- La loi porte atteinte à la liberté d'entreprendre
Dispositif anticoncentration en matière de numérique :
Considérant que la loi déférée accorde aux chaînes hertziennes privées existantes la possibilité d'obtenir jusqu'à cinq canaux en mode numérique. L'article 66 (3o) dispose que ces chaînes peuvent, à cet effet, placer sous leur contrôle jusqu'à cinq sociétés titulaires d'autorisation relative à un service diffusé en mode numérique, pourvu que ces services restent édités par des sociétés disctinctes.
Néanmoins, ces dispositions ne dérogent pas à l'article 39 de la loi du 30 septembre 1986, en vertu duquel une même personne physique ou morale ne peut détenir directement ou indirectement plus de 49 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation.
Par conséquent, les chaînes hertziennes existantes, si elles peuvent créer des sociétés filiales pour l'exploitation des nouveaux services en numérique, ne pourront détenir plus de 49 % du capital de ces filiales.
Cette mesure porte atteinte à la liberté d'entreprendre (décision no 82-141 DC du 27 juillet 1982).
Il convient de souligner qu'une telle restriction est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi, le pluralisme est en effet garanti dès lors que la contrainte des 49 % s'applique déjà à la société mère.
La disposition en cause révèle une discrimination entre chaînes publiques et privées, dans la mesure où les chaînes du public créer des filiales à 100 %, selon les articles 4 et 5 de la loi déférée.
L'article 66 porte donc atteinte à la liberté d'entreprendre et se double d'une discrimination.
Sur l'attribution des nouvelles fréquences :
Considérant que l'article 38 de la loi déférée instaure un dispositif discriminatoire en faveur des chaînes publiques pour l'attribution des nouvelles fréquences du numérique terrestre.
Considérant que les chaînes privées sont soumises à une procédure contraignante d'appel à candidatures (art. 45 de la loi) et en peuvent obtenir en tout état de cause plus de cinq canaux (art. 66 de la loi), les chaînes publiques bénéficient d'une attribution prioritaire de fréquences numériques, et ce sans limitation du nombre de canaux (art. 38 de la loi).
Il n'apparaît pas qu'une telle discrimination soit justifiée par les missions de service public dont sont investies les sociétés nationales de programmes.
Ce dispositif est contestable au regard du droit européen. L'article 90-2 du traité de Rome précise, en effet, que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont soumises aux règles du traité et, notamment, aux règles de la concurrence, dans la mesure où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été impartie.
Cependant, rien ne justifie que l'attribution prioritaire et sans limitation aucune des fréquences numériques soit nécessaire à l'accomplissement des missions de service public des sociétés nationales.
Considérant que cette priorité accordée au service public porte atteinte au principe d'égalité devant la loi reconnu par le Conseil constitutionnel en 1973 (décision no 73-51 DC du 29 décembre 1973) et au principe de la liberté d'entreprendre (décision no 82-141 DC du 27 juillet 1982) qui ne peut être réglementée par la loi que sous réserve de l'adéquation de la réglementation aux buts poursuivis par la loi.
Considérant que la discrimination entre les chaînes publiques et privées qui ne corrige aucune situation d'inégalité ne se justifie pas.
Pour ces motifs, l'article 38 de la loi sur la liberté de communication doit être considéré contraire au principe d'égalité et à la liberté d'entreprendre.
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