Formule de calcul
I. - Le caractère aléatoire
L'article L. 441-2 du code du travail exige la mention expresse d'une formule de calcul. L'existence d'une telle formule est à la fois la garantie du caractère aléatoire et l'assurance d'une véritable sécurité juridique pour les salariés afin d'éviter toute imprécision susceptible de déboucher sur des divergences d'interprétation. La formule de calcul doit être claire et faire appel à des éléments objectivement mesurables (résultats, ratios...) dont la définition figurera nécessairement dans l'accord. Les éléments pris en compte dans la formule doivent assurer le caractère variable et incertain de l'intéressement : ni le versement des primes d'intéressement ni leur montant ne peut être garanti. Ainsi une formule de calcul fondée sur un pourcentage du chiffre d'affaires ne saurait être admise car garantissant de fait un versement de primes d'intéressement.
La Cour de cassation a reconnu, dans une décision du 25 mars 1999, un caractère aléatoire à des formules calculant la masse globale de l'intéressement par un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé, du fait du caractère variable de cet élément. Toutefois cette jurisprudence est intervenue dans le cadre d'un accord relevant de la législation antérieure à la loi de 1994, qui intégrait dans la définition de l'intéressement les termes « tout autre mode de rémunération collective ». La définition de la loi de 1994, qui n'a pas été modifiée par la loi du 19 février 2001 sur ce point, écarte la possibilité d'un versement en l'absence de résultat ou de performance et exclut les versements de primes reflétant la simple activité de l'entreprise. La jurisprudence antérieure à la loi de 1994 ne trouve donc pas à s'appliquer sur cette question.
Si un intéressement calculé sur le montant du chiffre d'affaires est donc proscrit, il a par contre toujours été admis que la formule de calcul puisse reposer, par exemple, sur une augmentation du chiffre d'affaires.
II. - Périodes et modalités de calcul de l'intéressement
La période de calcul de l'intéressement est le plus souvent l'exercice. Mais cette période de calcul peut être différente de l'exercice comptable, fiscal ou social. Ainsi une entreprise dont l'exercice fiscal est l'année civile peut retenir, par exemple dans le cadre d'un accord d'intéressement aux performances, une période annuelle de calcul débutant le 1er juillet et finissant le 30 juin de l'année suivante.
Toutefois, lorsque l'intéressement aux résultats se réfère à des ratios et indicateurs établis dans le bilan comptable, la période de calcul coïncide logiquement avec l'exercice comptable.
Les signataires de l'accord peuvent aussi retenir une période de calcul inférieure à l'exercice :
Le premier alinéa de l'article L. 441-2 du code du travail prévoit que la formule de calcul puisse retenir des périodes de calcul d'une durée inférieure à une année, exprimée en nombre entier de mois au moins égal à trois. Il ne saurait donc y avoir de période de calcul inférieure au trimestre, non plus que plusieurs périodes infra-annuelles de durées différentes dans un accord (par exemple une année divisée en deux trimestres et un semestre), puisque la loi prévoit que l'accord doit choisir une période infra-annuelle de référence. On ne saurait donc segmenter l'année qu'en période de calcul de trois, quatre ou six mois.
L'article L. 441-2 du code du travail prévoit que la formule de calcul est liée « aux résultats ou aux performances de l'entreprise ».
Intéressement aux résultats : cette notion se réfère à des indicateurs financiers ou comptables mesurant la rentabilité économique ou financière de l'entreprise tels que, par exemple, le bénéfice fiscal, le bénéfice comptable ou le bénéfice d'exploitation. Les résultats constatés au cours de la période de référence (par exemple l'exercice) permettent ainsi de déterminer le montant de l'intéressement.
Il est souhaitable que l'accord précise exactement les références de la base de calcul retenue et, le cas échéant, le document à partir duquel l'intéressement est calculé (liasse fiscale par exemple).
Intéressement aux performances : ce mode d'intéressement donne aux partenaires sociaux une grande latitude dans l'établissement de la formule de calcul. Il doit refléter le mieux possible la contribution des salariés aux performances de l'entreprise. Ces performances peuvent notamment se mesurer par l'atteinte d'objectifs (de qualité, de sécurité ou de satisfaction de la clientèle...) ou par l'amélioration de la productivité, les paramètres choisis devant toujours être objectifs, quantifiables et vérifiables, par rapport à une situation de référence clairement établie. L'objectivité de la prise en compte de critères de qualité retenus dans le cadre d'un intéressement aux performances peut être assurée soit par des procédures internes à l'entreprise, soit par l'intervention d'un prestataire de service extérieur à l'entreprise, visant à mettre au point des instruments d'évaluation ou à attester l'atteinte de la performance. L'intéressement aux performances est celui qui se décline le plus facilement en périodes de calcul infra-annuelles.
Dans les deux cas de figure, si les résultats ou les performances sont inférieurs aux seuils de déclenchement fixés dans l'accord, l'intéressement est nul, mais en aucun cas il ne peut y avoir de calcul d'un intéressement négatif qui serait ensuite imputé sur l'intéressement calculé au titre des exercices ou des périodes de calculs ultérieurs.
