Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 13 août 2013, sous le numéro 19-38-13, présentée par la société Blandins Hydro Nature, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Romans sous le numéro 388 068 819, dont le siège social est situé Le Village, 20, rue du Chevalier-d'Urre, 26600 Crozes-Hermitage, représentée par son gérant, M. Jacques ETIENNE.
La société Blandins Hydro Nature a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF ») sur le refus de conclusion d'un contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité d'une installation de production hydraulique.
Il ressort des pièces du dossier que la société Blandins Hydro Nature exploite une micro-centrale hydroélectrique, dénommée « Pény », d'une puissance de production maximale de 150 kW, située sur le cours d'eau du Vincou, affluent de la Gartempe dépendant de la commune de Compreignac (Haute-Vienne). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 21 mai 1982, le préfet de la Haute-Vienne a autorisé par arrêté, pour une durée de trente ans, M. René LARGEAU à disposer de l'énergie de la rivière Le Vincou, pour la mise en jeu d'une entreprise, située sur le territoire de la commune de Compreignac et destinée à produire de l'énergie hydroélectrique.
Le 23 mars 2012, la société Blandins Hydro Nature a communiqué à la société ERDF une demande de contrat d'accès au réseau public de distribution pour la micro-centrale de Pény. Elle a également indiqué que la micro-centrale injectait sur le réseau public de distribution au titre d'un contrat d'obligation d'achat « Hydro 97 » et qu'elle souhaitait continuer à injecter de l'énergie, sans aucune modification de l'installation hydraulique, dans le cadre de la vente sur le marché.
Le 28 mars 2012 et en retour, la société ERDF a adressé à la société Blandins Hydro Nature une demande de compléments d'information.
Le 25 juillet 2012, le directeur départemental des territoires de la préfecture de la Haute-Vienne a indiqué à la société Blandins Hydro Nature que l'autorisation d'exploiter la centrale de Pény était arrivée à son terme le 21 mai 2012, que l'exploitation n'était plus autorisée et que le contrat d'achat d'électricité devait être suspendu. Il a également indiqué que la seule façon d'exploiter l'énergie du Vincou sur le site de Pény était de déposer une demande d'autorisation selon les modalités prévues par les articles R. 214-71 et suivants du code de l'environnement.
Le 8 août 2012, la société Blandins Hydro Nature a indiqué à la société ERDF que les ouvrages situés sur la dérivation du Vincou, autorisée par l'arrêté préfectoral du 16 mai 1972, sont réputés autorisés au sens de l'article L. 511-3 du code de l'énergie et qu'en conséquence cette dérivation était dispensée de toute procédure de concession ou d'autorisation pour la production d'énergie hydroélectrique, et ce depuis l'ordonnance du 9 mai 2011.
Le 20 août 2012, le directeur départemental des territoires de la préfecture de la Haute-Vienne a indiqué à la société ERDF que l'autorisation de disposer de l'énergie de la rivière Le Vincou, pour la mise en jeu d'une entreprise, située sur le territoire de la commune de Compreignac et destinée à produire de l'énergie hydroélectrique, pendant trente ans à compter du 21 mai 1982, était échue depuis le 21 mai 2012 et n'avait pas été renouvelée. Il a également indiqué que la société Blandins Hydro Nature n'était plus autorisée à produire de l'électricité.
Le 27 septembre 2012, le directeur départemental des territoires de la préfecture de la Haute-Vienne a rappelé à la société Blandins Hydro Nature que la seule façon de pouvoir utiliser l'énergie du Vincou était de déposer un dossier de demande d'autorisation selon les modalités prévues par les articles R. 214-71 et suivants du code de l'environnement.
Le 25 février 2013, la société ERDF a indiqué à la société Blandins Hydro Nature qu'en application du 1° du II de l'article L. 111-93 du code de l'énergie, elle était tenue de refuser l'accès au réseau à un producteur qui ne pouvait justifier d'une autorisation d'exploitation visée par les articles L. 311-1 ou L. 311-6 du même code. Elle a, en conséquence, indiqué qu'elle classait le dossier de la micro-centrale de Pény sans suite.
Le 28 février 2013, la société Blandins Hydro Nature a demandé au directeur du contrôle de la conformité de la société ERDF d'intervenir pour débloquer la situation.
