Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 36 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.
Cet article habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance afin de transposer la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché, en procédant aux mesures d'adaptation et en tirant les conséquences nécessaires à cette transposition. Cette directive devait être transposée au plus tard le 19 septembre 2020.
En modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 apporte une innovation particulièrement importante : elle permet d'étendre le régime de contribution à la production d'œuvres aux services de télévision et aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) étrangers visant la France (article 13.2).
Cette disposition permet d'assurer une équité dans l'application des règles entre les services étrangers et les services établis en France, déjà assujettis au régime de contribution à la création. Ce faisant, elle consolide le financement de la création cinématographique et audiovisuelle, alors que les évolutions des usages et du marché fragilisent le système actuel de soutien, le chiffre d'affaires réalisé en France par les acteurs installés dans un autre Etat membre venant en tout ou partie affecter celui des acteurs français, et par conséquent leur contribution au système.
L'article 1er introduit la définition des plateformes de partage de vidéos issue de la directive au sein de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
L'article 2 vise à garantir la bonne information des autorités de régulation nationales ainsi que leur coopération, en particulier pour tenir compte des situations d'éditeurs établis sur un territoire mais dont le service cible le public d'un autre Etat.
L'article 3 prévoit l'adoption, par les éditeurs de services, de codes de bonne conduite afin de prévenir l'exposition des enfants aux publicités relatives à des aliments ou boissons dont la présence excessive dans le régime alimentaire n'est pas recommandée.
L'article 4 adapte le régime du placement de produit dans les programmes des services de communication audiovisuelle pour tenir compte des nouvelles dispositions de la directive du 14 novembre 2018.
L'article 5 complète l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 précitée pour interdire, dans les programmes, outre les incitations à la haine et la violence, la provocation à la commission d'actes de terrorisme, ainsi que pour renforcer les règles de protection des mineurs, en interdisant aux éditeurs de services le traitement à des fins commerciales des données à caractère personnel des mineurs.
L'article 6 étend la compétence de règlement des différends du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) aux différends entre utilisateurs et fournisseurs de plateformes de partage de vidéos.
L'article 7 est un article de coordination tirant les conséquences de l'article 22 de la présente ordonnance, qui transfère certaines dispositions de l'article 17-2 de la loi du 30 septembre 1986 précitée au sein de l'article 58 de la même loi.
L'article 8 prévoit que le rapport annuel du CSA est complété d'un bilan de la mise en œuvre des codes de bonne conduite mentionnés à l'article 3 de la présente ordonnance et de la mise en œuvre de ses nouvelles missions en matière de régulation des plateformes de partage de vidéos.
L'article 9 étend aux plateformes de partage de vidéos le champ des personnes auxquelles le CSA peut demander des informations. Il prévoit en outre que les informations qu'il peut demander aux opérateurs de réseaux satellitaires portent sur tous les services transportés, y compris les SMAD. Cet article met également en place entre cette autorité et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) un mécanisme d'échanges d'informations portant sur le chiffre d'affaires et le nombre d'utilisateurs des éditeurs de services afin d'améliorer le contrôle du respect de leurs obligations de contribution à la production d'œuvres.
L'article 10 confie d'abord au CSA une mission nouvelle en matière de protection de l'intégrité du signal des services de communication audiovisuelle. Le CSA prendra les mesures appropriées et proportionnées, y compris réglementaires, de nature à assurer le respect de ce principe, et prévoira les exceptions qui lui sont apportées.
Cet article confie ensuite au CSA la mission générale de veiller à l'accessibilité des programmes des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande, et de mettre en place un site web à destination du grand public permettant de fournir des informations et recevoir des réclamations concernant toute question d'accessibilité des programmes. Il oblige les éditeurs et les distributeurs de services à rendre compte au régulateur des mesures qu'ils prennent pour assurer l'accessibilité de leurs programmes et de leurs services, ainsi que des plans d'action qu'ils conçoivent en vue de l'amélioration continue et progressive de l'accessibilité. Le CSA devra porter une attention particulière à l'accessibilité des messages d'alerte sanitaire ainsi que des événements importants liés à l'actualité immédiate et s'assurer que les programmes des services de télévision accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes ou aux personnes aveugles ou malvoyantes sont également rendus accessibles lorsqu'ils sont proposés par un service de télévision de rattrapage.
Enfin, cet article confie au CSA le soin de veiller à ce que les opérateurs qui déterminent les modalités de présentation des services sur les interfaces utilisateurs assurent une visibilité appropriée de tout ou partie des services d'intérêt général qui s'entendent comme les services édités par organisme du secteur audiovisuel public, voire par d'autres éditeurs de services de communication audiovisuelle. Cette disposition, qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2022, traduit la possibilité, ouverte par la directive SMA, d'assurer une visibilité appropriée aux services en cause compte tenu des objectifs d'intérêt général qu'ils poursuivent.
Les articles 11, 13 et 15 permettent, à l'instar de ce qui existe pour la contribution à la production audiovisuelle, de mutualiser la contribution à la production cinématographique, entre services, linéaires ou non, édités par une même personne ou appartenant à un même groupe. Cette nouvelle faculté ne pourra toutefois permettre à ces services de mutualiser leur contribution à la production d'œuvres cinématographiques et d'œuvres audiovisuelles, ces deux contributions demeurant distinctes.
Les articles 12 et 14 étendent à la production cinématographique le renvoi à la convention conclue entre le CSA et l'éditeur de services de télévision pour la détermination des modalités de la contribution, en tenant compte des accords conclus entre cet éditeur et une ou plusieurs organisations professionnelles de l'industrie cinématographique. En outre, ces articles étendent le mécanisme de prise en compte des accords professionnels aux représentants des auteurs pour la partie de ces accords qui affecte directement leurs intérêts. Ils permettent par ailleurs que la convention du service de télévision précise les obligations applicables à son service de télévision de rattrapage.
