La Torre persiste dans ses conclusions et moyens ; elle souligne que le contenu des fiches de collecte de renseignements ne respecte pas le principe de séparation des activités entre la production et la distribution, dès lors qu'y figurent des demandes sur le type de contrat d'achat souhaité ; elle indique que sa demande porte sur un raccordement direct au poste source et non en coupure d'artère ; elle rappelle sa demande de convention de raccordement du 6 novembre 2003, engageant Electricité de France, pour une puissance produite de 7 428 kW ;
- les observations de M. Jean-Claude Millien, pour Electricité de France : Electricité de France prend acte de l'impossibilité de produire de nouveaux éléments écrits le jour de l'audience et conteste le contenu de l'exposé du rapporteur ; il persiste dans ses conclusions et moyens ; il indique que la gestion difficile des files d'attente ne lui permet pas de réaliser des études paramétriques ; il indique avoir découvert la demande relative à la fourniture des éléments de calcul sur l'affaiblissement du signal tarifaire à 175 Hz dans la saisine ; il observe qu'un raccordement direct induirait l'adjonction d'une cellule disjoncteur dans le poste source représentant un coût supplémentaire à la charge du producteur, alors que la solution proposée correspond à l'optimum économique ; il soutient que les calculs réalisés sont conformes au décret du 13 mars 2003 et à l'arrêté du 17 mars 2003 ; il indique qu'à la suite de l'intervention de la Commission de régulation de l'énergie, il a adapté son organisation et les fiches de collecte de renseignements ;
- les nouvelles observations de M. Philippe Ségur et M. Jacques De La Torre, pour la société De La Torre : la société De La Torre indique avoir été obligée de renseigner les fiches de collecte pour ne pas retarder l'instruction de sa demande de raccordement par Electricité de France ; elle ajoute qu'en refusant de lui communiquer la puissance moyenne quadratique du poste source, Electricité de France l'a contrainte à retenir quatre variantes et qu'elle attend toujours les propositions techniques et financières pour ses demandes ;
- les nouvelles observations de M. Jean-Claude Millien et M. Jean-François Bintz, pour Electricité de France : Electricité de France indique ne pas disposer de la puissance moyenne quadratique des postes sources, ni de la courbe de charges des consommateurs et des producteurs, mais uniquement des flux nets des échanges entre le GRD et RTE ; il rappelle que la proposition technique et financière du 27 avril 2004 est valable également pour une puissance de 7 428 kW ; il présente à la société De La Torre ses excuses pour les erreurs de forme dans la proposition technique et financière du 8 août 2003, notamment en ce qu'elle a fait mention à tort d'un projet de centrale de cogénération ou de parc éolien ; en réponse aux questions soulevées au cours de la séance publique, il indique posséder les points dix minutes de la courbe de charge à l'interface entre le GRD et RTE.
La Commission de régulation de l'énergie en ayant délibéré le 27 mai 2004, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés.
Les faits :
Il ressort des pièces du dossier soumis à la Commission de régulation de l'énergie que la société De La Torre a demandé le 28 janvier 2003 le raccordement d'une centrale thermique de production d'électricité au poste source HTA/HTB, situé sur le territoire de la commune d'Arudy.
A cet effet, la société De La Torre a communiqué à Electricité de France un dossier comprenant les « fiches de collecte de renseignements pour une étude détaillée de raccordement d'une centrale de production à raccorder au réseau de distribution exploité par EDF ».
Le 12 février 2003, Electricité de France a demandé à la société De La Torre de lui communiquer certains renseignements manquants : un extrait du cadastre et la position de chacun des générateurs envisagés.
En réponse, la société De La Torre a rappelé, le 22 février 2003, que sa demande ne portait pas sur une étude exploratoire, mais sur un devis et une convention de raccordement, tout en précisant que les renseignements demandés par Electricité de France avaient déjà été communiqués.
Elle a, également, réitéré auprès d'Electricité de France sa demande de communication de la puissance moyenne quadratique du poste source appelée en période de pointe, afin de lui permettre de définir la puissance active maximale nette de sa future installation de production.