Système mixte : l'accord d'intéressement peut combiner résultats et performances. Il peut ainsi prévoir la distribution d'une partie du résultat en fonction de l'atteinte d'un certain objectif traduisant une performance.
III. - Variation des modalités de calcul de l'intéressement
selon les établissements et les unités de travail
Les modalités de calcul de l'intéressement peuvent varier selon les établissements et les unités de travail. A cet effet, l'accord d'entreprise peut renvoyer à des accords d'établissement.
Une entreprise peut être constituée de plusieurs établissements distincts, c'est-à-dire comprenant chacun un groupe de salariés exerçant sous une même autorité, en un lieu indépendant, une activité caractérisée (voir fiche 1).
Concernant l'unité de travail, le code du travail, et en particulier l'article L. 441-2, y fait référence à plusieurs reprises sans la définir explicitement. L'unité de travail, de fait, renvoie à différentes structures qui sont fonction de l'activité exercée par l'entreprise pendant la durée de l'accord. Il peut s'agir d'un bureau, d'un service, d'un atelier, d'une unité de production, d'un magasin, etc. Ces structures doivent présenter un caractère de stabilité suffisant afin qu'elles soient compatibles avec les périodes de calcul retenues dans l'accord. Le chantier ne pourra être retenu comme unité de travail qu'à cette condition. Plusieurs critères constitutifs de l'unité de travail peuvent se dégager.
On peut considérer que les salariés appartiennent à la même unité de travail pour les raisons suivantes :
- ils travaillent habituellement ensemble ;
- ils ont des contenus de travail (tâches) proches ou identiques ; ils ont des conditions de travail analogues ;
- ils sont placés sous la responsabilité d'un même encadrement.
L'unité de travail doit s'apprécier de manière souple. On peut considérer, par exemple, que le service commercial d'une entreprise constitue une unité de travail. Mais, dans tous les cas, l'unité de travail ne peut se confondre avec une catégorie de salariés.
Un accord d'intéressement peut donc être modulé avec une très grande souplesse. Par exemple, il est possible, dans un même accord d'entreprise, de prévoir un intéressement aux résultats avec un mode de calcul annuel au niveau de l'entreprise, et un intéressement aux performances au niveau de chaque établissement avec des périodes de calcul trimestrielles.
Cependant, la possibilité de mettre en place des systèmes différents selon les unités ne doit pas conduire à des dispositifs qui seraient manifestement discriminatoires à l'égard d'une unité.
IV. - Les conditions de la prise en compte, dans le cadre
d'un accord d'entreprise, des résultats des filiales
Le premier alinéa de l'article L. 441-2 permet d'asseoir l'intéressement, dans le cadre d'un accord d'entreprise (maison mère ou holding), sur les résultats de l'une ou de plusieurs de ses filiales (françaises ou étrangères), au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, soit celles appartenant au périmètre de consolidation des comptes.
Une condition impérative est toutefois posée : à la date de conclusion de l'accord d'intéressement, deux tiers des salariés des filiales françaises dont les résultats sont pris en compte dans l'accord, doivent être couverts par un accord d'intéressement ; un engagement de négocier doit être pris par l'entreprise dans chacune des filiales, dont le siège social est en France, non couvertes par un tel accord dans un délai maximum de quatre mois à compter de la conclusion dudit accord.
Lorsqu'il s'agit de filiales dont l'entreprise détient directement ou indirectement la majorité des droits de vote, l'entreprise adresse à la DDTEPP, dans un délai de quatre mois à compter de la conclusion de l'accord, copie des convocations adressées par ces filiales aux parties en vue de négocier un accord d'intéressement (la partie salariée peut être représentée par les délégués syndicaux et les membres salariés du comité d'entreprise). Dans le cas inverse elle adresse copie de sa demande aux présidents ou gérants desdites entreprises d'engager une telle négociation.
V. - Accord de groupe et accords de groupe européen
Un accord de groupe offre les mêmes souplesses pour le calcul de l'intéressement qu'un accord d'entreprise. Ainsi, il est possible de prévoir un intéressement aux résultats (consolidés) au niveau du groupe, et un intéressement aux performances au niveau de chaque entreprise partie prenante à l'accord de groupe.
L'article 59 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 a étendu la notion d'accord de groupe aux groupes européens. Un groupe d'entreprises européennes peut mettre en place un accord d'intéressement, non seulement pour l'entreprise française du groupe, mais aussi pour toutes les autres entreprises situées dans l'Union européenne, et ce avec les mêmes possibilités de modulation, que ce soit au niveau de la ratification de l'accord, du calcul de l'intéressement ou de sa répartition (voir ci-dessous). Dans le cadre d'un accord européen, les modalités de ratification peuvent être adaptées en tenant compte de la législation sociale en vigueur dans les pays où sont implantées des entreprises du groupe. Afin de respecter l'obligation de dépôt des accords dans les directions départementales du travail, qui conditionnent les exonérations sociales et fiscales, une des entreprises établies en France et partie prenante à l'accord de groupe devra effectuer le dépôt de l'accord à la direction départementale du travail dont elle relève, et envoyer une copie du récépissé de dépôt à chacune des entreprises établies en France et parties prenantes à cet accord.
1 version