L'article 5 modifie le chapitre III du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle.
Le 1° de l'article 5 remplace l'intitulé du chapitre « Droits conférés par l'enregistrement » par l'intitulé « Droits conférés par la marque » afin de tirer les conséquences de ce que le régime de la marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris (i.e. non enregistrée) se trouve précisé par des dispositions dudit chapitre.
Le 2° de l'article 5 modifie l'article L. 713-1 afin de consacrer la non-rétroactivité des droits conférés par la marque. Il dispose, comme le requiert la Directive, que les droits attachés à la marque ne peuvent faire obstacle à l'exercice de droits acquis par des tiers avant la date de dépôt.
Les 3° à 5° de l'article 5 modifient les articles L. 713-2 et L. 713-3 et créent les articles L. 713-3-1 à L. 713-3-4 qui précisent la portée des droits conférés par la marque. Le titulaire de la marque peut ainsi interdire l'usage dans la vie des affaires par un tiers non autorisé, d'une part, d'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits et services identiques à ceux couverts par la marque (double identité) et, d'autre part, d'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés (hors double identité), s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.
La notion d'usage est ici essentielle car, conformément à la Directive, seule l'utilisation effective du signe pour désigner des produits ou services peut constituer un acte de contrefaçon, à l'exclusion donc du simple dépôt à titre de marque. Cette disposition mettra un terme à une jurisprudence fluctuante des juridictions françaises. Dorénavant, le dépôt qui, en lui-même, porterait atteinte à une marque antérieure pourra être sanctionné par une opposition à la demande d'enregistrement ou par la nullité de la marque si elle est enregistrée, et non plus par la contrefaçon.
La Cour de justice de l'Union européenne a rappelé à plusieurs reprises que les dispositions de la Directive relatives l'étendue des droits conférés par la marque procèdent à une harmonisation complète de sorte que les marques enregistrées jouissent de la même protection dans les systèmes juridiques de tous les Etats membres (considérant 10). Cependant, la loi de transposition du 4 janvier 1991 s'était écartée de la lettre de la directive 89/104/CEE en consacrant, notamment, les notions de reproduction et d'imitation d'une marque. La transposition est ici fidèle à la lettre de la Directive et aligne complètement le droit français des marques sur celui de l'Union européenne.
L'article L. 713-3 prohibe les atteintes portées à une marque jouissant d'une renommée, entendues de l'usage d'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, dès lors que l'usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. La renommée permet en effet d'étendre au-delà de la spécialité la protection conférée par le dépôt de la marque. L'atteinte à une marque jouissant d'une renommée est ainsi sanctionnée au titre de la contrefaçon et non plus sur le terrain de la responsabilité civile comme cela était le cas jusqu'à présent en droit français.
L'article L. 713-3-1énumère de manière non exhaustive les usages qui peuvent être interdits par le titulaire de la marque.
L'article L. 713-3-2 rompt avec la jurisprudence Nokia et Philips (CJUE, 1er décembre 2011, C-446/09 et C-495/09) en rétablissant la possibilité pour les autorités douanières de réaliser des retenues pour des marchandises en transit soupçonnées de contrefaçon sans qu'il soit nécessaire que le titulaire de la marque prouve qu'elles sont destinées à un Etat où leur commercialisation est interdite.
L'article L. 713-3-3 permet de sanctionner les actes préparatoires à la contrefaçon, notamment l'apposition d'un signe identique ou similaire à la marque sur des conditionnements, des étiquettes ou plus généralement sur tout autre support sur lequel la marque peut être apposée.
L'article L. 713-3-4 introduit la possibilité pour le titulaire de la marque d'agir à l'encontre d'un usage générique de son signe dans un dictionnaire ou une encyclopédie, afin de lutter contre la dégénérescence de ses droits. Il peut demander à l'éditeur d'indiquer que le signe reproduit est une marque enregistrée.
Le 6° de l'article 5 apporte des modifications terminologiques à l'article L. 713-4.
Le 7° de l'article 5 réécrit l'article L. 713-5 afin de préciser le régime de la marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la propriété intellectuelle (ci-après, « la marque notoire »), c'est-à-dire la marque non enregistrée bénéficiant d'une protection du fait de sa notoriété.
A la suite de la modification, par la présente ordonnance, du régime de la marque jouissant d'une renommée sur lequel était aligné celui de la marque notoire, un régime ad hoc doit être créé conformément aux engagements internationaux de la France en matière de propriété industrielle, notamment eu égard aux dispositions de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et de l'article 16 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Alors que la doctrine française est partagée sur le point de savoir si la marque notoire doit jouir, dans le champ des produits ou des services pour lesquels elle est notoirement connue, de la même protection que celle conférée aux marques enregistrées (et donc bénéficier du régime de la contrefaçon), le Gouvernement estime que le système français des marques fait de l'enregistrement le seul vecteur de droits sur la marque et que la notoriété ne saurait y suppléer. Par conséquent, l'atteinte portée à une marque notoire sera désormais sanctionnée sur le seul terrain de la responsabilité civile.
Le 8° de l'article 5 modifie substantiellement la rédaction de l'article L. 713-6. Il prévoit des limites aux droits conférés par la marque, afin d'organiser une coexistence entre les droits du titulaire de la marque et l'usage loyal de signes par des tiers, comme l'usage par une personne physique de son nom de famille ou de son adresse, l'usage d'éléments non distinctifs ou descriptifs.
Cet article précise également que l'usage local d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom de domaine, s'il a commencé avant l'enregistrement de la marque, doit pouvoir perdurer dans les limites du territoire où ils sont reconnus.
En outre, le titulaire ne peut pas s'opposer à l'usage de la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée. La condition antérieurement prévue relative à l'absence de risque de confusion sur l'origine des produits ou services marqués, non prévue par la Directive, est supprimée. L'usage d'une marque susceptible de créer une confusion sur l'origine des produits ou services pourra néanmoins être considéré comme non conforme aux usages loyaux du commerce.
Enfin, la disposition selon laquelle le titulaire de la marque peut demander une limitation ou une interdiction de ces usages en cas d'atteinte à ses droits n'étant pas prévue par la Directive, elle est supprimée.
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