Par lettre du 27 février 2003, Electricité de France a indiqué qu'il établirait, dans un délai de trois mois, une proposition technique et financière et proposerait une convention de raccordement.
Le 7 mars 2003, Electricité de France a indiqué à la société De La Torre que le dossier n'était pas complet et lui a demandé de s'engager sur une valeur de « puissance active délivrée nette livrée sur le réseau ».
Devant le refus d'Electricité de France de fonder l'étude de raccordement sur le niveau de puissance maximal soutiré par le poste source d'Arudy, la société De La Torre a indiqué, le 9 avril 2003, qu'elle reformulait sa demande initiale en quatre variantes : 3 290 kW, 4 500 kW, 6 580 kW et 8 225 kW.
Le 8 août 2003, Electricité de France a communiqué à la société De La Torre une proposition technique et financière, pour l'accès au réseau public de distribution d'une installation de production de 7 650 kW à tangente phi de 0,018 6, qui évalue le montant des travaux de raccordement à 20 371,21 euros HT, mais n'indique pas de durée pour leur réalisation.
Cette proposition technique et financière a fait l'objet de nombreuses observations de la société De La Torre, portant principalement sur des erreurs matérielles et les paramètres pris en compte par Electricité de France pour mener à bien l'étude technique détaillée.
Le 5 septembre 2003, puis le 6 novembre 2003, la société De La Torre a demandé à Electricité de France de modifier la proposition technique et financière pour prendre en considération ses observations. Elle lui a également demandé l'établissement d'une convention de raccordement, sur la base d'une puissance de 7 428 kW.
Le 18 novembre 2003, Electricité de France a communiqué à la société De La Torre la puissance maximale de pointe du poste source d'Arudy, à savoir 14 400 kW.
Le même jour, la société De La Torre a indiqué à Electricité de France qu'elle demandait communication, non pas d'un seul point, mais des 52 560 points dix minutes annuels de la courbe de charge du poste source d'Arudy, et ceci sur les trois ou cinq dernières années.
Le 9 avril 2004, la société De La Torre a saisi la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, sur les conditions de raccordement de sa centrale thermique au réseau public de distribution.
Le 27 avril 2004, Electricité de France a répondu aux remarques formulées par la société De La Torre dans sa lettre du 6 novembre 2003 et a produit une nouvelle proposition technique et financière pour l'accès au réseau public de distribution d'une installation de production de 7,625 kW. Cette nouvelle proposition technique et financière fixe le même montant pour les travaux de raccordement et ne prévoit toujours pas de durée pour leur réalisation.
Sur la contestation par Electricité de France du contenu de l'exposé de l'affaire fait par le rapporteur :
Electricité de France conteste au cours de la séance publique avoir écrit dans ses observations, contrairement à ce qu'a exposé le rapporteur, que le dispositif de facturation publié par ses soins avait été « validé par la Commission de régulation de l'énergie ».
S'il est exact que le dispositif de facturation n'a pas été validé par la Commission de régulation de l'énergie, qui a seulement indiqué, dans sa délibération du 7 novembre 2002, avoir pris acte de cette publication, il appartient, toutefois, au rapporteur de présenter fidèlement l'affaire, notamment les arguments développés par les parties au cours de la procédure écrite, sans pouvoir corriger les erreurs commises par celles-ci dans leurs productions.
Il ressort des pièces du dossier qu'Electricité de France a bien indiqué, notamment en page 8 de ses observations en défense produites le 28 avril 2004, que son dispositif de facturation avait « été validé par la CRE et la DIDEME ».
La remarque faite par Electricité de France manque donc en fait, et il n'y a pas lieu, en conséquence, de rectifier le contenu de l'exposé fait par le rapporteur de l'affaire devant la Commission de régulation de l'énergie.