Le 4 mars 2013 et en réponse, le directeur du contrôle de la conformité de la société ERDF a indiqué à la société Blandins Hydro Nature qu'il ne pouvait donner suite à sa demande.
Le 17 mai 2013, la société ERDF a indiqué à la société Blandins Hydro Nature qu'elle n'était pas en mesure d'autoriser l'accès au réseau public de distribution, par la conclusion d'un contrat d'accès, en l'absence de la réception d'une autorisation d'exploiter pour la micro-centrale de Pény. Elle a également indiqué qu'elle ne pouvait donner suite à la demande d'indemnisation d'un éventuel manque à gagner, n'étant pas responsable d'un prétendu préjudice subi.
Le 27 juin 2013, la société ERDF a indiqué à la société Blandins Hydro Nature avoir procédé, le 7 juin 2013, au déraccordement de la micro-centrale hydroélectrique de Pény.
Le 10 juillet 2013, la société ERDF a notifié à la Commission de régulation de l'énergie son refus de proposer un contrat d'accès au réseau public de distribution en injection (contrat CARD-I) à M. Jacques ETIENNE, ne justifiant pas d'une autorisation administrative d'exploiter son installation de production hydraulique de Pény.
Le 27 juillet 2013, la société Blandins Hydro Nature a contesté auprès de la société ERDF le courrier en date du 10 juillet 2013 adressé à la Commission de régulation de l'énergie.
Estimant que les conditions dans lesquelles lui a été refusée la conclusion d'un contrat d'accès au réseau public de distribution de son installation de production hydraulique n'étaient pas satisfaisantes, la société Blandins Hydro Nature a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.
Le 21 octobre 2013, le préfet de la Haute-Vienne a indiqué à Mme Michèle RIVASI, députée au Parlement européen, que la direction départementale des territoires avait proposé à la société Blandins Hydro Nature de compléter son dossier initial et de poursuivre l'instruction de ce dernier dans les délais les plus courts, afin de régulariser sa situation.
Le 10 mai 2014, la société Blandins Hydro Nature a indiqué à la direction départementale des territoires de la préfecture de la Haute-Vienne prendre note de ce que cette dernière n'a pas manifesté de critique ou d'opposition à sa lettre en date du 22 octobre 2013.
Dans ses observations, la société Blandins Hydro Nature soutient que l'argument utilisé par la société ERDF tiré de l'absence d'autorisation d'exploiter revient à refuser l'application d'une exception prévue par la loi, qui dispense de ladite autorisation.
Elle indique qu'il convient de se référer à l'article L. 311-1 du code de l'énergie pour l'autorisation concernant le cas général d'utilisation de l'énergie d'origine hydraulique et de ne pas omettre l'article L. 311-6 du code de l'énergie qui dispose que les installations existantes, régulièrement établies au 11 février 2000, sont réputées autorisées. Elle affirme, en conséquence, ne pas disposer d'une autorisation administrative « papier » d'exploiter l'installation de production hydraulique de Pény.
La société Blandins Hydro Nature rappelle que l'article L. 511-3 du code de l'énergie dispense des régimes de concession ou d'autorisation les ouvrages régulièrement autorisés en application des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement, dès lors que la production d'énergie constitue un accessoire à leur usage principal. Elle affirme que les ouvrages de dérivation du Vincou ont été autorisés en 1972 par le préfet de la Haute-Vienne et que la production d'électricité constitue un accessoire à leur usage principal.
Elle considère que la société ERDF, en s'abritant derrière une position de la direction départementale des territoires de la Haute-Vienne, ignore une seconde fois la loi qui ne reconnaît aucun pouvoir de décision ou d'avis à la direction départementale des territoires, contrairement au cas général de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique pour lequel le code de l'environnement confie l'instruction du dossier à la préfecture du département concerné.
La société Blandins Hydro Nature prétend que le refus d'accès au réseau public de distribution n'a pas été notifié dans les formes prévues par les textes et que l'information obligatoire de la Commission de régulation de l'énergie n'a pas été réalisée.
La société Blandins Hydro Nature demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
- que la société ERDF revienne sur la décision de refus de conclusion d'un contrat d'accès au réseau public de distribution de son installation de production hydraulique ;
- une compensation financière correspondant à la perte de recette de la centrale de Pény à compter du 8 octobre 2012 « jusqu'à ce jour ».
