Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance porte prorogation et modification de l'ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l'épidémie de covid-19.
Elle est prise en application de l'article 10 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire. Le 1° du I de cet article autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger l'application des dispositions prises par voie d'ordonnance sur le fondement notamment du f) du 2° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, c'est-à-dire les dispositions de l'ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020. Le Gouvernement est également autorisé à procéder aux modifications nécessaires à la prolongation de ces dispositions ou à leur adaptation à l'état de la situation sanitaire.
Un décret portant prorogation et modification du décret n° 2020-418 du 10 avril 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l'épidémie de covid-19, et prorogation de l'article 1er du décret n° 2020-629 du 25 mai 2020 relatif au fonctionnement des instances des institutions de prévoyance et au fonds paritaire de garantie prévu à l'article L. 931-35 du code de la sécurité sociale, sera pris et publié prochainement, après l'achèvement des consultations obligatoires prévues par la loi.
Les articles 1er à 6 de la présente ordonnance apportent des adaptations aux dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020.
A titre liminaire, il est rappelé que l'ordonnance du 25 mars 2020 a un vaste champ d'application ratione personae. Celui-ci, défini à l'article 1er de cette ordonnance, couvre l'ensemble des personnes morales et des entités dépourvues de personnalité de droit privé. Au sein de ces groupements, sont couverts l'ensemble des assemblées - telles que, par exemple, les assemblées générales des actionnaires, associés, membres, sociétaires ou délégués, les assemblées spéciales, les assemblées des masses - et l'ensemble des organes collégiaux d'administration, de surveillance ou de direction - tels que, par exemple, les conseils d'administration, conseils de surveillance et directoires. Sauf indication contraire, les adaptations apportées à l'ordonnance du 25 mars 2020 par la présente ordonnance ont le même champ d'application.
L'article 1er de la présente ordonnance adapte l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020. Ce dernier prévoit que, dans les sociétés cotées, aucune nullité de l'assemblée générale n'est encourue lorsqu'une convocation devant être réalisée par voie postale n'a pas pu être réalisée par cette voie en raison de circonstances extérieures à la société. Cette disposition avait été prise au regard du nombre significatif de convocations devant être réalisées par voie postale dans les sociétés cotées. D'autres groupements de droit privé devant également procéder à un nombre significatif de convocations par voie postale et étant à ce titre confrontés aux mêmes difficultés que les sociétés cotées, l'article 1er de la présente ordonnance étend cette mesure à l'ensemble des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé.
L'article 2 de la présente ordonnance adapte le premier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
Il convient de rappeler que l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020 autorise, de façon exceptionnelle et temporaire, la tenue des assemblées « à huis clos », c'est-à-dire sans que leurs membres - et les autres personnes ayant le droit d'y assister, tels que les commissaires aux comptes et les représentants des instances représentatives du personnel - n'y participent, que ce soit physiquement ou par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle.
Alors que les mesures interdisant ou limitant les déplacements ou les rassemblements prises en réponse à la crise sanitaire peuvent faire obstacle à la tenue des assemblées, cette disposition est en effet nécessaire pour permettre à ces organes de statuer sur les décisions relevant de leur compétence, dont certaines sont essentielles au fonctionnement des groupements, et dont l'ajournement pourrait avoir des conséquences significatives sur ces groupements, leurs membres et, dans le cas des sociétés cotées, les marchés financiers.
Cette disposition emporte dérogation exceptionnelle et temporaire au droit des membres des assemblées de participer aux séances ainsi qu'aux autres droits dont l'exercice suppose de participer à la séance (tels que, par exemple, le droit de poser des questions orales ou de modifier les projets de résolutions en séance dans les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions). Elle est sans effet sur les autres droits des membres (tels que, par exemple, le droit de voter, le droit de poser des questions écrites et le droit de proposer l'inscription de points ou de projets à l'ordre du jour dans les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions). En particulier, les membres de l'assemblée peuvent voter selon les autres modalités prévues par les textes qui la régissent et l'ordonnance (telles que, par exemple, l'envoi d'un pouvoir ou le vote à distance).
Toutefois, si l'application de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020 implique en principe que les membres de l'assemblée ne participent pas à la séance, l'organe compétent pour convoquer l'assemblée ou son délégataire peut néanmoins décider que les membres de l'assemblée peuvent participer à la séance par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle. A cette fin, l'article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2020 - qui n'est pas modifié par la présente ordonnance - facilite le recours à cette modalité de participation. Ainsi, à condition de disposer des moyens techniques adéquats - et notamment d'assurer l'identification des membres de l'assemblée -, il est possible de pallier l'impossibilité pour les membres de participer physiquement à la séance en leur permettant d'y participer par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle. Il convient de distinguer la participation des membres à l'assemblée par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle, qui fait l'objet de l'article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2020, de la simple retransmission de l'assemblée en direct, que l'article 3 de la présente ordonnance impose aux sociétés cotées et qui ne permet pas aux membres de l'assemblée d'interagir et de participer. Il convient également d'observer que la possibilité de participer par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle peut être ouverte aux membres de l'assemblée (comme d'ailleurs les autres modalités de vote prévues aux articles 6 et 6-1 de l'ordonnance du 25 mars 2020, présentés ci-après) indépendamment de l'organisation de cette assemblée « à huis clos » en application de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, et n'est soumise à aucune condition tenant à l'existence de mesures restrictives. Enfin, le recours à une conférence téléphonique ou audiovisuelle pour la tenue de l'assemblée constitue une faculté pour les groupements, qu'ils ne peuvent de surcroît mettre en œuvre que s'ils disposent des moyens techniques adéquats.