Sur le contenu des fiches de collecte de renseignements demandées par Electricité de France pour l'instruction de la demande de raccordement :
La société De La Torre soutient qu'Electricité de France outrepasse sa mission de gestionnaire de réseau public de distribution en sollicitant, dans les fiches de collecte de renseignements qu'il adresse aux producteurs en vue de l'instruction des demandes de raccordement, des informations dépourvues de pertinence pour l'élaboration d'une proposition technique et financière. Elle demande à la Commission de régulation de l'énergie de dire que le contenu des fiches de collecte de renseignements doit se limiter aux stricts besoins du gestionnaire de réseau public de distribution.
Toutefois, la société De La Torre ne démontre pas en quoi certaines informations exigées par Electricité de France dans les fiches de collecte de renseignements adressées aux producteurs lors de l'instruction des demandes de raccordement ne seraient pas pertinentes pour l'établissement d'une proposition technique et financière. Au surplus, la société De La Torre a fourni les informations demandées et aucun litige n'est survenu pour l'instruction de sa demande de raccordement en ce qui concerne les informations à fournir dans les fiches de collecte de renseignements.
En conséquence, la société De La Torre n'est pas fondée à invoquer dans le cadre du présent règlement de différend le caractère superfétatoire des informations recueillies par Electricité de France pour l'instruction des demandes de raccordement. Par suite, sa demande tendant à ce que le contenu des fiches de collecte de renseignements soit modifié par la présente décision ne peut qu'être rejetée.
Sur le manque de transparence d'Electricité de France dans le cadre de l'instruction de la demande de raccordement :
La société De La Torre soutient qu'Electricité de France a manqué à son obligation de transparence dans l'instruction de sa demande de raccordement, en refusant de lui communiquer, sous la forme de données agrégées non nominatives, les caractéristiques techniques du poste source d'Arudy et en refusant de justifier les éventuels problèmes de perturbation des signaux tarifaires à 175 Hz. Elle demande également qu'Electricité de France donne les justifications de sa position sur la protection de découplage, les comptages et la ligne de raccordement.
En ce qui concerne la communication des points dix minutes de la courbe de charge :
La société De La Torre a demandé à Electricité de France, dès le 28 janvier 2003, des informations sur le réseau public de distribution auquel devait être raccordée sa future installation de production, notamment la puissance moyenne quadratique (PMQ) appelée en période de pointe au niveau du poste source d'Arudy, de façon à ajuster à cette puissance le nombre de groupes électrogènes de son installation. Elle demande à la Commission de régulation de l'énergie d'enjoindre à Electricité de France de lui communiquer les données techniques nécessaires à l'analyse de la courbe de charge.
Il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux affirmations d'Electricité de France, la demande de la société De La Torre, si elle a évolué et pris des formes différentes, concerne uniquement la communication des points dix minutes de la courbe de charge à l'interface entre le GRD et RTE et non les points dix minutes des consommateurs et des producteurs raccordés au poste source.
Il n'est pas contesté que le gestionnaire du réseau public de distribution dispose de ces informations sous forme agrégée et que, dès lors, rien ne s'oppose, au vu des pièces du dossier, à leur communication.
Il appartient, en conséquence, à Electricité de France de communiquer directement à la société De La Torre les points dix minutes de la courbe de charge à l'interface entre le GRD et RTE.
Electricité de France se conformera à cette obligation, sauf à justifier auprès de la Commission de régulation de l'énergie que la transmission de ces informations ne pourrait intervenir sans que soient également communiquées des données confidentielles visées par l'article 1er du décret n° 2001-630 du 16 juillet 2001.
En ce qui concerne les hypothèses de calcul permettant de détecter des affaiblissements du signal tarifaire à 175 Hz :
Electricité de France n'a pas seulement fait application, pour calculer les risques d'affaiblissement du signal tarifaire dus au raccordement de l'installation de production, des dispositions du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003 et de l'arrêté du 17 mars 2003. Il s'est également fondé sur les prescriptions figurant au point 3 de l'annexe de l'arrêté du 14 avril 1995.
