JORF n°0264 du 14 novembre 2019

Section 2 : Dispositions relatives à l'acquisition du droit de marque

L'article 4 modifie le chapitre II du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle.
Le 1° de l'article 4 modifie l'article L. 712-2 qui prévoit les exigences minimales permettant d'obtenir une date de dépôt, notamment le paiement de la redevance comme le permet la Directive, ainsi que les dispositions de l'article 5 du Traité sur le droit des marques et de l'article 5 du Traité de Singapour sur le droit des marques.
Le 2° de l'article 4 réécrit l'article L. 712-3 prévoyant que des observations peuvent être formulées par toute personne, sans justifier d'un intérêt à agir, auprès du directeur général de l'INPI afin que soit prononcé le rejet d'une demande d'enregistrement. Il introduit des modalités particulières s'agissant des observations pouvant être formulées concernant le règlement d'usage des marques collectives ou des marques de garantie, dont la publication peut être postérieure à celle de la marque elle-même s'il n'est pas déposé concomitamment à la demande d'enregistrement de la marque.
Les 3° à 6° de l'article 4 modifient les articles L. 712-4 et L. 712-5 et créent les articles L. 712-4-1 et L. 712-5-1 encadrant la procédure d'opposition devant l'INPI. Cette procédure administrative qui existe depuis 1991 permet au titulaire de certains droits antérieurs limitativement énumérés de s'opposer, avant la délivrance du titre, à l'enregistrement d'une demande de marque leur portant atteinte. Elle peut être formée dans un court délai de deux mois à compter de la publication de la demande d'enregistrement contestée.
Jusqu'à présent réservée aux titulaires de marques antérieures ou aux bénéficiaires d'un droit exclusif d'exploitation, aux collectivités territoriales et aux personnes habilitées à défendre des indications géographiques, une opposition pourra désormais être engagée sur le fondement d'une dénomination sociale, d'un nom commercial, d'une enseigne, d'un nom de domaine ou du nom d'une entité publique. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), bénéficiaires du droit d'alerte en cas de dépôt d'une demande d'enregistrement de marque contenant leur dénomination mis en place à l'INPI par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, pourront former une opposition sur le fondement d'une atteinte à leur nom, leur image ou à leur renommée. Une opposition pourra également être engagée par le titulaire d'une marque protégée dans un Etat membre de l'Union de Paris et dont l'enregistrement a indûment été demandé en France par son agent ou son représentant. Ainsi, parmi les droits antérieurs, tous ceux constituant des signes distinctifs pourront être invoqués dans le cadre d'une procédure d'opposition, comme c'est le cas devant l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ou devant la plupart des offices étrangers.
Par ailleurs, la procédure d'opposition pourra être engagée sur le fondement d'un ou plusieurs droits antérieurs, sous réserve de leur appartenance au même titulaire, réduisant en conséquence le coût global de la procédure qui, jusqu'à présent, nécessitait l'acquittement d'une redevance d'opposition pour chacun des droits antérieurs invoqués.
L'article L. 712-5 introduit une phase d'instruction mettant un œuvre un débat contradictoire entre les parties, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Cette disposition prévoit une dérogation au point de départ du « silence vaut rejet » prévu par l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. En effet, cet article dispose que le délai au terme duquel le silence gardé par l'administration vaut rejet court à compter de la demande. Toutefois, afin de permettre le bon déroulement du débat contradictoire, le point de départ du délai est fixé à la date de fin de la phase d'instruction.
L'article L. 712-5-1 prévoit que l'opposition est rejetée lorsque l'opposant ne peut pas justifier d'un usage sérieux de sa marque antérieure invoquée au soutien de l'opposition ou établir de justes motifs de non-usage. Cette disposition alourdit la charge de la preuve pesant sur l'opposant puisqu'il peut être amené à produire des preuves d'usage pour chacun des produits ou services invoqués à l'appui de sa demande, et non plus pour un seul comme c'est le cas actuellement. Un débat contradictoire peut avoir lieu sur la pertinence des preuves apportées. L'examen des preuves d'usage par l'Institut national de la propriété industrielle est également renforcé.
Le 7° de l'article 4 crée l'article L. 712-6-1 relatif aux actions ouvertes au titulaire d'une marque protégée dans un Etat membre de l'Union de Paris et indûment enregistrée en France par son agent ou son représentant. Dans une telle situation, le titulaire légitime de la marque peut soit s'opposer à l'usage de la marque par son agent ou son représentant, soit demander la cession de la marque à son profit. L'agent ou le représentant du titulaire de la marque peut toutefois se défendre en rapportant la preuve de la légitimité de sa démarche au moment du dépôt. Cette disposition complète l'action en revendication prévue à l'article L. 712-6, permettant de revendiquer la propriété d'une marque déposée en fraude des droits d'un tiers ou en violation d'une obligation légale ou conventionnelle.
Le délai de prescription de cette nouvelle action est identique à celui de l'action en revendication, à savoir cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement, sauf mauvaise foi du déposant.
Les 8° à 10° de l'article 4 sont des articles de coordination juridique et de lisibilité du droit.