Vu les observations en défense, enregistrées le 28 avril 2014, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocat, Me Cédric de POUZILHAC, cabinet SELAS Bersay & Associés, 31, avenue Hoche, 75008 Paris.
La société ERDF soutient que, par principe et en application de l'article L. 511-1 du code de l'énergie, tout producteur d'énergie hydraulique doit faire l'objet d'une autorisation par l'Etat.
Elle note que la loi du 13 juillet 2005 n'a dispensé d'autorisation que les installations hydroélectriques qui ne sont qu'accessoires à un ouvrage lui-même autorisé et dont l'activité principale n'est pas la production d'électricité.
La société ERDF considère qu'il revient au préfet d'autoriser la production d'électricité par toute installation hydroélectrique ou d'apprécier si l'installation entre dans le champ d'application de la dispense prévue par la loi du 13 juillet 2005 (art. L. 511-1 du code de l'énergie).
Elle affirme que le préfet de la Haute-Vienne a indiqué, à plusieurs reprises, que l'installation de production hydraulique de Pény n'entre pas dans le champ d'application de cette réglementation.
La société ERDF souligne que la société Blandins Hydro Nature est libre de contester cette décision préfectorale devant le juge administratif, seul compétent pour en connaître et, le cas échéant, infirmer la position de l'administration.
Elle ajoute, en tout état de cause, qu'elle n'a ni la vocation, ni le pouvoir de se prononcer sur la légalité de l'installation de production et qu'elle ne peut donc que déférer à l'appréciation de l'administration.
La société ERDF soutient que l'administration lui ayant formellement notifié, le 20 août 2012, l'illégalité de l'installation de production, elle était, en application de l'article L. 111-93 du code de l'énergie, tenue de refuser l'accès au réseau.
Elle conclut que, faute pour la société Blandins Hydro Nature de se prévaloir d'une autorisation administrative en vigueur, sa demande de raccordement ne pouvait qu'être refusée.
La société ERDF considère que le comité de règlement des différends et des sanctions n'a pas compétence pour connaître des demandes indemnitaires formulées par les utilisateurs du réseau à l'issue d'un refus de raccordement.
Elle souligne que cette demande de compensation financière n'est pas fondée, car aucune faute ne peut lui être imputée. Elle ajoute que cette demande repose sur des calculs approximatifs et non documentés.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
- rejeter toutes les demandes de la société Blandins Hydro Nature ;
- notifier aux parties la décision à intervenir.
Vu les observations en réplique, enregistrées le 5 juin 2014, présentées par la société Blandins Hydro Nature.
La société Blandins Hydro Nature soutient que le litige avec la société ERDF provient de la confusion entre les deux types d'autorisation auxquelles est soumise une centrale hydroélectrique et que cette confusion est entretenue par la direction départementale des territoires de la Haute-Vienne.
Elle indique qu'aucun recours auprès des tribunaux n'a été engagé par l'administration de la Haute-Vienne à l'encontre du fonctionnement de la centrale en mai et juin 2012. Elle ajoute que ce défaut d'intervention de l'administration équivaut à une acceptation « de facto ».
La société Blandins Hydro Nature souligne que le premier type d'autorisation, en application des articles L. 311-1 ou L. 311-6 du code de l'énergie, s'applique aux unités de production d'électricité de toute nature. Elle estime que c'est l'absence de cette autorisation qui impose, en application de l'article L. 111-93 du code de l'énergie, à la société ERDF de refuser l'accès au réseau. Elle affirme que la centrale hydroélectrique de Pény dispose donc de cette autorisation. Elle considère que la direction départementale des territoires n'est pas concernée par cette autorisation qui englobe tous les moyens de production d'électricité.
Elle indique que le deuxième type d'autorisation, en application des articles L. 312-1 et L. 511-1 du code de l'énergie, s'applique à la mise à disposition de l'énergie d'un cours d'eau appartenant à l'Etat. Elle ajoute que, les ouvrages étant existants, c'est l'article L. 511-3 du code de l'énergie qui doit être appliqué à la centrale de Pény. Elle prétend avoir communiqué à la société ERDF les justifications correspondant aux trois conditions de l'article L. 511-3 du code de l'énergie, sur son existence, son autorisation et son but principal.
La société Blandins Hydro Nature considère que la demande de la société ERDF de produire un document inexistant est une manœuvre dilatoire et discriminatoire.