Or, cet arrêté a été abrogé par l'article 22 de l'arrêté du 17 mars 2003, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique, et par l'article 30 de l'arrêté du 4 juillet 2003, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport d'une installation de production d'énergie électrique.
Electricité de France ne peut, donc, invoquer des calculs établis sur la base de l'arrêté précité du 14 avril 1995, qui n'était plus en vigueur en ce qui concerne les réseaux publics de distribution, à la date à laquelle le dossier a été considéré comme complet, pour soutenir que la demande de raccordement présentée par la société De La Torre engendrerait un affaiblissement du signal tarifaire à 175 Hz et nécessiterait un dispositif de filtrage du signal à 175 Hz.
Les textes applicables, à la date à laquelle a été produite la proposition technique et financière, le 8 août 2003, sont :
- l'article 4 du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution, qui prévoit que « le gestionnaire du réseau s'assure que la conception des installations à raccorder et leur schéma de raccordement permettent [...] de maintenir le fonctionnement de la transmission des signaux tarifaires » ;
- l'article 8 de l'arrêté du 17 mars 2003 qui dispose que « l'introduction de l'installation sur le réseau public de distribution ne doit pas perturber le fonctionnement de la transmission des signaux tarifaires et doit maintenir le niveau du signal à une valeur acceptable par les appareils des utilisateurs du réseau. Selon la nature de l'installation, une vérification par le calcul du fonctionnement de cette transmission est effectuée par le gestionnaire du réseau de distribution avant le raccordement. Si le calcul montre que le raccordement de l'installation perturbe la transmission tarifaire, les gestionnaires du réseau et de l'installation choisiront en commun les dispositions techniques permettant de ne pas affecter le bon fonctionnement de la transmission des signaux tarifaires ».
A la suite de la demande de raccordement de la société De La Torre, Electricité de France devait donc, en se fondant sur ces dernières dispositions, et non sur celles de l'arrêté du 14 avril 1995 qui étaient abrogées, vérifier si le raccordement de l'installation de production occasionnait un risque d'affaiblissement du signal tarifaire à 175 Hz.
Il appartient, donc, à Electricité de France de procéder, en se fondant sur les textes applicables, aux calculs permettant de vérifier les risques d'affaiblissement du signal tarifaire justifiant le dispositif de filtrage du signal à 175 Hz pour permettre le raccordement de l'installation de production et, en cas de nécessité du filtre, de choisir avec le producteur les dispositions techniques permettant de ne pas affecter le bon fonctionnement de la transmission des signaux tarifaires. Les motivations et justifications du dispositif de filtrage du signal 175 Hz à installer le cas échéant, fondées sur cette étude, seront communiquées à la société De La Torre.
En ce qui concerne les informations relatives aux caractéristiques du réseau public de distribution permettant à la société De La Torre de vérifier la nécessité d'un filtre 175 Hz :
La société De La Torre a demandé à Electricité de France des informations sur le réseau public de distribution auquel sera raccordée sa future installation de production, notamment des informations relatives aux caractéristiques du réseau existant, permettant de justifier la nécessité de mise en place d'un filtre 175 Hz envisagé dans la proposition technique et financière du 8 août 2003. Elle demande à la Commission de régulation de l'énergie d'enjoindre à Electricité de France de lui communiquer les données techniques nécessaires à l'analyse de la proposition technique et financière, notamment sur la transmission du signal tarifaire à 175 Hz.
Electricité de France a refusé, y compris au cours de l'instruction de la présente demande de règlement de différend, de fournir ces informations à la société De La Torre en invoquant leur caractère confidentiel.
Il estime, en effet, que, pour justifier ses calculs, il aurait dû transmettre au producteur les caractéristiques de consommation ou d'injection des autres utilisateurs connectés au réseau, notamment leur puissance nominale. Il conclut qu'il ne peut communiquer ces informations, en raison de l'obligation qui pèse sur lui de respecter les règles de confidentialité, prévues par les dispositions combinées de l'article 5 du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003 et de l'article 20 de la loi du 10 février 2000.
