JORF n°303 du 31 décembre 2000

B. - Un déficit budgétaire 2000 manifestement erroné

Il résulte, tant des réévaluations de recettes fiscales auxquelles il convient de procéder, que des déclarations officielles du ministre de l'économie et des finances, que le déficit budgétaire 2000 prévu par la présente loi de finances rectificative, soit 209,7 milliards de francs, est manifestement erroné.

L'encaissement de 20 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires conduit à l'évidence et automatiquement à ramener le niveau du déficit budgétaire de près de 210 milliards de francs à environ 190 milliards de francs. Si tel n'était pas le cas, on pourrait penser, et sans faire de procès d'intention au Gouvernement, qu'il aurait reconduit en 2000 les mêmes opérations de fin de gestion (encaissements sur l'année suivante de recettes imputables sur l'exercice en cours, engagements de dépenses par anticipation) que celles auxquelles il avait procédé pendant la période complémentaire d'exécution du budget de 1999 et qui lui avaient valu de sévères critiques de la part de la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'exécution des lois de finances de 1999.

Le caractère manifestement erroné du déficit budgétaire présenté est en outre confirmé par les propos mêmes du ministre de l'économie et des finances. Ce dernier évoquait le 15 novembre dernier, jour même de l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres, en réponse à une question au Gouvernement (JO du jeudi 16 novembre, p. 8575), un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs. Une telle évaluation a été de nouveau évoquée lors d'une nouvelle séance de questions au Gouvernement en date du 19 décembre 2000. Elle correspond d'ailleurs à celle figurant dans la première phrase de l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2000 : « Ce solde du collectif devrait s'accompagner ensuite d'un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs. » Il y a donc tout lieu de penser que le déficit budgétaire affiché ne correspondra pas, et cela dans des proportions importantes, à celui qui sera définitivement exécuté et qui figurera dans la loi de règlement pour 2000. On ne peut légitimement imaginer que le ministre de l'économie et des finances engageant l'ensemble du Gouvernement prenne le risque d'afficher, vis-à-vis de la représentation nationale comme de la Commission européenne destinataire du programme pluriannuel des finances publiques, un chiffre de déficit budgétaire dont il serait sûr qu'il n'aurait aucune chance d'être exécuté.

Il y a donc tout lieu de penser, et « l'affaire de la cagnotte de 1999 » n'est pas de nature à dissiper ces interrogations, que le ministre de l'économie et des finances disposait, au moment même de la présentation du projet de loi, d'informations complémentaires qui lui permettaient de conclure dans le sens des propos qu'il a tenus, et qu'il n'a pas révélées à la représentation nationale.

Le Parlement aura donc débattu, s'agissant de cette loi de finances rectificative, d'un déficit budgétaire manifestement erroné, s'appuyant sur un niveau de recettes fiscales manifestement sous-évalué.

L'atteinte au principe de sincérité budgétaire est donc avérée : en soustrayant quelque 20 milliards de francs de recettes fiscales au débat budgétaire, le Gouvernement prive le Parlement de son droit à l'information garanti par l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et contribue à affaiblir les pouvoirs de contrôle du Parlement.

Il en résulte, sur les conditions de l'équilibre du budget, une erreur manifeste d'appréciation accentuée par une sous-évaluation du niveau des recettes fiscales.

Ce sont donc des sommes très significatives qui ont été soustraites aux droits d'information et d'autorisation du Parlement, en violation manifeste de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, et notamment des règles d'unité et d'universalité budgétaires qu'elle met en oeuvre. Pour cette raison, la loi déférée doit être déclarée non conforme à la Constitution.


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Version 1

B. - Un déficit budgétaire 2000 manifestement erroné

Il résulte, tant des réévaluations de recettes fiscales auxquelles il convient de procéder, que des déclarations officielles du ministre de l'économie et des finances, que le déficit budgétaire 2000 prévu par la présente loi de finances rectificative, soit 209,7 milliards de francs, est manifestement erroné.

L'encaissement de 20 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires conduit à l'évidence et automatiquement à ramener le niveau du déficit budgétaire de près de 210 milliards de francs à environ 190 milliards de francs. Si tel n'était pas le cas, on pourrait penser, et sans faire de procès d'intention au Gouvernement, qu'il aurait reconduit en 2000 les mêmes opérations de fin de gestion (encaissements sur l'année suivante de recettes imputables sur l'exercice en cours, engagements de dépenses par anticipation) que celles auxquelles il avait procédé pendant la période complémentaire d'exécution du budget de 1999 et qui lui avaient valu de sévères critiques de la part de la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'exécution des lois de finances de 1999.

Le caractère manifestement erroné du déficit budgétaire présenté est en outre confirmé par les propos mêmes du ministre de l'économie et des finances. Ce dernier évoquait le 15 novembre dernier, jour même de l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres, en réponse à une question au Gouvernement (JO du jeudi 16 novembre, p. 8575), un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs. Une telle évaluation a été de nouveau évoquée lors d'une nouvelle séance de questions au Gouvernement en date du 19 décembre 2000. Elle correspond d'ailleurs à celle figurant dans la première phrase de l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2000 : « Ce solde du collectif devrait s'accompagner ensuite d'un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs. » Il y a donc tout lieu de penser que le déficit budgétaire affiché ne correspondra pas, et cela dans des proportions importantes, à celui qui sera définitivement exécuté et qui figurera dans la loi de règlement pour 2000. On ne peut légitimement imaginer que le ministre de l'économie et des finances engageant l'ensemble du Gouvernement prenne le risque d'afficher, vis-à-vis de la représentation nationale comme de la Commission européenne destinataire du programme pluriannuel des finances publiques, un chiffre de déficit budgétaire dont il serait sûr qu'il n'aurait aucune chance d'être exécuté.

Il y a donc tout lieu de penser, et « l'affaire de la cagnotte de 1999 » n'est pas de nature à dissiper ces interrogations, que le ministre de l'économie et des finances disposait, au moment même de la présentation du projet de loi, d'informations complémentaires qui lui permettaient de conclure dans le sens des propos qu'il a tenus, et qu'il n'a pas révélées à la représentation nationale.

Le Parlement aura donc débattu, s'agissant de cette loi de finances rectificative, d'un déficit budgétaire manifestement erroné, s'appuyant sur un niveau de recettes fiscales manifestement sous-évalué.

L'atteinte au principe de sincérité budgétaire est donc avérée : en soustrayant quelque 20 milliards de francs de recettes fiscales au débat budgétaire, le Gouvernement prive le Parlement de son droit à l'information garanti par l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et contribue à affaiblir les pouvoirs de contrôle du Parlement.

Il en résulte, sur les conditions de l'équilibre du budget, une erreur manifeste d'appréciation accentuée par une sous-évaluation du niveau des recettes fiscales.

Ce sont donc des sommes très significatives qui ont été soustraites aux droits d'information et d'autorisation du Parlement, en violation manifeste de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, et notamment des règles d'unité et d'universalité budgétaires qu'elle met en oeuvre. Pour cette raison, la loi déférée doit être déclarée non conforme à la Constitution.