Elle soutient que la lettre de la direction départementale des territoires de la Haute-Vienne du 20 août 2012 omet la loi de février 2012 et l'article L. 511-3 du code de l'énergie et qu'elle confond les deux types d'autorisation.
La société Blandins Hydro Nature demande que la société ERDF lui accorde un contrat d'accès CARD-I et rétablisse la ligne électrique à ses frais.
Elle considère qu'elle est en droit de demander une compensation à la société ERDF pour le manque à gagner sur plus d'un an et demi et sur la base d'une estimation raisonnable. Elle demande donc au comité de règlement des différends et des sanctions de lui accorder cette compensation ou de constater que la responsabilité financière de la société ERDF est engagée, en raison de sa faute.
La société Blandins Hydro Nature demande en conséquence au comité de règlement des différends et des sanctions :
- la délivrance d'un contrat d'accès au réseau public de distribution CARD-I dans les plus brefs délais ;
- le rétablissement de l'arrivée 20 kV de la centrale hydroélectrique, aux frais de la société ERDF, après l'avoir tenu informée afin qu'elle effectue les séchages éventuels nécessaires dans les cellules ;
- la reconnaissance d'un préjudice causé par la société ERDF, en l'empêchant d'exercer sa vocation de production d'électricité, alors qu'un contrat d'achat avec la société Enercoop avait été signé en temps voulu pour succéder au contrat Hydro-97 ;
- la définition de bases d'établissement du niveau de ce préjudice ou la nomination d'un expert amiable dans le but d'une transaction financière raisonnable. « Au cas où cette définition ne serait pas incluse dans le cadre d'action du comité de règlement des différends et des sanctions, l'explication de ce que le non-établissement par le comité de règlement des différends et des sanctions du montant du préjudice ne signifie pas la non-existence du préjudice » ;
- « la prise de mesure pour éviter le renouvellement de tels errements non conformes à la vocation d'un service public. L'évolution vers l'obligation “d'entretiens préalables” en face à face, comme pour un licenciement, avant le refus d'un comité de règlement des différends et des sanctions » et le respect des délais d'information ;
- la sanction au moins symbolique de la société ERDF qui, en ne respectant pas les délais de prise de décision claire et de transmission de l'information à la Commission de régulation de l'énergie dans les deux mois, a contrevenu au respect des délais qui lui sont imposés par son statut et aggravé de ce fait la difficulté financière du gérant de la société Blandins Hydro Nature, qui a dû refinancer la société, cela en retardant de cinq mois la possibilité de saisine du comité de règlement des différends et des sanctions.
Vu les observations complémentaires, enregistrées le 10 juin 2014, présentées par la société Blandins Hydro Nature.
La société Blandins Hydro Nature entend rectifier sa cinquième demande et demande donc au comité de règlement des différends et des sanctions :
- « la prise de mesure pour éviter le renouvellement de tels errements non conformes à la vocation d'un service public. L'évolution vers l'obligation “d'entretiens préalables” en face-à-face, comme pour un licenciement, avant le refus d'un contrat d'accès CARD-I » et le respect des délais d'information ;
Vu les observations en duplique, enregistrées le 15 juillet 2014, présentées par la société ERDF.
La société ERDF soutient que le refus opposé par l'administration apparaît justifié dès lors que, de première part, la dérivation du Vincou ne constitue pas un ouvrage au sens de l'article L. 214-1 du code de l'environnement. Elle ajoute que, compte tenu de son caractère permanent et définitif, cette dérivation est devenue le lit naturel du fleuve. De seconde part, elle affirme que l'ouvrage nécessitant une autorisation n'est pas la dérivation du Vincou, mais la centrale hydroélectrique de Pény. Elle ajoute que la production d'électricité n'est pas l'accessoire, mais l'objet même de cet ouvrage. Elle souligne donc que l'administration a considéré que la société Blandins Hydro Nature ne saurait se prévaloir de la dispense d'autorisation prévue à l'article L. 511-3 du code de l'énergie.
Elle indique que la société Blandins Hydro Nature ne justifiant pas d'une autorisation, c'est donc à bon droit qu'elle lui a refusé l'accès au réseau, en application des dispositions de l'article L. 111-93 du code de l'énergie.
La société ERDF considère que ni la société ERDF ni le comité de règlement des différends et des sanctions n'ont la compétence pour apprécier la validité ou l'opportunité du refus d'autorisation opposé par l'administration.