L'article 5 du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003 dispose que « l'étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire. Les méthodes générales et les hypothèses utilisées sont rendues publiques par le gestionnaire du réseau public de distribution. Les résultats sont communiqués à l'utilisateur par le gestionnaire de réseau sous réserve du respect des règles de confidentialité auxquelles il est tenu ».
En vertu des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 février 2000, « chaque gestionnaire de réseau public de distribution préserve la confidentialité des informations d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique, dont la communication serait de nature à porter atteinte aux règles de concurrence libre et loyale et de non-discrimination imposées par la loi ».
Il résulte des dispositions de l'article 1er du décret n° 2001-630 du 16 juillet 2001, pris pour l'application notamment de l'article 20 de la loi du 10 février 2000, que doivent être considérées comme des données à caractère confidentiel :
- les dispositions des contrats et protocoles d'accès aux réseaux publics de transport ou de distribution mentionnées à l'article 23 de la loi du 10 février 2000, ainsi que les informations échangées en vue de leur préparation et de leur application, relatives à l'identité des parties à un contrat de fourniture, aux prix de transaction de l'électricité, aux données financières relatives à l'équilibre des transactions, aux caractéristiques de la production, de la fourniture ou de la consommation, à la durée des contrats et protocoles d'accès ou de fourniture, aux conditions techniques et financières de raccordement, aux pénalités et sanctions contractuelles ;
- les informations issues des comptages mentionnés au IV de l'article 15 et au III de l'article 19 de la loi du 10 février 2000 ou issues de toutes autres mesures physiques effectuées par les gestionnaires des réseaux concernés sur les ouvrages de raccordement et les installations d'un utilisateur de ces réseaux.
Il ressort des dispositions précitées qu'Electricité de France est soumis à une obligation de transparence et qu'à ce titre il lui revient de donner au demandeur les éléments lui permettant d'apprécier le bien-fondé des décisions, tant techniques que financières, qu'il prend en matière de raccordement des installations de production au réseau public de distribution.
Cette obligation se justifie d'autant plus que le gestionnaire du réseau public de distribution se trouve en situation de monopole vis-à-vis des utilisateurs de réseau public de distribution qui demandent leur raccordement.
La confidentialité à laquelle Electricité de France est tenu à l'égard des informations commercialement sensibles, en vertu de l'article 20 de la loi du 10 février 2000, ne saurait justifier, contrairement à ce qu'il soutient, un refus général de communication de toute information. Une telle pratique reviendrait, en effet, à vider de sa substance son obligation de transparence.
Au demeurant, la Commission de régulation de l'énergie rappelle que l'article 3 du décret n° 2001-630 du 16 juillet 2001 prévoit que les gestionnaires de réseaux publics de distribution « sont autorisés à communiquer à des tiers et à publier des informations mentionnées à l'article 1er, sous une forme agrégée ne portant pas atteinte aux règles de concurrence libre et loyale, lorsque cette publication est de nature à assurer la bonne exécution de leurs missions ou à rendre compte de cette exécution ».
En l'espèce, la Commission de régulation de l'énergie constate qu'Electricité de France n'a, ni lors de l'envoi des propositions techniques et financières, le 8 août 2003, puis le 27 avril 2004, ni pendant la procédure de la demande de règlement du différend, transmis à la société De La Torre les informations, au besoin sous une forme agrégée, lui permettant de justifier la nécessité de mise en place d'un filtre 175 Hz envisagé dans la proposition technique et financière pour permettre le raccordement de l'installation de production.
Dans ces conditions, la Commission de régulation de l'énergie considère qu'Electricité de France n'a pas respecté l'obligation de transparence qui lui incombe à l'égard du demandeur du raccordement de sa future installation de production au réseau public de distribution.
Electricité de France ne peut pas non plus se soustraire à son obligation de transparence en invoquant la faculté qu'aurait la Commission de régulation de l'énergie de « procéder aux investigations nécessaires dans le cadre de l'instruction de cette saisine ».
