JORF n°0304 du 30 décembre 2012

  1. La mesure porte atteinte au droit de propriété.
    L'article 17 de la DDHC prévoit que : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »
    Or la mesure évoquée ici (a) prive le contribuable de sa propriété compte tenu des taux de prélèvement qu'elle implique, (b) cette privation ne trouvant par ailleurs pas de justification dans une raison impérieuse d'intérêt général.
    a) La mesure se traduit par un taux d'imposition a minima de 75 % pour les revenus visés (contribution de 18 % à laquelle il faut ajouter l'IRPP 45 %, la contribution sur les hauts revenus 4 %, les prélèvements sociaux 8 %). Ce taux d'imposition peut même excéder 75 % dans certaines situations : les gains d'acquisition de stock-options issus de plans antérieurs au 16 octobre 2007 subissent ainsi une imposition globale de 78,5 %.
    L'imposition créée entraîne ainsi une privation des trois quarts des revenus d'activité d'un contribuable pour la partie de ses revenus excédant 1 million d'euros ; ce qui doit être considéré comme confiscatoire au regard de la fraction de revenus laissé au contribuable : le Conseil a ainsi déclaré anticonstitutionnelle une contribution d'un taux bien inférieur, puisqu'elle était de 50 %, dans le cas de revenus d'activité perçus en complément des régimes de retraite complémentaire (7).
    Par ailleurs, cette privation présente, pour les revenus perçus en 2012, un caractère rétroactif et il se trouvera donc des cas dans lesquels les revenus auxquels cette taxation s'applique ont déjà été réinvestis. Le paiement de la contribution de 18 % nécessitera alors la cession des biens : la loi fiscale rend ainsi nécessaire la dépossession du contribuable et porte ainsi atteinte à l'abusus, composante essentielle et non dissociable du droit de propriété.
    A cet égard, le sort réservé par le texte aux gains d'acquisition de stock-options mérite tout particulièrement d'être souligné. Dans cette situation, en effet, l'imposition est générée par la décision de céder les actions qui fige la situation patrimoniale du contribuable à la date de la cession au vu d'une dette d'impôt déterminée. La rétroactivité cumulée avec le caractère excessif de la mesure remet en cause cette situation patrimoniale et porte atteinte au droit de propriété (8).
    b) Cette atteinte au droit de propriété n'est, en outre, pas corrélée à une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de valider la conformité de la mesure à la Constitution :
    ― il n'existe aucun comportement condamnable. En tout état de cause, si tel devait être le cas, la sanction choisie serait en elle-même contraire aux principes constitutionnels dès lors qu'elle n'est pas individualisée et qu'elle est rétroactive ;
    ― le faible rendement budgétaire de la mesure, le faible nombre de contribuables concernés et la nature des revenus qu'elle concerne démontrent qu'elle ne peut pas être justifiée par la solidarité nationale ;
    ― l'invocation de la « morale », dont aucune définition n'est par ailleurs donnée, ne saurait être une justification acceptable à la violation d'un principe constitutionnel ;
    ― le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale a lui-même reconnu que l'objectif poursuivi par cette contribution était « limite confiscatoire » (9).

(7) Décision du 16 janvier 1986 (n° 85-200 DC). (8) A cet égard, il convient de noter que le Conseil d'Etat a récemment reconnu que la remise en cause d'une créance fiscale par une loi de finances postérieure était contraire au droit de propriété protégé par l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (Conseil d'Etat du 21 octobre 2011 n° 314767, 9e et 10e sous-sections, min. c/SNC Peugeot Citroën Mulhouse). (9) Première séance du jeudi 18 octobre 2012.


Historique des versions

Version 1

1. La mesure porte atteinte au droit de propriété.

L'article 17 de la DDHC prévoit que : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

Or la mesure évoquée ici (a) prive le contribuable de sa propriété compte tenu des taux de prélèvement qu'elle implique, (b) cette privation ne trouvant par ailleurs pas de justification dans une raison impérieuse d'intérêt général.

a) La mesure se traduit par un taux d'imposition a minima de 75 % pour les revenus visés (contribution de 18 % à laquelle il faut ajouter l'IRPP 45 %, la contribution sur les hauts revenus 4 %, les prélèvements sociaux 8 %). Ce taux d'imposition peut même excéder 75 % dans certaines situations : les gains d'acquisition de stock-options issus de plans antérieurs au 16 octobre 2007 subissent ainsi une imposition globale de 78,5 %.

L'imposition créée entraîne ainsi une privation des trois quarts des revenus d'activité d'un contribuable pour la partie de ses revenus excédant 1 million d'euros ; ce qui doit être considéré comme confiscatoire au regard de la fraction de revenus laissé au contribuable : le Conseil a ainsi déclaré anticonstitutionnelle une contribution d'un taux bien inférieur, puisqu'elle était de 50 %, dans le cas de revenus d'activité perçus en complément des régimes de retraite complémentaire (7).

Par ailleurs, cette privation présente, pour les revenus perçus en 2012, un caractère rétroactif et il se trouvera donc des cas dans lesquels les revenus auxquels cette taxation s'applique ont déjà été réinvestis. Le paiement de la contribution de 18 % nécessitera alors la cession des biens : la loi fiscale rend ainsi nécessaire la dépossession du contribuable et porte ainsi atteinte à l'abusus, composante essentielle et non dissociable du droit de propriété.

A cet égard, le sort réservé par le texte aux gains d'acquisition de stock-options mérite tout particulièrement d'être souligné. Dans cette situation, en effet, l'imposition est générée par la décision de céder les actions qui fige la situation patrimoniale du contribuable à la date de la cession au vu d'une dette d'impôt déterminée. La rétroactivité cumulée avec le caractère excessif de la mesure remet en cause cette situation patrimoniale et porte atteinte au droit de propriété (8).

b) Cette atteinte au droit de propriété n'est, en outre, pas corrélée à une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de valider la conformité de la mesure à la Constitution :

― il n'existe aucun comportement condamnable. En tout état de cause, si tel devait être le cas, la sanction choisie serait en elle-même contraire aux principes constitutionnels dès lors qu'elle n'est pas individualisée et qu'elle est rétroactive ;

― le faible rendement budgétaire de la mesure, le faible nombre de contribuables concernés et la nature des revenus qu'elle concerne démontrent qu'elle ne peut pas être justifiée par la solidarité nationale ;

― l'invocation de la « morale », dont aucune définition n'est par ailleurs donnée, ne saurait être une justification acceptable à la violation d'un principe constitutionnel ;

― le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale a lui-même reconnu que l'objectif poursuivi par cette contribution était « limite confiscatoire » (9).

(7) Décision du 16 janvier 1986 (n° 85-200 DC). (8) A cet égard, il convient de noter que le Conseil d'Etat a récemment reconnu que la remise en cause d'une créance fiscale par une loi de finances postérieure était contraire au droit de propriété protégé par l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (Conseil d'Etat du 21 octobre 2011 n° 314767, 9e et 10e sous-sections, min. c/SNC Peugeot Citroën Mulhouse). (9) Première séance du jeudi 18 octobre 2012.