L'article 13 prévoit que les éditeurs de chaînes non hertziennes dont le chiffre d'affaires, l'audience ou le nombre ou la part d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles diffusées annuellement sont inférieurs à un seuil défini par décret ne sont pas soumis à contribution à la production d'œuvres.
L'article 14 renvoie au décret le soin de fixer le seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel les éditeurs de services de radio ou de télévision qui ne sont pas diffusés par voie hertzienne terrestre doivent conclure une convention avec le CSA.
L'article 15 prévoit que les éditeurs de SMAD dont le chiffre d'affaires, l'audience et le nombre ou la part d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles mises à la disposition du public sont supérieurs à un seuil défini par décret sont soumis à contribution à la production d'œuvres.
L'article 16 instaure un mécanisme de conventionnement avec le CSA des SMAD dont les éditeurs dépassent un seuil de chiffre d'affaires fixé par décret. Cette convention précisera les modalités de contribution du service à la production. A l'instar du mécanisme prévu aux articles 12 et 14, la convention tiendra compte des accords professionnels conclus. La convention précisera également les obligations d'exposition des œuvres européennes et d'expression originale française ainsi que les conditions d'accès des ayants droit aux données relatives à l'exploitation de leurs œuvres et notamment à leur visionnage. Enfin, la convention déterminera les proportions de programmes qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes.
L'article 17 renforce les règles de transparence qui s'imposent aux éditeurs de services, en ajoutant aux informations mises à disposition du public les coordonnées de l'éditeur et l'information selon laquelle il est soumis à la loi du 30 septembre 1986 et au contrôle du CSA.
L'article 18 précise les critères de détermination de la loi applicables à un service de télévision établi en France.
L'article 19 organise l'assujettissement des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande étrangers mais ciblant le territoire français au régime de contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, qui s'applique aujourd'hui aux seuls éditeurs français. Les éditeurs en cause pourront conclure avec le CSA une convention précisant ces obligations.
Il procède ensuite à l'harmonisation des procédures d'entrave à la retransmission des services de télévision et des services de médias audiovisuels à la demande.
Il transpose enfin les dispositions de la directive relatives à la transparence des informations nécessaires à la détermination de la loi applicable.
L'article 20 est un article de coordination.
L'article 21 organise le régime d'accessibilité aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes des programmes des services de télévision et des services de médias audiovisuels à la demande des organismes du secteur audiovisuel public.
Au sein d'un titre IV nouveau relatif aux dispositions applicables aux plateformes en ligne, l'article 22 crée d'abord un chapitre Ier relatif à l'ensemble des plateformes en ligne. Il reprend les dispositions de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information qui concernent les plateformes et qui figurent aujourd'hui à l'article 17-2 de la loi du 30 septembre 1986.
Il crée ensuite un chapitre II relatif aux plateformes de partage de vidéos et procède à la transposition des dispositions de la directive du 14 novembre 2018, relatives aux critères d'assujettissement des plateformes à la loi française et à l'instauration d'un régime de co-régulation de ces plateformes.
L'article 23 modifie l'intitulé du titre V de la loi du 30 septembre 1986 précitée.
L'article 24 exclut la prise en compte dans la contribution à la production des éditeurs de services des œuvres dont les contrats ne respectent pas les droits moraux et patrimoniaux des auteurs.
L'article 25 est un article de coordination.
L'article 26 charge le CNC, dans le cadre de sa mission d'attribution d'aides financières, de vérifier le respect des droits moraux et patrimoniaux des auteurs dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle.
L'article 27 prévoit que le CSA peut recevoir de l'administration fiscale les renseignements relatifs au chiffre d'affaires des entreprises soumises à son contrôle pour le respect de leurs obligations relatives à la contribution à la production et de conventionnement.
La diffusion des œuvres cinématographiques sur les différents supports est encadrée par la chronologie des médias, qui en régule l'exploitation sur les différents canaux possibles par la mise en place de fenêtres d'exclusivité successives. La chronologie des médias actuellement en vigueur relève directement de la loi pour la fenêtre DVD, ouverte au 5e mois et, pour les autres fenêtres, d'un accord professionnel, conclu le 6 septembre 2018 et étendu à toutes les entreprises du secteur par un arrêté du 25 janvier 2019 du ministre de la culture, en vigueur trois ans. Compte tenu des obligations ambitieuses de financement imposées, notamment aux plateformes étrangères, par la transposition de la directive SMA, l'adaptation de la chronologie des médias apparaît comme un corolaire naturel. C'est dans ce cadre qu'il est nécessaire d'inciter les signataires de l'accord de 2018, entreprises et organisations professionnelles d'auteurs, de producteurs, de distributeurs et de diffuseurs, à adapter leur convention, notamment pour tenir compte de ce nouveau paysage. L'article 28 a pour objet de permettre au Gouvernement de fixer, par décret, un délai à cette négociation, délai à l'issue duquel il pourra, par décret en Conseil d'Etat, établir de façon temporaire, jusqu'à la conclusion d'un accord, la durée et les modalités des fenêtres d'exploitation qui ne résultent pas de la loi.
Enfin, l'article 29 permet que les décrets qui assujettiront les services étrangers ciblant la France au régime de contribution à la production puissent déterminer le montant de cette contribution en 2021 sur la base du chiffre d'affaires ou des ressources réalisés en 2020 par les services en cause.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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