Elle soutient que l'installation hydraulique de Pény est bien soumise à autorisation et que la société Blandins Hydro Nature est mal fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'énergie, inapplicables à de telles installations.
La société ERDF considère que le comité de règlement des différends et des sanctions n'a pas compétence pour connaître des demandes indemnitaires formulées par les utilisateurs du réseau à l'issue d'un refus de raccordement.
Elle affirme qu'en l'absence de manquement, au sens des articles L. 134-25 et suivants du code de l'énergie, commis par la société ERDF, aucune sanction ne saurait être prise à son encontre.
La société ERDF persiste donc dans ses précédentes conclusions.
Vu les observations en triplique, enregistrées le 1er août 2014, présentées par la société Blandins Hydro Nature.
La société Blandins Hydro Nature soutient que l'administration n'a jamais évoqué l'article L. 511-3 du code de l'énergie, car il n'impose aucune démarche auprès du préfet ou de ses services.
Elle indique que, après le 21 mai 2012, date de la fin d'autorisation de trente ans de la micro-centrale de Pény, la centrale a continué de fonctionner dans le cadre de son contrat Hydro-97, au-delà de l'autorisation expirée.
La société Blandins Hydro Nature considère que la société ERDF doit appliquer l'article L. 511-3 du code de l'énergie, puisque ni l'administration ni personne n'a introduit un recours contre le fonctionnement de la micro-centrale de Pény, après la fin de l'autorisation initiale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et son livre V ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 13 août 2013 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 19-38-13 ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 22 octobre 2014, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, Mme Françoise LAPORTE et M. Roland PEYLET, membres, en présence de :
M. Mathieu CACCIALI, représentant le directeur général et le directeur juridique empêchés ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur ;
M. Jacques ETIENNE, pour la société Blandins Hydro Nature ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Cédric de POUZILHAC,
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de M. Jacques ETIENNE pour la société Blandins Hydro Nature ; la société Blandins Hydro Nature persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Cédric de POUZILHAC pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
Sur la délivrance d'un contrat d'accès au réseau public de distribution CARD-I et le rétablissement de l'arrivée 20 kV de la centrale hydroélectrique
La société Blandins Hydro Nature demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
- la délivrance d'un contrat d'accès au réseau public de distribution CARD-I dans les plus brefs délais ;
- le rétablissement de l'arrivée 20 kV de la centrale hydroélectrique, aux frais de la société ERDF, après l'avoir tenu informée afin qu'elle effectue les séchages éventuels nécessaires dans les cellules.
La société ERDF soutient que l'administration lui ayant formellement notifié, le 20 août 2012, l'illégalité de l'installation de production, elle était, en application de l'article L. 111-93 du code de l'énergie, tenue de refuser l'accès au réseau. Elle indique que, faute pour la société Blandins Hydro Nature de se prévaloir d'une autorisation administrative en vigueur, sa demande de raccordement ne pouvait qu'être refusée.
Aux termes du I de l'article L. 111-93 du code de l'énergie, « tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'énergie. Le refus doit résulter de critères, objectifs et non discriminatoires, qui ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement. Ces critères sont publiés ».
Aux termes du II du même article, le « gestionnaire du réseau est, par ailleurs, tenu de refuser l'accès au réseau : 1° A un producteur qui ne peut justifier d'une autorisation en application de l'article L. 311-1 ou de l'article L. 311-6 ; […] ».
Aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, « l'exploitation d'une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée selon la procédure prévue aux articles L. 311-5 et L. 311-6 ou au terme d'un appel d'offres en application de l'article L. 311-10 ».
Aux termes de l'article L. 311-5 du code de l'énergie, « l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants :
1° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés ;
2° Le choix des sites, l'occupation des sols et l'utilisation du domaine public ;
3° L'efficacité énergétique ;
4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;
5° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l'environnement ;
6° Le respect de la législation sociale en vigueur.
L'autorisation est nominative et incessible. En cas de changement d'exploitant, l'autorisation ne peut être transférée au nouvel exploitant que par décision de l'autorité administrative ».
Aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'énergie, « les installations dont la puissance installée par site de production est inférieure ou égale à un seuil, dépendant du type d'énergie utilisée et fixé par décret en Conseil d'Etat, sont réputées autorisées. Les installations existantes, régulièrement établies au 11 février 2000, sont également réputées autorisées ».
