JORF n°177 du 2 août 2000

  1. La loi est contraire au principe de liberté

de communication figurant dans la Constitution française

Considérant que conformément au Préambule de la Constitution, qui renvoie à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui a valeur constitutionnelle depuis votre décision du 16 juillet 1971, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (art. 11). Dans les décisions du 27 juillet 1982 (décision no 82-141 DC), des 10 et 11 octobre 1984 (décision no 84-181 DC), le Conseil constitutionnel a précisé que « s'agissant d'une liberté fondamentale d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ».

Suppression du pouvoir d'appréciation du CSA :

Considérant que les articles 71 et 72 de la loi sur la liberté de communication, l'utilisation du mot : « ordonne », qui remplace les mots : « peut ordonner », transforment un pouvoir discrétionnaire en compétence liée, pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Ainsi, les sanctions que peut prendre le CSA en cas de manquement aux obligations incombant aux chaînes, et notamment l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes et les conditions de diffusion, prennent un aspect automatique.

En supprimant toute marge d'appréciation pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le législateur a manifestement porté atteinte au principe de liberté de communication.

Considérant que l'institution d'une sanction automatique est contraire au principe de nécessité des peines, énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen auquel renvoie la Constitution française (cf. décision no 99-410 DC du 15 mars 1999).

Constatant ces anomalies, le Gouvernement a déposé, en lecture définitive à l'Assemblée nationale, deux amendements visant à rendre au CSA tout son pouvoir d'appréciation. A cet égard, la ministre de la communication a remarqué que « le Conseil constitutionnel ne pourrait que censurer de (telles) disposition(s), car une sanction ne saurait avoir un caractère automatique » (Bulletin AN, 28 juin 2000). Ces amendements n'ayant pas été adoptés, continuent de porter atteinte aux articles 71 et 72.

Pour ces motifs, la loi sur la communication porte atteinte aux principes de liberté de communication et de nécessité des peines.

Sur les conditions du prononcé des sanctions les plus graves :

Considérant que l'article 71, paragraphe VIII, de la loi sur la liberté de communication modifie l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, concernant la procédure à suivre devant le CSA, s'agissant des sanctions les plus graves (réduction de la durée de l'autorisation, sanctions pécuniaires, retrait de l'autorisation). Il prévoyait, dans sa rédaction initiale, l'intervention d'un membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président et chargé d'instruire le dossier et d'établir un rapport.

L'intervention de ce magistrat indépendant et extérieur au CSA constituait une garantie fondamentale pour les sociétés visées par une procédure de sanction.

Considérant que l'article 71, paragraphe VIII, modifie ledit article 42-7 et supprime désormais l'intervention de ce rapporteur, membre du Conseil d'Etat. Il s'agit d'un recul des garanties offertes aux contrevenants. Or, votre Conseil a jugé qu'en principe la conformité d'une loi postérieure est subordonnée à l'existence de garanties équivalentes à celles qui figuraient dans la loi modifiée ou abrogée (décision no 83-165 DC du 20 janvier 1984 ; décision no 84-181 DC des 10-11 octobre 1984).

Pour ce motif, l'article 71, paragraphe VIII, de la loi sur la liberté de communication, en tant qu'il supprime une garantie fondamentale, doit être déclaré inconstitutionnel.


Historique des versions

Version 1

3. La loi est contraire au principe de liberté

de communication figurant dans la Constitution française

Considérant que conformément au Préambule de la Constitution, qui renvoie à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui a valeur constitutionnelle depuis votre décision du 16 juillet 1971, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (art. 11). Dans les décisions du 27 juillet 1982 (décision no 82-141 DC), des 10 et 11 octobre 1984 (décision no 84-181 DC), le Conseil constitutionnel a précisé que « s'agissant d'une liberté fondamentale d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ».

Suppression du pouvoir d'appréciation du CSA :

Considérant que les articles 71 et 72 de la loi sur la liberté de communication, l'utilisation du mot : « ordonne », qui remplace les mots : « peut ordonner », transforment un pouvoir discrétionnaire en compétence liée, pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Ainsi, les sanctions que peut prendre le CSA en cas de manquement aux obligations incombant aux chaînes, et notamment l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes et les conditions de diffusion, prennent un aspect automatique.

En supprimant toute marge d'appréciation pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le législateur a manifestement porté atteinte au principe de liberté de communication.

Considérant que l'institution d'une sanction automatique est contraire au principe de nécessité des peines, énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen auquel renvoie la Constitution française (cf. décision no 99-410 DC du 15 mars 1999).

Constatant ces anomalies, le Gouvernement a déposé, en lecture définitive à l'Assemblée nationale, deux amendements visant à rendre au CSA tout son pouvoir d'appréciation. A cet égard, la ministre de la communication a remarqué que « le Conseil constitutionnel ne pourrait que censurer de (telles) disposition(s), car une sanction ne saurait avoir un caractère automatique » (Bulletin AN, 28 juin 2000). Ces amendements n'ayant pas été adoptés, continuent de porter atteinte aux articles 71 et 72.

Pour ces motifs, la loi sur la communication porte atteinte aux principes de liberté de communication et de nécessité des peines.

Sur les conditions du prononcé des sanctions les plus graves :

Considérant que l'article 71, paragraphe VIII, de la loi sur la liberté de communication modifie l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, concernant la procédure à suivre devant le CSA, s'agissant des sanctions les plus graves (réduction de la durée de l'autorisation, sanctions pécuniaires, retrait de l'autorisation). Il prévoyait, dans sa rédaction initiale, l'intervention d'un membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président et chargé d'instruire le dossier et d'établir un rapport.

L'intervention de ce magistrat indépendant et extérieur au CSA constituait une garantie fondamentale pour les sociétés visées par une procédure de sanction.

Considérant que l'article 71, paragraphe VIII, modifie ledit article 42-7 et supprime désormais l'intervention de ce rapporteur, membre du Conseil d'Etat. Il s'agit d'un recul des garanties offertes aux contrevenants. Or, votre Conseil a jugé qu'en principe la conformité d'une loi postérieure est subordonnée à l'existence de garanties équivalentes à celles qui figuraient dans la loi modifiée ou abrogée (décision no 83-165 DC du 20 janvier 1984 ; décision no 84-181 DC des 10-11 octobre 1984).

Pour ce motif, l'article 71, paragraphe VIII, de la loi sur la liberté de communication, en tant qu'il supprime une garantie fondamentale, doit être déclaré inconstitutionnel.