L'article 2 de la présente ordonnance apporte deux séries d'adaptations à l'alinéa 1er de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
D'une part, il « resserre » la condition pour l'organisation d'une assemblée « à huis clos », en limitant cette possibilité aux cas dans lesquels les mesures restrictives en vigueur à la date de la convocation de l'assemblée ou à la date de sa réunion font effectivement et concrètement obstacle à la présence physique de ses membres à cette dernière. Ainsi, l'article 2 de la présente ordonnance substitue à la condition figurant dans l'ordonnance du 25 mars 2020 initiale, qui faisait l'objet d'une appréciation in abstracto portant uniquement sur l'existence d'une mesure restrictive affectant le lieu où l'assemblée était convoquée, une condition qui devra faire l'objet d'une appréciation in concreto. Cette nouvelle condition permettra de mieux tenir compte de la situation sanitaire, des mesures restrictives prises pour y répondre et de l'impact de ces dernières sur chaque groupement, qui dépend de caractéristiques propres à chacun d'eux (en particulier, le nombre de membres habituellement présents à l'assemblée et la capacité à accueillir ces membres dans le respect des règles sanitaires). En outre, l'article 2 de la présente ordonnance précise que les mesures restrictives susceptibles d'avoir une incidence sur l'organisation de l'assemblée et de conduire à ce qu'elle soit tenue « à huis clos » sont non seulement les mesures qui interdisent ou limitent les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires, mais également celles qui interdisent ou limitent les déplacements pour de semblables motifs. Il est à noter qu'il était déjà possible de considérer, sous l'empire de l'ordonnance du 25 mars 2020 initiale, qu'une mesure interdisant ou limitant les déplacements pour des motifs sanitaires, en ce qu'elle fait obstacle à la présence physique des membres à la séance, constituait une mesure limitant les rassemblements collectifs permettant à ce titre d'organiser l'assemblée « à huis clos ».
D'autre part, il permet que la délégation donnée par l'organe compétent pour convoquer l'assemblée en vue de décider si celle-ci sera tenue « à huis clos » soit donnée à toute personne, et non plus seulement au représentant légal du groupement. La délégation, qui était encadrée par le décret n° 2020-418 du 10 avril 2020, le sera à nouveau par le décret qui sera pris prochainement, et que l'organe compétent pour convoquer l'assemblée demeure responsable de la décision prise par la personne qu'il délègue.
L'article 3 de la présente ordonnance crée un nouvel article 5-1 dans l'ordonnance du 25 mars 2020.
Ce nouvel article renforce les droits des actionnaires des sociétés (autres que les sociétés d'investissement à capital variable dites « SICAV ») cotées dans le cas où l'assemblée générale est organisée « à huis clos », c'est-à-dire sans que les membres de cette dernière et les autres personnes ayant le droit d'y assister n'y participent, que ce soit physiquement ou par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle.
D'une part, il prévoit que l'assemblée générale doit être retransmise en direct, à moins que des raisons techniques rendent impossible ou perturbent gravement cette retransmission. Il prévoit également que la société doit assurer la rediffusion de l'assemblée en différé. D'autre part, ce nouvel article renforce le régime des questions écrites, en prévoyant que l'ensemble des questions écrites posées par les actionnaires et des réponses qui y sont apportées en application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 225-108 du code de commerce doivent être publiées sur le site Internet de la société, dans la rubrique dédiée à cet effet.
L'article 4 de la présente ordonnance refond l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
L'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 initiale a facilité le recours à la consultation écrite des membres des assemblées pour lesquelles ce mode alternatif de prise de décision était déjà prévu par la loi, en le rendant possible sans qu'une clause des statuts ou du contrat d'émission soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s'y opposer. L'article 6 refondu maintient cet assouplissement, et l'assortit d'une extension de ce mode alternatif de prise de décision à l'ensemble des groupements de droit privé pour lesquels il n'est pas déjà prévu par la loi, à l'exception des sociétés cotées. Cette extension vise à faciliter la prise des décisions relevant de la compétence de l'assemblée, dans un contexte sanitaire dégradé et alors que les mesures restrictives prises en réponse à la crise sanitaire peuvent rendre la tenue d'une assemblée en présentiel difficile. La consultation écrite des membres de l'assemblée intervient soit dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires, les statuts ou le contrat d'émission, lorsque ce mode de prise de décision est déjà prévu par ces derniers, soit dans les conditions qui seront prochainement définies par voie de décret en Conseil d'Etat, lorsque le régime légal ou réglementaire de l'assemblée, les statuts ou le contrat d'émission n'encadrent pas déjà ce mode de prise de décision.