Il résulte de ces dispositions que l'accès au réseau public d'électricité doit être refusé par le gestionnaire de réseaux à un producteur qui ne dispose pas d'une autorisation d'exploiter.
Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'énergie, « la production hydroélectrique est régie par les dispositions du livre V en tant qu'elles concernent l'hydroélectricité ». L'article L. 312-2 du code de l'énergie prévoit, en outre, que « les titres administratifs délivrés en application du livre V valent autorisation au sens de l'article L. 311-5 ».
Il ressort des pièces du dossier, notamment des courriers du 25 juillet 2012 et 27 septembre 2012 de la direction départementale des territoires de la préfecture de la Haute-Vienne que l'autorisation d'exploiter de la centrale hydroélectrique de Pény est arrivée à son terme le 21 mai 2012 et que son exploitation n'est plus autorisée.
La société Blandins Hydro Nature fait valoir qu'elle entre dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-3 du code de l'énergie.
Toutefois, le comité de règlement des différends et des sanctions n'a pas le pouvoir, en l'absence d'illégalité manifeste, d'écarter l'appréciation du préfet de la Haute-Vienne concernant la situation de la société Blandins Hydro Nature s'agissant de son droit d'exploiter la centrale hydroélectrique de Pény.
La société ERDF ne pouvait pas davantage regarder la société Blandins Hydro Nature comme détenant l'autorisation nécessaire à l'exploitation de la centrale hydroélectrique de Pény.
Par conséquent, la société ERDF est fondée, en application des dispositions de l'article L. 111-93 du code de l'énergie, à refuser l'accès au réseau à la société Blandins Hydro Nature s'agissant de la centrale hydroélectrique de Pény et donc à refuser de communiquer un contrat d'accès au réseau public de distribution CARD-I à la société Blandins Hydro Nature.
Sur la demande de compensation financière
La société Blandins Hydro Nature demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
- la reconnaissance d'un préjudice causé par la société ERDF en l'empêchant d'exercer sa vocation de production d'électricité, alors qu'un contrat d'achat avec la société Enercoop avait été signé en temps voulu pour succéder au contrat Hydro-97 ;
- la définition de bases d'établissement du niveau de ce préjudice ou la nomination d'un expert amiable dans le but d'une transaction financière raisonnable. « Au cas où cette définition ne serait pas incluse dans le cadre d'action du comité de règlement des différends et des sanctions, l'explication de ce que le non-établissement par le comité de règlement des différends et des sanctions du montant du préjudice ne signifie pas la non-existence du préjudice » ;
- « la prise de mesure pour éviter le renouvellement de tels errements non conformes à la vocation d'un service public. L'évolution vers l'obligation “d'entretiens préalables” en face-à-face, comme pour un licenciement, avant le refus d'un CARD-I » et le respect des délais d'information.
La société ERDF considère que le comité de règlement des différends et des sanctions n'a pas compétence pour connaître des demandes indemnitaires formulées par les utilisateurs du réseau à l'issue d'un refus de raccordement.
Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que le comité de règlement des différends et des sanctions puisse attribuer à une partie une somme à titre de compensation financière, cette demande est irrecevable.
Sur la demande de sanction tendant à la réparation d'un préjudice subi
La société Blandins Hydro Nature demande au comité de règlement des différends et des sanctions la sanction au moins symbolique de la société ERDF qui, en ne respectant pas les délais de prise de décision claire et de transmission de l'information à la Commission de régulation de l'énergie dans les deux mois, a contrevenu au respect des délais qui lui sont imposés par son statut et aggravé de ce fait la difficulté financière du gérant de la société Blandins Hydro Nature, qui a dû refinancer la société, cela en retardant de cinq mois la possibilité de saisine du comité de règlement des différends et des sanctions.
La société ERDF affirme qu'en l'absence de manquement, au sens des articles L. 134-25 et suivants du code de l'énergie, commis par la société ERDF, aucune sanction ne saurait être prise à son encontre.
Il n'appartient toutefois pas au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le cadre de la compétence que lui donnent les articles L. 134-19 et suivants du code de l'énergie en matière de règlement de différends, de condamner une des parties à la réparation d'un préjudice subi à raison de l'inexécution par l'autre partie de ses obligations.
Décide :
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