Il appartient, en conséquence, à Electricité de France de communiquer directement à la société De La Torre les informations qu'elle demande dans ses conclusions.
Electricité de France se conformera à cette obligation, sauf à justifier auprès de la Commission de régulation de l'énergie que la transmission des informations demandées ne pourrait se faire sans la communication de données confidentielles visées par les dispositions précitées.
En ce qui concerne la demande de la société De La Torre de précision sur la protection de découplage, les comptages et la ligne de raccordement :
Il ressort des pièces du dossier que la société De La Torre ne démontre pas en quoi la position d'Electricité de France indiquée dans sa proposition technique et financière ne serait pas suffisamment précisée. Par suite, la demande de la société De La Torre tendant à ce qu'Electricité de France précise sa position ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande de la société De La Torre tendant à ce que la Commission de régulation de l'énergie enjoigne à Electricité de France de lui adresser une convention de raccordement et un devis sous quinze jours :
En ce qui concerne le non-respect du délai fixé à l'article 8.3 du cahier des charges du RAG :
La société De La Torre demande à la Commission de régulation de l'énergie de constater qu'Electricité de France n'a pas respecté le délai de trois mois, prévu par l'article 8.3 du cahier des charges du RAG pour produire la proposition technique et financière.
L'article 8.3 du cahier des charges de la concession à Electricité de France du RAG, annexé au décret du 23 décembre 1994, dispose que « [...] à la suite de toute demande de raccordement d'une installation de production autonome, le concessionnaire est tenu de faire au producteur autonome, dans un délai de trois mois, une proposition concernant les modalités techniques et financières de raccordement de la source [...] ».
Il ressort de cette disposition que le gestionnaire du réseau public de distribution doit adresser, dans le délai de trois mois, à tout producteur qui en fait la demande une proposition technique et financière pour le raccordement de son installation.
S'il est constant que le délai réglementaire de trois mois s'apprécie à compter du jour où le dossier de la demande est complété, le gestionnaire du réseau public de distribution ne saurait toutefois se prévaloir du caractère incomplet d'une demande de raccordement pour proroger ce délai, alors qu'en refusant de communiquer au producteur des informations essentielles à l'élaboration de son projet, il se trouve être lui-même à l'origine du retard pris dans l'instruction du dossier.
Il résulte des pièces du dossier qu'Electricité de France a, tout au long de la procédure d'instruction de la demande de la société De La Torre, exigé la production de « la puissance active délivrée nette livrée sur le réseau », alors que la demande initiale du producteur du 28 janvier 2003 comportait une valeur de puissance de 7 625 kW basée sur l'installation de cinq groupes électrogènes.
La circonstance que la société De La Torre n'ait pas précisé la puissance active maximale nette livrée sur le réseau, telle que mentionnée dans les fiches de collecte de renseignements, est sans incidence sur l'obligation qui pèse sur Electricité de France, en application de l'article 8.3 du cahier des charges du RAG, de respecter le délai d'instruction de la demande et sur le retard accumulé par Electricité de France dans le traitement de sa demande.
Dans ces conditions, la Commission de régulation de l'énergie considère que, même si le 9 avril 2004, date à laquelle elle a été saisie, la société De La Torre disposait d'une proposition technique et financière, le comportement d'Electricité de France, eu égard à son caractère manifestement dilatoire, doit être regardé comme ayant constitué un refus d'accès au réseau de distribution.
Si la société De La Torre estime que ce comportement d'Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, est constitutif d'un abus de position dominante, il lui appartient de saisir le Conseil de la concurrence, la Commission de régulation de l'énergie ne pouvant statuer, lorsqu'elle est saisie sur le fondement de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, sur le caractère anticoncurrentiel d'une pratique.