L'article 5 de la présente ordonnance refond l'article 6-1 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
En conséquence de la refonte de l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020, les dispositions de l'article 6-1 de cette ordonnance, relatives à la consultation écrite des membres des assemblées générales des sociétés coopératives agricoles et des unions de celles-ci, feraient double emploi avec celles de l'article 6 refondu.
L'article 6-1 de l'ordonnance du 25 mars 2020 est donc refondu, et porte désormais sur le vote par correspondance. Ce nouvel article étend et assouplit le vote par correspondance, soit, pour les groupements pour lesquels ce mode de vote n'est pas déjà prévu par la loi, en l'autorisant exceptionnellement, soit, pour les groupements pour lesquels ce mode de vote est déjà prévu par la loi sous réserve de certaines conditions, en neutralisant exceptionnellement ces conditions (en particulier la condition tenant à l'existence d'une clause à cet effet dans les statuts ou le contrat d'émission) et toute autre clause contraire des statuts ou du contrat d'émission. La décision de permettre le vote par correspondance incombe à l'organe compétent pour convoquer l'assemblée ou, le cas échéant, à son délégataire, à moins que le vote par correspondance soit de droit pour les membres de l'assemblée. Cette mesure concerne l'ensemble des décisions relevant de la compétence des assemblées des groupements, y compris, le cas échéant, celles relatives aux comptes. Cette extension vise à faciliter la prise des décisions relevant de la compétence de l'assemblée, dans un contexte sanitaire dégradé et alors que les mesures restrictives prises en réponse à la crise sanitaire peuvent rendre la présence à l'assemblée difficile. Le vote par correspondance intervient soit dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires, les statuts ou le contrat d'émission, lorsque ce mode de vote est déjà prévu par ces derniers, soit dans les conditions qui seront prochainement définies par voie de décret en Conseil d'Etat, lorsque le régime légal ou réglementaire de l'assemblée, les statuts ou le contrat d'émission n'encadrent pas déjà ce mode de vote.
L'article 6 de la présente ordonnance apporte diverses modifications de cohérence à l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020. Il précise en outre qu'en cas de basculement d'une assemblée générale convoquée en présentiel vers une assemblée générale tenue « à huis clos » dans une société cotée, les actionnaires doivent en être informés, dans les conditions prévues par l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020, trois jours ouvrés au moins avant la date de l'assemblée générale, à l'instar de ce qui était déjà prévu par l'ordonnance du 25 mars 2020 initiale pour les groupements non cotés. Enfin, afin de faciliter le basculement d'une assemblée générale convoquée « à huis clos » vers une assemblée générale tenue en présentiel, il étend les modalités simplifiées d'information des membres de l'assemblée prévues par l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 à cette hypothèse.
Par ailleurs, l'article 7 de la présente ordonnance modifie l'article 11 de l'ordonnance du 25 mars 2020 à l'effet de proroger l'application de cette dernière, qui continuera de s'appliquer aux réunions des assemblées et organes collégiaux d'administration de surveillance et de direction tenues à compter de l'entrée en vigueur de la présente ordonnance et jusqu'au 1er avril 2021. Cette date correspond au terme de la période transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire fixé par l'article 2 de la loi du 14 novembre 2020 susmentionnée. Elle est nécessaire pour permettre aux assemblées et organes d'administration, de surveillance et de direction des groupements de droit privé de continuer d'exercer leurs missions malgré les mesures restrictives prises en réponse à la crise sanitaire et ainsi d'assurer la continuité du fonctionnement de ces groupements. Compte tenu des incertitudes sur la durée de la période pendant laquelle les assemblées et les autres organes d'administration, de surveillance ou de direction continueront d'être affectés par des mesures restrictives prises en réponse à la crise sanitaire, cette prorogation immédiate est assortie de la faculté de procéder à de nouvelles prorogations par voie de décret en Conseil d'Etat jusqu'à une date butoir fixée au 31 juillet 2021.
L'article 8 de la présente ordonnance comprend des dispositions nécessaires à l'application de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée à Wallis-et-Futuna.
Enfin, l'article 9 de la présente ordonnance prévoit son entrée en vigueur immédiate, le jour de sa publication. Cette disposition est justifiée au regard de l'urgence, afin de réduire la durée de la discontinuité entre l'ordonnance du 25 mars 2020 initiale, qui a expiré le 30 novembre 2020, et sa version modifiée par la présente ordonnance.
L'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 ainsi modifiées revêtent un caractère exceptionnel et temporaire. Il convient toutefois de noter que le caractère facultatif des différentes mesures doit inciter les groupements à organiser une sortie progressive du dispositif d'exception résultant de l'ordonnance modifiée, dès lors que son application ne paraîtra plus nécessaire au regard des circonstances propres à chaque groupement.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
1 version