En ce qui concerne la demande de la société De La Torre que lui soient adressés une convention de raccordement et un devis :
La société De La Torre demande à la Commission de régulation de l'énergie d'enjoindre à Electricité de France de lui adresser, dans un délai de quinze jours, une convention de raccordement et un devis conformes aux textes réglementaires en vigueur pour le raccordement de sa future installation de production. Elle a précisé, au cours de la séance publique, que sa demande de raccordement portait en définitive sur une puissance produite de 7 428 kW, ainsi qu'elle l'avait demandé à Electricité de France le 6 novembre 2003.
Le deuxième alinéa du II de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 dispose que les gestionnaires de réseaux doivent assurer « l'accès dans des conditions non discriminatoires aux réseaux publics de transport et de distribution ».
Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 février 2000, « tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'énergie. Les critères de refus sont objectifs, non discriminatoires et publiés et ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement ».
Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 et de l'article 8.3 précité du cahier des charges du RAG que, saisi d'une demande de raccordement, Electricité de France, à qui il appartient d'appliquer strictement la procédure telle qu'elle est prévue par les textes réglementaires précités, doit adresser une convention de raccordement et ne peut se soustraire à cette obligation au motif, qui n'est prévu par aucun texte, qu'aucun accord ne serait intervenu sur la proposition technique et financière.
En outre, reconnaître à Electricité de France le droit d'imposer une telle condition non prévue par les textes pour refuser de proposer une convention de raccordement reviendrait à lui permettre de refuser l'accès au réseau, en se fondant sur le non-respect par le demandeur d'une obligation qui n'est prévue par aucun texte réglementaire ou législatif.
L'article 8.4 de l'annexe du décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique dispose que « le concessionnaire est tenu de présenter au client ou au producteur autonome le devis correspondant aux travaux liés au raccordement de son installation. Les modalités techniques et financières résultant des dispositions de cet article seront précisées dans chaque cas par une convention passée entre le concessionnaire et le client ou le producteur autonome ».
Il résulte de cette disposition que le gestionnaire du réseau public est tenu de présenter un devis des travaux et de conclure avec le demandeur une convention précisant les modalités techniques et financières du raccordement de ses installations.
En l'espèce, la société De La Torre est donc fondée à demander à Electricité de France de lui adresser un devis des travaux ainsi qu'une convention de raccordement conformes à sa demande. Cette demande ne pourra cependant être satisfaite qu'après la communication par Electricité de France des informations relatives à la courbe de charge et à l'installation éventuelle d'un dispositif de filtrage.
Il y a lieu, en conséquence, pour la Commission de régulation de l'énergie, d'enjoindre à Electricité de France d'adresser, dans un délai de trente jours, à la société De La Torre une convention de raccordement et un devis correspondant à sa demande.
Sur la répartition des frais de raccordement entre le gestionnaire et l'utilisateur du réseau :
La société De La Torre soutient qu'Electricité de France tente de mettre à sa charge des frais de développement et d'exploitation qui sont normalement couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux publics.
L'article 8.3 de l'annexe du décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique dispose que « les producteurs autonomes prennent à leur charge l'intégralité des dépenses de raccordement de leurs installations de production au réseau du concessionnaire (investissement, entretien, exploitation et renouvellement) ».
L'article 2 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 prévoit que « les tarifs d'utilisation des réseaux publics sont calculés à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux [...]. Ces coûts comprennent en particulier : 1° les coûts de gestion et d'exploitation des réseaux publics, y compris ceux liés à la constitution de réserves d'exploitation ainsi qu'à la mise en oeuvre des services de réglage et d'équilibrage ; 2° les coûts de maintenance, de sécurisation, de développement et de renforcement des réseaux publics, y compris lorsque ces renforcements sont liés au raccordement de nouveaux utilisateurs ».
En l'espèce, il n'est pas démontré qu'Electricité de France n'a pas respecté les principes de facturation des frais de raccordement issus de l'application combinée des textes précités. Par suite, la demande de la société De La Torre tendant à ce qu'Electricité de France se conforme à la réglementation en vigueur en matière de répartition des frais de raccordement ne peut qu'être rejetée,
Décide :
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